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pour l’exactitude de la chronologie et pour éviter la confusion. » Voilà la vérité; mais il savait aussi que cet éloge d’exactitude et de régularité est assez mince quand on le compare aux mérites de l’œuvre qu’il entreprenait lui-même. Il n’était pas assez modeste, il avait trop bonne opinion de lui pour être jaloux de Dangeau; il n’ignorait pas la différence qu’il y a entre aller au fond des choses ou se tenir à la surface, juger et peindre les événemens ou se contenter d’en tenir registre. Il avait la conscience qu’il ranimait et renouvelait ces comptes-rendus si « maigres, si secs, si contraints, si précautionnés, » qu’il en faisait des récits vivans et qu’il y mettait la flamme.
pour l’exactitude de la chronologie et pour éviter la confusion. » Voilà la vérité ; mais il savait aussi que cet éloge d’exactitude et de régularité est assez mince quand on le compare aux mérites de l’œuvre qu’il entreprenait lui-même. Il n’était pas assez modeste, il avait trop bonne opinion de lui pour être jaloux de Dangeau ; il n’ignorait pas la différence qu’il y a entre aller au fond des choses ou se tenir à la surface, juger et peindre les événemens ou se contenter d’en tenir registre. Il avait la conscience qu’il ranimait et renouvelait ces comptes-rendus si « maigres, si secs, si contraints, si précautionnés, » qu’il en faisait des récits vivans et qu’il y mettait la flamme.


Il est vrai que cette « flamme » même cause d’abord quelque inquiétude. N’est-il pas à craindre que la vérité ne souffre de la passion qui anime l’auteur? C’est un danger assurément, et Saint-Simon ne l’a pas toujours évité. Mais mérite-t-il qu’on l’appelle « un pamphlétaire posthume, » ou qu’on parle de ses « mensonges, » comme ont fait les éditeurs de Dangeau? C’est ici que M. de Boislisle va nous renseigner avec certitude : il n’est pas de ceux qui trouvent tout irréprochable et veulent tout excuser dans les livres qu’ils éditent. Il met au contraire un soin scrupuleux à chercher les fautes de son auteur et une conscience rare à les signaler. Il en a découvert plusieurs, dans les deux volumes qu’il publie, malgré le peu de matière qu’ils renferment. Trois surtout ont une certaine gravité, parce qu’elles concernent des personnages politiques et des événemens importans. Il s’agit, dans les deux premiers passages, du duc de Noailles, que Saint-Simon détestait : il prétend que Noailles, qui commandait une petite armée sur les frontières de l’Espagne, voulait faire le siège de Barcelone, et que, par une intrigue adroite, Barbesieux parvint à l’en empêcher; puis il raconte comment il contrefit le malade, quoiqu’il se portât fort bien, pour avoir un prétexte de se retirer et céder le commandement au duc de Vendôme, que le roi désirait mettre à la tète de ses armées : ce qui le montre tour à tour ridiculement trompé et bassement flatteur. Or les deux récits sont faux : on a fait voir par des preuves officielles et irréfutables, par des lettres même de M. de Noailles, qu’il s’était opposé de toutes ses forces au désir du roi, qui souhaitait qu’on assiégeât Barcelone, et que par conséquent Barbesieux n’avait pas eu d’intrigue à faire pour l’en empêcher. On est certain aussi que M. de Noailles était sérieusement malade, et que, loin qu’il ait offert lui-même de quitter son commandement, il fallut une longue négociation pour l’y décider. Dans la troisième circonstance, il est question du duc du Maine, le bâtard abhorré. Saint-Simon rapporte que, chargé par le maréchal de Villeroy de poursuivre Vaudémont, il prit peur et perdit une occasion facile
Il est vrai que cette « flamme » même cause d’abord quelque inquiétude. N’est-il pas à craindre que la vérité ne souffre de la passion qui anime l’auteur ? C’est un danger assurément, et Saint-Simon ne l’a pas toujours évité. Mais mérite-t-il qu’on l’appelle « un pamphlétaire posthume, » ou qu’on parle de ses « mensonges, » comme ont fait les éditeurs de Dangeau ? C’est ici que M. de Boislisle va nous renseigner avec certitude : il n’est pas de ceux qui trouvent tout irréprochable et veulent tout excuser dans les livres qu’ils éditent. Il met au contraire un soin scrupuleux à chercher les fautes de son auteur et une conscience rare à les signaler. Il en a découvert plusieurs, dans les deux volumes qu’il publie, malgré le peu de matière qu’ils renferment. Trois surtout ont une certaine gravité, parce qu’elles concernent des personnages politiques et des événemens importans. Il s’agit, dans les deux premiers passages, du duc de Noailles, que Saint-Simon détestait : il prétend que Noailles, qui commandait une petite armée sur les frontières de l’Espagne, voulait faire le siège de Barcelone, et que, par une intrigue adroite, Barbesieux parvint à l’en empêcher ; puis il raconte comment il contrefit le malade, quoiqu’il se portât fort bien, pour avoir un prétexte de se retirer et céder le commandement au duc de Vendôme, que le roi désirait mettre à la tète de ses armées : ce qui le montre tour à tour ridiculement trompé et bassement flatteur. Or les deux récits sont faux : on a fait voir par des preuves officielles et irréfutables, par des lettres même de M. de Noailles, qu’il s’était opposé de toutes ses forces au désir du roi, qui souhaitait qu’on assiégeât Barcelone, et que par conséquent Barbesieux n’avait pas eu d’intrigue à faire pour l’en empêcher. On est certain aussi que M. de Noailles était sérieusement malade, et que, loin qu’il ait offert lui-même de quitter son commandement, il fallut une longue négociation pour l’y décider. Dans la troisième circonstance, il est question du duc du Maine, le bâtard abhorré. Saint-Simon rapporte que, chargé par le maréchal de Villeroy de poursuivre Vaudémont, il prit peur et perdit une occasion facile