« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Construction -- Voûtes » : différence entre les versions

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les assises des sommiers, derrière les claveaux libres, pour recevoir les
 
[Illustration: Fig. 49^bis.]
 
remplissages en moellon des voûtes. Il y a donc alors: le premier sommier
portant la coupe d'un arc; le second sommier portant les coupes de deux
arcs; le troisième sommier, à lit supérieur horizontal, sans coupes; le
quatrième sommier portant les coupes de cinq arcs.
 
[Illustration: Fig. 49^ter.]
 
Ces méthodes donnent une grande liberté aux constructeurs, et il n'y
a pas de surface, quelque irrégulière qu'elle soit, qui ne
se puisse couvrir
sans difficulté. Bien plus, le système des voûtes en arcs d'ogive permet
de voûter des salles dont les jours, par exemple, sont pris à des hauteurs
très-différentes, et de faire des voûtes très-rampantes. Exemple: supposons
une salle (49 ter) dont le périmètre soit le quadrilatère ABCD. Il
s'agit de prendre sur la face AB un jour à 10<sup>m</sup>,00 de hauteur, de ne pas
élever les clefs des formerets sur les faces BC et AD à plus de 6<sup>m</sup>,00, et la
clef du formeret sur la face CD à plus de 4<sup>m</sup>,00; le côté CD ayant 8<sup>m</sup>,00
de long, sur cette face CD nous tracerons un
formeret plein cintre dont la naissance sera
posée sur le sol même; sur les autres faces,
nous tracerons nos formerets à notre guise,
soit en tiers-point, soit plein cintre. Divisant
les quatre lignes AB, BC, AD, DC, chacune
en deux parties égales, nous réunissons les
points milieux GH, IK, par deux lignes, dont
la rencontre en F nous donne la projection
horizontale de la clef des arcs ogives. Élevant
la verticale FE, nous prenons sur cette ligne
la hauteur à laquelle doit arriver la clef L,
puis nous traçons les portions de cercle
AL, BL, CL, DL, qui sont les arcs ogives dont
la projection horizontale est en AF, BF, CF, DF.
Sur l'ossature des formerets et arcs ogives, il
n'y a plus qu'à faire les remplissages de voûtes,
dont les rencontres ou clefs sont figurées par les
lignes ponctuées MN, OP, QR, ST, en tenant
compte de l'épaisseur des claveaux des arcs
formerets et arcs ogives, et la clef centrale
étant supposée placée. Mais nous nous occuperons
tout à l'heure de ces remplissages et de
la manière de les maçonner. Quelle que soit la
figure en plan de la surface à couvrir, le problème
à résoudre est toujours celui-ci: 1º faire
en sorte que cette surface soit divisée par les
ares diagonaux, de manière à présenter une
suite de triangles, car, avec ce système de
voûtes, on ne peut couvrir que des triangles;
2º disposer les arcs diagonaux ou ogives de
telle façon que ces arcs se contre-buttent réciproquement
à leur sommet, et que l'un d'eux ou
plusieurs d'entre eux réunis ne puissent presser
sur les autres de manière à les déformer.
 
[Illustration: Fig. 50.]
 
Ainsi, pour couvrir une salle polygonale, à
cinq, six, sept, huit, dix ou douze pans, ou
plus encore, il suffit naturellement de réunir
les angles rentrants du polygone par des lignes
se rencontrant au centre, ainsi que l'indique
la fig. 50. Ces lignes sont les projections horizontales des arcs
ogives, et les côtés des polygones sont les projections horizontales des
formerets, lesquels peuvent avoir leurs clefs au-dessus ou
au-dessous du
niveau de la clef centrale, suivant que l'indique le besoin. S'il faut couvrir
une portion du polygone à l'extrémité d'un parallélogramme, ainsi que
cela se rencontre dans les sanctuaires des églises, par exemple (51),
nous
nous arrangerons pour avoir, avant la partie brisée BC, une travée AB,
égale à l'un des côtés du polygone BC, afin que la clef D soit également
distante des points BCE, etc., et que les triangles BCD, CED, aient leurs
côtés BD, CD, ED égaux entre eux. Dans ce cas, les arcs AD
contrebuttent
les arcs BD, CD, ED, etc., et nous n'avons toujours que des
triangles à remplir. Il y a cependant des exceptions à cette règle, et l'on
voit des arcs rayonnants d'absides butter leurs têtes au sommet d'un arc
doubleau (51 bis), lorsque, par exemple, le rond-point est une moitié de
polygone à dix côtés; mais cette méthode est vicieuse, en ce que les arcs,
poussant tous à la clef D' non contre-buttée, peuvent faire gauchir l'arc
doubleau GH. Dans ce cas, les constructeurs expérimentés ont bandé deux
branches d'arc ogive ID', RD', destinées à contre-butter puissamment la
clef D'. Mais si ces voûtes peuvent se construire au moyen d'arcs dont les
clefs sont à des niveaux différents, elles peuvent aussi se fermer sur des
arcs de diamètres très-différents et dont les clefs sont toutes au même
niveau. Il est quelquefois nécessaire de niveler les clefs, si, par exemple,
il s'agit de voûtes portant une aire au-dessus d'elles. Ce fait se présente
frequemment dans les porches surmontés de tribunes ou de salles au
premier étage.
 
