« Lucrèce Borgia/Édition J. Louis, 1833 » : différence entre les versions
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Ligne 14 :
== AVERTISSEMENT ==
Ainsi
dernier drame,
toute sa vie, à
prédilection, avant même
avec les petits adversaires politiques qui sont venus
le distraire il y a deux mois. Et puis, mettre au
jour un nouveau drame six semaines après le drame
proscrit,
au présent gouvernement.
perdait sa peine.
liberté peuvent repousser en une nuit sous le pied
maladroit qui les écrase. Aussi compte-t-il bien
mener de front désormais la lutte politique,
tant que besoin sera, et
faire en même temps son devoir et sa tâche.
nuit pas à
le roi
ressemblent ni par le fond, ni par la forme, et ces
deux ouvrages ont eu chacun de leur côté une destinée
si diverse que
principale date politique et
littéraire de la vie de
dire cependant, ces deux pièces si différentes par le
fond, par la forme et par la destinée, sont étroitement
accouplées dans sa pensée.
roi
Borgia sont nées au même moment sur le même point
du
sous trois ou quatre écorces concentriques dans le
roi
physique la plus hideuse, la plus repoussante, la
plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux,
à
méprisé de
par le jour sinistre des contrastes, cette misérable
créature ; et puis, jetez-lui une ame, et mettez dans
cette ame le sentiment le plus pur qui soit donné à
conditions, transformera sous vos yeux la créature
dégradée ;
voilà ce que
Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante,
la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux,
dans le
de beauté physique et de la grandeur royale, qui
donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à
Ligne 70 :
ame difforme deviendra presque belle à vos yeux. Ainsi,
la paternité sanctifiant la difformité physique, voilà
le roi
difformité morale, voilà Lucrèce Borgia. Dans la
pensée de
un mot barbare, ces deux pièces ne feraient
bilogie sui generis
titre : le père et la mère
séparées,
frappée
fond de la première restera long-temps encore peut-être
voilée par mille préventions à bien des regards ;
soir, si aucune illusion ne nous aveugle, comprise et
acceptée par une foule intelligente et sympathique ;
mais quoi
public a bien voulu les entourer, elles sont soeurs
jumelles, elles se sont touchées en germe,
Ligne 92 :
Corneille et Molière avaient pour habitude de
répondre en détail aux critiques que leurs ouvrages
suscitaient, et ce
dans des avant-propos et des avis au lecteur
sous
critique contemporaine ourdissait sans relâche autour
suivre
devant la critique. Ce qui sied à des hommes pleins
pas à
Corneille au monde qui puisse rester grand et sublime,
au moment même où il fait mettre une préface à genoux
devant Scudery ou Chapelain.
à Chapelain ou à Scudery. La critique, à quelques
rares exceptions près, a été en générale loyale et
bienveillante pour lui. Sans doute il pourrait
répondre à plus
par exemple, que Gennaro se laisse trop candidement
empoisonner par le duc au second acte, il pourrait
demander si Gennaro, personnage construit par la
fantaisie du poète, est tenu
vraisemblable et plus défiant que
Drusus de Tacite, ignarus et juveniliter
hauriens
exagéré les crimes de Lucrèce Borgia, il dirait :
lisez Tomasi, lisez Guicciardini, lisez
surtout le diarium
accepté sur la mort des maris de Lucrèce certaines
rumeurs populaires à demi fabuleuses, il répondrait
Ligne 129 :
une à une avec la critique toutes les pièces de la
charpente de son ouvrage ; mais il a plus de plaisir à
remercier la critique
tout, les réponses
de la critique, il aime mieux que le lecteur les
trouve dans le drame, si elles y sont, que dans la
Ligne 137 :
On lui pardonnera de ne point insister davantage sur
le côté purement esthétique de son ouvrage. Il est
