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damné, perdu à jamais ! Il y a six jours vous auriez pu m’aider. Mais c’est fini maintenant. J’appartiens au diable, avec lui je veux aller en enfer. Brisez-vous, pauvres coeurs de pierre! Vous ne voulez pas vous briser ? Que peut-on faire de plus pour des coeurs de pierre ? Je suis damné, afin que vous soyez sauvés ! Le voici ! Oui, le voici ! Viens, bon démon! Viens ! » -
damné, perdu à jamais ! Il y a six jours vous auriez pu m’aider. Mais c’est fini maintenant. J’appartiens au diable, avec lui je veux aller en enfer. Brisez-vous, pauvres coeurs de pierre! Vous ne voulez pas vous briser ? Que peut-on faire de plus pour des coeurs de pierre ? Je suis damné, afin que vous soyez sauvés ! Le voici ! Oui, le voici ! Viens, bon démon! Viens ! »
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{{sc|La justice vengeresse}}. — Le malheur et la faute
{{sc|La justice vengeresse}}. — Le malheur et la faute — ces deux choses ont été mises par le christianisme sur une même balance : en sorte que, lorsque le malheur qui succède à une faute est grand, l’on mesure, maintenant encore, involontairement, la grandeur de la faute ancienne d’après ce malheur. Mais ce n’est pas là une évaluation antique et c’est pourquoi la tragédie grecque, où il est si abondamment question de malheur et de faute, bien que dans un autre sens, fait partie des grandes libératrices de l’esprit, en une mesure que les Anciens mêmes ne pouvaient comprendre. Ceux-ci étaient demeurés assez insouciants pour ne pas fixer de « relation adéquate » entre la faute et le malheur. La faute de leurs héros tragiques est, à vrai dire, le caillou qui les fait trébucher, par quoi il leur arrive bien de se casser un bras ou de perdre un oeil ; et le sentiment antique ne manquait pas de dire : « Certes, il aurait dû suivre son chemin avec un peu plus de précaution et moins d’orgueil ! » Mais c’est au christianisme qu’il fut réservé de dire :
— ces deux choses ont été mises par le
christianisme sur une même balance : en sorte que, lorsque
le malheur qui succède à une faute est grand, l’on
mesure, maintenant encore, involontairement, la
grandeur de la faute ancienne d’après ce malheur.
Mais ce n’est pas là une évaluation ''antique'' et c’est
pourquoi la tragédie grecque, où il est si
abondamment question de malheur et de faute, bien que
dans un autre sens, fait partie des grandes
libératrices de l’esprit, en une mesure que les anciens
mêmes ne pouvaient comprendre. Ceux-ci étaient
demeurés assez insouciants pour ne pas fixer de
« relation adéquate » entre la faute et le malheur.
La faute de leurs héros tragiques est, à vrai dire,
le caillou qui les fait trébucher, par quoi il leur
arrive bien de se casser un bras ou de perdre un
œil ; et le sentiment antique ne manquait pas de
dire : « Certes, il aurait dû suivre son chemin avec
un peu plus de précaution et moins d’orgueil ! »
Mais c’est au christianisme qu’il fut réservé de dire :