[Illustration: Fig. 51.]
 
[Illustration: Fig. 51^bis.]
 
Le porche de l'église de Notre~Dame de Dijon est un des meilleurs
 
[Illustration: Fig. 52.]
 
exemples que nous puissions choisir. Son plan (52) continue le plan des
trois nefs de l'église elle-même; mais la voûte centrale, au lieu d'être surélevée
comme dans l'église, porte ses clefs au niveau des voûtes des
collatéraux, car il s'agit, au premier étage, de recevoir un pavage à niveau
sur toute la surface de ce porche. Voulant donner de l'assiette à la façade,
le constructeur a doublé les piles sur ce point et a bandé des arcs doubleaux
parallèles, séparés par un berceau de A en B, de E en G, de B' en C,
de
G' en H, de A' en D et de E' en F. Puis, la partie centrale du porche est
fermée par une voûte en arcs d'ogive GK, EI, croisée d'un arc doubleau
LM. Les collatéraux sont voûtés en arcs d'ogive sur plan carré. Nous
avons, sur notre plan, figuré les rabattements de tous ces arcs, dont les
clefs sont posées sur ce même plan horizontal. Les diamètres de ces arcs
étant de longueurs très-différentes, il n'a pas été possible de faire naître
ces arcs sur des chapiteaux posés au même niveau. Ainsi, les chapiteaux
des arcs ogives GK, EI, et des arcs doubleaux EG, LM, IK, sont posés plus
bas que ceux des arcs GM, MI, EL, LK, et des arcs ogives des collatéraux.
Si donc nous donnons une perspective de la pile M (53), nous voyons que
l'arc doubleau A naît beaucoup *[?au-dessous] des autres arcs, et que son
chapiteau B se conforme, par la place qu'il occupe, à cette différence de
niveaux. Les tambours de la pile portent les deux sommiers CD de l'arc
doubleau ML (du plan), qui se dégage au-dessous des chapiteaux des
autres arcs. Quant à ces autres arcs, ils viennent reposer leurs sommiers
sur un groupe de chapiteaux soulagé par des colonnettes monolithes.
L'effet des poussées inégales et agissant à des hauteurs différentes de ces
arcs est neutralisé par les charges verticales que portent les piles, lesquelles
charges sont considérables.
 
[Illustration: Fig. 53.]
 
Vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle déjà, en Angleterre, on était arrivé à des
 
[Illustration: Fig. 54.]
 
