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périodiques où elle semblait autrefois périr tout entière, c’est le caractère cosmopolite de la culture moderne, portée plus ou moins haut dans les diverses nations, mais à laquelle un grand nombre participe; c’est aussi le caractère des sciences positives, un des principaux élémens de cette culture, qui est de s’incorporer d’une manière inébranlable dans l’esprit humain, de s’y fixer par l’exactitude des méthodes et la précision des résultats, de telle sorte qu’elles ne puissent plus périr qu’avec lui. A vrai dire, même dans les temps anciens, ces naufrages de la civilisation n’étaient ni aussi profonds, ni aussi complets qu’ils paraissaient l’être aux contemporains ou aux successeurs immédiats de ces grands cataclysmes. Une science plus profonde a retrouvé et démontré dans les ténèbres des plus bas siècles de l’histoire la transmission des œuvres et des idées de la civilisation, obstinée à vivre sous le trouble et la violence de la surface et renouant à travers l’ignorance même et la barbarie les fils de sa trame mystérieuse, si bien qu’on a pu écrire des pages éloquentes et vraies sous ce titre, qui n’est paradoxal, qu’en apparence : « du progrès dans les siècles de décadence; » mais c’est là le dernier enseignement de l’expérience approfondie, comparée, raisonnée. Pour y parvenir, il a fallu traverser longuement, lentement, des impressions toutes contraires. Voilà pourquoi, à ce qu’il nous semble, l’humanité est arrivée si tard à cette idée du progrès, qui, réduite à ses élémens les plus simples, n’est rien autre chose que l’idée de l’unité de l’espèce humaine, de l’identité originelle de ses facultés, et par conséquent de la solidarité des générations qui se succèdent à travers les temps et des nations qui se rejoignent à travers l’espace, unies par le même devoir et par la même loi, celle de transmettre à l’avenir, en l’accroissant, le trésor de lumières et de biens accumulés par leurs pères.
périodiques où elle semblait autrefois périr tout entière, c’est le caractère cosmopolite de la culture moderne, portée plus ou moins haut dans les diverses nations, mais à laquelle un grand nombre participe ; c’est aussi le caractère des sciences positives, un des principaux élémens de cette culture, qui est de s’incorporer d’une manière inébranlable dans l’esprit humain, de s’y fixer par l’exactitude des méthodes et la précision des résultats, de telle sorte qu’elles ne puissent plus périr qu’avec lui. A vrai dire, même dans les temps anciens, ces naufrages de la civilisation n’étaient ni aussi profonds, ni aussi complets qu’ils paraissaient l’être aux contemporains ou aux successeurs immédiats de ces grands cataclysmes. Une science plus profonde a retrouvé et démontré dans les ténèbres des plus bas siècles de l’histoire la transmission des œuvres et des idées de la civilisation, obstinée à vivre sous le trouble et la violence de la surface et renouant à travers l’ignorance même et la barbarie les fils de sa trame mystérieuse, si bien qu’on a pu écrire des pages éloquentes et vraies sous ce titre, qui n’est paradoxal, qu’en apparence : « du progrès dans les siècles de décadence ; » mais c’est là le dernier enseignement de l’expérience approfondie, comparée, raisonnée. Pour y parvenir, il a fallu traverser longuement, lentement, des impressions toutes contraires. Voilà pourquoi, à ce qu’il nous semble, l’humanité est arrivée si tard à cette idée du progrès, qui, réduite à ses élémens les plus simples, n’est rien autre chose que l’idée de l’unité de l’espèce humaine, de l’identité originelle de ses facultés, et par conséquent de la solidarité des générations qui se succèdent à travers les temps et des nations qui se rejoignent à travers l’espace, unies par le même devoir et par la même loi, celle de transmettre à l’avenir, en l’accroissant, le trésor de lumières et de biens accumulés par leurs pères.


Nous ne suivrons pas dans le détail l’histoire de cette idée du progrès;. elle a été retracée, pour la partie des origines, par de savans écrivains <ref> Voyez M. Javary, ''de l’Idée du progrès'', 1851; — M. de Ferron, ''Théorie du progrès'', 1867. </ref> qui nous dispensent du soin de recommencer leur œuvre. Nous marquerons seulement à grands traits les phases principales de cette histoire jusqu’à l’heure présente, où des théories excessives, mais puissantes et hardies, ont complètement renouvelé la question.
Nous ne suivrons pas dans le détail l’histoire de cette idée du progrès ; . elle a été retracée, pour la partie des origines, par de savans écrivains <ref> Voyez M. Javary, ''de l’Idée du progrès'', 1851 ; — M. de Ferron, ''Théorie du progrès'', 1867.</ref> qui nous dispensent du soin de recommencer leur œuvre. Nous marquerons seulement à grands traits les phases principales de cette histoire jusqu’à l’heure présente, où des théories excessives, mais puissantes et hardies, ont complètement renouvelé la question.


Si nous voulions remonter jusqu’aux premières origines de l’idée du progrès, il n’est pas douteux que c’est par le christianisme que cette idée est entrée dans le monde. Sa métaphysique est une théorie transcendante du progrès. C’est le retour par le Christ à l’idéal perdu; c’est, comme dit saint Augustin, la reconstruction de la cité
Si nous voulions remonter jusqu’aux premières origines de l’idée du progrès, il n’est pas douteux que c’est par le christianisme que cette idée est entrée dans le monde. Sa métaphysique est une théorie transcendante du progrès. C’est le retour par le Christ à l’idéal perdu ; c’est, comme dit saint Augustin, la reconstruction de la cité