« Héléna (1822) » : différence entre les versions
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{{TitrePoeme|Poèmes|Alfred de Vigny|'''Héléna'''}}
== HÉLÉNA ==
=== CHANT PREMIER
<small>Ils ont, Seigneur, affligé votre peuple, ils ont opprimé
votre héritage.
Ils ont mis à mort la veuve et
orphelins.
(Psaumes)</small>
<poem>
Le téorbe et le luth, fils de
Ne font plus palpiter
Son flot, triste et rêveur, lui seul émeut les airs,
Et la blanche Cyclade a fini ses concerts.
On
Sur le frêle caïque à la poupe dorée,
Unir en double
Elles savaient chanter, non les profanes dieux,
Apollon, ou Latone à Délos enfermée,
Minerve aux yeux
Alliés de la Grèce et de la Liberté
Mais la Vierge et son fils entre ses bras porté,
Qui calment la tempête et donnent du courage
Ainsi
Couronnait de repos le soir des jours amers.
Sitôt que de Zea, de Corinthe et
La lune large et blanche avait touché la cime,
Et douce aux yeux mortels, de ce ciel tiède et pur
Comme une lampe pâle illuminait
Il
Qui, telle
Aux rives de chaque île apportait à la fois
Et
Tout
Venait de retrouver son antique allégresse,
Mais que la belle esclave, inquiète du bruit,
Les barques abordaient en des rades secrètes,
Puis, des vallons fleuris choisissant les retraites,
Des danseurs, agitant le triangle
Oubliaient le sommeil au son du tambourin,
Oubliaient
Qui de leurs blonds cheveux nouaient les longues tresses
Avec le laurier-rose, et de moelleux filets,
Et des médailles
On voyait, dans leurs jeux, Ariane abusée,
Conduire en des détours quelque jeune Thésée,
Un Grec, ainsi que
Tendre, et bientôt peut-être aussi perfide amant.
Ainsi de
Tel sous un pâle front que la fièvre ravage,
Les lèvres que bientôt la mort doit refermer.
Mais depuis peu de jours, loin des fêtes nocturnes,
On a vu
Sous les verts oliviers qui ceignent les vallons,
Des Grecs dont les discours étaient secrets et longs.
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Comme un beau son des nuits enchante le repos.
On a dit que surtout un de ces jeunes hommes,
Voyageant
Dans les antres des monts, sous
Quels Grecs il trouverait à ranger sous ses lois
Leur faisait entrevoir une nouvelle vie
Libre et fière ; il parlait
Armer leurs bras chrétiens du glaive
Et, faisant un faisceau des haines de leurs
Aux yeux des nations ressusciter vainqueurs.
Écoutez, écoutez cette cloche isolée,
Elle tinte au sommet de Scio désolée ;
Des montagnards armés descendent vers le port,
Car les vents sont levés enfin pour la vengeance,
Et la nuit, avec eux, monte
Tels, quand la sainte messe à nos autels se dit,
Tous les enfants du
Ont coutume
Mais à des fronts guerriers ce signe est attaché.
Lequel osera fuir ou demeurer caché ?
Une cire enflammée en leurs mains brille et fume ;
Comme
Le sable de la mer montre son flanc doré,
Et sur le haut des monts le cèdre est éclairé,
Le flot rougit lui-même, et ses glissantes lames
Ont répété de
La foule est sur les bords, son espoir curieux
Sur la vague agitée en vain jetait les yeux,
Quand, sous un souffle ami poursuivant son vol sombre
Un navire insurgé tout à coup sort de
Un étendard de sang claque à ses légers mâts.
Surcharge ses trois ponts ;
Par les sabords béants fait retentir sa foudre.
Des cris
De Riga, massacré,
Et le tocsin hâtif,
Sonne la liberté du haut de la chapelle ;
On
Et des rocs, à ce bruit,
« Mais avant de quitter vos antiques murailles,
Disaient les Caloyers. « Dieu, qui tient dans ses mains
Ils parlaient, et leur voix, par de sages propos,
Dans cette foule émue amena le repos.
Les cris retentissans, le bruit sourd des adieux,
Celui de qui les pieds ont déjà fui la rive,
Revenu lentement, près de
Tous ont pour la prière une oreille docile,
Et de quelques vieillards
Tels, lorsque après neuf ans
Impatiens
Les Grecs, des traits
On vit le vieux Nestor et le prudent Ulysse,
Du sceptre et du langage unissant le pouvoir,
Les rattacher soumis au saint joug du devoir.
