« L’Odyssée/Traduction Leconte de Lisle/11 » : différence entre les versions
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Alors j'ordonnai à mes compagnons d'écorcher les victimes qui gisaient égorgées par l'airain cruel, de les brûler et de les vouer aux dieux, à l'illustre Aidès et à l'implacable Perséphonéia. Et je m'assis, tenant l'épée aiguë tirée de sa gaine, le long de ma cuisse ; et je ne permettais pas aux têtes vaines des morts de boire le sang, avant que j'eusse entendu Teirésias.
La première, vint l'âme de mon compagnon Elpènôr. Et il n'avait point été enseveli dans la vaste terre, et nous avions laissé son cadavre dans les demeures de Kirkè, non pleuré et non enseveli, car un autre souci nous pressait. Et je pleurai en le voyant, et je fus plein de pitié dans le
– Elpènôr, comment es-tu venu dans les épaisses ténèbres ? Comment as-tu marché plus vite que moi sur ma nef noire ?
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– Malheureux, j'accomplirai toutes ces choses.
Nous nous parlions ainsi tristement, et je tenais mon épée au-dessus du sang, tandis que, de l'autre côté de la fosse, mon compagnon parlait longuement. Puis, arriva l'âme de ma mère morte, d'Antikléia, fille du magnanime Autolykos, que j'avais laissée vivante en partant pour la sainte Ilios. Et je pleurai en la voyant, le
– Pourquoi, ô malheureux, ayant quitté la lumière de Hèlios, es-tu venu pour voir les morts et leur pays lamentable ? Mais recule de la fosse, écarte ton épée, afin que je boive le sang, et je te dirai la vérité.
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Il parla ainsi, et, me reculant, je remis dans la gaine mon épée aux clous d'argent. Et il but le sang noir, et, alors, l'irréprochable divinateur me dit :
– Tu désires un retour très facile, illustre Odysseus, mais un dieu te le rendra difficile ; car je ne pense pas que celui qui entoure la terre apaise sa colère dans son
Il parla ainsi, et je lui répondis :
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Je parlai ainsi, et, aussitôt, ma mère vénérable me répondit :
– Elle reste toujours dans tes demeures, le
Elle parla ainsi, et je voulus, agité dans mon esprit, embrasser l'âme de ma mère morte. Et je m'élançai trois fois, et mon
– Ma mère, pourquoi ne m'attends-tu pas quand je désire t'embrasser ? Même chez Aidès, nous entourant de nos chers bras, nous nous serions rassasiés de deuil ! N'es-tu qu'une image que l'illustre Perséphonéia suscite afin que je gémisse davantage ?
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Puis, je vis Antiopè, fille d'Aisopos, qui se glorifiait d'avoir dormi dans les bras de Zeus. Elle en eut deux fils, Amphiôn et Zèthos, qui, les premiers, bâtirent Thèbè aux sept portes et l'environnèrent de tours. Car ils n'auraient pu, sans ces tours, habiter la grande Thèbè, malgré leur courage.
Puis, je vis Alkmènè, la femme d'Amphitryôn, qui conçut Hèraklès au
Puis, je vis la mère d'Oidipous, la belle Épikastè, qui commit un grand crime dans sa démence, s'étant mariée à son fils. Et celui-ci, ayant tué son père, épousa sa mère. Et les dieux révélèrent ces actions aux hommes. Et Oidipous, subissant de grandes douleurs dans la désirable Thèbè, commanda aux Kadméiones par la volonté cruelle des dieux. Et Épikastè descendit dans les demeures aux portes solides d'Aidès, ayant attaché, saisie de douleur, une corde à une haute poutre, et laissant à son fils les innombrables maux que font souffrir les Érinnyes d'une mère.
