« Lettres sur les hommes d’État de France/07 » : différence entre les versions

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Dès-lors la place de M. duc de Broglie fut distinctement marquée dans la chambre des pairs; et cette place, il ne la quitta pas durant toute la restauration. L'homme d'état qui avait voté contre la peine de mort en matière politique, vota contre l'ordonnance du 24 juillet, en demandant ''une amnistie plus complète'', avec cette fine causticité qui a fait la fortune politique de M. de Broglie dans l'opposition, et qui a causé sa ruine chaque fois qu'il s'est trouvé au pouvoir. Puis, il parla tour à tour, et d'année en année, en faveur de la liberté individuelle, contre la saisie préalable des écrits, contre la violation du secret des lettres, contre les lois de censure, contre la détention préventive, contre tout ce que la restauration se crut obligée de faire pour résister à une menaçante opposition, toutes choses qui se firent depuis, parce que la même nécessité amena les mêmes moyens de défense, toutes choses que M. de Broglie fut obligé d'approuver de son silence et souvent de sa signature, quand il se trouva dans le conseil.
 
Maintes fois, dans ces lettres que je vous écris de loin en loin, monsieur, les hommes se sont présentés sous deux faces, et sous deux faces toujours bien opposées. C'est l'histoire banale d'un grand nombre d'hommes d'état. La jeunesse d'abord, et tous les rêves qui l'accompagnent, de nobles et généreux projets, une indignation pleine de verve, qui soutient et anime le talent, l'amour effréné et pur de la liberté et de toutes les libertés, la haine des abus, une chose publique livrée à l'examen de tous, sans tache, sans arbitraire, sans priviléges, un régime tel que le décrivait Platon; puis, quand le temps est venu de se mettre à l'oeuvreœuvre, quand le pouvoir tombe aux mains de ceux qui voulaient le façonner ainsi, l'âge mûr est déjà là, et avec l'âge mûre l'expérience, la triste expérience des difficultés du gouvernement, la connaissance de la corruption des partis, tout ce qui se révèle à vous quand vous vieillissez dans le maniement des affaires, tout ce qui fait qu'on débute comme l'assemblée constituante, et qu'on finit comme le directoire, ou si les temps sont meilleurs comme le consulat et l'empire, et alors, selon qu'on est Pombal ou Mazarin, Canning ou Villèle, le coeurcœur se brise ou se bronze, ainsi que disait Chamfort; le ministère devient la critique amère de la vie politique qui l'a précédé, et ceux qui ne prennent part à rien et qui regardent, crient à l'apostasie et à l'abjuration ! Hélas! il faut bien le dire à ceux qui ne le savent pas encore, et qui croient naïvement qu'ils échapperont à cette toi commune, l'entrée aux affaires d'un homme qui a prêché la liberté et la réforme, est toujours plus ou moins une apostasie. Heureux et dignes de l'être ceux qui n'abandonnent pas leurs principes et qui ne font que les modifier, qui ne cèdent qu'aux nécessités du pouvoir et non aux caprices et aux entraînemens de la force, et qui ne se révoltent pas effrontément contre leur vie passée ! Souffrez donc, monsieur, que je ne tourne pas contre M. de Broglie ses discours à la chambre des pairs pendant les quinze années de la restauration, et que je ne m'en fasse pas une arme contre lui; car M. de Broglie est un de ces hommes dont je vous parle maintenant, qui pleurent sincèrement leur jeunesse politique, et qui voudraient bien retrouver, au milieu des jours sombres du pouvoir, le soleil éclipsé du printemps. Croyez-moi, n'augmentons pas les douleurs du supplice qu'endure M. de Broglie, depuis que cette ame droite s'est dit qu'elle en demandait trop aux ministres qu'elle combattait autrefois, depuis qu'elle s'est avouée son insuffisance à faire monter avec elle au pouvoir les