Où depuis trois mille ans se brise
Offrait, au nom des Grecs,
Désertant de
Et courbé sous le poids de ses blanches années,
Révoltant
Il avait reparu tel
Les peuples
De son centième hiver admirant le miracle,
Ils le croyaient béni parmi tous les humains,
Deux prêtres inclinés soutenaient ses deux mains,
Et sa barbe tombante en long fleuve
De sa robe, en parlant, frappait la bure noire.
« Le voici, votre Dieu, Dieu qui vous a sauvés »,
Le Patriarche saint : « Il descend, tout
Il disait, et les Grecs, à ces
Crurent sentir un Dieu
Tous, les bras étendus vers la patrie antique,
Ils maudirent trois fois la horde asiatique ;
Trois fois la vaste mer à leur voix répondit ;
En grondant, par trois fois, roula son noir nuage,
Où, parmi les feux blancs des rapides éclairs,
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=== CHANT DEUXIÈME
<small>Ô terre de Cécrops ! terre où règnent un souffle divin et
des génies amis des hommes !
(Les Martyrs, <small>CHATEAUBRIAND</small>).</small>
<poem>
Au
Si de quelque bonheur rayonne la victoire,
Soit pour les grands guerriers, soit à ceux dont la voix
Éclaire les mortels ou leur dicte des lois,
Retentit dans une âme invisible et ravie
Comme au sein
Ainsi des chevaliers la race simple et brave
Au servage
Ainsi de la beauté les secrètes faveurs
Élevèrent aux Cieux les poètes rêveurs ;
Ainsi souvent, dit-on, le bonheur
Aux peuples, par les rois, descendit
Il
Que du bonheur en nous est encor le pouvoir,
Deux âmes,
Toujours
Puissantes à sentir avec un feu pareil,
Double et brûlant rayon né
Vivant comme un seul être, intime et pur mélange,
Semblables dans leur vol aux deux ailes
Ou telles que des nuits les jumeaux radieux
Si
Chacune, de la foule écartant
Traverser
Belle Scio, la nuit cache ta blanche ville,
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Mais il faut se hâter, de peur que le matin
Ne montre tes apprêts au Musulman lointain.
Tandis
Comme Israël jadis à
Ainsi
Solitaire au rivage un des Grecs se trouvait,
Triste, et cherchant au loin sur cette mer connue,
Si
Parmi tous ces vaisseaux qui
Du flot bleu de la rade avaient touché le bord.
Chaque nef y trouvait ses compagnes fidèles :
Au bord
Prêtes à
Et saluant de loin la rive hospitalière,
Préparent à grands cris leur aile aventurière.
Mais rien ne paraît plus, que la lune qui dort
Sur des flots mélangés et de saphir et
Il
Les colonnes de marbre et les lointaines ombres
Des îles du couchant, dont
«
Ainsi disait sa voix ; mais une voix sacrée
Ajoutait dans son
Ainsi loin de la foule émue et turbulente,
Auprès de cette mer à la vague indolente,
Rêvait le jeune Grec, et son front incliné
De cheveux blonds
Tel, loin des pins noircis
Sur une onde voisine où tremble son image,
Un saule retiré courbant ses longs rameaux,
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Mais le cri du départ succède à la prière ;
Retournent aux vaisseaux ; il y marche à grands pas ;
Changeant sa rêverie en
Tandis que
Sur le pont balancé du plus léger navire,
Il
Qui de sa blanche biche entend bramer la voix,
Et prompt au cri plaintif de sa timide amante
Saute
La voile est déployée à recevoir le vent,
Et les regards
Ont vu près
Le vieux moine, et sa Croix qui les bénit encore.
On partait, on voguait,
Comme aux bras de sa mère accourt
Au milieu de la flotte en silence se glisse.
On voit deux matelots puis une jeune fille ;
Ils montent sur le bord, une lumière y brille,
Un cri part : « Héléna ! » Mais les yeux
Pouvaient seuls le savoir ; pâle
Lui-même a reculé, croyant voir lui sourire
Le fantôme égaré
Il semblait que la mort eût déjà disposé
De ce teint de seize ans par des pleurs arrosé ;
Sa bouche était bleuâtre,
Son sein, sous une robe en désordre et sanglante,
Se gonflait de soupirs et battait agité
Comme un flot blanc des mers par le vent tourmenté.
