« L’Art d’avoir toujours raison » : différence entre les versions

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Il est dommage que les anciens termes ''dialectique'' et ''logique'' aient été utilisés comme synonymes et j’ai du mal à librement faire une distinction entre leurs significations. Autrement, j’aurais aimé pouvoir définir la ''logique'' (dérivant de λογιζεσϑαι : « réfléchir », « considérer », dérivant lui-même de λογος : « mot » et « raison » lesquels sont inséparables) comme étant « la science des lois de la pensée, autrement dit, la méthode de la raison » et la ''dialectique'' (dérivant de διαλεγεσϑαι : « converser » car toute conversation communique des faits ou des opinions, c.-à-d. est historique ou délibérative) comme étant « l’art de la controverse » (dans le sens moderne du terme). Il est donc évident que la logique traite des ''à priori'', séparables en définitions empiriques, c.-à-d. les lois de la pensée, les processus de la raison (le λογος), et en lois, c.-à-d. celles que suit la raison quand elle est laissée à elle-même et non entravée comme dans le cas des pensées solitaires d’un être rationnel qui n’est pas induit en erreur. La dialectique de son côté traite des rapports entre deux êtres rationnels dont les pensées s’accordent, mais qui dès qu’elles cessent de s’accorder comme deux horloges marquant la même heure, créent une controverse, c.-à-d. combat intellectuel. En tant qu’êtres purement rationnels, les individus devraient pouvoir s’accorder. Le désaccord survient de la différence essentielle à leur individualité, c.-à.d. De l’élément empirique. La logique, science de la pensée, c.-à-d. science des procédés de la raison pure, devrait ''à priori'' être capable de pouvoir s’établir. La dialectique, en général, ne peut être construite qu’''à posteriori'', à partir de la connaissance empirique des différences entre deux individualités rationnelles que doit souffrir la réflexion pure, et des moyens qu’utilisent ces individualités l’un contre l’autre pour montrer que leur pensée individuelle est pure et objective. C’est parce que c’est la dans la nature humaine que lorsque A et B sont engagés dans une réflexion commune, διαλεγεσϑαι, c.-à-d. communication des opinions (par opposions aux discussions factuelles), si A s’aperçoit que les pensées de B sur le même sujet ne sont pas les mêmes, initialement, il ne reverra pas sa propre pensée pour vérifier s’il n’a pas fait une erreur de raisonnement, mais considérera que l’erreur vient de B, c.-à-d. que l’homme est par nature ''sûr de soi'' et c’est de cette caractéristique que découle cette discipline qu’il me plaît d’appeler ''dialectique''. Mais pour éviter toute confusion je l’appellerai « dialectique éristique », la science des procédés par lesquels les hommes manifestent cette confiance en leurs opinions.
 
{{TextQuality|25%}}== La dialectique éristique ==
 
La ''dialectique éristique''<ref>Les Anciens utilisaient les termes logique et dialectique comme synonymes, ce qui est d’ailleurs toujours le cas avec le sens moderne de ces mots.</ref> est l’art de la controverse, celle que l’on utilise pour avoir raison, c’est-à-dire ''per fas et nefas''<ref>''Éristique'' n’est qu’un terme plus dur signifiant la même chose. Aristote (selon Diogène Laërce, v. 28) aurait placé sur un pied d’égalité rhétorique et dialectique, visant à convaincre, το πιθανον, tandis qu’analytique et philosophie visent à chercher la vérité. Διαλεκτικη δε εστι τεκνη λογων, δί ης ανασκευαζομεν τι η κατασκευαζομεν, εξ ερωτη σεως και αποκρισεως τωυ προσδιαλεγομενων, Diogène Laërce, ''Vita Platonis'', III, 48. Aristote fait la différence entre
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Ainsi, de manière générale, chacun persistera à défendre ses propres positions, même si sur le moment il la considère lui-même comme fausse ou douteuse.<ref> Machiavel conseille à son Prince de profiter de tout moment de faiblesse de son voisin pour l’attaquer car ce dernier risque d'agir de même. Si l’honneur et la fidélité régnaient en ce monde, ce serait une autre histoire, mais comme on n’est pas en droit d’espérer trouver ces qualités chez son prochain, on ne doit pas les pratiquer soi même sous peine de voir cette pratique se retourner contre soi. Ainsi en est il dans un débat : si je laisse mon adversaire avoir raison dès que j’ai l’impression qu’il a raison, il y a peu de chances qu’il fasse de même lorsque la situation s’inversera, et s’il procède ''per nefas'', je dois faire de même. Il est facile de dire que l’on doit se rallier à la vérité sans se soucier de ses propres préjugés, mais il ne faut pas s’attendre à ce que son adversaire fasse de même, et il faut donc agir ainsi soi même. En outre, si je devais abandonner la position que je défendais auparavant dès que je me rends compte que mon adversaire a raison, il demeure possible que cette impression n’est que passagère et que je risque d’abandonner la vérité pour accepter une erreur.</ref>Tout le monde est armé jusqu'à un certain point contre ce genre de procédé par sa propre astuce et son manque de scrupules : chacun apprend dans la vie de tous les jours cette ''dialectique naturelle'' de même que chacun possède sa ''logique naturelle''. Cependant, celle-ci n’est pas fiable sur le long terme. Il n’est pas aisé pour quelqu’un de réfléchir à l’encontre des lois de la logique : si les faux jugements sont fréquents, les fausses conclusions sont rares. Ainsi, les hommes sont rarement exempts de logique naturelle, mais ils peuvent cependant être exempt de dialectique naturelle : c’est un don distribué en mesures pour le moins inégales (elle est l’équivalent du jugement, qui est inégalement répartie parmi les hommes tandis que la raison reste la même). Il arrive souvent que quelqu’un soit dans le vrai mais que son argumentation ait été confondue par des arguments superficiels. S’il émerge vainqueur de la controverse, il devra souvent sa victoire non seulement à la justesse de son jugement, mais surtout à l’intelligence et l’adresse dont il a fait preuve pour la défendre.
 
Ici, comme dans tous les cas, les dons sont innés<ref>''Doctrina sed vim promovet insitam''.</ref>, cependant la pratique et la réflexion quant aux tactiques par lesquelles quelqu’un peut vaincre un adversaire, ou quant à celles que l’adversaire utilise, comptent pour beaucoup dans la maîtrise de cet art. Ainsi, même si la logique n’a pas grande utilité pratique, la dialectique peut l’être. Aristote lui-même me semble avoir établi sa logique propre (analytique) en tant que fondation pour la préparation de sa dialectique et en a fait son cheval de bataille. La logique s’occupe simplement de la forme des propositions tandis que la dialectique porte sur le fond du sujet, la substance. Ainsi, il convient de considérer la forme générale de toutes les propositions avant de continuer avec les cas particuliers.
 
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