combinaisons d'arcs de voûte très-savantes et perfectionnées. Les
Normands
devinrent promptement d'habiles constructeurs, et, dans leurs
édifices de l'époque romane, ils avaient fait des efforts remarquables en
ce qu'ils indiquent une grande indépendance et une perfection d'exécution
exceptionnelle. Déjà, au commencement du XII<sup>e</sup> siècle, ils faisaient des
voûtes en arcs d'ogive à arêtes saillantes, alors qu'en France on ne faisait
guère que des voûtes d'arêtes romaines sans arcs ogives, mais à surfaces
courbes en tous sens, ainsi que nous l'avons vu plus haut. Ils savaient le
parti que l'on peut tirer des sommiers, et ils divisaient leurs chapiteaux,
sinon les supports verticaux, en autant de membres qu'ils avaient d'arcs
à recevoir. Ainsi, dans la partie romane de la cathédrale de Péterborough,
les voûtes des bas-côtés du chœur qui s'ouvrent sur les transsepts sont,
pour l'époque, conçues et exécutées avec plus de savoir et de précision
que celles du domaine royal de France, de la Champagne, de la Bourgogne
et du centre. Ces voûtes portent alternativement sur des piles cylindriques
et prismatiques posées les angles sur les axes. Les chapiteaux passent de
la section des piles au lit inférieur des divers arcs au moyen d'encorbellements
adroitement combinés. La fig. 54 présente la section horizontale
ABCDEFGH d'une pile, le plan IKLMNOP des tailloirs du chapiteau, la
trace du lit inférieur sur ces tailloirs, de l'arc doubleau Q, des archivoltes
portant les murs du transsept R, des arcs ogives S, et de la base de la
colonne engagée T s'élevant jusqu'à la charpente supérieure qui couvrait
le vaisseau principal. Afin que les clefs des arcs ogives des voûtes du
collatéral ne dépassent pas le niveau des extrados des archivoltes et arcs
doubleaux qui sont plein cintre, ces arcs ogives sont tracés sur une portion
 
[Illustration: Fig. 54^bis.]
 
[Illustration: Fig. 54^ter.]
 
de cercle moindre que le demi-cercle. La fig. 54 bis montre, en
perspective, ce chapiteau et les retombées d'arcs; en A, on voit une
branche d'arc ogive. Le tracé géométral (54 ter) explique la naissance de
cette branche d'arc ogive A, le sommier de tous les arcs et les encorbellements
du chapiteau.
 
Quand on compare cette construction avec celles qui lui sont
contemporaines
dans la France proprement dite, on a lieu de s'étonner du savoir
et de l'expérience des architectes normands, qui déjà, au commencement
du XII<sup>e</sup> siècle, étaient en état de construire des voûtes en arcs ogives, et
distribuaient les chapiteaux en autant de membres qu'ils avaient d'arcs à
recevoir. Mais avant de suivre les progrès rapides de la voûte
anglo-normande
et de découvrir les conséquences singulières auxquelles arrivèrent
les architectes d'outre-Manche, vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, il nous faut
examiner d'abord les moyens employés par les constructeurs français
pour fermer les triangles des voûtes gothiques. Le principe général doit
passer avant les variétés et les exceptions.
 
Soit (55) le plan d'une voûte en arcs d'ogive croisée d'un arc doubleau,
suivant la méthode des premiers constructeurs gothiques. AB le
demi-diamètre
de l'arc doubleau principal; AC le demi-diamètre de l'arc
ogive; AD l'arc formeret; DC le demi-diamètre de l'arc doubleau coupant
en deux parties égales le triangle AEC. L'arc formeret doit commander
d'abord. Supposons que le moellon maniable, qu'un maçon peut
facilement
poser à la main, ait la largeur XX' (largeur qui varie de 0,08 c. à
0,15 c. dans ces sortes de constructions). Nous rabattons les extrados de
tous les arcs sur plan horizontal. Ces rabattements nous donnent, pour l'arc
formeret, y compris sa naissance relevée, la courbe brisée AFD; pour l'arc
doubleau principal, la courbe brisée EG; pour l'arc ogive, la courbe quart
de cercle exact AI; pour l'arc doubleau d'intersection, la courbe brisée DH.
N'oublions pas que l'arc ogive étant plein cintre, l'arc doubleau d'intersection
doit avoir une flèche CH égale au rayon CI; que, dans les cas
ordinaires,
l'arc doubleau principal doit avoir une flèche JG moins longue que le
rayon CI, et que l'arc formeret doit avoir, y compris sa naissance relevée,
une flèche KF moins longue que celle de l'arc doubleau principal. La
largeur des douelles du moellon de remplissage étant XX', nous voyons
combien l'extrados du demi arc formeret AF, compris sa naissance verticale,
contient de fois XX': soit quatre fois; nous marquons les points
diviseurs LMN. Nous avons quatre rangées de moellon<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]]. Ramenant l'arc
formeret sur sa projection horizontale AD, le point N pris sur la portion
verticale de l'arc formeret tombe en N', le point M en M', le point L en L',
le point F de la clef en K. Nous divisons alors la moitié AI de l'extrados
de l'arc ogive en quatre parties, et marquons les points O, P, Q. Ramenant
de même cette courbe sur sa projection horizontale AC, nous obtenons
sur cet arc les points 0', P', Q', C. Nous procédons de la même manière
 
