« Le Livre de la jungle (trad. Fabulet et Humières, ill. Becque)/La Chasse de Kaa » : différence entre les versions

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— Il n’a pas oublié sa langue, dit Baloo avec un petit rire d’orgueil. Si jeune et se souvenir du Maître Mot, même
 
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de celui des oiseaux, tandis qu’on est traîné par les sommets des arbres !
 
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— Avec ou sans pieds, je me tiendrai de pair avec toi sur tes quatre pattes, repartit Kaa sèchement.
 
Baloo fit effort pour se hâter, mais il dut s’asseoir en soufflant. Ils le laissèrent donc. Il suivrait plus tard, et Bagheera pressa vers le but son rapide galop de panthère. Kaa ne disait rien, mais quelque effort que fit Bagheera, l’énorme Python de Rocher se tenait à son niveau. Au passage
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d’un torrent de montagne, Bagheera prit de l’avance, ayant franchi d’un bond, et laissant Kaa traverser à la nage, la tête et deux pieds de cou hors de l’eau, mais, sur terrain égal, Kaa rattrapa la distance.
 
— Par la Serrure Brisée qui me délivra, dit Bagheera, quand tomba le crépuscule, tu n’es pas un petit marcheur !
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Aux Grottes Froides, le Peuple Singe ne songeait pas du tout aux amis de Mowgli. Ils avaient apporté l’enfant à la Ville Perdue et se trouvaient pour le moment très satisfaits d’eux-mêmes. Mowgli n’avait jamais vu de ville hindoue auparavant, et, bien que celle-ci ne fût guère qu’un amoncellement de ruines, le spectacle lui parut aussi splendide qu’étonnant. Quelque roi l’avait bâtie, au temps jadis, sur une petite colline. On pouvait encore discerner les chaussées de pierre qui conduisaient aux portes en ruine, où de derniers éclats de bois pendaient aux gonds rongés de rouille. Des arbres avaient poussé entre les pierres des murs, les créneaux étaient tombés et s’effritaient par terre, des lianes sauvages, aux fenêtres des tours, se balançaient en grosses touffes.
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Un grand palais sans toit couronnait la colline, le marbre des cours d’honneur et des fontaines se fendait, tout taché de rouge et de vert, et les galets mêmes des cours où habitaient naguère les éléphants royaux avaient été soulevés et disjoints par les herbes et les jeunes arbres. Du palais, on pouvait voir les innombrables rangées de maisons sans toits qui composaient la ville, semblables à des rayons de miel vides emplis de ténèbres ; le bloc de pierre informe qui avait été une idole, sur la place où se rencontraient quatre routes ; les puits et les rigoles aux coins des rues où se creusaient jadis les réservoirs publics, et les dômes brisés des temples avec les figuiers sauvages qui sortaient de leurs flancs.
 
Les singes appelaient ce lieu leur ville, et affectaient de mépriser le Peuple de la Jungle parce qu’il vit dans la forêt. Et cependant, ils ne savaient jamais à quel usage avaient été destinés les édifices ni comment y habiter. Ils s’asseyaient en cercles dans le vestibule menant à la chambre du conseil royal, grattaient leurs puces et faisaient semblant d’être des hommes ; ou bien ils couraient au travers des maisons sans toits, ramassaient dans un coin des plâtras et de vieilles briques, puis oubliaient les cachettes ; ou bien ils se battaient, ils criaient, se chamaillaient en foule, puis, cessant tout à coup, se mettaient à jouer, du haut en bas des terrasses, dans les jardins du Roi, dont ils secouaient les rosiers et les orangers pour le plaisir d’en voir tomber les fruits et les fleurs. Ils exploraient tous les passages, tous les souterrains du palais et les centaines de petites chambres obscures, mais ils ne se rappelaient jamais ce
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qu’ils avaient vu ; et ils erraient ainsi au hasard, un à un, deux à deux, ou par groupes, en se félicitant l’un l’autre d’agir tellement comme des hommes. Ils buvaient aux réservoirs dont ils troublaient l’eau, et se mordaient pour en approcher, puis s’élançaient tous ensemble en masses compactes et criaient :
 
