« L’Art d’avoir toujours raison » : différence entre les versions

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== La dialectique éristique ==
 
La ''dialectique éristique''<ref>Les Anciens utilisaient les termes logique et dialectique comme synonymes, ce qui est d’ailleurs toujours le cas avec le sens moderne de ces mots.</ref> est l’art de la controverse, celle que l’on utilise pour avoir raison, c’est-à-dire ''per fas et nefas''<ref>''Éristique'' n’est qu’un terme plus dur signifiant la même chose. Aristote (selon Diogène Laërce, v. 28) aurait placé sur un pied d’égalité rhétorique et dialectique, visant à convaincre, το πιθανονπιϑανον, tandis qu’analytique et philosophie visent à chercher la vérité. Διαλεκτικη δε εστι τεκνη λογων, δί ης ανασκευαζομεν τι η κατασκευαζομεν, εξ ερωτη σεως και αποκρισεως τωυ προσδιαλεγομενων, Diogène Laërce, ''Vita Platonis'', III, 48. Aristote fait la différence entre
# la ''logique'' ou ''analytique'', la théorie ou méthode menant aux véritables conclusions, l’apodictique ;
# la ''dialectique'', ou la méthode menant aux conclusions passant pour véritables – ενδοξα, ''probabilia'' (''Topica'', I, 1 et 12) – autrement dit les conclusions qui ne passent pas pour fausses et qui ne passent pas pour vraies (en elles-mêmes). Qu’est-ce sinon l’art d’avoir raison, que l’on ait raison ou pas ? C’est-à-dire l’art d’attendre l’apparence de la vérité, comme je le disais plus haut. Aristote divise toutes les conclusions entre logique et dialectique de la manière que je viens de décrire, puis en éristique ;
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Qu’une proposition soit vraie par rapport à son contenu est un sujet bien trop incertain pour établir la fondation de cette distinction, et il s’agit d’un sujet sur lequel le débatteur est le dernier à être certain, et qui n’est pas non plus révélé sous une forme très sûre, même par le résultat de la controverse. Ainsi, lorsqu’Aristote parle de dialectique, il faut y inclure la sophistique, l’éristique et la peirastique, définie comme « l’art d’avoir raison dans une discussion » pour laquelle le plan le plus sûr est sans aucun doute d’avoir raison dès le début, mais qui en soi ne suffit pas étant donné la nature humaine et n’est pas non plus nécessaire étant donné la faiblesse et de l’intellect humain. Il faut donc avoir recours à d’autres procédés, qui, justement par le fait qu’ils ne sont pas nécessaires à l’atteinte de la vérité, peuvent également être utilisés lorsque quelqu’un est objectivement dans son tort, et que ce soit le cas ou pas, la certitude est rarement au rendez-vous.<br/>
 
Mon avis est qu’il faut donc faire une distinction entre ''dialectique'' et ''logique'' plus claire que celle faite par Aristote, qu’à la ''logique'' il faut assigner la vérité objective avec pour limite sa formalité, et que l’on confine la ''dialectique'' à l’art d’''avoir raison'', et par opposition, ne pas distinguer la sophistique et l’éristique de la dialectique comme le fait Aristote puisque la différence qu’il pointe repose sur la vérité objective et matérielle. Or la certitude n’est pas discernable avant la discussion et nous sommes contraints de dire, comme Ponce Pilate : « Qu’est-ce que la vérité ? » Car ''veritas est in puteo'' : εν βνθωβνϑω η αληθειααληϑεια selon Démocrite (Diogène Laërce, IX, 72). Il est facile de dire que lorsque l’on débat il ne faut avoir pour seul objectif que la recherche de la vérité, mais avant le débat, personne ne connaît la vérité et à travers ses propres arguments et ceux de son adversaire, on peut s’égarer. D’ailleurs, ''re intellecta, in verbis simus faciles'' : comme beaucoup ont tendance à comprendre le terme ''dialectique'' dans le sens de ''logique'', nous voulons appeler cette discipline ''dialectica eristica'', ou ''dialectique éristiche''.
</ref>. Les règles par lesquelles il définit la dialectique sont parfois mélangées avec celles définissant la logique. Il m’apparaît donc qu’il n’a pas réussi à trouver une solution claire à ce problème<ref>Il faut toujours bien distinguer les sujets des disciplines les unes des autres.</ref>.
 
(...)
 
Afin de bien mettre en œuvre la ''dialectique'', il ne faut pas s’attarder sur la vérité objective (qui est l’affaire de la logique) mais simplement la regarder comme étant ''l’art d’avoir raison'', ce qui est, comme nous l’avons vu, d’autant plus aisé que lorsque l’on est d’emblée dans le vrai. Cepandant la dialectique en soi ne fait qu’apprendre comment se défendre de tout type d’attaque, et de même, comment il peut attaquer une thèse adverse sans se contredire. La découverte de la vérité objective doit être séparée de l’art de faire des phrases gagnant l’approbation. : c’estla première est une πραγματεια complètement différente qui est l’affaire du jugement, de la réflexion et de l’expérience pour laquelle il n’est pas l’artd’art particulier tandis que la seconde est le but de la dialectique. Certains l’ont définie comme étant la logique des apparences, mais cette définition est fausse, sans quoi elle servirait qu’à réfuter des propositions fausses. Or, même quand quelqu’un a raison, il a besoin de la dialectique pour défendre et maintenir sa position. Il lui faut connaître les stratagèmes malhonnêtes afin de savoir comment leur faire face, voire même en faire usage lui-même afin de frapper son adversaire avec ses propres armes. Ainsi, dans la dialectique doit on écarter la vérité objective, ou plutôt, ne la regarder que comme circonstance accidentelle, et ne chercher qu’à défendre sa position et réfuter celle de son adversaire. En suivant les règles à ces fins, aucun intérêt ne doit être accordé à la vérité car généralement on ne sait pas où est la vérité<ref>Il arrive souvent que deux personnes débattement férocement, puis en rentrant chez eux, ont pris la position de l’adversaire, échangeant ainsi leurs opinions.</ref>. Il n’est pas rare que l’on ne sache pas si l’on est dans le vrai ou le faux : tantôt on se croit à tort dans le vrai, tantôt les deux partis se croient dans le vrai. : ''veritas est in puteo'' (selon Démocrite : εν βνϑω η αληϑεια). Au début d’un débat, en règle générale, chacun est persuadé d’avoir raison et tandis que celui-ci se poursuit, les deux partis doutent de leurs propres thèses et la vérité n’est déterminée ou confirmée qu’à la fin.
 
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