« Contes d’un buveur de bière/Cambrinus » : différence entre les versions
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joli gars qu’on pût voir.
Plus
père, agaçait de
que pour Flandrine, la fille de son souffleur.
Flandrine était, de son côté, une superbe fille à la chevelure
aux joues rouvelèmes, — j’ai voulu dire vermeilles, — et jamais
couple mieux assorti n’eût été béni par M. le curé, s’il n’y avait
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Cambrinus fut bientôt en état de faire danser les jeunes filles
sur le pré. Il était dix fois plus habile que les autres ménétriers;
mais, hélas! nul
Les gens de Fresnes ne voulaient point croire qu’un garçon
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— en faisant pencher à son gré les plateaux de la balance.
Il était bègue, parlait presque toujours en latin, marmottait des
patenôtres du matin au soir et ressemblait si fort à un singe
Jocko apprit
Les Fresnois y allèrent, portant chacun un couple de poulets
et Cambrinus si coupable que, bien que le malheureux eût été
battu en plein soleil, il le condamna à un mois de prison pour voies
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Ce fut un grand crève-cœur pour le pauvre garçon. Il était
tellement honteux et désolé
finir avec la vie. Il détacha la corde de son puits, qui était toute
neuve, et gagna le bois
Arrivé au carrefour le plus sombre, il grimpa à un chêne, s’assit
sur la première branche, attacha solidement la corde et se la passa
autour du cou. Cela fait, il releva la tête, et il allait sauter le pas,
quand il
Devant ses yeux était planté un homme de haute taille, vêtu
armé
sa carnassière. Cambrinus et lui se regardèrent quelque temps en
silence.
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t’enrôler dans la grande confrérie... »
Et, ce disant,
« Quoi! c’est vous, myn heer van Belzébuth. Eh bien! par vos
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— N’est-ce point aujourd’hui samedi? Ma femme lave la maison,
et, comme
— Vous avez décampé. Je comprends cela. Et... avez-vous
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— Impossible, fieu! Ce que femme veut...
— Dieu le veut, je le sais; mais ce
— Ce qu’elle ne veut point, le diable lui-même y perdrait ses
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du jeu.
—
Il détacha sa corde et tira sa révérence.
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La confrérie des archers de Saint-Sébastien avait fait afficher,
en manière de prix, cinq plats et trois cafetières
cuillers à café en argent pour le dernier oiselet abattu. Cambrinus
gagna à lui seul quatre plats, deux cafetières et les six cuillers
Comme, huit jours après, on devait jouer à la balle sur la place
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qui, au nombre de trois cents, se rendaient au lieu du
combat, deux par deux, et tenant à la main leurs petites cages en
bois, garnies de fil de fer. Le cortège était précédé
orné de sa canne, de deux tambours et de six jambons fleuris
et enrubannés, digne prix de la lutte.
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le seul qui puisse compter.
le premier prix et les trois mille florins, après quoi les Amandinois
promenèrent en triomphe l’homme et la bête, l’un portant
Cambrinus se mit alors à parcourir les Flandres, battant avec
son ténor les plus renommés pinsonneurs; et
époque que les Flamands sont aussi passionnés pour les combats
de pinsons que les Anglais pour les combats de coqs.
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Cette chance infaillible l’avait d’abord enchanté. Plus tard, elle
ne fit que l’amuser; puis elle le laissa froid et bientôt elle
A la fin, il était si las de ce gain perpétuel, qu’il aurait donné tout
au monde pour perdre une seule fois; mais son bonheur le poursuivait
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il s’éveilla avec une idée lumineuse : « A quelque chose bonheur
est bon, se dit-il. Peut-être que Flandrine consentira à m’épouser,
maintenant que je suis tout cousu
Il revint déposer ses trésors aux pieds de la cruelle; mais, chose
incroyable et bien faite pour étonner les demoiselles
Flandrine refusa.
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moyen de perdre? »
Cambrinus dressa
« Oui, tu perdras, et tu perdras mieux que de l’or. Tu perdras
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— Et comment?
— Bois. Le vin est père de
Rien ne vaut une bouteille de piot pour noyer la tristesse
humaine.
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Sans perdre de temps, il fit construire en larges pierres de
Tournay une cave longue de six cents pieds, large de quarante
et haute à
Dans les foudres, rangés sur deux lignes parallèles, mûrissaient
le chaud bourgogne, le doux bordeaux, le champagne pétillant, le
gai malvoisie, le marsala babillard,
tokai et le tendre johannisberg, qui ouvre aux têtes carrées
les portes d’or de la rêverie.
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de Bohême. L’infortuné croyait boire l’oubli, il ne buvait que
l’amour. D’où venait ce phénomène? Hélas! de ce que les bons
Flamands sont autrement bâtis que les gens
Chez nous, quand les fumées du vin envahissent le cerveau,
quand le divin jus bout sous le crâne, comme la lave au fond du
cratère,
Au sixième verre, le Flamand voyait immanquablement devant
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qui lui faisaient la nique en exécutant d’interminables carmagnoles.
Alors il chercha
poiré manceau, l’hydromel gaulois, le cognac français, le genièvre
hollandais, le gin anglais, le wiskey écossais, le kirsch germain.
Hélas! le cidre, le poiré,
gin, le wiskey et le kirsch ne firent qu’alimenter la fournaise. Plus
il buvait, plus il s’excitait, plus il enrageait.
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« Veux-tu bien me lâcher, maudit imposteur ? s’écria Cambrinus
pendre à son aise! »
Belzébuth éclata de rire.
« J’ai voulu voir, dit-il, jusqu’où irait la confiance
Flamand. Et maintenant, pour la peine, je vais te guérir. Tiens,
regarde! »
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façon à laisser un large carré vide, et Cambrinus vit s’y aligner
de longues files de grandes perches en bois de châtaignier, où
et odoriférantes.