— Il n’y a personne dans la Jungle d’aussi sage, d’aussi bon, d’aussi intelligent, d’aussi fort et d’aussi doux que les Bandar-log.
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Mowgli, élevé à observer la Loi de la Jungle, n’aimait ni ne comprenait ce genre de vie. Il se faisait tard dans l’après-midi quand les singes, le portant, arrivèrent aux Grottes Froides. Et, au lieu d’aller dormir, comme Mowgli l’aurait fait après un long voyage, ils se prirent par la main et se mirent à danser en chantant leurs plus folles chansons. Un des singes fit un discours et dit à ses compagnons que la capture de Mowgli marquerait une nouvelle étape dans l’histoire des Bandar-log, car il allait leur montrer comment on entrelaçait des branches et des roseaux pour s’abriter contre la pluie et le vent. Mowgli cueillit des lianes et entreprit de les tresser ; les singes essayèrent de l’imiter, mais, au bout de quelques minutes, ils ne s’intéressaient plus à leur besogne et se mirent à tirer les queues de leurs camarades, ou à sauter des quatre pattes en toussant.
 
— Je voudrais manger, dit Mowgli. Je suis un étranger dans
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cette partie de la Jungle. Apportez-moi de la nourriture, ou permettez-moi de chasser ici.
 
Vingt ou trente singes bondirent au-dehors pour lui rapporter des noix et des pawpaws sauvages ; mais ils commencèrent à se battre en route, et cela leur eût donné trop de peine de revenir avec ce qui restait de fruits. Mowgli, non moins endolori et furieux qu’affamé, vaguait dans la cité vide, lançant de temps à autre le cri de chasse des étrangers ; mais personne ne lui répondait, et il pensait qu’en vérité c’était un mauvais gîte qu’il avait trouvé là.
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— Tout ce qu’a dit Baloo au sujet des Bandar-log est vrai, songeait-il en lui-même. Ils sont sans loi, sans cri de chasse, et sans chefs… rien qu’en mots absurdes et en petites mains prestes et pillardes. De sorte que si je meurs de faim ou suis tué en cet endroit, ce sera par ma faute. Mais il faut que j’essaie de retourner dans ma Jungle. Baloo me battra sûrement, mais cela vaudra mieux que de faire la chasse à des billevesées en compagnie des Bandar-log.
 
À peine se dirigeait-il vers le mur de la ville que les singes le tirèrent en arrière, en lui disant qu’il ne connaissait pas son bonheur et en le pinçant pour lui donner de la reconnaissance. Il serra les dents et ne dit rien, mais marcha, parmi le tumulte des singes braillants, jusqu’à une terrasse qui dominait les réservoirs de grès rouge à demi remplis d’eau de pluie. Au centre de la terrasse se dressaient les ruines d’un pavillon, tout de marbre blanc, bâti pour des reines mortes depuis cent ans. Le toit, en forme de dôme, s’était écroulé à demi et bouchait le passage souterrain par lequel les reines avaient coutume de venir au
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palais. Mais les murs étaient faits d’écrans de marbre découpé, merveilleux ouvrage d’entrelacs blancs comme le lait, incrustés d’agates, de cornalines, de jaspe et de lapis-lazuli ; et, lorsque la lune se montra par-dessus la montagne, elle brilla au travers du lacis ajouré, projetant sur le sol des ombres semblables à une dentelle de velours noir.
 
Tout meurtri, las et à jeun qu’il fût, Mowgli ne put, malgré tout, s’empêcher de rire quand les Bandar-log se mirent, par vingt à la fois, à lui remontrer combien ils étaient grands, sages, forts et doux, et quelle folie c’était à lui de vouloir les quitter.
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Mowgli hochait la tête, battait des paupières et disait : Oui quand ils lui posaient une question ; mais tant de bruit lui donnait le vertige.
 