tout un autre ordre
lui,
Lucrèce Borgia
questions sociales dans les questions littéraires,
et toute
lequel il
temps ne lui manquaient. Le théâtre, on ne saurait
trop le répéter, a de nos jours une importance
immense, et qui tend à
la civilisation même. Le théâtre est une tribune. Le
théâtre est une chaire. Le théâtre parle fort et
parle haut. Lorsque Corneille dit : pour être plus
chose
Shakespeare dit : (
sérieuse chose que le théâtre. Il sait que le drame,
sans sortir des limites impartiales de
mission nationale, une mission sociale, une mission
humaine. Quand il voit chaque soir ce peuple si
intelligent et si avancé qui a fait de Paris la
cité centrale du progrès,
un rideau que sa pensée, à lui chétif poète, va
soulever le moment
peu de chose, lui, devant tant
curiosité ; il sent que si son talent
faut que sa probité soit tout ; il
sévérité et recueillement sur la portée philosophique
de son
veut pas que cette foule puisse lui demander compte un
jour de ce
charge
du théâtre sans emporter avec elle quelque moralité
austère et profonde. Aussi espère-t-il bien, dieu
Ligne 176 :
fera toujours apparaître volontiers le cercueil dans
la salle du banquet, la prière des morts à travers
les refrains de
Il laissera quelquefois le carnaval débraillé chanter
à tue-tête sur
théâtre. Il sait bien que
mais il pense
de remplir seulement les conditions de
quant aux plaies et aux misères de
les fois
de jeter sur ce que ces nudités-là auraient de trop
odieux le voile
Il ne mettra pas Marion De Lorme sur la scène,
sans purifier la courtisane avec un peu
donnera à Triboulet le difforme un
donnera à Lucrèce la monstrueuse des entrailles de
mère. Et de cette façon, sa conscience se reposera
du moins tranquille et sereine sur son
drame
toucher à tout sans se souiller à rien. Faites
circuler dans tout une pensée morale et compatissante,
et il
la chose la plus hideuse mêlez une idée religieuse,
elle deviendra sainte et pure. Attachez Dieu au
Ligne 206 :
Une terrasse du palais barbarigo, à Venise.
fête de nuit. Des masques traversent par instans le
théâtre. Des deux côtés de la terrasse, le palais
splendidement illuminé et résonnant de fanfares. La
terrasse couverte
bas de la terrasse, est censé couler le canal de la
Zueca, sur lequel on voit passer par momens, dans
Ligne 217 :
gondoles traverse le fond du théâtre avec une
symphonie tantôt gracieuse, tantôt lugubre, qui
Venise au clair de lune.
Ligne 229 :
Oloferno.
Nous vivons dans une époque où les gens
accomplissent tant
plus de celle-là, mais certes il
événement plus sinistre et plus mystérieux.
Ligne 246 :
Gennaro, bâillant.
Ah ! Voilà Jeppo qui va nous conter des
histoires ! -pour ma part, je
déjà bien assez fatigué sans cela.
Maffio.
Ces choses-là ne
ni ton père ni ta mère. On ne doute pas que tu ne
sois gentilhomme, à la façon dont tu tiens une épée ;
mais tout ce
tu te bats comme un lion. Sur mon ame, nous
sommes compagnons
pas pour
je
sommes juré de nous aider en périls comme en
amour, de nous venger
serait, de
toi, que les miens. Un astrologue nous a prédit que
nous mourrions le même jour, et nous lui avons
donné dix sequins
sommes pas amis, nous sommes frères. Mais enfin,
tu as le bonheur de
de ne tenir à personne, de ne traîner après toi
aucune de ces fatalités, souvent héréditaires, qui
pourvu
guerre et des femmes pour le plaisir ? Que te fait
du drapeau, qui
vois-tu, Gennaro ?
de prendre intérêt aux catastrophes de notre temps.
Nos pères et nos mères ont été mêlés à ces tragédies,
et presque toutes nos familles saignent encore.
Gennaro.
Il se jette dans un fauteuil, dans
Vous me réveillerez quand Jeppo aura fini.
Jeppo.
Voici. -
Gubetta, dans un coin du théâtre.
Ligne 296 :
Jeppo.
certaine nuit
Gubetta.
Non.