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Cette étrange forêt était bornée par un vaste bâtiment en briques.
«
— Ceci, mon brave homme, est une houblonnière, et la maison
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tabliers bleus y accomplissaient une besogne étrange.
«
l’exemple de ces hommes tu fabriqueras le vin flamand, autrement
dit la bière. Quand la meule aura broyé l’orge, tu la brasseras
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— Et lequel?
— La vengeance! Les gens de Fresnes
jadis au son de ma viole. Donnez-moi un instrument qui les
fasse sauter à ma volonté.
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pédales, tu auras ainsi le plus joli carillon...
— Carillon!
— Non. Au revoir!... dans trente ans... et, comme j’aime les
affaires en règle, tu vas me faire la grâce de signer ce papier
goutte de ton sang. »
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En retournant à Fresnes, Cambrinus avisa une terre riche et
profonde, à
fit bâtir, en outre, sur la place même du village, une immense
brasserie, en tout semblable à celle que lui avait montrée Belzébuth.
Il la couronna
canette, surmontée
que terminait un coq doré.
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à l’issue de la messe, il invita les gens à boire un coup.
« Pouah! que c’est amer ! dit
—
— Détestable ! ajouta un troisième.
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sautèrent plus haut que les autres.
Cambrinus alors s’arrêta, puis il attaqua
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''Band’ de gueux, voulez-vous danser ?''<BR><BR>
Ligne 499 :
les hommes, les animaux et les meubles. Les vieillards dansaient
au coin du feu, les malades dans leurs lits. les chevaux dansaient
dans l’écurie, les vaches dans
et les tables dansaient, les chaises, les armoires et les dressoirs;
et les maisons se mirent elles-mêmes à danser, et la brasserie
dansait et
avec le clocher, en se donnant des grâces. Jamais, depuis que
le monde est monde, on n’avait vu un pareil branle-gai!
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nage. Haletants, épuisés, ils crièrent au carillonneur:
« Arrête, arrête! Nous
— Non, non. Dansez, » répondait le carillonneur, et plus il
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liqueur détestable, au contraire.
Après
demandèrent eux-mêmes à Cambrinus de faire aller sa musique.
et ils dansèrent ainsi toute la soirée et une partie de la nuit.
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Des concours de francs buveurs eurent lieu, comme les concours
de pinsons dans tous les Pays-Bas; mais ce n’est
qu’on trouva de gentils buveurs, capables d’absorber une centaine
de pintes en un jour de kermesse et douze chopes pendant
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Pour récompenser dignement l’inventeur, le roi des Pays-Bas
le fit duc de Brabant, comte de Flandre et seigneur de Fresnes.
titre qu’il préféra à tout autre fut celui de « roi de la bière » que
lui décernèrent les gens du pays.
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Lorsqu’il put contenir ses douze pintes, il ne sentit plus en lui
Le soir où il alla jusqu’à vingt, il tomba dans une sorte de somnolence
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et lui offrit une pinte.
Le roi de la bière était
mettait son bonheur à fumer sa pipe et à boire sa chope à la même
table que ses sujets. Ses sujets imitèrent tous son exemple, et
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Cependant les trente ans étaient révolus et Belzébuth songea
à réclamer
ses dettes en personne. Ainsi que les créanciers d’en haut, il
envoie quelquefois un huissier.
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Le juge qui avait autrefois condamné Cambrinus eut ainsi la
gloire de passer diable, et, en souvenir de ses anciennes fonctions,
Belzébuth résolut de l’élever au rang
« Approche, face de singe, lui dit-il un matin. Le moment est
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II était environ six heures, et les gens sortaient de table, ayant
bu et mangé depuis midi. Les uns se répandaient dans les cabarets
pour digérer en fumant une pipe.
au corbeau, ou bien encore au bricotiau.
devant la porte de
des verriers.
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Aussitôt le juge de sauter comme un gigantesque pantin.
« Qué... qué...
bouffon comme la mine furieuse avec laquelle il gigotait.
Tous les Fresnois
''Ah! c’ cadet-là quel nez
joua alors le carillon, et deux cents voix chantèrent en chœur:
''Ah!
tant que le danseur tomba par terre, épuisé et hors d’haleine. Le
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Comme Jocko se plaignait d’une soif horrible, on lui apporta une
chope de bière
Ayant toujours aimé hausser le coude, il en but une seconde,
puis une troisième, puis une foule
Fresnois.
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Fresnes ni rentrer en enfer. Ne sachant où aller, il avisa une
bourse vide qu’un pauvre homme tendait aux passants. Il y entra
et s’y cacha si bien
Et de là vient qu’on dit en commun proverbe d’un homme sans
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débiteur, il ne trouva qu’un tonneau de bière: il fut bien attrapé.
Est-ce par un effet du breuvage
voulut-il se venger du tour que lui avait joué Cambrinus ? Le souvenir
du roi de la bière ne tarda point à se perdre à Fresnes et
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C’est chez les Prussiens que s’est conservée la mémoire du
Bacchus du houblon. Là, dans chaque taverne, vous verrez appendue,
à la place
assis sur un tonneau, un brave chevalier revêtu
pourpre doublé
et une épée; la droite élève triomphalement une chope de
bière écumante.
vivant, avec sa belle figure rouvelême, ses longs cheveux dorés et
sa longue barbe
Les étudiants nomment chaque année ''bierkœnig'' le plus franc
buveur
Les gens de Fresnes seront bien étonnés quand ils liront cette
Ligne 726 :
celui qui a écrit ces lignes ira boire une pinte à la ducasse de Fresnes,
on ne se gênera mie pour le traiter d’imposteur, tant il est
vrai que nul
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