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prochaine et si douloureuse : « Savez-vous pourquoi, à Sadowa, on a assisté à un spectacle aussi imprévu?.. C’est parce que, par des raisons trop longues à développer ici, on n’était pas préparé à Vienne et qu’on l’était à Berlin depuis plusieurs années; c’est parce qu’il y avait un homme profondément prévoyant qui avait préparé ses forces, et c’est par des raisons de ce genre que les empires grandissent ou périssent! » Voilà une première moralité originelle de la guerre.
prochaine et si douloureuse : « Savez-vous pourquoi, à Sadowa, on a assisté à un spectacle aussi imprévu ? .. C’est parce que, par des raisons trop longues à développer ici, on n’était pas préparé à Vienne et qu’on l’était à Berlin depuis plusieurs années ; c’est parce qu’il y avait un homme profondément prévoyant qui avait préparé ses forces, et c’est par des raisons de ce genre que les empires grandissent ou périssent ! » Voilà une première moralité originelle de la guerre.




<center>II</center>
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C’était le 30 juin 1870 que M. Thiers parlait ainsi. C’était le même jour que le chef du ministère libéral et pacifique du 2 janvier, M. Emile Ollivier, disait avec une imperturbable suffisance : « Le gouvernement n’a aucune inquiétude; à aucune époque, le maintien de la paix en Europe ne lui a paru plus assuré. De quelque côté qu’il porte ses regards, il ne voit aucune question irritante engagée... » Avant que deux semaines fussent écoulées, la guerre était partout, deux nations étaient sous les armes prêtes à s’entre-détruire. Que s’était-il donc passé? L’incident inattendu et toujours attendu était né; la candidature du prince de Hohenzollern à la couronne d’Espagne venait d’éclater tout à coup, et le cabinet qui se montrait si pacifique, surtout si clairvoyant dans ses discours, qui laissait diminuer le contingent de 10,000 hommes, ce cabinet se jetait avec une frivole impétuosité sur une querelle qui n’était peut-être qu’un piège. On oubliait qu’autant la Prusse avait d’intérêt à provoquer un de ces « sens-dessus-dessous » dont parlait M. de Bismarck à la veille de son duel avec l’Autriche, à soulever des incidens, des diversions au profit de sa politique, autant la France était intéressée à mesurer sa conduite, à résister aux excitations, à réserver sa prévoyance, ses résolutions et ses forces pour les seules questions où elle pouvait, où elle devait avoir la raison de l’Europe pour elle. Je ne dis pas qu’un prince prussien allant régner au-delà des Pyrénées, ce fût là un événement insignifiant et inoffensif qu’on pût laisser passer tranquillement. C’était, sinon dans la pensée des politiques de Madrid, du moins dans la pensée des politiques de Berlin, une manœuvre évidente pour placer la France entre la Prusse et l’Espagne, comme on avait placé quatre années auparavant l’Autriche entre l’Italie et la Prusse; mais certainement aussi de toutes les manières de conduire une affaire qui commençait, la plus dangereuse était une agitation effarée de nature à tout compliquer et à tout perdre dès la première heure.
C’était le 30 juin 1870 que M. Thiers parlait ainsi. C’était le même jour que le chef du ministère libéral et pacifique du 2 janvier, M. Emile Ollivier, disait avec une imperturbable suffisance : « Le gouvernement n’a aucune inquiétude ; à aucune époque, le maintien de la paix en Europe ne lui a paru plus assuré. De quelque côté qu’il porte ses regards, il ne voit aucune question irritante engagée… » Avant que deux semaines fussent écoulées, la guerre était partout, deux nations étaient sous les armes prêtes à s’entre-détruire. Que s’était-il donc passé ? L’incident inattendu et toujours attendu était né ; la candidature du prince de Hohenzollern à la couronne d’Espagne venait d’éclater tout à coup, et le cabinet qui se montrait si pacifique, surtout si clairvoyant dans ses discours, qui laissait diminuer le contingent de 10,000 hommes, ce cabinet se jetait avec une frivole impétuosité sur une querelle qui n’était peut-être qu’un piège. On oubliait qu’autant la Prusse avait d’intérêt à provoquer un de ces « sens-dessus-dessous » dont parlait M. de Bismarck à la veille de son duel avec l’Autriche, à soulever des incidens, des diversions au profit de sa politique, autant la France était intéressée à mesurer sa conduite, à résister aux excitations, à réserver sa prévoyance, ses résolutions et ses forces pour les seules questions où elle pouvait, où elle devait avoir la raison de l’Europe pour elle. Je ne dis pas qu’un prince prussien allant régner au-delà des Pyrénées, ce fût là un événement insignifiant et inoffensif qu’on pût laisser passer tranquillement. C’était, sinon dans la pensée des politiques de Madrid, du moins dans la pensée des politiques de Berlin, une manœuvre évidente pour placer la France entre la Prusse et l’Espagne, comme on avait placé quatre années auparavant l’Autriche entre l’Italie et la Prusse ; mais certainement aussi de toutes les manières de conduire une affaire qui commençait, la plus dangereuse était une agitation effarée de nature à tout compliquer et à tout perdre dès la première heure.


Histoire étrange en effet que celle de ces quelques jours de 1870,
Histoire étrange en effet que celle de ces quelques jours de 1870,