Jeppo.
Vous avez raison. -cette nuit donc, un batelier
du Tibre, qui
le long du bord, pour garder ses marchandises,
vit quelque chose
au-dessous de
être cinq heures après minuit. Le batelier vit venir
dans
de
çà, de là, comme inquiets ; après quoi il en parut
deux autres ; et enfin trois ; en tout sept. Un seul
était à cheval. Il faisait nuit assez noire. Dans
toutes les maisons qui regardent le Tibre, il
avait plus
hommes
était monté tourna la croupe de son cheval du côté
du Tibre, et alors le batelier vit distinctement sur
cette croupe des jambes qui pendaient
tête et des bras de
Pendant que leurs camarades guettaient les angles
des rues, deux de ceux qui étaient à pied prirent
le corps mort, le balancèrent deux ou trois fois
avec force, et le lancèrent au milieu du Tibre. Au
moment où le cadavre frappa
à cheval fit une question à laquelle les deux autres
répondirent : oui, monseigneur. Alors le cavalier
se retourna vers le Tibre, et vit quelque chose de
noir qui flottait sur
manteau de monseigneur qui est mort. Et
de la troupe jeta des pierres à ce manteau, ce qui
le fit enfoncer. Ceci fait, ils
compagnie, et prirent le chemin qui mène à
saint-Jacques. Voilà ce que vit le batelier.
Maffio.
Une lugubre aventure ! était-ce
considérable que ces hommes jetaient ainsi à
Ce cheval me fait un effet étrange ;
selle, et le mort en croupe !
Ligne 347 :
Jeppo.
Vous
cadavre,
César Borgia.
Ligne 358 :
Je ne vous le dirai pas. La cause du meurtre est
tellement abominable, que ce doit être un péché
mortel
Gubetta.
Ligne 374 :
Assez, Monsieur De Belverana. Ne prononcez pas
devant nous le nom de cette femme monstrueuse.
Il
elle
Maffio.
cela ?
Ligne 397 :
Don Apostolo.
Si
Depuis que César Borgia, cardinal de Valence, est
devenu duc de Valentinois, il a fait mourir, comme
Ligne 410 :
Ascanio.
La
ne fit-elle pas à la même époque une cavalcade
secrète au monastère de saint-Sixte pour
renfermer, sans
Jeppo.
Je crois que oui.
seigneur Jean Sforza, son deuxième mari.
Ligne 437 :
Ascanio, bas.
Je me éfie comme toi de ce Monsieur De Belverana.
Mais
une chose dangereuse là-dessous.
Ligne 445 :
humaine qui soit sûre de vivre quelques lendemains
dans cette pauvre Italie avec les guerres, les
pestes et les Borgia
Don Apostolo.
Ah çà, messeigneurs, je crois que tous tant que
nous sommes nous devons faire partie de
que la république de Venise envoie au duc de
Ferrare, pour le féliciter
sur les Malatesta. Quand partons-nous pour
Ferrare ?
Ligne 457 :
Oloferno.
Décidément, après-demain. Vous savez que les
deux ambassadeurs sont nommés.
Tiopolo et le général des galères Grimani.
Ligne 468 :
Ascanio.
messieurs ;
sans nous.
Ligne 475 :
Rentrons au palais. -hé ! Gennaro !
à Jeppo.
votre histoire, Jeppo.
Jeppo.
Tous sortent excepté Gubetta.
Ligne 487 :
Gubetta, seul.
Oui,
cela tout bas.
Lucrezia en sait plus que moi, Monsieur De
Valentinois en sait plus que dona Lucrezia, le
Ligne 495 :
Regardant Gennaro.
Entre dona Lucrezia, masquée. Elle aperçoit Gennaro
Ligne 502 :
Dona Lucrezia, à part.
Il dort ! -cette fête
Se retournant.
—Gubetta !
Gubetta.
Parlez moins haut, madame. -je ne
pas ici Gubetta, mais le comte de Belverana,
gentilhomme castillan ; vous, vous êtes madame la
marquise de Pontequadrato, dame napolitaine.