Un voile déchiré tombant des tresses blondes
Ne savait pas cacher dans ses mobiles plis
Le sang qui rougissait ses épaules de lis.
Serrant un crucifix dans ses mains réunies,
Comme un dernier trésor pour les vierges bannies,
Sur ses traits
Elle
Mais, fière, elle semblait chercher dans sa pensée
Ce qui vengerait mieux une femme offensée,
Et demander au Dieu
Des forces pour lutter contre elle et le malheur.
Le jeune Grec disait : « Parlez, ma bien-aimée,
Ainsi disait Mora ; mais la jeune exilée
Même de chaque mot semblait naître un chagrin ;
Car, appuyant alors sa tête dans sa main,
Elle pleura long-temps. On
Comme on entend, le soir, dans le fond
Murmurer une source en un lit inconnu.
Cherchant quelque discours de son
Son ami, qui croyait dissiper sa tristesse,
Regarda vers la mer, et parla de la Grèce,
Lorsque tombe la feuille et
Et
Il ne goûte plus rien des choses de la terre :
Son
Se tourne lentement vers le Ciel déjà gris,
Et sur la feuille jaune et les gazons flétris ;
Il rit
Et sous chaque arbrisseau place sa sépulture ;
Sa mère alors toujours sur le lit douloureux
Courbée, et
Lui dit sa santé belle, et vante
Qui
Et la gloire, et
Et ce soleil ami qui revient au printemps.
Les navires penchés volaient sur
Comme de cygnes blancs une troupe égarée
Qui cherche
Le spectacle des mers est grand et solennel ;
Ce mobile désert, bruyant et monotone,
Attriste la pensée encor plus
Et
Se plaint
Ce fut surtout alors que cette mer antique
Aux Grecs silencieux apparut magnifique.
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Escortaient les vaisseaux, comme de blanches ombres,
En leur parlant toujours et de la liberté,
Et
Alors Mora, semblable aux antiques Rapsodes
Qui chantaient sur les flots
Enflamma ses discours de ce feu précieux
Que conservent aux Grecs
«
Quand un lis parfumé
De son beau vêtement courbe les blancs tissus,
Sous
Son front alors
Mais
Tombe encor lentement des bords de son calice.
Héléna releva son front et ses beaux yeux,
Les égara long-temps sur la mer et les cieux
Ses pleurs avaient cessé, mais non pas sa tristesse.
Mais Héléna disait, en secouant sa tête
Et ses cheveux flottants : « Votre bouche
Héléna se leva : « Lune mélancolique,
Et puis sa voix
Ce murmure sans bruit par le vent emporté ;
« Et
Écoutait ces
Humides,
Immobile, attentif, il laissait fuir à peine
De sa bouche
Il la voyait renaître : oubliant de souffrir,
Dans son heureuse extase il eût voulu mourir.
Mais
Redescendre à se plaindre, il la dit insensée :
Prenant ses blanches mains
Habile à détourner le cours de ses douleurs,
Il dit : « Hélas ! ton âme est comme la colombe
Des longs pleurs
Il sentit ses cheveux longtemps encor trempés ;
Mais honteuse, bientôt elle éleva la tête,
Et
Au travers de ses pleurs, un sourire vermeil,
Comme à travers la pluie un rayon de soleil.
Son regard
Sa main rapide enlève et jette aux flots son voile ;
Elle tremble et rougit : va-t-elle raconter
Les secrets de son
«
Les guerriers vont répondre à la Vierge plaintive ;
Le dur marin sourit à la faible beauté,
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:::::HÉLÉNA
Regardez,
Salut, reine des Arts ! Salut, Grèce immortelle !
Le monde est amoureux de ta pourpre en lambeaux,
Et
Ont couronné ton front de gloire et
Les générations avec ton souvenir
Grandissent ; ton passé règle leur avenir.
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Les peuples froids du Nord, souvent pleins de ta gloire,
De leur propres aïeux ont perdu la mémoire ;
Et quand, las
Le
Ton front ouvert sept fois sept fois fit naître un sage.
Leur génie en grands mots dans les temps
Et Socrate mourant devina Jésus-Christ.
LE CHŒUR
Vaisseaux Helléniens, oubliez les étoiles !
Approchez, écoutez la Vierge aux sons
La Grèce, notre mère, est belle dans ses chants.
