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ans, l’enfant n’entend parler que de la morale philosophique universelle; à lui le soin de faire plus tard entre les différentes religions positives un choix réfléchi.
ans, l’enfant n’entend parler que de la morale philosophique universelle ; à lui le soin de faire plus tard entre les différentes religions positives un choix réfléchi.


Soutenu par Robespierre, qui présenta lui-même un projet presque identique, le plan d’éducation de Lepelletier fut vivement combattu par l’abbé Grégoire. Il plaida, non sans éloquence, la cause de l’éducation domestique et fit observer qu’on ne pouvait assimiler à la petite cité de Sparte, qui contenait peut-être vingt-cinq mille individus, un vaste empire qui en renferme vingt-cinq millions. Danton se prononça contre l’instruction obligatoire, ''impérative'', comme on disait alors; il se contenta de demander qu’il y eût « des établissemens où les enfans seraient instruits, logés et nourris gratuitement, et des classes où les citoyens qui voudraient garder leurs enfans chez eux pourraient les envoyer. » Ce moyen terme fut adopté; mais le décret ne reçut même pas un commencement d’exécution. Les propositions les plus étranges se succédaient. Le délire d’égalité inspirait la défiance de toute haute culture intellectuelle. On ne voulait plus d’une aristocratie de savans et de philosophes, d’un privilège pour les villes au détriment des campagnes. Barère demande la suppression des livres, « de toutes ces paperasseries qui encombrent le genre humain, » et Coffinhal criait à Lavoisier : « Tais-toi ; la république n’a pas besoin de chimie. »
Soutenu par Robespierre, qui présenta lui-même un projet presque identique, le plan d’éducation de Lepelletier fut vivement combattu par l’abbé Grégoire. Il plaida, non sans éloquence, la cause de l’éducation domestique et fit observer qu’on ne pouvait assimiler à la petite cité de Sparte, qui contenait peut-être vingt-cinq mille individus, un vaste empire qui en renferme vingt-cinq millions. Danton se prononça contre l’instruction obligatoire, ''impérative'', comme on disait alors ; il se contenta de demander qu’il y eût « des établissemens où les enfans seraient instruits, logés et nourris gratuitement, et des classes où les citoyens qui voudraient garder leurs enfans chez eux pourraient les envoyer. » Ce moyen terme fut adopté ; mais le décret ne reçut même pas un commencement d’exécution. Les propositions les plus étranges se succédaient. Le délire d’égalité inspirait la défiance de toute haute culture intellectuelle. On ne voulait plus d’une aristocratie de savans et de philosophes, d’un privilège pour les villes au détriment des campagnes. Barère demande la suppression des livres, « de toutes ces paperasseries qui encombrent le genre humain, » et Coffinhal criait à Lavoisier : « Tais-toi ; la république n’a pas besoin de chimie. »


Ces aberrations furent passagères, et, après le 9 thermidor, la convention, plus calme, se remit à l’œuvre. Le rapport sur l’instruction primaire fut encore rédigé par Lakanal. Il fut adopté et devint la loi du 27 brumaire an III. Les matières de l’enseignement étaient : la lecture et l’écriture, la Déclaration des droits de l’homme et la constitution, des instructions élémentaires sur la morale républicaine, les élémens de la langue française soit parlée, soit écrite, les règles de calcul simple et de l’arpentage, des instructions sur les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles de la nature, le recueil des actions héroïques et les chants de triomphe. — Les écoles, à raison d’une par mille habitans, étaient divisées en deux sections, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles. Les maîtres, nommés par le peuple et agréés par un jury d’instruction, devaient recevoir annuellement, les hommes i, 200 fr., les femmes 1,000 fr. Les assemblées républicaines ont toujours compris la nécessité de rétribuer largement les instituteurs du peuple.
Ces aberrations furent passagères, et, après le 9 thermidor, la convention, plus calme, se remit à l’œuvre. Le rapport sur l’instruction primaire fut encore rédigé par Lakanal. Il fut adopté et devint la loi du 27 brumaire an III. Les matières de l’enseignement étaient : la lecture et l’écriture, la Déclaration des droits de l’homme et la constitution, des instructions élémentaires sur la morale républicaine, les élémens de la langue française soit parlée, soit écrite, les règles de calcul simple et de l’arpentage, des instructions sur les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles de la nature, le recueil des actions héroïques et les chants de triomphe. — Les écoles, à raison d’une par mille habitans, étaient divisées en deux sections, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles. Les maîtres, nommés par le peuple et agréés par un jury d’instruction, devaient recevoir annuellement, les hommes i, 200 fr., les femmes 1,000 fr. Les assemblées républicaines ont toujours compris la nécessité de rétribuer largement les instituteurs du peuple.


Le projet de Lakanal rencontra d’énergiques oppositions. Un conventionnel, le médecin Baraillon, s’éleva contre l’identité d’enseignement pour les deux sexes. A quoi bon pour les filles l’étude de l’arpentage? Il proposait à la place « quelques règles de médecine sur la menstruation, les couches, les suites de couches, » questions délicates à traiter devant des petites filles! Mieux inspiré, il
Le projet de Lakanal rencontra d’énergiques oppositions. Un conventionnel, le médecin Baraillon, s’éleva contre l’identité d’enseignement pour les deux sexes. A quoi bon pour les filles l’étude de l’arpentage ? Il proposait à la place « quelques règles de médecine sur la menstruation, les couches, les suites de couches, » questions délicates à traiter devant des petites filles ! Mieux inspiré, il