Nous ne devons pas avoir
Ne sont-ce pas là les ordres de votre altesse ? Vous
Dona Lucrezia.
cette terrasse, que ce jeune homme qui dort ; nous
pouvons causer un instant.
Gubetta.
Comme il plaira à votre altesse.
conseil à vous donner ;
démasquer. On pourrait vous reconnaître.
Dona Lucrezia.
Et que
suis, je
suis,
Gubetta.
Nous sommes à Venise, madame ; vous avez bien
des ennemis ici, et des ennemis libres. Sans doute la
république de Venise ne souffrirait pas
attenter à la personne de votre altesse ; mais on
pourrait vous insulter.
Ligne 543 :
Gubetta.
Il
romains, des napolitains, des romagnols, des
lombards, des italiens de toute
Dona Lucrezia.
Et toute
pourtant que tout cela change. Je
pour faire le mal, je le sens à présent plus que
jamais.
entraînée. -Gubetta !
Ligne 563 :
Gubetta.
Ordonnez, madame ;
sellées et quatre coureurs tout prêts à partir.
Dona Lucrezia.
Gubetta.
Ligne 577 :
Gubetta.
Au cachot. Vous
faire étrangler.
Ligne 590 :
Gubetta.
poison que le jour de Pâques, dans
viendra dans six semaines, nous sommes au
carnaval.
Ligne 599 :
Gubetta.
à
et régent de la chancellerie ; mais, avant un
mois, il ne sera plus
notre saint-père le pape
plainte, et le tient sous bonne garde dans les
chambres basses du Vatican.
Ligne 608 :
Dona Lucrezia.
Gubetta, écris en hâte au saint-père que je lui
demande la grâce de Pierre Capra ! Gubetta,
mette en liberté Accaioli ! En liberté Manfredi De
Curzola ! En liberté Buondelmonte ! En liberté
Ligne 622 :
Dona Lucrezia.
Bonnes ou mauvaises, que
que je te les paie.
Gubetta.
Ah !
à faire
Gubetta que je suis ! à présent que vous vous
imaginez de devenir miséricordieuse,
vais devenir, moi ?
Dona Lucrezia.
Ecoute, Gubetta, tu es mon plus ancien et mon
plus fidèle
Gubetta.
Voilà quinze ans, en effet, que
Dona Lucrezia.
Ligne 644 :
vieux complice, est-ce que tu ne commences pas
à sentir le besoin de changer de genre de vie ?
Est-ce que tu
autant que nous avons été maudits ? Est-ce que tu
Gubetta.
Ligne 655 :
Est-ce que notre commune renommée à tous
deux, notre renommée infâme, notre renommée
de meurtre et
pas à te peser, Gubetta ?
Gubetta.
Pas du tout. Quand je passe dans les rues de Spolette,
fredonnent autour de moi : hum ! Ceci est Gubetta,
Gubetta-poison, Gubetta-poignard, Gubetta-gibet !
Ligne 666 :
aigrette de sobriquets. On dit tout cela, et quand
les voix ne le disent pas, ce sont les yeux qui le
disent. Mais
à ma mauvaise réputation comme un soldat du
pape à servir la messe.
Ligne 672 :
Dona Lucrezia.
Mais ne sens-tu pas que tous les noms odieux
dont on
peuvent aller éveiller le mépris et la haine dans
un
donc personne au monde, Gubetta ?
Ligne 681 :
Dona Lucrezia.
parlerai ni de mon père, ni de mon frère, ni de
mon mari, ni de mes amans.
Gubetta.
Mais
puisse aimer.
Ligne 694 :
Gubetta.
Ah çà ! Est-ce que vous vous faites vertueuse
pour
Dona Lucrezia.
Gubetta ! Gubetta !