principes qu'elle avait protégés. Ce serait une cruauté bien inutile que d'ajouter au trouble qui s'est emparé de l'ancien défenseur de Ney, de l'accusateur du ministère qui, en 1810, réprimait les émeutes le sabre à la main, de l'homme juste qui s'est vu contraint de se livrer à son propre blâme d'autrefois, et d'encourir la condamnation qu'il avait prononcée sur d'autres. Quel sort que celui-là pour un homme de doctrines qui formulait déjà dès son enfance la vie entière comme un théorème, et qui résistait à toutes les impressions pour ne pas déranger l'édifice géométrique de sa morale et de sa philosophie! Nous l'avons vu réduit à venir à la tribune avouer l'insuffisance de ses principes, les rejeter comme de faibles réseaux, et proclamer l'empire absolu de la nécessité comme le dernier terme de la sagesse d'un homme d'état. Voilà donc où ont abouti les longues méditations de M. de Broglie, ses études, ses travaux, ses liaisons avec tous les hommes supérieurs de l'Europe, son commerce assidu avec Bentham et Benjamin Constant, son culte pour Mme de Staël, une vie tout entière de régularité, de méthodisme, et de retraite au milieu du monde le plus dissipé! Au néant, au fatalisme turc, au déni de la perfectibilité politique; et à la triste condition de n'avoir à répondre que par un rire amer à ceux qui ont conserve leurs espérances d'autrefois. Autant valait vivre comme tous les Broglie, se faire soldat, enfourcher un cheval, batailler, guerroyer, et ne croire en ce monde qu'à la raison du sabre et à la logique du canon!
 
Encore si, en cédant à la nécessité, M. le duc de Broglie avait franchement reconnu cette divinité qu'il a proclamée du haut de la tribune; mais M. de Broglie semble avoir séparé le monde politique en deux zones. Ses systèmes restent debout au milieu des nécessités qui les battent; il a si peu l'habitude d'être en présence des faits, que, dès qu'ils ont cessé de peser sur ses doctrines, elles se relèvent plus inflexibles que jamais, jusqu'à ce qu'elles rencontrent de nouveaux faits qui les terrassent. C'est ainsi que M. le duc de Broglie a traversé trois fois le pouvoir, et qu'il en est sorti trois fois par la même porte, l'obstination. Vous pouvez être assuré, monsieur, que ces trois déroutes successives n'ont pas laissé de traces dans son esprit, et qu'il viendrait se faire battre une quatrième fois sur le même terrain, avec le même sang-froid. C'est un singulier spectacle, difficile à comprendre, et dont M. de Broglie ne se rend peut-être pas bien compte à lui-même, que celui-ci. M. de Broglie a évidemment renoncé à pratiquer les principes qu'il soutenait dans ses discours de la restauration; ses actes politiques sont là pour l'attester, et en théorie il défend chaleureusement ces principes; en lui, la raison et l'action se séparent, la tête abandonne le bras, et c'est tout au plus si la nécessité, cette mystérieuse puissance invoquée par M. de Broglie, pourrait justifier ces étranges contradictions.
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Dans une autre circonstance, après les émeutes du mois de juin 1820, M. de Broglie disait encore ces paroles-ci : « Je me sens blessé de l'indifférence hautaine avec laquelle le gouvernement a constamment accueilli ces scènes de douleur... Je me plains de n'avoir pas entendu s'échapper un regret, pas une parole sensible, pas un accent de douleur constitutionnelle, à la vue de la capitale en proie aux soldats. » Cette douleur constitutionnelle, M. de Broglie l'a éprouvée sans doute, quand il a vu, non pas seulement la capitale, mais les deux principales villes du royaume, ravagées, ensanglantée, et aux prises avec les soldats, qui marchaient par ordre du cabinet dont il faisait partie; mais la nécessité le voulait, et elle a réduit au silence la juste douleur de M. de Broglie.
