« Le Chandelier (éd. 1888) » : différence entre les versions

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'''JACQUELINE'''
 
Mais, maître André, si vous êtes malade, il fallait m'avertir tantôt. N'est−ce pas à moi, mon cher coeurcœur, de vous soigner et de vous veiller ?
 
'''MAITRE ANDRÉ'''
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'''JACQUELINE'''
Ah ! maître André, vous ne m'aimez plus. C'est vainement que vous dissimulez, par des paroles bienveillantes la mortelle froideur qui a remplacé tant d'amour. Il n'en eût pas été ainsi jadis ; vous ne parliez pas de ce ton ; ce n'est pas alors sur un mot que vous m'eussiez condamnée sans m'entendre. Deux ans de paix, d'amour et de bonheur, ne se seraient pas, sur un mot, évanouis comme des ombres. Mais quoi ! la jalousie vous pousse ; depuis longtemps la froide indifférence lui a ouvert la porte de votre coeurcœur. De quoi servirait l'évidence, l'innocence même aurait tort devant vous. Vous ne m'aimez plus, puisque vous m'accusez.
 
'''MAITRE ANDRÉ'''
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'''JACQUELINE''', ''pleurant.''
 
Seigneur, mon Dieu, que je suis malheureuse ! qu'est−ce que je vais devenir ? Je le vois bien, vous avez résolu ma mort ; vous ferez de moi ce qui vous plaira ; vous êtes homme, je suis femme ; la force est de votre côté. Je suis résignée ; je m'y attendais ; vous saisissez le premier prétexte pour justifier votre violence. Je n'ai plus qu'à partir d'ici ; je m'en irai avec ma fille, dans un couvent, dans un désert, s'il est possible ; j'y emporterai avec moi, j'y ensevelirai dans mon coeurcœur le souvenir du temps qui n'est
plus.
 
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Nous appelions ainsi, au régiment, un grand garçon de bonne mine qui est chargé de porter un schall ou un parapluie au besoin ; qui, lorsqu'une femme se lève pour danser, va gravement s'asseoir sur sa chaise, et la suit dans la foule d'un oeil mélancolique, en jouant avec son éventail ; qui lui donne la main pour sortir de sa loge, et pose avec fierté sur la console voisine le verre où elle vient de boire ; l'accompagne à la promenade, lui fait la lecture le soir ; bourdonne sans cesse autour d'elle, assiège son
oreille d'une pluie de fadaises ; admire−t−on la dame, il se rengorge, et si on l'insulte, il se bat. Un coussin manque à la causeuse ; c'est lui qui court, se précipite, et va le chercher là où il est, car il connaît la maison et les êtres, il fait partie du mobilier, et traverse les corridors sans lumière. Il joue le soir avec les tantes au reversis et au piquet ; comme il circonvient le mari, en politique habile et empressé, il s'est bientôt fait prendre en grippe. Y a−t−il fête quelque part, où la belle ait envie d'aller ? il s'est rasé au point du jour, il est depuis midi sur la place ou sur la chaussée, et il a marqué des chaises avec ses gants. Demandez−lui pourquoi il s'est fait ombre, il n'en sait rien et n'en peut rien dire. Ce n'est pas que parfois la dame ne l'encourage d'un sourire, et ne lui abandonne en valsant le bout de ses doigts qu'il serre avec amour ; il est comme ces grands seigneurs qui ont une charge honoraire, et les entrées aux jours de galas ; mais le cabinet leur est clos ; ce ne sont pas là leurs affaires. En un mot, sa faveur expire là où commencent les véritables ; il a tout ce qu'on voit des femmes, et rien de ce qu'on en désire. Derrière ce mannequin commode se cache le mystère heureux ; il sert de paravent à tout ce qui se passe sous le manteau de la cheminée. Si le mari est jaloux, c'est de lui ; tient−on des propos ? c'est sur son compte ; c'est lui qu'on mettra à la porte, un beau matin que les valets auront entendu marcher la nuit dans l'appartement de madame ; c'est lui qu'on épie en secret ; ses lettres, pleines de respect et de tendresse, sont décachetées par la belle−mère ; il va, il vient, il s'inquiète, on le laisse ramer, c'est son oeuvreœuvre ; moyennant quoi, l'amant discret et la très innocente amie, couverts d'un voile impénétrable, se rient de lui et des curieux.
 
