« P’tit Bonhomme/Première partie/Chapitre 12 » : différence entre les versions

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Ce qui dépitait P’tit-Bonhomme, c’est que les épouvantails, placés au milieu des pièces de blé ou d’avoine, ne servaient à rien. Sim avait fabriqué des mannequins d’aspect terrible, les bras étendus, le corps vêtu de loques qui s’agitaient au vent. Des enfants en auraient eu peur, certainement ; les corbeaux, pas le moins du monde. Peut-être convenait-il d’imaginer quelque machine plus effrayante et moins taciturne. C’est une idée qui vint à notre héros après de longues méditations. Le mannequin remue ses bras, sans doute, lorsque la brise est forte, mais il ne parle pas, il ne crie pas : il fallait le faire crier.
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« Décidément, pensa-t-il, tout n’est pas parfait en ce bas monde ! »
 
À part ces quelques ennuis, les choses marchaient à la ferme. P’tit-Bonhomme y était aussi heureux que possible. Pendant les longues soirées de cet hiver il avait fait des progrès sérieux en écriture et en calcul. Et, maintenant, lorsqu’il rentrait à la fin du jour, il mettait en ordre sa comptabilité. Elle comprenait, avec les œufs des poules, les poussins du poulailler inscrits à la date de leur naissance et numérotés suivant leur espèce. Il en était de même des porcelets et des lapins, qui forment des familles nombreuses en Irlande comme ailleurs. Ce n’était pas là une mince besogne pour le jeune comptable. Aussi lui en savait-on gré. Il témoignait d’un esprit si ordonné qu’on l’y encourageait. Et, chaque soir, M. Martin lui remettait le caillou convenu qu’il glissait dans son pot de grès. Ces cailloux-là avaient à ses yeux autant de valeur que des shillings. Après tout, la
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monnaie, ce n’est qu’une affaire de convention. En outre, le pot contenait aussi la belle guinée d’or que lui avait valu son début au théâtre de Limerick, et dont, par on ne sait quelle réserve, il n’avait point parlé à la ferme. Au surplus, faute d’en avoir l’emploi puisqu’il ne manquait de rien, il lui attribuait un moindre prix qu’à ses petites pierres, lesquelles attestaient son zèle et sa parfaite conduite.
 
La saison ayant été favorable, on fit les préparatifs pour les travaux de fenaison dès la dernière semaine de juillet. Bonne apparence de récolte. Tout le personnel de la ferme dut être mis en réquisition. Une cinquantaine d’acres à faucher, ce fut l’ouvrage de Murdock, de Sim et de deux manouvriers du dehors. Les femmes leur venaient en aide pour étendre le fourrage frais afin de le faire sécher, avant de le mettre en « moffles » — puis de le rentrer à l’intérieur des granges. Sous un climat aussi pluvieux, on comprend qu’il n’y ait pas une journée à perdre, et, si le temps est au beau, que l’on se hâte d’en profiter. Peut-être P’tit-Bonhomme négligea-t-il son troupeau pendant une semaine, désireux de seconder Martine et Kitty. De quelle ardeur il massait les herbes avec son râteau, et comme il s’entendait à édifier ses moffles !
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Elle n’aurait laissé aucun regret, si on avait eu des nouvelles de Pat. C’était à croire que la présence de P’tit-Bonhomme portait bonheur. Lorsque le collecteur des taxes et le receveur des redevances se présentèrent, ils furent payés intégralement. À l’hiver qui suivit, exempt de grands froids et très humide, succéda un printemps précoce, lequel justifia les espérances que les cultivateurs avaient conçues.
 
On retourna à la vie des champs. P’tit-Bonhomme reprit les longues journées avec Birk et ses moutons. Il vit les herbages reverdir, il entendit le bruit menu que font le blé, le seigle, l’avoine, lorsque l’épi commence à se former. Il s’amusa du vent qui effleurait les panaches soyeux des orges. Et puis, on parlait d’une autre
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récolte impatiemment attendue, une chose qui faisait sourire Grand-mère… Oui ! trois mois ne s’écouleraient pas sans que la famille Mac Carthy se fût accrue d’un nouveau membre, dont Kitty se préparait à lui faire cadeau.
 
Pendant la fenaison en août, voici que précisément au plus fort de la besogne, un des ouvriers fut pris de fièvre et ne put continuer son travail. Pour le remplacer, il fallait s’adresser à quelque faucheur en chômage, s’il s’en trouvait encore. L’ennui était que M. Martin dût perdre une demi-journée à courir jusqu’à la paroisse de Silton. Aussi accepta-t-il volontiers, lorsque P’tit-Bonhomme offrit de s’y rendre.
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Personne ni sur le chemin ni à l’intérieur des maisons isolées. Tout le monde était pris par les travaux des champs. À perte de vue, la campagne se montrait couverte de milliers de moffles, qui ne tarderaient pas à être rentrées.
 
En un certain endroit, la route rencontre un bois épais qu’elle contourne en s’allongeant d’un mille au moins. P’tit-Bonhomme jugea que mieux valait traverser ce bois afin de gagner du temps. Il y pénétra donc, non sans éprouver cette crainte toute naturelle que la forêt inspire aux enfants — la forêt où il y a des voleurs, la forêt où il y a des loups, la forêt où se passent toutes les histoires que l’on raconte pendant les veillées. Il est vrai, en ce qui
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concerne le loup, Paddy prie volontiers les saints pour qu’ils le maintiennent en bonne santé et il l’appelle « son parrain ».
 
P’tit-Bonhomme avait à peine fait une centaine de pas le long d’une étroite allée, qu’il s’arrêta à la vue d’un homme étendu au pied d’un arbre.
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Oui ! Pat, et on l’eût reconnu rien qu’à sa ressemblance avec ses frères, Pat dont on n’avait plus de nouvelles depuis si longtemps, Pat dont on attendait le retour avec tant d’impatience !
 
Et alors P’tit-Bonhomme fut sur le point de l’appeler, de le réveiller… Il se retint. La réflexion lui fit comprendre que si Pat reparaissait à la ferme, sans que l’on fût préparé à le revoir, sa mère et sa grand-mère surtout, éprouveraient un tel saisissement qu’elles pourraient en être malades. Non ! mieux valait prévenir M. Martin… Il arrangerait les choses en douceur… Il préparerait les femmes à l’arrivée de leur fils et petit-fils… Quant à la commission pour l’aubergiste de Silton, eh bien ! on la ferait demain… Et puis, Pat, n’était-ce pas un travailleur tout indiqué, un enfant de la ferme, qui en vaudrait bien un autre ?… D’ailleurs, le jeune marin
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était fatigué, et, en effet, il avait quitté Tralee au milieu de la nuit, après y être venu par le railway. Dès qu’il serait sur pied, il aurait vite fait d’atteindre la ferme. L’essentiel, c’était de l’y précéder, afin que son père et ses frères, avertis à temps, pussent venir au-devant de lui.
 
Inutile, pas vrai, de lui laisser ce paquet pendant les trois derniers milles ? Pourquoi P’tit-Bonhomme ne s’en chargerait-il pas ? N’était-il pas assez fort pour le porter sur ses épaules ?… En outre, cela lui ferait tant de plaisir de se charger d’un sac de matelot… un sac qui avait navigué… Songez donc !…
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Alors, sentant que Pat n’était plus qu’à deux cents pas derrière lui, P’tit-Bonhomme laissa tomber le sac et se mit à détaler de plus belle.
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Pat ramassa le sac et continua sa poursuite.