Italie, dans cette fatale et criminelle Italie, un
coeur noble et pur, un
mâles vertus, un
de soldat ;
haïe, méprisée, abhorrée, maudite des hommes,
damnée du ciel, misérable toute-puissante que je
suis ;
mon âme agonise douloureusement
et
Gubetta, un peu de tendresse, un peu
dans ce
pensée que
joyeusement et librement sur le mien ; comprendrais-tu
alors, dis, Gubetta, pourquoi
racheter mon passé, de laver ma renommée,
les taches de toutes sortes que
sur moi, et de changer en une idée de gloire, de
pénitence et de vertu,
que
Gubetta.
Mon dieu, madame ! Sur quel hermite avez-vous
marché
Dona Lucrezia.
Ne ris pas. Il y a long-temps déjà que
pensées sans te les dire.
un courant de crimes, on ne
on veut. Les deux anges luttaient en moi, le bon
et le mauvais ; mais je crois que le bon va enfin
l’emporter.
Gubetta.
comprends plus, et que depuis quelque temps
vous êtes devenue indéchiffrable pour moi ? Il y a
un mois, votre altesse annonce
Spolette, prend congé de monseigneur don Alphonse
et jaloux comme un tigre ; votre altesse
donc quitte Ferrare, et
à Venise, presque sans suite, affublée
nom napolitain, et moi
Arrivée à Venise, votre altesse se sépare
de moi, et
puis, vous vous mettez à courir les fêtes, les
musiques, les tertullias à
carnaval pour aller partout masquée, cachée à tous,
déguisée, me parlant à peine entre deux portes
chaque soir ; et voilà que toute cette mascarade se
termine par un sermon que vous me faites ! Un
sermon de vous à moi, madame ! Cela
véhément et prodigieux ? Vous avez métamorphosé
votre nom, vous avez métamorphosé votre habit,
à présent vus métamorphosez votre âme ! En honneur,
Je
la part de votre altesse ?
Dona Lucrezia, lui saisissant vivement le bras, et
Vois-tu ce jeune homme ?
Gubetta.
Ce jeune homme
et je sais bien que
sous votre masque depuis que vous êtes à Venise.
Dona Lucrezia.
Gubetta.
Je dis que
sur un banc, et qui dormirait debout
été en tiers dans la conversation morale et
édifiante que je viens
Dona Lucrezia.
Ligne 781 :
Gubetta.
Il serait plus beau,
Un visage sans yeux,
Dona Lucrezia.
Si tu savais comme je
Gubetta.
mari. Je dois cependant avertir votre altesse
nommée Fiametta.
Dona Lucrezia.
Et la jeune fille,
Gubetta.
Ligne 804 :
Gubetta.
Voilà qui est singulier et
façons. Je vous croyais plus jalouse.
Ligne 811 :
Gubetta.
Je trouve
Dona Lucrezia.
Ne me dis pas à qui tu trouves
Gubetta sort. Dona Lucrezia reste quelques instants
comme en extase devant Gennaro ; elle ne voit pas
deux hommes masqués qui viennent
du théâtre et qui
Dona Lucrezia, se croyant seule.
voir un instant sans périls ! Non, je ne
rêvé plus beau. ô Dieu ! épargnez-moi
mes larmes.
Elle ôte son masque pour
hommes masqués causent à voix basse pendant
baise la main de Gennaro endormi.
Premier Homme Masqué.
Cela suffit, je puis retourner à Ferrare. Je
infidélité ;
ne peut se prolonger plus long-temps. Ce jeune
homme est son amant. Comment le nomme-t-on,
Ligne 844 :
Deuxième Homme Masqué.
Il
un brave, sans père ni mère, un homme
dont on ne connaît pas les bouts. Il est en ce
Ligne 850 :
Premier Homme.
Fais en sorte
Deuxième Homme.
Cela se fera de soi-même, monseigneur ; il part
après-demain pour Ferrare avec plusieurs de ses
amis, qui font partie de
Tiopolo et Grimani.
Premier Homme.
exacts.
repartir.
Ligne 867 :
Dona Lucrezia, joignant les mains et presque
agenouillée devant Gennaro.
ô mon Dieu,
lui
Elle dépose un baiser sur le front de Gennaro, qui
Gennaro, saisissant par les deux bras Lucrezia
interdite.
