« Chez l’Illustre écrivain/Une bonne affaire » : différence entre les versions
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— Diable ! pensai-je, l’illustre écrivain Dervaux, Dervaux lui-même chez moi ! Qui me vaut cet honneur ?
Et, sans me livrer davantage à de flatteuses suppositions, à de cordiales hypothèses, j’ordonnai qu’on le fît entrer.
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Il entra.
C’était un jeune homme, gras et blond, moustaches finement retroussées, monocle impertinent et scrutateur, expression assez bête, le tout ensemble d’une élégance ultra-rastaquouérique, qui me fut un éblouissement. Depuis la pointe de ses souliers jusqu’au sommet de son chapeau, il brillait, irradiait, fulgurait comme un phare. A peine s’il daigna me saluer ainsi qu’il convient à une célébrité de cette espèce. Et, devant que je lui eusse offert un siège, il s’était assis, ou plutôt, à demi couché sur le canapé, en croisant ses jambes avec une aisance conquérante, et tapotant du bout de sa canne à béquille d’or le bout de ses bottines en lesquelles, durant quelques secondes, il se mira complaisamment. Je ne savais que
— Monsieur commença, enfin, ce véritable artiste, je ne crois pas avoir à me présenter à vous d’une façon plus détaillée ?
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— Certes ! approuvai-je respectueusement.
— Ce serait, n’est-ce pas. une grave impolitesse de ma part que de supposer un seul instant, de la vôtre, une ignorance de ma
— Parfaitement, Maître !
— Maître ! C’est bien
Je m’inclinai aussi bas que put me le permettre mon échine.
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— Souffrez, pourtant, que je vous rappelle le titre de tous mes ouvrages.
— Oh ! Maître,
— Cela ne fait
Et il énuméra :
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Et je n’ai pas trente ans, Monsieur !
— Prodigieux !
— Inouï, c’est le mot !
—Inconcevable !
— Et ce qui est plus inconcevable encore, c’est tout ce que je
Il se toucha le front avec la béquille d’or de sa canne :
— C’est tout ce qui est là !
— Je vous crois !
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— Bravo !
— Successivement, vont paraître des ouvrages admirables, dans lesquels j’étudie l’adultère chez tous les peuples de la planète — un volume par peuple — et où je note toutes les différences ethniques, toutes les particularités rituelles, statistiques et climatologiques dé cette institution
''L’Adultère en Angleterre''.
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''Géographie générale de l’Adultère'', avec cartes, etc., etc.
Et ce n’est pas
''L’Adultère et la Diplomatie''.
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''L’Adultère et la Métallurgie''.
''
''Les Grèves de l’Adultère''.
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''L’Adultère dans les Prisons'', etc., etc.
Puis viendront des recherches exclusivement scientifiques :
''L’Adultère et les Parfums''.
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Enfin, Monsieur, je terminerai par une publication formidable et qui comprendra plus de cinquante volumes ''in-quarto'' : ''Le Dictionnaire encyclopédique de l’adultère''. Qu’en dites-vous ?
— Je dis, Monsieur, je
Mais l’enthousiasme me fermait la bouche, et je ne pus exprimer mon admiration que par des gestes où la frénésie le disputait à l’incohérence.
— Très bien ! fit le grand
Anselme Dervaux posa sa canne à béquille d’or et son chapeau, luisant comme un astre sur le canapé : il enleva avec des gestes menus ses
gants de peau blanche, brodés de noir, et se dressant brusquement, il marcha, dans la pièce, autour de mon bureau, l’air méditatif et recueilli. Au bout de quelques minutes de cet exercice :
— Écoutez-moi bien, fit-
— Deux cents éditions ! m’extasiai-
— Oui, deux cents, pas
— Et vous le ferez !
— Soit !
Il tira de sa poche un rouleau de papier qu’il déroula sur mon
— Remarquez, je vous
Anselme Dervaux parla
[[Auteur:Octave Mirbeau|Octave Mirbeau]], ''Le Journal'', 22 septembre 1895.
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