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entretenir une forte armée, il fallait une agriculture florissante, de l’industrie, du travail, de l’ordre partout. Il haïssait l’oisiveté jusqu’à battre de sa canne les maraîchères de Berlin qui négligeaient leur tricot. Il avait en horreur les modes efféminées, le luxe de toilette, les habitudes de dissipation que la noblesse française avait fait adopter à toute l’Europe. Il vivait simplement, rudement, à la façon des anciens barons du nord, et il voulait que tout le monde l’imitât. Il parvint ainsi, sans surcharger la population, à léguer à son fils un territoire de 123,000 kilomètres carrés avec une population presque doublée de 2,486,000 âmes, un trésor de 34 millions de francs, pas un sou de dette et une armée de 72,000 hommes, la mieux payée, la mieux disciplinée, la mieux exercée et équipée de l’époque. On sait l’usage qu’en fit Frédéric II. Il réclame les comtés de Liegnitz, échus à sa maison par droit de réversion, et, sur le refus de l’Autriche, il lui enlève en deux campagnes toute la Silésie, la perle de l’empire, comme disait Marie-Thérèse. Pendant la guerre de sept ans, seul il résiste avec les ressources d’un pays de 2 millions 1/2 d’habitans à presque toute l’Europe, la France, la Russie, l’Autriche et la Suède coalisées pour l’écraser et se partager ses dépouilles. Berlin est pris, ses états dévastés; mais il sort vainqueur de la lutte sans rien lâcher, pas même la Silésie. En 1772, il prend sa part du premier partage de la Pologne et il obtient la Prusse occidentale, jadis cédée à la couronne polonaise par le grand-maître vaincu. En 1778, il fit encore trembler l’Autriche dans une campagne en Bohême exactement semblable à celle de l’été de 1866 par la façon dont il conduisit ses deux armées à travers les défilés de la chaîne des Géans, mais sans bataille décisive pour la couronner. Par des miracles de bonne administration, il laissa à son neveu un état de 200,000 kilomètres carrés, une population de 5,430,000 âmes, un revenu de 80 millions de francs et un trésor en écus sonnans de 260 millions. Frédéric-Guillaume II obtient au second et au troisième partage (1793 et 1795) Dantzig, Thorn et une grande partie de la Pologne proprement dite avec Varsovie. Sa malheureuse campagne de France et la défaite de Valmy ne lui coûtèrent pas trop cher, car en échange de ses possessions de ce côté-ci du Rhin, Clèves et Gueldre, le directoire lui accorda par un traité secret le droit de s’annexer des principautés ecclésiastiques qui formaient presque toute la Westphalie. Sous Frédéric-Guillaume IV, l’heure des revers sonna enfin. A Iéna, l’armée du grand Frédéric, momifiée par la routine et dépourvue de tout esprit patriotique, est dispersée sans effort, et la Prusse est réduite à la moitié de son ancien territoire au profit de la Saxe et du grand-duché de Varsovie, créations improvisées et incomplètes de Napoléon. Au traité de Vienne, elle prit sa revanche, et sut se
entretenir une forte armée, il fallait une agriculture florissante, de l’industrie, du travail, de l’ordre partout. Il haïssait l’oisiveté jusqu’à battre de sa canne les maraîchères de Berlin qui négligeaient leur tricot. Il avait en horreur les modes efféminées, le luxe de toilette, les habitudes de dissipation que la noblesse française avait fait adopter à toute l’Europe. Il vivait simplement, rudement, à la façon des anciens barons du nord, et il voulait que tout le monde l’imitât. Il parvint ainsi, sans surcharger la population, à léguer à son fils un territoire de 123,000 kilomètres carrés avec une population presque doublée de 2,486,000 âmes, un trésor de 34 millions de francs, pas un sou de dette et une armée de 72,000 hommes, la mieux payée, la mieux disciplinée, la mieux exercée et équipée de l’époque. On sait l’usage qu’en fit Frédéric II. Il réclame les comtés de Liegnitz, échus à sa maison par droit de réversion, et, sur le refus de l’Autriche, il lui enlève en deux campagnes toute la Silésie, la perle de l’empire, comme disait Marie-Thérèse. Pendant la guerre de sept ans, seul il résiste avec les ressources d’un pays de 2 millions 1/2 d’habitans à presque toute l’Europe, la France, la Russie, l’Autriche et la Suède coalisées pour l’écraser et se partager ses dépouilles. Berlin est pris, ses états dévastés ; mais il sort vainqueur de la lutte sans rien lâcher, pas même la Silésie. En 1772, il prend sa part du premier partage de la Pologne et il obtient la Prusse occidentale, jadis cédée à la couronne polonaise par le grand-maître vaincu. En 1778, il fit encore trembler l’Autriche dans une campagne en Bohême exactement semblable à celle de l’été de 1866 par la façon dont il conduisit ses deux armées à travers les défilés de la chaîne des Géans, mais sans bataille décisive pour la couronner. Par des miracles de bonne administration, il laissa à son neveu un état de 200,000 kilomètres carrés, une population de 5,430,000 âmes, un revenu de 80 millions de francs et un trésor en écus sonnans de 260 millions. Frédéric-Guillaume II obtient au second et au troisième partage (1793 et 1795) Dantzig, Thorn et une grande partie de la Pologne proprement dite avec Varsovie. Sa malheureuse campagne de France et la défaite de Valmy ne lui coûtèrent pas trop cher, car en échange de ses possessions de ce côté-ci du Rhin, Clèves et Gueldre, le directoire lui accorda par un traité secret le droit de s’annexer des principautés ecclésiastiques qui formaient presque toute la Westphalie. Sous Frédéric-Guillaume IV, l’heure des revers sonna enfin. A Iéna, l’armée du grand Frédéric, momifiée par la routine et dépourvue de tout esprit patriotique, est dispersée sans effort, et la Prusse est réduite à la moitié de son ancien territoire au profit de la Saxe et du grand-duché de Varsovie, créations improvisées et incomplètes de Napoléon. Au traité de Vienne, elle prit sa revanche, et sut se