Ligne 618 ⟶ 617 :
:::::HÉLÉNA
:::
:::
LE CHŒUR
Mais la nuit aura vu ces eaux moins malheureuses
Ligne 640 ⟶ 639 :
:::::HÉLÉNA
LE CHŒUR
Vos chants
Compagnon mutilé de la mort de Riga
Et pirate sans fers, fugitif de Parga,
Le marin, rude enfant de
Loin de ses bords chéris flotte sans
Il sait combattre comme Achille,
Et son bras est sans bouclier.
Ligne 666 ⟶ 665 :
:::::HÉLÉNA
Ces filles, ces
Vos ennemis
Et leur dernier soupir
Que leur âge ne savait pas.
Vous avez évité ces horribles trépas,
Vous,
Votre pudeur tremblante a fui dans les montagnes ;
Appelant de leurs mains et plaignant Héléna,
Leur troupe poursuivie arrive à Colona ;
Puis sur le cap vengeur,
Chanta
Et leur hymne de mort, sur le mont commencée,
LE CHŒUR
Ô tardive vengeance ! ô vengeance sacrée !
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Elle descend.
Voyez-vous sur les monts ces feux patriotiques
Et Colone, et
Que
Comme aux fils de Léda la flamme est sur leur tête ;
Les Grecs les ont parés pour quelque grande fête ;
Le signal de nos feux à leurs yeux est porté.
Quittez vos trônes
Entourez-vous et dépouillez le deuil ;
Votre
Qui la couvrait dans son cercueil.
À la fois pâle, faible et fière,
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Tendez-lui de vos bras les secours belliqueux,
Les Dieux combattaient avec elle ;
Êtes-vous donc plus grandes
Du moins contre la Grèce, ô
Encouragez-la dans
Par des cris fraternels secondez ses efforts ;
Et, comme autrefois Rome en leur sanglante lutte,
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<br>
Elle disait. Ses bras, sa tête prophétique
Se penchaient sur les eaux et tendaient vers
En foule rassemblés, remplis
Quand pâle, enveloppée en son blanc vêtement,
Elle
Les Grecs se rappelaient ces images
Pour les mieux assurer de la faveur des Dieux. </poem>
=== CHANT TROISIÈME
::::::<small>Cette urne que je tiens contient-elle sa cendre?</small><br>
::::::<small>Ô vous! à ma douleur objet terrible et tendre,</small><br>
::::::<small>Éternel entretien de haine et de pitié! (CORNEILLE)</small>
<poem>
« Aux armes, fils
Ainsi criait
Son cheval bondissant écumait sous le mords,
Et ses fers indignés glissaient au sang des morts,
Quand le maître animait sa hennissante bouche,
Et
Éveillés à ses cris, ses soldats basanés
Quand le tigre indolent sorti de sa mollesse,
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A saisi dans ses bonds le chevreuil innocent,
Long-temps après sa mort il lèche encor son sang,
Il disperse sa chair
Roule en broyant les os et
Non moins lâche et cruel, le Musulman trompeur
Se venge sur les morts
Il demande la paix, il
Puis, la tête ennemie, offerte à lui sans crainte,
Tombe, et lui sert de coupe à ce même festin
En de telles horreurs Athène était plongée,
Et tant de cris sortaient
Que, si
Ces attentats, un jour le repentir des rois,
Le guerrier briserait son impuissante épée
Ligne 782 ⟶ 781 :
Presserait son enfant ; et la vierge innocente
Cacherait dans ses mains sa tête rougissante.
Au bruit de la timbale et des clairons
Les coursiers se cabrant font résonner le frein ;
Leurs fronts jettent
Du sultan de Stamboul élevant la bannière
Le Pacha vient, on part. Les Spahis en marchant
Règlent leur pas sonore aux mots sacrés du chant ;
Sur l’invisible collier d’or<ref>''Alkoran''.</ref>
La Péri<ref>Ange féminin chez les Mahométans ; il vit dans le Soleil et parmi les Astres ''(Alkoran)''.</ref> viendra du soleil.
Si de grands
Combattent le loup noir sorti de ses forêts,
Longtemps en cercle étroit leur foule ramassée
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Car, au lieu du poil jaune et des flancs impuissans,
Il voit nager des fronts armés et mugissans.
Mais que les aboiements
Rendent sûrs ses dangers et sa fuite incertaine,
Il
Sur
Tandis que, rassuré dans sa retraite humide,
Le troupeau laboureur, devenu moins timide,
Ligne 859 ⟶ 858 :
Écoutaient, regardaient les poudreuses batailles.