'''JACQUELINE'''
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'''FORTUNIO'''
 
Que de pareilles choses existent, cela me fait bondir le coeurcœur. Vraiment, Landry, tu as vu cela ?
 
'''LANDRY'''
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'''FORTUNIO'''
 
Puis−je être bon à quelque chose ? Veuillez parler avec confiance. Quoique bien jeune, je mourrais de bon coeurcœur pour vous rendre service.
 
'''JACQUELINE'''
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'''FORTUNIO'''
 
Vous êtes plus belle que je ne suis jeune ; de ce que mon coeurcœur sent, j'en réponds.
 
'''JACQUELINE'''
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'''FORTUNIO'''
 
Quel que soit le caprice du hasard à qui je dois cette faveur, permettez−moi d'en profiter. Je ne puis que répéter mes paroles ; je mourrais de bon coeurcœur pour vous.
 
'''JACQUELINE'''
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'''FORTUNIO'''
 
Pourquoi ? c'est le fond de mon coeurcœur.
 
'''JACQUELINE'''
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'''CLAVAROCHE''', ''devant une glace.''
 
En conscience, ces belles dames, si on les aimait tout de bon, ce serait une pauvre affaire, et le métier des bonnes fortunes est, à tout prendre, un ruineux travail. Tantôt c'est au plus bel endroit qu'un valet qui gratte à la porte vous oblige à vous esquiver. La femme qui se perd pour vous ne se livre que d'une oreille, et au milieu du plus doux transport on vous pousse dans une armoire. Tantôt c'est lorsqu'on est chez soi, étendu sur un canapé et fatigué de la manoeuvremanœuvre, qu'un messager envoyé à la hâte vient vous faire ressouvenir qu'on vous adore à une lieue de distance. Vite, un barbier, le valet de chambre ! On court, on vole ; il n'est plus temps ; le mari est rentré, la pluie tombe ; il faut faire le pied de grue, une heure durant. Avisez−vous d'être malade ou seulement de mauvaise humeur ! Point ; le soleil, le froid, la tempête, l'incertitude, le danger, cela est fait pour rendre gaillard. La difficulté est en possession, depuis qu'il y a des proverbes, du privilège d'augmenter le plaisir, et le vent de bise se fâcherait si, en vous coupant le visage, il ne croyait vous donner du coeurcœur. En vérité, on représente l'amour avec des ailes et un carquois ; on ferait mieux de nous le peindre comme un chasseur de canards sauvages, avec une veste imperméable et une perruque de laine frisée pour lui garantir l'occiput. Quelles sottes bêtes que les hommes, de se refuser leurs franches−lippées pour courir après quoi, de grâce ? après l'ombre de leur orgueil ! Mais la garnison dure six mois ; on ne peut pas toujours aller au café ; les comédiens de province ennuient ; on se regarde dans un miroir, et on ne veut pas être beau pour rien. Jacqueline a la taille fine ; c'est ainsi qu'on prend patience, et qu'on s'accommode de tout sans trop faire le difficile.
 
''Entre Jacqueline.''
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'''FORTUNIO'''
 
De tout mon coeurcœur, monsieur le capitaine, et je bois à votre santé.
 
'''CLAVAROCHE'''
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'''FORTUNIO'''
 