— Tabaqui, le Chacal,
— Tabaqui, le Chacal, doit avoir mordu tous ces gens, songeait-il, et maintenant ils ont la rage. Certainement, c’est la ''dewanee'', la folie. Ne dorment-ils donc jamais ?… Tiens, voici un nuage sur cette lune de malheur. Si c’était seulement un nuage assez gros pour que je puisse tenter de fuir dans l’obscurité. Mais… je suis si las.
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— Tabaqui, le Chacal, doit avoir mordu tous ces gens, songeait-il, et maintenant ils ont la rage. Certainement, c’est la ''dewanee'', la folie. Ne dorment-ils donc jamais ?… Tiens, voici un nuage sur cette lune de malheur. Si c’était seulement un nuage assez gros pour que je puisse tenter de fuir dans l’obscurité. Mais… je suis si las.
 
Deux fidèles guettaient le même nuage du fond du fossé en ruine, au bas du mur de la ville ; car Bagheera et Kaa, sachant bien le danger que présentait le Peuple Singe en masse, ne voulaient pas courir de risques inutiles. Les singes ne luttent jamais à moins d’être cent contre un, et peu d’habitants de la jungle tiennent à jouer semblable partie.
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— Bonne chasse, dit Kaa d’un air sombre.
 
Et il glissa vers le mur de l’ouest. C’était le moins en ruine, et le gros serpent perdit quelque temps à trouver un chemin pour atteindre le haut des pierres. Le nuage cachait la lune, et comme Mowgli se demandait ce qui allait survenir, il entendit le pas léger de Bagheera sur la terrasse. La Panthère Noire avait gravi le talus presque sans bruit, et, sachant qu’il ne fallait pas perdre son temps à mordre, frappait
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de droite et de gauche parmi les singes assis autour de Mowgli en cercle de cinquante et soixante rangs d’épaisseur. Il y eut un hurlement d’effroi et de rage, et, comme Bagheera trébuchait
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sur les corps qui roulaient en se débattant sous son poids, un singe cria :
 
— Il n’y en a qu’un ici ! Tuez-le ! Tue !
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— Bien, ''sssoit''… ! À bas les capuchons, vous tous ! dirent une demi-douzaine de voix sourdes (toute ruine dans l’Inde devient tôt ou tard un repaire de serpents, et le vieux pavillon grouillait de cobras). Reste tranquille, Petit Frère, car tes pieds pourraient nous faire mal.
 
Mowgli se tint immobile autant qu’il lui fut possible, épiant, à travers le réseau de marbre, et prêtant l’oreille au furieux tapage où luttait la Panthère Noire : hurlements, glapissements, bousculades, que dominait le râle rauque et profond de Bagheera, rompant, fonçant, plongeant et virant sous
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les tas compacts de ses ennemis. Pour la première fois depuis sa naissance, Bagheera luttait pour défendre sa vie.
 
— Baloo doit suivre de près ; Bagheera ne serait pas là sans renfort, pensait Mowgli.
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— Bagheera, cria-t-il, me voici. Je grimpe ! Je me hâte ! ''Ahuwora !'' Les pierres glissent sous mes pieds ! Attendez, j’arrive, ô très infâmes Bandar-log !
 
Il n’apparut, haletant, au haut de la terrasse, que pour disparaître jusqu’à la tête sous une vague de singes ; mais il se cala carrément sur ses hanches, et, ouvrant ses pattes de devant, il en étreignit autant qu’il en pouvait tenir, et se mit à cogner d’un mouvement régulier : bat… bat… bat, qu’on eût pris pour le rythme cadencé d’une roue à aubes. Un bruit de chute et d’eau rejaillissante avertit Mowgli que Bagheera s’était taillé un chemin jusqu’au réservoir où les singes ne pouvaient suivre. La Panthère resta là, suffoquant, la tête juste hors de l’eau, tandis que les singes, échelonnés sur
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les marches rouges, par trois rangs de profondeur, dansaient de rage de haut en bas, prêts à l’attaquer de tous côtés à la fois, si elle faisait mine de sortir pour venir au secours de Baloo. Ce fut alors que Bagheera souleva son menton tout dégouttant d’eau, et, de désespoir, lança l’appel des serpents pour demander secours :
 