[Illustration: Fig. 55.]
 
pour l'arc doubleau d'intersection DC, dont l'extrados rabattu est DH.
Nous divisons cet extrados en quatre parties, et marquons les points RST.
Faisant pivoter l'arc sur son demi-diamètre DC, nous obtenons en projection
horizontale les points R'S'T'C. Alors, réunissant le point N' au point
O', le point M' au point P', le point L' au point Q', le point K au
point
C, etc., par des droites, ces droites nous donnent la projection
horizontale
des plans verticaux dans lesquels doivent passer les coupes d'intrados des
douelles de remplissage. Ceci obtenu, l'arc doubleau principal commande
le nombre des douelles des voûtes fermant les triangles ECJ. L'étalon XX'
diviseur nous donnant sur l'extrados de l'arc doubleau principal rabattu
en EG six divisions de douelles, nous marquons les points UVZ, etc., et,
opérant comme ci-dessus, nous obtenons, sur la ligne de projection
horizontale EJ de cet arc doubleau, les points U'V'Z'. Divisant de même
l'extrados de l'arc ogive en six parties et projetant ces divisions sur la
ligne de plan EC, nous obtenons les points Y Y'Y", etc. Nous réunissons
alors le point U' au point Y, le point V' au point Y', etc., et nous avons
la projection horizontale des plans verticaux dans lesquels doivent passer
les coupes d'intrados des douelles de remplissage. Cette épure ne se fait
pas sur le chantier. Après avoir divisé l'extrados des arcs formerets et des
arcs doubleaux principaux qui commandent, suivant le nombre de douelles
donné par la largeur du moellon, on divise en nombres égaux l'extrados
des arcs ogives, comme nous venons de le démontrer, et l'on procède de
suite à la construction des voûtes sans couchis: c'est la méthode employée
qui donne en projection horizontale les lignes N'O'M'P'L'Q', etc., U'Y,
V'Y', etc., que nous avons tracées sur notre épure.
 
[Illustration: Fig. 56.]
 
Voici en quoi consiste cette méthode. Le constructeur dit, par exemple:
la ligne CK, réunissant la clef des arcs ogives à la clef des formerets, aura
0,50 c. de flèche; le maçon, habitué à faire ces sortes de voûtes, n'a pas
besoin d'en savoir davantage pour construire, sans épure, tout le triangle
de remplissage ACD. Il lui suffit de prendre la longueur CK ou CJ, de la
tracer en C'K' sur une planche (56), d'élever au milieu de cette ligne une
perpendiculaire <i>ab</i> ayant 0,50 c., et de faire passer un arc par les trois
points C'<i>b</i>K'. Avec cette courbe tracée à côté de lui, il monte au moins un
tiers de chacun des côtés de son remplissage comme un mur. Il lui suffit
de prendre, avec une ficelle, la longueur de chaque rang de moellon, de
porter cette longueur sur l'arc C'<i>b</i>K' et de voir ce que cette corde donne
de flèche à la portion d'arc ainsi coupée; cette flèche est celle qu'il doit
prendre pour le rang de moellon à fermer. Le premier tiers des remplissages
se rapproche tellement d'un plan vertical, que les moellons tiennent
d'eux-mêmes sur leurs lits, à mesure que le maçon les pose, ainsi que le
[Illustration: Fig. 57.]
 
[Illustration: Fig. 58.]
 
fait voir la fig. 57. Mais au delà du premier tiers, ou environ, il faut l'aide
d'une <i>cerce</i>, d'autant que les rangs de moellon s'allongent à mesure que
l'on se rapproche de la clef. Or, parce que ces rangs s'allongent, il faudrait
faire tailler une cerce pour chacun d'eux, ce qui serait long et dispendieux.
Il faut alors avoir deux cerces, disposées ainsi que l'indique la fig. 58,
étant ensemble plus longues que la ligne de clef des remplissages, et
l'une des deux pas plus longue que le rang de claveaux, trop incliné pour
pouvoir être bandé sans le secours d'un soutien. Chacune des cerces,
coupées dans une planche de 0,04 c. environ d'épaisseur, porte au milieu
 
[Illustration: Fig. 59.]
 