Ah ! Jacqueline, ayez pitié de moi ; ce n'est pas d'hier que je souffre. Depuis deux ans, à travers ces charmilles, je suis la trace de vos pas. Depuis deux ans, sans que jamais peut−être vous ayez su mon existence, vous n'êtes pas sortie ou rentrée, votre ombre tremblante et légère n'a pas paru derrière vos rideaux, vous n'avez pas ouvert votre fenêtre, vous n'avez pas remué dans l'air, que je ne fusse là, que je ne vous aie vue ; je ne pouvais approcher de vous, mais votre beauté, grâce à Dieu, m'appartenait comme le soleil à tous ; je la cherchais, je la respirais, je vivais de l'ombre de votre vie. Vous passiez le matin sur le seuil de la porte, la nuit j'y revenais pleurer. Quelques mots, tombés de vos lèvres, avaient pu venir jusqu'à moi, je les répétais tout un jour. Vous cultiviez les fleurs, ma chambre en était pleine. Vous chantiez le soir au piano, je savais par coeurcœur vos romances. Tout ce que vous aimiez, je l'aimais ; je m'enivrais de ce qui avait passé sur votre bouche et dans votre coeurcœur. Hélas ! je vois que vous souriez. Dieu sait que ma douleur est vraie, et que je vous aime à en mourir.
 
'''JACQUELINE'''
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'''JACQUELINE'''
 
Je vous l'ai déjà dit hier ; cela se conçoit ; vous êtes jeune, et à l'âge où le coeurcœur est riche, on n'a pas les lèvres avares.
 
'''FORTUNIO'''
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'''FORTUNIO'''
 
Seigneur mon Dieu, je n'ai que des larmes. Les larmes prouvent−elles qu'on aime ? Quoi ! me voilà à genoux devant vous ; mon coeurcœur à chaque battement voudrait s'élancer sur vos lèvres ; ce qui m'a jeté à vos pieds, c'est une douleur qui m'écrase, que je combats depuis deux ans, que je ne peux plus contenir, et vous restez froide et incrédule ? Je ne puis faire passer en vous une étincelle du feu qui me dévore ? Vous niez même ce que je souffre, quand je suis prêt à mourir devant vous ? Ah ! c'est plus cruel qu'un refus ! c'est plus affreux que le mépris ! L'indifférence elle−même peut croire, et je n'ai pas mérité cela.
 
'''JACQUELINE'''
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'''CLAVAROCHE'''
 
On croit toujours ce qui est vrai. La vérité a un accent impossible à méconnaître et les coeurscœurs bien nés ne s'y trompent jamais. N'est−ce donc pas, en effet, à vos commissions que vous employez ce jeune homme ?
 
'''JACQUELINE'''
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'''CLAVAROCHE'''
 
Fi donc ! nous autres gens de coeurcœur, pensez−vous que nous allions montrer à un mari de l'écriture de sa femme ? Que pourrions−nous, d'ailleurs, y gagner ? en serions−nous donc moins coupables de ce qu'un crime serait partagé ? D'ailleurs, vous voyez bien que votre main tremblait un peu sans doute, et que ces caractères sont presque déguisés ? Allons, je vais donner cette lettre au jardinier, Fortunio l'aura tout de suite. Venez ; les vautours ont leur proie, et l'oiseau de Vénus, la pâle tourterelle, peut dormir en paix sur son nid.
 
''Ils sortent.''
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'''FORTUNIO''', ''seul, assis sur l'herbe.''
 
Rendre un jeune homme amoureux de soi, uniquement pour détourner sur lui les soupçons tombés sur un autre ; lui laisser croire qu'on l'aime, le lui dire au besoin ; troubler peut−être bien des nuits tranquilles ; remplir de doute et d'espérance un coeurcœur jeune et prêt à souffrir ; jeter une pierre dans un lac qui n'avait jamais eu encore une seule ride à sa surface ; exposer un homme aux soupçons, à tous les dangers de l'amour heureux, et cependant ne lui rien accorder ; rester immobile et inanimée dans une oeuvreœuvre de vie et de mort ; tromper, mentir, mentir du fond du coeurcœur ; faire de son corps un appât ; jouer avec tout ce qu'il y a de sacré sous le ciel, comme un voleur avec des dés pipés ; voilà ce qui fait sourire une femme ! voilà ce qu'elle fait d'un petit air distrait.
 
''Il se lève.''
 