 
Le célèbre Bentham, qui a renversé tant d'idées admises jusqu'à lui, en économie politique et en législation, avait tout réduit à la doctrine de ''l'utilité''. Selon Bentham, il fallait rayer du code des nations tous les droits naturels et imprescriptibles, attendu, dit-il dans ''ses Principes de législation'', qu'on ne peut raisonner avec des forcenés qui se targuent d'un droit que chacun d'eux entend à sa façon. Dans ce système, Bentham évalue tout selon le gain qui doit en revenir, et d'après lui, quand la somme des gains de toute espèce, que fait une nation, dépasse la somme de ses pertes et de ses dommages, cette nation est bien gouvernée, et à coup sûr la morale est satisfaite. M de Broglie s'est abstenu, jusqu'à ce jour, de donner la clé de sa philosophie politique, et vous voyez, monsieur, la peine que nous avons à la trouver. Ne serait-il pas le disciple secret de l'auteur des ''Principes de législation'' et ''la nécessité'' n'a-t-elle pas été tout bonnement empruntée à ''l'utilité'' du vieux Jérémie Bentham, devant qui tout disparaît, droits naturels, droits acquis, comme disparaissaient les voeuxvœux devant ce dieu romain, qui déliait les sermons. À ce compte, la philosophie de M. de Broglie rentrerait dans les premières idées de l'école doctrinaire; sa nécessité ou son utilité, prise d'un certain point de vue, serait tout simplement ''le pape'' de M. de Maistre, ce qui signifie un pouvoir suprême ou absolu quelconque, homme ou principe, il n'importe, et nous aurions enfin trouvé, entre M. de Broglie et ses amis politiques, l'unité que nous cherchons.
 
Car l'école doctrinaire a débuté, vous le savez bien, monsieur, par le principe de l'aristocratie et peut-être par le principe du despotisme. En 1814, M. Royer-Collard et M. Guizot en étaient là, du moins. Lisez les premiers écrits de M. Guizot, voyez ses premiers projets de loi, anonymes, il est vrai, et lisez les discours que fit en ce temps-là M. Royer-Collard. Tout cela est identique. Je n'ai rien à dire de M. de Broglie. M. de Broglie était à peine né à la vie politique; en 1815, il parla pour la libre défense des accusés; mais c'était un principe philantropique qui pouvait très bien s'allier aux idées d'aristocratie, sinon de pouvoir absolu. D'ailleurs, M. de Broglie avait servi Napoléon; il avait administré pour un despote l'Illyrie et une province d'Espagne; et l'exposition de ses principes sur la liberté, exposition bien incomplète, n'eut lieu, pour la première fois, qu'en 1817, à l'époque où le petit noyau de l'école doctrinaire commença à passer du côté de la démocratie. Vinrent ensuite les discours de M. de Broglie, pour la liberté individuelle, pour la liberté de la presse, les pamphlets de M. Guizot et les discours si renommés de M. Royer-Collard, qui le firent élire par sept collèges. L'école doctrinaire apparaît; mais bientôt M. Royer-Collard, ainsi que M. de Broglie, se taisent, en s'enfermant dans le voile impénétrable de leurs nuages, et M. Guizot reste le seul dieu visible de cette trinité ; bien plus, il se fait homme et daigne se promener au milieu de ses disciples, les enseigner et rompre le pain avec eux. Aussi M. Guizot eut-il seul les avantages de la popularité; et avec les avantages, les traverses et les infortunes. Il souffrit pour la doctrine, et fut destitué; mais la morale populaire qu'il avait prêchée fructifia par la persécution, et il sortit du tombeau politique où l'avaient descendu les scribes et les pharisiens de la restauration, pour devenir ministre. Ici commence la troisième phase de l'école, ou plutôt elle revient au point d'où elle était partie.
