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==='''HANNAH MORE'''===
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Hannah More <ref> Romancière mortellement ennuyeuse dont lord Byron a raison de se moquer, et dont les ouvrages sont entre les mains de toutes les pensionnaires.</ref> ne doit pas être oubliée, et il est difficile de parler d’elle. La Bible lui fournit ses sujets ; le bien-être éternel du genre humain est le but vers lequel elle tend. Quelque vingt volumes, imprimés en très petits caractères, sont sortis de sa plume, et sont consacrés à cette respectable tâche ; malgré ses efforts pour communiquer la vie dramatique et l’émotion romanesque aux excellens sentimens qu’elle veut inculquer, elle n’a pu réussir dans son dessein, animer ses créations de ce souffle puissant qui les rend populaires et éternelles. Le roman religieux n’a jamais trouvé personne qui ait approché de cet honnête Jean Bunyan <ref> Auteur d’une admirable allégorie sacrée, le ''Voyage du Pèlerin'' (PILGRIM’S PROGRESS). </ref>, l’inventeur du genre. Ses personnifications abstraites sont des réalités vivantes. Ses imitateurs n’ont évoqué que des fantômes allégoriques ; le souffle du lecteur les fait disparaître. Nous n’écoutons pas même leurs discours. Il nous semble voir une tête de bois dans une chaire ; nous devinons la présence du prêtre qui se cache et dicte le sermon que le prédicateur de bois est censé prononcer <ref> V. Butler. </ref>.
Hannah More <ref> Romancière mortellement ennuyeuse dont lord Byron a raison de se moquer, et dont les ouvrages sont entre les mains de toutes les pensionnaires.</ref> ne doit pas être oubliée, et il est difficile de parler d’elle. La Bible lui fournit ses sujets ; le bien-être éternel du genre humain est le but vers lequel elle tend. Quelque vingt volumes, imprimés en très petits caractères, sont sortis de sa plume, et sont consacrés à cette respectable tâche ; malgré ses efforts pour communiquer la vie dramatique et l’émotion romanesque aux excellens sentimens qu’elle veut inculquer, elle n’a pu réussir dans son dessein, animer ses créations de ce souffle puissant qui les rend populaires et éternelles. Le roman religieux n’a jamais trouvé personne qui ait approché de cet honnête Jean Bunyan <ref> Auteur d’une admirable allégorie sacrée, le ''Voyage du Pèlerin'' (PILGRIM’S PROGRESS).</ref>, l’inventeur du genre. Ses personnifications abstraites sont des réalités vivantes. Ses imitateurs n’ont évoqué que des fantômes allégoriques ; le souffle du lecteur les fait disparaître. Nous n’écoutons pas même leurs discours. Il nous semble voir une tête de bois dans une chaire ; nous devinons la présence du prêtre qui se cache et dicte le sermon que le prédicateur de bois est censé prononcer <ref> V. Butler.</ref>.


A quoi bon le roman pieux ? N’avons-nous pas le Nouveau-Testament, et n’est-ce pas assez ? Le simple langage du Sauveur ne vaut-il pas mieux que les gloses des savans et les spéculations des habiles ? Qui jamais exprimera notre devoir envers Dieu et les hommes mieux que ne l’ont fait le Christ et ses apôtres ? Le ministre de la loi sainte a droit à nos respects ; mais quand les laïques empiètent sur les attributions du prêtre, et, s’armant d’une piété raffinée, se confèrent à eux-mêmes un droit de propagande et d’apostolat, nous refusons de reconnaître leur autorité.
A quoi bon le roman pieux ? N’avons-nous pas le Nouveau-Testament, et n’est-ce pas assez ? Le simple langage du Sauveur ne vaut-il pas mieux que les gloses des savans et les spéculations des habiles ? Qui jamais exprimera notre devoir envers Dieu et les hommes mieux que ne l’ont fait le Christ et ses apôtres ? Le ministre de la loi sainte a droit à nos respects ; mais quand les laïques empiètent sur les attributions du prêtre, et, s’armant d’une piété raffinée, se confèrent à eux-mêmes un droit de propagande et d’apostolat, nous refusons de reconnaître leur autorité.