C'est ton premier pas, Fortunio, dans l'apprentissage du monde. Pense, réfléchis, compare, examine ; ne te presse pas de juger. Cette femme−là a un amant qu'elle aime ; on la soupçonne, on la tourmente, on la menace ; elle est effrayée, elle va perdre l'homme qui remplit sa vie, qui est pour elle plus que le monde entier. Son mari se lève en sursaut, averti par un espion ; il la réveille, il veut la traîner à la barre d'un tribunal. Sa famille va la renier, une ville entière va la maudire ; elle est perdue et déshonorée, et cependant elle aime et ne peut cesser d'aimer. À tout prix il faut qu'elle sauve l'unique objet de ses inquiétudes, de ses angoisses et de ses douleurs ; il faut qu'elle aime pour continuer de vivre, et qu'elle trompe pour aimer. Elle se penche à sa fenêtre, elle voit un jeune homme au bas ; qui est−ce ? elle ne le connaît point, elle n'a jamais rencontré son visage ; est−il bon ou méchant, discret ou perfide, sensible ou insouciant ? Elle n'en
sait rien ; elle a besoin de lui, elle l'appelle, elle lui fait signe, elle ajoute une fleur à sa parure, elle parle ; elle a mis sur une carte le bonheur de sa vie, et elle le joue à rouge ou noir. Si elle s'était aussi bien adressée à Guillaume qu'à moi, que serait−il arrivé de cela ? Guillaume est un garçon honnête, mais qui ne s'est jamais aperçu que son coeurcœur lui servît à autre chose qu'à respirer. Guillaume aurait été ravi d'aller dîner chez son patron, d'être à côté de Jacqueline à table, tout comme j'en ai été ravi moi−même ; mais il n'en aurait pas vu davantage ; il ne serait devenu amoureux que de la cave de maître André ; il ne se serait point jeté à genoux ; il n'aurait point écouté aux portes ; c'eût été pour lui tout profit. Quel mal y eût−il eu alors qu'on se servît de lui à son insu, pour détourner les soupçons d'un mari ? Aucun. Il eût paisiblement rempli l'office qu'on lui eût demandé ; il eût vécu heureux, tranquille, dix ans sans s'en apercevoir. Jacqueline aussi eût été heureuse, tranquille, dix ans sans lui en dire un mot. Elle lui aurait fait
des coquetteries, et il y aurait répondu ; mais rien n'eût tiré à conséquence. Tout se serait passé à merveille, et personne ne pourrait se plaindre, le jour où la vérité viendrait.
 
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Pourquoi s'est−elle adressée à moi ? Savait−elle donc que je l'aimais ? Pourquoi à moi plutôt qu'à Guillaume ? Est−ce hasard ? est−ce calcul ? Peut−être, au fond, se doutait−elle que je n'étais pas indifférent ; m'avait−elle vu à cette fenêtre ? S'était−elle jamais retournée le soir, quand
je l'observais dans le jardin ? Mais si elle savait que je l'aimais, pourquoi alors ? Parce que cet amour rendait son projet plus facile, et que j'allais, dès le premier mot, me prendre au piège qu'elle me tendait. Mon amour n'était qu'une chance favorable ; elle n'y a vu qu'une occasion. Est−ce bien sûr ? N'y a−t−il rien autre chose ? Quoi ! elle voit que je vais souffrir, et elle ne pense qu'à en profiter ! Quoi ! elle me trouve sur ses traces, l'amour dans le coeurcœur, le désir dans les yeux, jeune et ardent, prêt à mourir pour elle, et lorsque, me voyant à ses pieds, elle me sourit et me dit qu'elle m'aime, c'est un calcul, et rien de plus ! Rien, rien de vrai dans ce sourire, dans cette main qui m'effleure la main, dans ce son de voix qui m'enivre ? Ô Dieu juste ! s'il en est ainsi, à quel monstre ai−je donc affaire, et dans quel abîme suis−je tombé ?
 
''Il se lève.''
 