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Vous ne voulez pas, monsieur, que je suive ce cabinet dans toutes ses transformations, depuis le I1 octobre 1832 jusqu'à sa fin, advenue le 11 février 1836; longue période, pendant laquelle M. le duc de Broglie sortit deux fois du ministère, et la seconde fois pour n'y rentrer sans doute jamais. Ce qu'il faut admirer dans ce ministère, c'est sa durée. Il fallait que la nécessité de se réunir fût bien grande, puisque M. Thiers s'entendit si long-temps avec M. Guizot, puisque deux élémens si contraires ne rompirent pas leurs liens! En disant que l'un de ces liens principaux fut M. de Broglie, je crois vous faire l'éloge de l'ancien ministre des affaires étrangères. M. Guizot est un homme de résistance, comme est M. Thiers, quoique l'esprit de résistance de celui-ci soit moins âpre et moins violent; mais, hors de là, rien ne rapprochait, et tout éloignait au contraire ces deux hommes, dont l'intelligence a pris deux routes différentes. Il paraît, au contraire, que M. de Broglie et M. Thiers s'entendaient assez bien, mieux même qu'on ne pourrait le croire. M. de Broglie a toujours passé pour un esprit inabordable et pour un caractère redouté, à cause de ses formes exclusives et de sa décision. Ces défauts de M. de Broglie ont été exagérés, et une certaine opiniâtreté, quelquefois incommode, une distraction habituelle, digne d'être peinte par La Bruyère, ont pu motiver ce jugement. Je sais du moins qu'au 11 octobre, quand il fut question de former un ministère, le roi et tous les ministres désignés s'empressèrent d'offrir le portefeuille des affaires étrangères à M. de Broglie, tandis que tout le monde semblait, au contraire, avoir peur de M. Guizot. Mais M. de Broglie refusa de faire partie d'un cabinet où ne serait pas M. Guizot, et M. Guizot n'entra qu'ainsi au ministère de l'instruction publique, dont les portes lui furent ouvertes par la main fidèle de son ami.
 
Je veux rectifier encore à vos veux, monsieur, une autre opinion erronée qu'on a de M. de Broglie. On a toujours supposé que M. Guizot était l'ame du conseil, et que M. de Broglie, tout instruit, tout profond rédacteur de lois et de traités qu'il est, n'était que l'ombre de M. Guizot. Moi-même j'ai long-temps partagé cette erreur, et j'ai cru comme tout le monde, c'est-à-dire comme tout le monde qui ignore le côté véritable des affaires, que tout se passait entre M. Thiers et M. Guizot, lutte et efforts communs, division et rapprochemens, discussions de mesures politiques et de systèmes. Or, il n'en était rien. La vérité est que M. Guizot, à part son système général de résistance et d'intimidation, agissait peu dans le conseil, quand il s'y débattait de grandes mesures politiques, et surtout quand on traitait des affaires extérieures qui sont les plus grosses affaires de ce temps. La raison en est que M. Guizot sait mal ces affaires, que, politiquement parlant, il est peu travailleur, et que, toujours prêt à composer un éclatant discours de tribune, il a peu de temps à donner à un mémoire ou à un rapport de cabinet, qui doivent rester dans l'ombre. En un mot, M. Guizot n'est pas ''trouveur'' autour d'une table du conseil; il n'est pas doué de cette qualité qui distingue si éminemment M. Thiers, et qui l'a rendu indispensable même à M. Guizot. Elle manque même totalement à M. Guizot, tandis que M. de Broglie la possède à un certain degré. Au conseil, quand il prévoyait qu'il serait question des affaires de l'Europe, M. Guizot arrivait tard, il écoutait mal, et n'avait pas d'idée à lui. L'éminence de son esprit et sa supériorité bien constatée l'abandonnaient à ces heures-là. Croirait-on que dans la discussion de l'intervention en Espagne, M. Guizot se prit à dire à plusieurs reprises, et comme pour résumer la discussion : ''Eh bien! on peut suivre les deux voies''. C'est comme s'il eût proposé d'envoyer une armée entre le Rhin et les Pyrénées. - M. de Broglie, au contraire, est fécond; il aime les affaires autant que M. Guizot aime le pouvoir, deux choses qui ne sont pas identiquement les mêmes; il trouve au besoin des