Un baiser ! Une femme ! -sur mon honneur,
madame, si vous étiez reine et si
serait véritablement
Chartier, le rimeur français. -mais
vous êtes, et moi, je ne suis
Dona Lucrezia.
Ligne 888 :
Dona Lucrezia.
Voici
Elle
== ACTE 1 PARTIE 1 SCENE 3 ==
Ligne 895 :
Jeppo, puis Maffio.
Jeppo, entrant par le côté opposé.
Quel est ce visage ?
à Venise ! -hé, Maffio !
Maffio, entrant.
Jeppo.
Que je te dise une rencontre inouie.
Il parle bas à
Maffio.
Ligne 920 :
Maffio.
Il faut tirer mon frère Gennaro de cette toile
d’araignée.
Jeppo.
Ligne 951 :
Vous me faire horreur, madame ! Et pourquoi ?
Bien au contraire, je me sens au fond du coeur
quelque chose qui
Dona Lucrezia.
Donc tu crois que tu pourrais
Gennaro.
Pourquoi non ? Pourtant, madame, je suis sincère,
il y aura toujours une femme que
que vous.
Ligne 975 :
Dona Lucrezia.
Ta mère ! Ta mère, ô mon Gennaro ! Tu aimes
bien ta mère,
Gennaro.
Et pourtant je ne
vous paraît bien singulier,
je ne sais pas pourquoi
à vous ; je vais vous dire un secret que je
encore dit à personne, pas même à mon frère
étrange de se livrer ainsi au premier venu ; mais il
me semble que vous
venue. -je suis un capitaine qui ne connaît
pas sa famille,
pêcheur dont je me croyais le fils. Le jour où
seize ans, ce pêcheur
mon père. Quelque temps après, un seigneur vint
qui
levé la visière de son morion. Quelque temps après
encore, un homme vêtu de noir vint
une lettre. Je
mère que je rêvais bonne, douce, tendre, belle
comme vous ! Ma mère, que
forces de mon âme ! Cette lettre
dire aucun nom, que
race, et que ma mère était bien malheureuse.
Pauvre mère !
Ligne 1 008 :
Gennaro.
Depuis ce jour-là, je me suis fait aventurier,
parce
chaque mois, en quelque lieu que je sois, je vois
toujours venir le même messager. Il me remet une
lettre de ma mère, prend ma réponse et
et il ne me dit rien, et je ne lui dis rien, parce
Dona Lucrezia.
Ligne 1 021 :
Gennaro.
Je sais que
et que je donnerais ma vie dans ce monde
pour la voir pleurer, et ma vie dans
la voir sourire. Voilà tout.
Ligne 1 030 :
Gennaro.
Je les ai toutes là, sur mon
gens de guerre, nous risquons souvent notre
poitrine à
mère,
Dona Lucrezia.
Ligne 1 042 :
de ses lettres.
Il tire de sa poitrine un papier
remet à dona Lucrezia.
Dona Lucrezia, lisant.
"
Gennaro, avant le jour que je te marquerai.
Je suis bien à plaindre, va. Je suis entourée
Ligne 1 054 :
mon enfant, je veux être la seule à le
savoir. Si tu le savais, toi, cela est à la fois si
triste et si illustre que tu ne pourrais pas
taire ; la jeunesse est confiante, tu ne connais
pas les périls qui
connais ; qui sait ? Tu voudrais les affronter par
bravade de jeune homme, tu parlerais ou tu te
laisserais deviner, et tu ne vivrais pas deux jours.
Oh non ! Contente-toi de savoir que tu as une
mère qui
vie. Mon Gennaro, mon fils, tu es tout ce que
songe à
elle
Gennaro.
Ligne 1 072 :
pas que vous lisez, mais que vous parlez. -ah !