Puis, je vis la belle Khlôris qu'autrefois Nèleus épousa pour sa beauté, après lui avoir offert les présents nuptiaux. Et c'était la plus jeune fille d'Amphiôn laside qui commanda autrefois puissamment sur Orkhomènos Minyèénne et sur Pylos. Et elle conçut de lui de beaux enfants, Nestôr, Khromios et l'orgueilleux Périklyménos. Puis, elle enfanta l'illustre Pèrô, l'admiration des hommes qui la suppliaient tous, voulant l'épouser ; mais Nèleus ne voulait la donner qu'à celui qui enlèverait de Phylakè les
Puis, je vis Lèdè, femme de Tyndaros. Et elle conçut de Tyndaros des fils excellents, Kastor dompteur de chevaux et Polydeukès formidable par ses poings. La terre nourricière les enferme, encore vivants, et, sous la terre, ils sont honorés par Zeus. Ils vivent l'un après l'autre et meurent de même, et sont également honorés par les dieux.
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Après que la vénérable Perséphonéia eut dispersé çà et là les âmes des femmes, survint l'âme pleine de tristesse de l'Atréide Agamemnôn ; et elle était entourée de toutes les âmes de ceux qui avaient subi la destinée et qui avaient péri avec lui dans la demeure d'Aigisthos.
Ayant bu le sang noir, il me reconnut aussitôt, et il pleura, en versant des larmes amères, et il étendit les bras pour me saisir ; mais la force qui était en lui autrefois n'était plus, ni la vigueur qui animait ses membres souples. Et je pleurai en le voyant, plein de pitié dans mon
– Atréide Agamemnôn, roi des hommes, comment la kèr de la dure mort t'a-t-elle dompté ? Poseidaôn t'a-t-il dompté dans tes nefs en excitant les immenses souffles des vents terribles, ou des hommes ennemis t'ont-ils frappé sur la terre ferme, tandis que tu enlevais leurs
Je parlai ainsi, et, aussitôt, il me répondit :
– Divin Laertiade, subtil Odysseus, Poseidaôn ne m'a point dompté sur mes nefs, en excitant les immenses souffles des vents terribles, et des hommes ennemis ne m'ont point frappé sur la terre ferme ; mais Aigisthos m'a infligé la kèr et la mort à l'aide de ma femme perfide. M'ayant convié à un repas dans la demeure, il m'a tué comme un
Il parla ainsi, et je lui répondis :
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Et les autres âmes de ceux qui ne sont plus s'avançaient tristement, et chacune me disait ses douleurs ; mais, seule, l'âme du Télamoniade Aias restait à l'écart, irritée à cause de la victoire que j'avais remportée sur lui, auprès des nefs, pour les armes d'Akhilleus. La mère vénérable de l'Aiakide les déposa devant tous, et nos juges furent les fils des Troiens et Pallas Athènè. Plût aux dieux que je ne l'eusse point emporté dans cette lutte qui envoya sous la terre une telle tête, Aias, le plus beau et le plus brave des Akhaiens après l'irréprochable Pèléiôn ! Et je lui adressai ces douces paroles :
– Aias, fils irréprochable de Télamôn, ne devrais-tu pas, étant mort, déposer ta colère à cause des armes fatales que les dieux nous donnèrent pour la ruine des Argiens ? Ainsi, tu as péri, toi qui étais pour eux comme une tour ! Et les Akhaiens ne t'ont pas moins pleuré que le Pèlèiade Akhilleus. Et la faute n'en est à personne. Zeus, seul, dans sa haine pour l'armée des Danaens, t'a livré à la moire. Viens, ô roi, écoute ma prière, et dompte ta colère et ton
Je parlai ainsi, mais il ne me répondit rien, et il se mêla, dans l'Érébos, aux autres âmes des morts qui ne sont plus. Cependant, il m'eût parlé comme je lui parlais, bien qu'il fût irrité ; mais j'aimai mieux, dans mon cher
Et je vis Minôs, l'illustre fils de Zeus, et il tenait un sceptre d'or, et, assis, il jugeait les morts. Et ils s'asseyaient et se levaient autour de lui, pour défendre leur cause, dans la vaste demeure d'Aidès.
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