idées et des expédiens, mais il ne faut pas que ce besoin soit très pressant, car la faconde de M. le duc de Broglie n'est ni diligente ni rapide, et elle a besoin de délai et de repos. Or, dans un cabinet, quand les évènemens se pressent au dehors, ils ne sont pas de nature à attendre patiemment une décision; un conseil est une bataille où la rapidité du coup d'oeil et de la manoeuvremanœuvre décident de tout, et deux heures, prises sur la marche d'un courrier pour réfléchir, sont souvent aussi fatales que le retard d'un corps d'armée. Cependant, c'est ici le cas de dire le proverbe vulgaire : ''Mieux vaut tard que jamais''. M. de Broglie arrivait tard avec son avis, mais son avis arrivait. Il prenait son temps pour réfléchir sur la question russe, la question espagnole et la question ottomane; mais ce temps passé, les affaires se controversaient entre M. Thiers, M. de Broglie, et un troisième qui n'est pas sans intelligence des affaires diplomatiques, et elles se décidaient sans prendre ''les deux voies''. On peut voir, dans le cabinet du ministre des affaires étrangères, un vaste fauteuil ''à la Talleyrand'', qui s'y trouve encore, je suppose, à moins que M. Thiers ne l'ait repoussé comme un meuble inutile. Ce fauteuil servait aux méditations de M. de Broglie. Je tiens ce détail d'un des membres les plus spirituels du corps diplomatique. Quand les ambassadeurs étrangers venaient rendre visite au ministre des affaires étrangères, ils le trouvaient au fond de ce fauteuil, la tête dans ses mains, et tellement abîmé dans ses réflexions, qu'il n'entendait ni la voix de l'huissier qui annonçait l'ambassadeur, ni les premières paroles qui lui étaient adressées. Je ne dis pas que M. de Broglie a toujours eu de bonnes inspirations dans son fauteuil; loin de là, je crois, d'après de bons auteurs, et à en juger d'après ce que nous avons vu, qu'il y a éprouvé de fâcheuses distractions, source de bien des fautes; mais ces fautes sont de lui, comme ce qu'il a fait de bien, et non pas de M. Guizot. M. Guizot a assez de sa propre responsabilité et de son propre mérite, sans lui attribuer le mérite et les actes de M. de Broglie.
 
Puisque j'ai commencé à vous parler de la manière dont M. le duc de Broglie recevait les ambassadeurs, continuons. Je ne sais, monsieur, si vous savez ce que c'est qu'un ambassadeur le jour de ses dépêches? Ce jour-là, il faut que l'ambassadeur écrive à sa cour. S'il est en France, à Paris par conséquent, il écrira de la France et de Paris. Il lui faut ce jour-là, selon l'importance de l'ambassadeur et de la cour, quatre pages ou six pages sur l'esprit public du pays où il réside, sur la marche du gouvernement, sur sa disposition à l'égard des gouvernemens étrangers, etc. Alors l'ambassadeur se met en quête, l'ambassadeur d'un côté, et les secrétaires d'ambassade de l'autre; l'ambassadeur chez les ministres, et les secrétaires dans les bureaux du ministère. Si l'ambassadeur trouve un ministre des affaires étrangères qui cause, qui discourt, qui parle des affaires (sans dire les secrets du cabinet), qui s'ouvre autant qu'on peut s'ouvrir quand on est ministre, et ministre d'un tel département, la dépêche s'en ressent. On a prêté à ce gouvernement et à ce ministère des projets hostiles qu'ils n'ont pas, dit la dépêche; les explications du ministre donnent l'assurance que les dispositions sont toujours bonnes; le ministre a dissipé telle défiance qui s'était élevée d'après un certain bruit, et quand vingt dépêches, écrites sous cette influence, sont expédiées à vingt gouvernemens, bien des difficultés qui naissaient, et qui auraient pu grossir, se trouvent aplanies. Mais il faut que la dépêche parte, il faut qu'elle parte, et qu'elle renferme des faits; et quand le ministre se tait, et ne fait pas lui-même la dépêche de l'ambassadeur, en s'expliquant dans son cabinet, d'autres la font pour lui, ses ennemis souvent, ses amis quelquefois, ce qui est plus dangereux encore; car, un jour de dépêches, un ambassadeur prend ses nouvelles où il peut; c'est un journaliste, et un journaliste qui n'est pas contrôlé par la publicité.