« Husserl. Sa critique du psychologisme et sa conception d’une Logique pure » : différence entre les versions

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Mais après toutes ces critiques, qu’enferme donc l’idée de la Logique pure telle que Husserl l’entend ? Nous avons dit au début que la science est essentiellement système, unité théorique de connaissances vraies. Qu’est-ce qui détermine ce système, cette unité théorique ? C’est l’unité des lois rationnelles, unité qui provient, soit d’un principe. fondamental unique, soit d’une liaison de principes homogènes. Aux exigences de la science idéale satisfont les sciences dites improprement abstraites, et qui tiennent en effet leur unité, non pas de l’unité de leur matière ou de leur objet, mais de l’unité de leurs procédés d’explication : ces sciences, on les appellerait plutôt nomologiques ; l’unité dont se réclament les sciences dites concrètes, et qui leur vient de ce qu’elles s’appliquent aux mêmes objets particuliers ou au même genre empirique d’objets, n’est point une unité essentielle. Les sciences nomologiques sont les sciences fondamentales, et c’est à elles que tentent de se rattacher les sciences concrètes dès qu’elles prétendent à plus de rigueur. Ce n’est pas au reste décider par là de la valeur respective des deux sortes de sciences. L’intérêt théorique n’est pas le seul que l’on doive considérer. Il y a des intérêts esthétiques, moraux, pratiques, qui peuvent et doivent entrer en ligne de compte. Mais ce qu’il est juste de soutenir, c’est que, là ou l’intérêt théorique prime tout, le fait particulier et la liaison empirique n’ont aucune valeur, ou plutôt n’ont de valeur que comme point de départ pour l’élaboration d’une théorie générale.
 
Le problème essentiel de la Logique, c’est donc le problème concernant les conditions de la possibilité de la science en général, de la possibilité de la théorie et de l’unité déductive. Il s’agit d’abord de définir les concepts primitifs qui font l’enchaînement de la connaissance : ces concepts sont naturellement les concepts des formes de liaisons élémentaires, grâce auxquelles est possible l’unité déductive des propositions, par exemple, la liaison conjonctive, disjonctive, hypothétique, qui fait passer de certaines propositions à des propositions nouvelles ; en outre les formes de liaisons des éléments significatifs des propositions simples, et ceci conduit à étudier les diverses formes de sujet, de prédicat, etc. Il y a des lois définies pour les complications progressives par lesquelles une pluralité illimitée de formes nouvelles sort des formes primitives, et ces lois r entrent naturellement dans le cercle d’études que nous traçons. En rapport avec les concepts qui sont les catégories de la signification, il y a des concepts qui sont les catégories objectives formelles, concepts d’objet, d’unité, de pluralité, de rapport, de liaison, etc. Dans tous les cas, ce sont toujours des concepts indépendants de toute matière particulière de connaissance ; ce sont des concepts que l’on obtient par la réflexion sur la fonction de la pensée. Il faut en déterminer l’origine, non pas, bien entendu, l’origine psychologique, mais l’origine logique ; c’est à dire qu’il s’agit d’en savoir le sens et d’en marquer la signification distinctive. Et quand on n’a pas affaire à des concepts simples, il y a lieu de retrouver le sens des concepts élémentaires qui les composent, ainsi que les concepts de leurs modes de liaison formelle. — Un second groupe de problèmes concerne l’établissement des lois qui ont leur principe dans les catégories dont nous venons de parler, et qui ont trait, non plus à leur complication, mais à la valeur objective des unités théoriques fondées sur elles : ces lois constituent à leur tour des théories, théorie des raisonnements, dont fait partie la syllogistique, théorie pure des nombres, etc. — Un troisième ordre de recherches aurait pour but la théorie des diverses formes possibles de théories ; il y a un ordre de procédés définis, d’après lequel nous construisons les formes possibles, nous produisons leur enchaînement, régulier et nous les convertissons les unes dans les autres en variant leurs facteurs essentiels. La mathématique formelle, en ce qu’elle a de plus universel, nous fournit un type partiel de ce que cette recherche devrait réaliser. Au surplus, le développement de la théorie logique nous fait de divers côtés pénétrer dans la mathématique pure : les théories du raisonnement, du syllogisme, ne sont elles pas revendiquées par les mathématiciens ? Il n’y aurait lieu de protester contre ce fait que si l’on avait appris la mathématique uniquement chez Euclide, que si, méconnaissant le développement de la mathématique moderne, on prétendait toujours exclure de la mathématique tout ce qui n’est pas nombre et quantité. Reste cependant une différence entre le mathématicien et le philosophe. Le mathématicien n’est pas à la vérité un théoricien pur ; c’est un constructeur qui, tout en ne visant qu’à des suites de raisons formelles, édifie la théorie comme un ouvrage d’art. Il y a donc une autre œuvre à élever, la théorie des théories, et cette oeuvreœuvre revient au philosophe.
 
Mais cet étroit rapprochement de la logique et de la mathématique ne va-t-il pas exclure du domaine de la logique les sciences de fait qui s’établissent par l’expérience ? Oui et non. Dans ces sciences, la théorie est simplement supposée ; elle se développe d’après des lois qui pour la pensée sont, non pas certaines, mais simplement probables. Seulement la probabilité a ses lois qu’une logique complète doit comprendre.