— Nous sommes du même sang, vous et moi.
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Kaa venait à peine de se frayer une route par-dessus le mur de l’ouest, prenant terre d’un effort qui délogea une des pierres du faîte pour l’envoyer rouler dans le fossé. Il n’avait pas l’intention de perdre aucun des avantages du terrain ; aussi se roula-t-il et déroula-t-il une ou deux fois, pour être sûr que chaque pied de son long corps était en condition. Pendant ce temps, la lutte avec Baloo continuait, les singes glapissaient dans le réservoir autour de Bagheera, et Mang, la Chauve-Souris, volant de-ci, de-là, portait à travers la Jungle la nouvelle de la grande bataille, si bien que Hathi lui-même, l’Éléphant sauvage, se mit à trompeter, et que, de très loin, des bandes de singes éparses, réveillées par le bruit, accoururent, en bondissant à travers les routes des arbres, à l’aide de leurs amis des Grottes Froides, tandis que le fracas de la lutte effarouchait tous les oiseaux diurnes à des milles à l’entour.
 
Alors vint Kaa, tout droit, très vite, avec la hâte de tuer. La puissance de combat d’un python réside dans le choc
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de sa tête appuyée de toute la force et de tout le poids de son corps. Si vous pouvez imaginer une lance, ou un bélier, ou un marteau lourd d’à peu près une demi-tonne, conduit et habité par une volonté froide et calme, vous pouvez grossièrement vous figurer à quoi ressemblait Kaa dans le combat. Un python de quatre ou cinq pieds peut renverser un homme s’il le frappe en pleine poitrine ; or, Kaa, vous le savez, avait trente pieds de long. Son premier coup fut donné au cœur même de la masse des singes qui s’acharnaient sur Baloo, dirigé au but bouche close et sans bruit. Il n’y en eut pas besoin d’un second. Les singes se dispersèrent aux cris de :
 
— Kaa ! C’est Kaa ! Fuyez ! Fuyez !…
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Depuis des générations, les singes avaient été tenus en respect par l’épouvante où les plongeaient les histoires de leurs aînés à propos de Kaa, le voleur nocturne, qui glisse le long des branches aussi doucement que s’étend la mousse, et enlève aisément le singe le plus vigoureux ; du vieux Kaa, qui peut se rendre tellement pareil à une branche morte ou à une souche pourrie, que les plus avisés s’y laissent prendre, jusqu’à ce que la branche les happe. Kaa était tout ce que craignaient les singes dans la Jungle, car aucun d’eux ne savait où s’arrêtait son pouvoir, aucun d’eux ne pouvait le regarder en face, et aucun d’eux n’était jamais sorti vivant de son étreinte.
 
Aussi fuyaient-ils, en bégayant de terreur, sur les murs et les toits des maisons, tandis que Baloo poussait un profond soupir de soulagement. Malgré sa fourrure beaucoup plus épaisse que celle de Bagheera, il avait cruellement souffert
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de la lutte. Alors, Kaa ouvrit la bouche pour la première fois : un ordre prolongé siffla et les singes qui, au loin, se pressaient de venir à la défense des Grottes Froides s’arrêtèrent où ils étaient, cloués par l’épouvante, tandis
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que pliaient et craquaient sous leur poids les branches qu’ils chargeaient. Ceux qui couvraient les murs et les maisons vides turent subitement leurs cris, et, dans le silence qui tomba sur la cité, Mowgli entendit Bagheera secouer ses flancs humides en sortant du réservoir. Puis, la clameur recommença. Les singes bondirent plus haut sur les murs ; ils se cramponnèrent aux cous des grandes idoles de pierre et poussèrent des cris perçants en sautillant le long des créneaux, tandis que Mowgli, qui dansait de joie dans le pavillon, collait son œil aux jours du marbre et huait à la façon des hiboux, entre ses dents de devant, pour se moquer et montrer son mépris.
 