[Illustration: Fig. 60.]
 
une rainure évidée, concentrique à la courbe donnée par l'arc étalon dont
nous avons parlé ci-dessus (fig. 56). À l'aide de deux cales C passant par
ces rainures, on rend les deux cerces rigides, et on peut, à chaque rang
de claveaux, les allonger suivant le besoin, en les faisant glisser l'une
contre l'autre. Les cerces sont fixées sur l'extrados des arcs au moyen des
deux équerres en fer AB clouées à l'extrémité des cerces; le maçon doit
avoir le soin, après avoir placé les becs AB sur les points marqués sur les
arcs, de laisser pendre la face de la cerce verticalement avant de la fixer
contre les flancs des arcs, soit par des coins, soit avec une poignée de
plâtre. Ainsi l'ouvrier ferme les remplissages des voûtes conformément à
l'épure tracée fig. 50; c'est-à-dire, qu'en donnant à chaque rang des
claveaux de remplissage une courbe assez prononcée qui les bande et
reporte leur charge sur les arcs, il n'en est pas moins contraint de faire
passer cette courbe dans un plan vertical, car c'est sous chaque ligne
séparative des rangs de moellon qu'il doit placer la cerce, ainsi que le fait
voir la fig. 59, et non sous les milieux de ces rangées de moellon. Ce n'est
pas sans raison que l'on doit placer les cerces dans un plan vertical, et
faire passer par conséquent l'arête du lit de chaque rangée de moellon
dans ce plan vertical. Ces lits (60) à l'intrados traçant des courbes, il en
résulte que la section CD se trouve avoir un plus grand développement que
la section DB qui commande le nombre des rangées de moellon, et même
que la section DA, quoique en projection horizontale la ligne DA soit plus
longue que la ligne DC. Le maçon doit tenir compte, à chaque rangée de
moellons, de ce surplus du développement, et donner à chacun de ces
rangs une douelle présentant la surface tracée en E. Il faut donc que
l'ouvrier soit guidé par un moyen mécanique; la cerce, posée toujours
verticalement, établit forcément la forme à donner aux douelles. Si le
maçon fermait les remplissages par des rangées de claveaux dont les
douelles seraient d'une égale largeur dans toute leur étendue, il serait
obligé, arrivé à la clef, de tenir compte de tout le surplus du développement
que donne la section CD sur la section DB, et il aurait deux derniers
rangs de moellon présentant à l'intrados une surface analogue à celle figurée en G, ce qui serait d'un effet désagréable et obligerait d'employer,
sur ce point, des moellons d'un échantillon beaucoup plus fort que partout
ailleurs. Étant, par la position verticale de la cerce, obligé de faire passer
l'arête d'intrados du lit de chaque rang de moellon dans un plan vertical,
le maçon arrive, sans le savoir, à répartir sur chacun de ces rangs le
surplus de développement imposé par la concavité de la voûte. Tout cela
est beaucoup plus simple à exécuter qu'à expliquer, et nous n'avons jamais
éprouvé de difficulté à faire adopter cette méthode dans la pratique.
Un
maçon adroit, aidé d'un garçon qui lui apporte son moellon débité et son
mortier, ferme un triangle de voûte sans le secours d'aucun engin, sans
cintres et sans autres outils que sa hachette et sa cerce. Une fois que
l'ouvrier a compris la structure de ces voûtes (ce qui n'est pas long), il
pose les rangs de claveaux avec une grande facilité, n'ayant qu'à les
retoucher légèrement avec sa hachette pour leur ôter leur parallélisme.
Presque toujours, lorsqu'il a acquis de la pratique, il abandonne les cerces
à rainures, et se contente de deux courbes qu'il maintient avec deux
broches, les allongeant à chaque rang, car les lits de ces moellons étant
très-peu inclinés, si ce n'est près de la clef, il suffit d'un faible soutien
pour les empêcher de glisser sur le mortier. Chaque rangée posée formant
un arc, la cerce est enlevée sans qu'il en résulte le moindre mouvement.
Il faut dire que ces moellons sont généralement peu épais, et que beaucoup
de remplissages de grandes voûtes gothiques, surtout à la fin du
XII<sup>e</sup> siècle, n'ont pas plus de 0,10 c. à 0,12 c. d'épaisseur<span id="note6"></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]].
Cette méthode
de construire les voûtes n'est pas la seule; elle appartient umquement à
l'Île-de-France, au Beauvoisis et à la Champagne, pendant la seconde
moitié du XII<sup>e</sup> siècle; tandis que, dans les autres provinces, des moyens
moins raisonnés sont adoptés. En Bourgogne, grâce à certaines qualités particulières
de calcaires se délitant en feuilles minces, rugueuses, adhérentes
au mortier, on construisit longtemps les voûtes en maçonnerie enduite,
bloquée sur couchis de bois. Les voûtes du chœur de l'église abbatiale de
Vézelay, bâti vers la fin du XII<sup>e</sup> siècle, présentent un singulier mélange
des méthodes adoptées par les constructeurs de l'Île-de-France et des
traditions bourguignonnes. On voit combien les appareilleurs
bourguignons,
si habiles traceurs, étaient embarrassés pour donner aux claveaux
de remplissage des formes convenables: ne pouvant en faire l'épure
rigoureuse, ils tâtonnaient, bandaient les reins en matériaux taillés tant
bien que mal; puis, ne sachant comment fermer ces remplissages, ils les
terminaient par du moellon brut enduit. Ce n'était pas là une méthode,
c'était un expédient.
 
