« Discours lors du premier congrès universel d’espéranto » : différence entre les versions

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Et, maintenant pour la première fois, le rêve de ces milliers d’années commence à se réaliser. Des hommes appartenant aux pays et aux nations les plus divers se sont rencontrés dans cette petite ville du littoral français, et ils sont en face les uns des autres, non pas comme des muets ou des sourds, mais ils se comprennent, ils se parlent comme des frères, comme des membres d’une même nation. Il arrive souvent que des hommes de nationalités différentes se réunissent et se comprennent ; mais quelle énorme différence entre leur entente réciproque et la nôtre !
 
Généralement ne se comprennent alors qu’un très petit nombre des personnes réunies, celles qui ont pu consacrer beaucoup de temps et d’argent à l’étude des langues étrangères ; les autres ne prennent part aux réunions que corporellement et non par leur cerveau ; tandis que dans notre réunion tous se comprennent, et pour nous comprendre il suffit de le vouloir, ni pauvreté ni manque de temps ne peut empêcher de saisir nos paroles. Généralement l’entente réciproque n’est alors obtenue que d’une manière détournée, humiliante et injuste, car un membre d’une certaine nation s’humilie devant celui d’une autre nation dont il parle la langue, comme s’il avait honte de la sienne ; il balbutie, rougit et se trouve gêné devant son interlocuteur tandis que celui-ci se sent fort et fier. Dans notre réunion, au contraire, il n’y a pas de nations fortes ou faibles, privilégiées ou sacrifiées, personne ne s’abaisse, personne n’est gêné ; nous sommes tous sur un terrain neutre, tous égaux en droits ; nous nous sentons tous comme membres d’une même nation, d’une même famille et, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous, qui appartenons aux peuples les plus divers, nous sommes les uns auprès des autres, non comme des étrangers, non comme des rivaux, mais bien comme des frères qui, sans imposer leur propre langue aux autres, se comprennent et ne se suspectent par défaut d’entente, mais qui s’aiment et se serrent les mains, non pas hypocritement comme entre étrangers, mais sincèrement et d’homme à homme. Comprenons bien toute l’importance de ce jour, car aujourd’hui, dans les murs hospitaliers de Boulogne-sur-Mer, se trouvent réunis non des Français avec des Anglais, des Russes avec des Polonais, mesmais des hommes avec des hommes. Béni soit ce jour et que ses conséquences soient grandes et glorieuses !
Nous nous sommes réunis aujourd’hui pour montrer au monde par des faits indéniables ce qu’il n’a pas voulu croire jusqu’ici. Nous lui montrerons que la compréhension réciproque entre personnes de nations différentes peut très bien s’obtenir, que pour cela il n’est pas du tout nécessaire qu’un peuple humilie ou absorbe un autre peuple, que les murailles entre les peuples ne sont une chose indispensable et éternelle, que l’entente entre créatures d’une même espèce n’est pas un rêve de l’imagination, mais une chose toute naturelle, qui, par suite de circonstances très regrettables et honteuses, n’a été que très longtemps retardée, mais qui devait infailliblement se produire tôt ou tard et qui s’est enfin produite ; elle n’avance encore qu’en hésitant, mais une fois partie, ne s’arrêtera plus et bientôt elle sera si puissante dans le monde que nos petits-enfants ne voudront même pas croire qu’il en fût jadis autrement, et que les hommes, les rois de la terre, sont restés si longtemps sans se comprendre ! Qu’ils viennent à nous, tous ceux qui disent qu’une langue neutre artificielle n’est pas possible, et ils seront convertis. Celui qui prétend que les organes vocaux de tous les peuples sont différents, que chacun prononce une langue artificielle différemment et que ceux qui la parlent ne peuvent pas se comprendre entre eux, n’a qu’à venir parmi nous, et, s’il est honnête et ne veut pas mentir consciemment, il reconnaîtra qu’il s’est trompé. Qu’il se promène ces jours-ci dans les rues de Boulogne-sur-Mer, qu’il observe avec quelle aisance se comprennent les représentants des nations les plus diverses, qu’il demande aux espérantistes qu’il rencontrera, combien de temps ou d’argent il leur a fallu pour apprendre la langue artificielle, qu’il compare cela aux énormes sacrifices que nécessite l’étude de toute langue naturelle , et, si c’est un honnête homme, il ira par le monde et répètera bien haut : « oui, une langue artificielle est très possible, et l’entente des hommes au moyen d’une langue neutre artificielle est non seulement possible, mais même extrêmement facile. Il est vrai que beaucoup d’entre nous possèdent encore mal notre langue et la balbutient péniblement au lieu de parler couramment ; mais, en comparant leur balbutiement, à l’élocution si coulante d’autres personnes, tout observateur consciencieux remarquera facilement que la cause de cette imperfection ne provient pas de la langue, mais d’un manque d’exercice chez les premières.