— Remonte le Petit d’Homme par la trappe ; je ne peux pas faire davantage, haleta Bagheera. Prenons le Petit d’Homme et fuyons. Ils pourraient nous attaquer de nouveau.
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— Je ne suis pas sûr qu’ils ne m’aient pas taillé en cent petits oursons, dit Baloo en secouant gravement ses pattes l’une après l’autre. ''Wow !'' Je suis moulu. Kaa, nous te devons, je pense, la vie… Bagheera et moi.
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— Peu importe. Où est le Petit d’Homme ?
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— Ce n’est rien, ce n’est rien, si tu es sauf, ô mon orgueil entre toutes les petites grenouilles ! pleura Baloo.
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— Nous jugerons de cela plus tard, dit Bagheera d’un ton sec, qui ne plut pas du tout à Mowgli. Mais voici Kaa, auquel nous devons l’issue de la bataille, et toi, la vie. Remercie-le suivant nos coutumes, Mowgli.
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Le Python laissa tomber légèrement sa tête, pour une minute, sur l’épaule de Mowgli.
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— Cœur brave et langue courtoise, dit-il, te conduiront loin dans la Jungle, petit… Mais maintenant, va-t’en vite avec tes amis. Va-t’en dormir, car la lune se couche, et il vaut mieux que tu ne voies pas ce qui va suivre.
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Il se lova deux ou trois fois en un grand cercle, agitant sa tête de droite et de gauche d’un mouvement de navette. Puis il se mit à faire des boucles et des huit avec son corps, des triangles visqueux qui se fondaient en carrés mous, en pentagones, en tertres mouvants, tout cela sans se hâter, sans jamais interrompre le sourd bourdonnement de sa chanson. La nuit se faisait de plus en plus noire ; bientôt, on ne distingua plus la lente et changeante oscillation du corps, mais on continuait d’entendre le bruissement des écailles.
 
Baloo et Bagheera se tenaient immobiles comme des pierres,
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des grondements au fond de la gorge, le cou hérissé, et Mowgli regardait, tout surpris.
 
— Bandar-log, dit enfin la voix de Kaa, pouvez-vous bouger mains ou pieds sans mon ordre ? Parlez !
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— Mais qu’est-ce que tout cela signifiait ? demanda Mowgli, qui ne savait rien de la puissance de fascination du Python. Je n’ai rien vu de plus qu’un gros serpent en train de faire des ronds ridicules, jusqu’à ce qu’il fit noir. Et son nez était tout abîmé. Oh ! oh !
 
— Mowgli, dit Bagheera avec irritation, son nez était abîmé à cause de toi, comme c’est à cause de toi que sont déchirés mes oreilles, mes flancs et mes pattes, ainsi que le mufle
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et les épaules de Baloo. Ni Baloo ni Bagheera ne seront en humeur de chasser avec plaisir pendant de longs jours.
 
— Ce n’est rien, dit Baloo, nous sommes rentrés en possession du Petit d’Homme.
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— Rien. J’ai eu tort. Baloo et toi, vous êtes blessés. C’est juste.
 
Bagheera lui donna une demi-douzaine de tapes, amicales pour une panthère (elles auraient à peine réveillé un de ses propres petits), mais qui furent pour un enfant de sept ans une correction aussi sévère qu’on en pourrait souhaiter d’éviterd’
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éviter. Quand ce fut fini, Mowgli éternua et tâcha de se reprendre, sans un mot.
 
— Maintenant, dit Bagheera, saute sur mon dos, Petit Frère, et retournons à la maison.