Au milieu des provinces comprises dans l'ancienne Aquitaine,
l'habitude
que les constructeurs des X<sup>e</sup> et XI<sup>e</sup> siècles avaient contractée de
fermer leurs édifices par des coupoles s'était si bien enracinée, qu'ils ne
comprirent que très-tard la voûte d'arête gothique, et qu'ils en adoptèrent
l'apparence, mais non la véritable structure.
 
[Illustration: Fig. 61.]
 
Chacun sait que les claveaux qui composent une coupole donnent en
projection horizontale une succession de cercles concentriques, ainsi que
l'indique la fig. 61. A étant la coupe et B le quart de la projection horizontale
d'une coupole hémisphérique. Lorsque le système de la construction
gothique prévalut dans le domaine royal, et que les architectes
reconnurent le parti qu'on en pouvait tirer, on voulut bientôt l'adopter
dans toutes les provinces occidentales du continent. Mais ces provinces
diverses, séduites par la forme, par les allures franches et les facilités
que présentait la nouvelle architecture pour vaincre des obstacles jusqu'alors
insurmontables, ne purent cependant laisser brusquement de côté
des traditions fortement enracinées parmi les praticiens; il en résulta
une sorte de compromis entre la structure et la forme. Au XII<sup>e</sup> siècle, on
voit élever, sur toute la ligne qui se prolonge du Périgord à la Loire vers
Angers et au delà, des voûtes qui, comme structure, sont de véritables
coupoles, mais qui cherchent à se soumettre à l'apparence des voûtes
d'arête. Ce sont des coupoles sous lesquelles deux arcs diagonaux ont été
bandés, plutôt comme une concession au goût du temps que comme un
besoin de solidité; car, par le fait, ces arcs ogives, très-faibles généralement,
ne portent rien, sont même souvent engagés dans les remplissages
et maintenus par eux. Cette observation est d'une importance majeure;
nous verrons tout à l'heure quelles en furent les conséquences. Cependant
ces faiseurs de coupoles quand même ne furent pas longtemps sans
reconnaître que la structure de leurs voûtes n'était nullement en harmonie
avec leur forme apparente. Le mouvement était imprimé déjà sur presque
toute la surface de la France actuelle vers la fin du XII<sup>e</sup> siècle; il fallait se
soumettre au mode de construction inventé par les artistes du Nord; il
fallait abandonner les traditions romanes: elles étaient épuisées; les
populations les repoussaient parce qu'elles ne suffisaient plus aux besoins,
 
 
Ligne 1 044 ⟶ 1 434 :
arcs ogives, ou bien on suréleva leur naissance, afin de pouvoir élever les clefs des arcs
doubleaux.
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : Pour ne pas compliquer la figure, nous supposons un nombre de divisions de
douelles très-limité. L'opération est la même, quelle que soit la division des douelles.
 
<span id="footnote6">[[#note6|6]] : Les remplissages des grandes voûtes de la cathédrale de Paris n'ont pas plus de 0,10 c. d'épaisseur.