« Quels pas ont soulevé ce nuage lointain ?
Mora la soutenait, et ses exploits errans
Bien loin derrière lui laissaient les premiers rangs.
Tenant sa main, paraît la belle et jeune fille.
Pâle ; un crucifix
Elle osait
Sans craindre
Marchait, et
Au Grec avec sa croix désignait ses victimes.
Lui, suspendait ses pas, et sa froide fureur
Frappait, en souriant de dédain et
Alors on entendit, du haut des édifices,
Des femmes applaudir ces sanglans sacrifices ;
Elles criaient : «
Et, la joie et les pleurs se mêlant aux prières,
De leurs murs démolis précipitaient les pierres,
Et
Jetés avec fracas en fleuve étincelant,
Répandaient aux turbans que choisissaient leurs haines,
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Les Turcs tombent alors vaincus ; les deux amans
Comme on voit
Tonner, couler, descendre en une ardente lave,
Et, confondant les rocs et les toits arrachés,
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Renouveler le Styx pour les tremblantes plaines,
Tels marchaient après eux les rapides Hellènes.
Leurs bras rassasiés,
Arrachaient en passant quelques derniers soupirs ;
Mais leurs yeux et leurs pas tendaient vers la fumée
Qui roulait en flots noirs sur
Là tombaient des chrétiens au pied de leur autel ;
On entendait le cri sans voir le coup mortel,
Car
Les portes dérobaient et bourreaux et victimes.
On les frappe à grand bruit. Calme comme un vainqueur,
Mora pressait alors Héléna sur son
« Viens, disait-il, viens voir la maison paternelle,
Mais elle
Et le délire alors semblait troubler sa vue
Vers le temple brûlant toujours, toujours tendue.
«
On entendait, au fond de
Des hurlements, des cris de femmes, et
Et le bruit de la poudre et du fer. Cependant
Un nuage de feu sortait du toit ardent.
« Mon ami, disait-elle, ô soutenez mon âme !
Lui, la priait de vivre, et ne comprenait pas
Quels chagrins
Elle était sur son
On croyait-
Mais la porte du temple est ouverte, et
Tous ceux que menaçait le poids brûlant du toit :
Tous les Turcs étaient là ; mais, chacun
Croise ses bras, jetant son fer, lève la tête,
Et sur la mort qui tombe ose fixer les yeux.
Un seul cri de terreur
Le dôme embrasé craque, et dans
« Je les reconnais tous ! » dit-elle. Elle
Et sur le seuil fumant monte. « Je meurs ici !
«
Et le clocher, les murs, les marbres renversés,
Les vitraux en éclats, les lambris dispersés,
Et les portes de fer, et les châsses antiques,
Et les lampes dont
Tombent ; et dans sa chute ardente, leur grand poids
De cette foule écrase et la vie et la voix.
Long-temps les flots épais
Du soleil et du ciel étouffent la lumière ;
On espère
Montreront quelques Grecs au désastre échappés ;
Mais la flamme bientôt, pure et belle,
Et sur les morts cachés brille et monte en silence.
Cependant, vers le soir, les combats apaisés
Livrèrent toute Athène aux vainqueurs reposés.
Après
Avaient rempli de sang et de bruit et
Sur les murs dévastés, sur les toits endormis,
Le lune promenait
Athène sommeillait ; mais des clartés errantes,
Puis, dans
De quelques fugitifs venaient glacer les
Ils craignaient les vaincus non moins que les vainqueurs.
Ils étaient Juifs. Surtout en haut de la colline
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Dans ses piliers moussus, ses anguleux débris,
Ils avaient cru trouver de plus secrets abris.
Comme
Des lambris
Une Mosquée, au coin du temple chancelant,
Suspendait sa coupole et cachait son front blanc :
En cercles ténébreux
Autour
Ils comptaient
Les sabres de Damas que le soldat admire,
Et les habits moelleux tissus à Cachemire,
Les calices chrétiens, les colliers, les croissans,
Ces boucles, de
Car aux fils de Judas toute chose est permise,
Comme dans leurs trésors toute chose est admise.
Tous ces Juifs ont frémi ;
Le pas
Il marchait,
Et
Leur renvoya ces mots vingt fois interrompus :
« Le sang du fer vengeur
</poem> <br>
<references />
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[[Catégorie:Alfred de Vigny]]
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