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de provisions de toute sorte. On songea d’abord aux blessés, installés déjà dans une bonne ambulance, grâce aux soins du docteur Thomas, qui avait passé la journée à faire des opérations sous le feu de l’ennemi. Quatre habitans étaient seuls restés dans le village, le curé et trois Espagnols, qui s’empressèrent d’ouvrir leurs ''tiendas'' et de se rendre utiles. Les ombres de la nuit avaient grandi; tout retomba bientôt dans le silence.
de provisions de toute sorte. On songea d’abord aux blessés, installés déjà dans une bonne ambulance, grâce aux soins du docteur Thomas, qui avait passé la journée à faire des opérations sous le feu de l’ennemi. Quatre habitans étaient seuls restés dans le village, le curé et trois Espagnols, qui s’empressèrent d’ouvrir leurs ''tiendas'' et de se rendre utiles. Les ombres de la nuit avaient grandi ; tout retomba bientôt dans le silence.




<center>III</center>
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Pendant le combat, Carbajal, mal secondé par sa troupe dès qu’elle se sentit écrasée par la mitraille, s’était multiplié sur les points les plus périlleux. Plusieurs fois pendant l’action, on avait aperçu bravement monté sur les parapets un Mexicain à l’allure vigoureuse, de taille moyenne, aux cheveux bruns et au teint cuivré, coiffé d’un ''sombrero'' de paille, vêtu d’une courte pelisse de noir astrakan et de ''calzoneras'' <ref> Pantalons collans du pays, se boutonnant extérieurement sur les deux côtés et s’ouvrant de bas en haut, pendant les chaleurs, jusqu’au genou; de cette ouverture s’échappe un second pantalon flottant sur la cheville, en étoffe blanche et aux larges plis. </ref> de cuir jaune à boutons d’argent. Il était armé d’une carabine Sharp qui plus tard devait enrichir la galerie d’un collectionneur émérite, le général Neigre. C’était Carbajal, qui visait lui-même avec une remarquable adresse les officiers français, reconnaissables à leurs insignes. Le capitaine Du Vallon avait été frappé de sa main. Au moment du dernier assaut, le général juariste s’était adossé à l’angle de l’église. Au fort de la déroute, il avait été blessé à la jambe droite : pressé vivement par nos cavaliers, il disparut dans le fourré après avoir sauté dans un ravin où il se luxa l’épaule. Cloué par la douleur, il resta caché dans une mare d’eau jusqu’à la nuit. Quand l’obscurité fut complète, brisé de souffrance et grelottant de froid (il s’était dépouillé de sa pelisse dans la crainte d’être reconnu), il put s’emparer d’un cheval tout harnaché qui paissait en liberté. Il se mit péniblement en selle et s’en alla errant au hasard, le ''revolver'' au poing. Un Indien qu’il rencontra lut servit de guide. Le lendemain il passait à Ozuluama, ramassait quelques fuyards, et huit jours après son désastre entrait à Vittoria dans la maison de Cortina, suivi d’une centaine de soldats de San-Antonio ralliés sur le parcours. Il confia lui-même tous ces détails à son cousin don Martin de Léon, consul américain à Sotto-la-Marina, ville du Tamaulipas pas où, six mois plus tard, ce parent de Carbajal nous racontait à table cet épisode. Pendant que nous écoutions son récit, il faisait évader Car-
Pendant le combat, Carbajal, mal secondé par sa troupe dès qu’elle se sentit écrasée par la mitraille, s’était multiplié sur les points les plus périlleux. Plusieurs fois pendant l’action, on avait aperçu bravement monté sur les parapets un Mexicain à l’allure vigoureuse, de taille moyenne, aux cheveux bruns et au teint cuivré, coiffé d’un ''sombrero'' de paille, vêtu d’une courte pelisse de noir astrakan et de ''calzoneras'' <ref> Pantalons collans du pays, se boutonnant extérieurement sur les deux côtés et s’ouvrant de bas en haut, pendant les chaleurs, jusqu’au genou ; de cette ouverture s’échappe un second pantalon flottant sur la cheville, en étoffe blanche et aux larges plis.</ref> de cuir jaune à boutons d’argent. Il était armé d’une carabine Sharp qui plus tard devait enrichir la galerie d’un collectionneur émérite, le général Neigre. C’était Carbajal, qui visait lui-même avec une remarquable adresse les officiers français, reconnaissables à leurs insignes. Le capitaine Du Vallon avait été frappé de sa main. Au moment du dernier assaut, le général juariste s’était adossé à l’angle de l’église. Au fort de la déroute, il avait été blessé à la jambe droite : pressé vivement par nos cavaliers, il disparut dans le fourré après avoir sauté dans un ravin où il se luxa l’épaule. Cloué par la douleur, il resta caché dans une mare d’eau jusqu’à la nuit. Quand l’obscurité fut complète, brisé de souffrance et grelottant de froid (il s’était dépouillé de sa pelisse dans la crainte d’être reconnu), il put s’emparer d’un cheval tout harnaché qui paissait en liberté. Il se mit péniblement en selle et s’en alla errant au hasard, le ''revolver'' au poing. Un Indien qu’il rencontra lut servit de guide. Le lendemain il passait à Ozuluama, ramassait quelques fuyards, et huit jours après son désastre entrait à Vittoria dans la maison de Cortina, suivi d’une centaine de soldats de San-Antonio ralliés sur le parcours. Il confia lui-même tous ces détails à son cousin don Martin de Léon, consul américain à Sotto-la-Marina, ville du Tamaulipas pas où, six mois plus tard, ce parent de Carbajal nous racontait à table cet épisode. Pendant que nous écoutions son récit, il faisait évader Car-