« Les Sciences et les Humanités » : différence entre les versions

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Mais ce n'est pas là le plus important. C'est au contact des lettres antiques que nous apprenons le mieux à nous détourner de ce qui n'a qu'un intérêt contingent et particulier, à ne nous intéresser qu'à ce qui est général, à aspirer toujours à quelque idéal. Ceux qui y ont goûté deviennent incapables de borner leur horizon ; la vie extérieure ne leur parle que de leurs intérêts d'un jour, mais ils ne l'écoutent qu'à moitié, ils ont hâte qu'on leur fasse voir autre chose, ils emportent partout la nostalgie d'une patrie plus haute... Et ce serait là peut-être une objection sérieuse contre les études classiques. S'il est à désirer que sur dix Français, neuf deviennent de bons commerçants et des hommes d'affaires, n'est-il pas dangereux de les dégoûter d'avance de ce qui doit remplir leur vie ? Sans doute il ne serait pas impossible de réfuter cette objection mais ce n'est pas là mon affaire, ce n'est pas le sujet que je traite. Je cherche comment il faut faire pour former des savants.
 
Et alors, cela est bien clair. Le savant ne doit pas s'attarder à réaliser des fins pratiques ; il les obtiendra sans doute, mais il faut qu'il les obtienne par surcroît. Il ne doit jamais oublier que l'objet spécial qu'il étudie n'est qu'une partie d'un grand tout qui le déborde infiniment, et c'est l'amour et la curiosité de ce grand tout qui doit être 1l'unique ressort de son activité. La science a eu de merveilleuses applications, mais la science qui n'aurait en vue que les applications ne serait plus la science, elle ne serait plus que la cuisine. Il n'y a pas d'autre science que 1ala science désintéressée.
 
Il faut monter plus haut, et toujours plus haut pour voir toujours plus loin et sans trop s'attarder en route. Le véritable alpiniste considère toujours le sommet qu'il vient de gravir comme un marchepied qui doit le conduire à un sommet plus élevé. Il faut que le savant ait le pied montagnard, et surtout qu'il ait le cœur montagnard. Voilà quel est l'esprit qui doit l'animer. Cet esprit c'est celui qui soufflait autrefois sur la Grèce et qui y faisait naître les poètes et les penseurs. Il reste dans notre enseignement classique je ne sais quoi de la vieille âme grecque, je ne sais quoi qui nous fait toujours regarder en haut. Et cela est plus précieux pour faire un savant que la lecture de bien des volumes de géométrie.