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Cette légende était un renversement si audacieux et
Cette légende était un renversement si audacieux et un paradoxe si osé que le monde antique, devenu trop fragile, ne put y résister, tant la chose parut folle et contradictoire ; – car, soit dit entre nous, il y avait là une contradiction : si notre raison ne peut pas deviner la raison et les fins de Dieu, comment fit-elle pour deviner la conformation de sa raison, la raison de la raison, et la conformation de la raison de Dieu ? – Dans les temps les plus récents, on s’est en effet demandé, avec méfiance, si la tuile qui tombe du toit a été jetée par l’« amour divin » – et les hommes commencent à revenir sur les traces anciennes du romantisme des géants et des nains. Apprenons donc, parce qu’il en est grand temps, que dans notre royaume particulier des causes finales et de la raison ce sont aussi les géants qui gouvernent ! Et nos propres toiles sont tout aussi souvent déchirées par nous-mêmes et, tout aussi grossièrement, que par la fameuse tuile. Et n’est pas finalité tout ce que l’on appelle ainsi, et moins encore volonté tout ce qui est ainsi nommé. Et, si vous vouliez conclure : « Il n’y a donc qu’un seul royaume, celui de la bêtise et du hasard ? » – il faudrait ajouter : oui, peut-être n’y a-t-il qu’un seul royaume, peut-être n’y a-t-il ni volonté, ni causes finales, et peut-être est-ce nous qui nous les sommes imaginées. Ces mains de fer de la nécessité qui secouent le cornet du hasard continuent leur jeu indéfiniment : il arrivera donc ''forcément'' que certains
un paradoxe si osé que le monde antique, devenu
trop fragile, ne put y résister, tant la chose parut
folle et contradictoire ; — car, soit dit entre nous, il
y avait là une contradiction : si notre raison ne
peut pas deviner la raison et les fins de Dieu,
comment fit-elle pour deviner la conformation de sa
raison, la raison de la raison, et la conformation de la
raison de Dieu ? — Dans les temps les plus récents,
on s’est en effet demandé, avec méfiance, si la tuile
qui tombe du toit a été jetée par l’« amour divin »
— et les hommes commencent à revenir sur les
traces anciennes du romantisme des géants et des
nains. ''Apprenons'' donc, parce qu’il en est grand
temps, que dans notre royaume particulier des
causes finales et de la raison ce sont aussi les géants
qui gouvernent ! Et nos propres toiles sont tout aussi
souvent déchirées ''par nous-mêmes'' et, tout aussi
grossièrement, que par la fameuse tuile. Et n’est
pas finalité tout ce que l’on appelle ainsi, et moins
encore volonté tout ce qui est ainsi nommé. Et, si
vous vouliez conclure : « Il n’y a donc qu’un seul
royaume, celui de la bêtise et du hasard ? » — il
faudrait ajouter : oui, peut-être n’y a-t-il qu’un seul
royaume, peut-être n’y a-t-il ni volonté, ni causes
finales, et peut-être est-ce nous qui nous les sommes
imaginées. Ces mains de fer de la nécessité qui
secouent le cornet du hasard continuent leur jeu
indéfiniment : il arrivera donc ''forcément'' que certains
coups ressemblent parfaitement à la finalité et à la
coups ressemblent parfaitement à la finalité et à la
sagesse. Peut-être nos actes de volonté, nos causes
sagesse. Peut-être nos actes de volonté, nos causes