Non ! tant d'horreur n'est pas possible ! Non, une femme ne saurait être une statue malfaisante, à la fois vivante et glacée ! Non, quand je le verrais de mes yeux, quand je l'entendrais de sa bouche, je ne croirais pas à un pareil métier. Non, quand elle me souriait, elle ne m'aimait pas pour cela, mais elle souriait de voir que je l'aimais. Quand elle me tendait la main, elle ne me donnait pas son coeurcœur, mais elle laissait le mien se donner. Quand elle me disait : Je vous aime, elle voulait dire, aimez−moi. Non, Jacqueline n'est pas méchante ; il n'y a là ni calcul, ni froideur. Elle ment, elle trompe, elle est femme ; elle est coquette, railleuse, joyeuse, audacieuse, mais non infâme, non insensible. Ah ! insensé ! tu l'aimes ! tu l'aimes ! tu pries, tu pleures, et elle se rit de toi !
 
''Entre Madelon.''
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'''FORTUNIO'''
 
Jamais ; c'est le souhait de mon coeurcœur.
 
'''JACQUELINE'''
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'''FORTUNIO'''
 
Et qu'en ferez−vous, cruelle que vous êtes ? Vous me parlez depuis un quart d'heure, et rien du coeurcœur ne vous sort des lèvres. Il s'agit bien de vos excuses, de sacrifices et de réparations ! il s'agit bien de votre Clavaroche et de sa sotte vanité ! il s'agit bien de mon orgueil ! Vous croyez donc l'avoir blessé ? vous croyez donc que ce qui m'afflige, c'est d'avoir été pris pour dupe et plaisanté à ce dîner ? Je ne m'en souviens seulement pas. Quand je vous dis que je vous aime, vous croyez donc que je n'en sens rien ? Quand je vous parle de deux ans de souffrances, vous croyez donc que je fais comme vous ? Eh quoi ! vous me brisez le coeurcœur, vous prétendez vous en repentir, et c'est ainsi que vous me quittez ! La nécessité, dites−vous, vous a fait commettre une faute, et vous en avez du regret ; vous rougissez, vous détournez la tête ; ce que je souffre vous fait pitié ; vous me voyez, vous comprenez votre oeuvreœuvre ; et la blessure que vous m'avez faite, voilà comme vous la guérissez ! Ah ! elle est au coeurcœur, Jacqueline, et vous n'aviez qu'à tendre la main. Je vous le jure, si vous l'aviez voulu, quelque honteux qu'il soit de le dire, quand vous en souririez vous−même, j'étais capable de consentir à tout. O Dieu ! la force m'abandonne ; je ne peux pas sortir d'ici.
 
''Il s'appuie sur un meuble.''
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'''FORTUNIO'''
 
Oui, pauvre enfant ! dites−le encore, car je ne sais si je rêve ou si je veille, et, malgré tout, si vous ne m'aimez pas. Depuis hier, je suis assis à terre, je me frappe le coeurcœur et le front ; je me rappelle ce que mes yeux ont vu, ce que mes oreilles ont entendu, et je me demande si c'est possible. À l'heure qu'il est, vous me le dites, je le sens, j'en souffre, j'en meurs, et je n'y crois ni ne le comprends. Que vous avais−je fait, Jacqueline ? Comment se peut−il que, sans aucun motif, sans avoir pour moi ni amour ni haine, sans me connaître, sans m'avoir jamais vu ; comment se peut−il que vous que tout le monde aime, que j'ai vue faire la charité et arroser ces fleurs que voilà, qui êtes bonne, qui croyez en Dieu, à qui jamais... Ah ! je vous accuse, vous que j'aime plus que ma vie ! Ô ciel ! vous ai−je fait un reproche ? Jacqueline, pardonnez−moi.
 
'''JACQUELINE'''
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'''JACQUELINE'''
 
Comme il est pâle, et comme son coeurcœur bat ! voulez−vous vous mouiller les tempes ! Prenez ce coussin, prenez ce mouchoir ; vous suis−je tellement odieuse que vous me refusiez cela ?
 
'''FORTUNIO'''
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'''FORTUNIO'''
 
Je vous pardonne de tout mon coeurcœur.
 
'''JACQUELINE'''
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'''FORTUNIO'''
 
Le premier mot que je vous ai dit de ma vie, c'est que je mourrais de bon coeurcœur pour vous, et le second, c'est que je ne mentais jamais.
 
'''JACQUELINE'''