Vous pleurez ! -vous êtes bonne, madame,
et je vous aime de pleurer de ce
Il reprend la lettre, la baise de nouveau, et la remet
dans sa poitrine.
de mon berceau. -ma pauvre mère ! -
pas que vous comprenez maintenant que je
parce que je
Oh ! Délivrer ma mère ! La servir, la venger, la
consoler ! Quel bonheur ! Je penserai à
après ! Tout ce que je fais, je le fais pour être
digne de ma mère. Il y a bien des aventuriers qui ne
sont pas scrupuleux, et qui se battraient pour Satan
après
sers que des causes justes ; je veux pouvoir déposer
un jour aux pieds de ma mère une épée nette et loyale
comme celle
on
cette infâme Madame Lucrèce Borgia.
Dona Lucrezia.
Gennaro ! -Gennaro ! Ayez pitié des méchans !
Vous ne savez pas ce qui se passe dans leur
Gennaro.
Je
laissons cela, madame ; et maintenant que je vous
ai dit qui je suis, faites de même, et dites-moi à
Ligne 1 107 :
Gennaro.
Mais votre nom ?
Dona Lucrezia.
Ne
Des flambeaux. Entrent avec bruit Jeppo et Maffio.
Ligne 1 125 :
Maffio, un flambeau à la main.
Gennaro ! Veux-tu savoir quelle est la femme à
qui tu parles
Dona Lucrezia, à part, sous son masque.
Ligne 1 133 :
Vous êtes tous mes amis, mais je jure Dieu que
celui qui touchera au masque de cette femme sera
un enfant hardi. Le masque
comme la face
Maffio.
Il faut
Gennaro ! Mais nous ne voulons point insulter
Ligne 1 143 :
Faisant un pas vers dona Lucrezia.
de Gravina, que vos sbires ont étranglé la nuit
pendant
Jeppo.
Ligne 1 158 :
Oloferno.
Madame, je
dans une fête, après lui avoir traîtreusement dérobé
sa bonne citadelle seigneuriale de Piombino.
Don Apostolo.
Madame, vous avez mis à mort sur
don Francisco Gazella, oncle maternel de don
Alphonse
avez fait tuer à coups de hallebarde sur le palier
de
Gazella, cousin de
Dona Lucrezia.
Ligne 1 187 :
Maffio, la démasquant.
ôtez votre masque, madame,
pouvez encore rougir.
Don Apostolo.
Gennaro, cette femme à qui tu parlais
est empoisonneuse et adultère.
Jeppo.
Inceste à tous les degrés. Inceste avec ses deux
frères, qui se sont entretués pour
Dona Lucrezia.
Ligne 1 224 :
Elle se traîne aux geoux de Gennaro.
Maffio, étendant le bras.
Gennaro, la repoussant.
Oh !
elle tombe évanouie à ses pieds.
Ligne 1 239 :
balcon garni de jalousies, et une porte basse. Sous
le balcon, un grand écusson de pierre chargé
de cuivre doré au-dessous : Borgia. à gauche, une
petite maison avec porte sur la place. Au fond des
Ligne 1 259 :
Dona Lucrezia.
Ils
Gubetta.
Je
Dona Lucrezia.
Ligne 1 272 :
Dona Lucrezia.
Ils ne
Gubetta.
Ligne 1 282 :
Gubetta.
Ce sont de fiers étourdis
et
pouvaient guère faire autrement, étant désignés par
le sénat pour faire partie de
arrivée
Dona Lucrezia.
Oh ! Il me hait et me méprise maintenant, et
d’eux.
Gubetta.
Ligne 1 297 :
de miséricorde vous ont quittée, dieu soit loué ! Je
suis bien plus à mon aise avec votre altesse quand
elle est naturelle comme la voilà. Je
au moins. Voyez-vous, madame, un lac,
contraire
pont ; et moi,
Dona Lucrezia.
Gennaro est avec eux. Prends garde
arrive rien.
Ligne 1 313 :
Dona Lucrezia.
Prends garde
dis-je !
Ligne 1 324 :
Vive-dieu, madame, votre altesse le voit tous
les jours. Vous avez gagné son valet pour
déterminât son maître à prendre logis là, dans
cette bicoque, vis-à-vis votre balcon, et de votre
fenêtre grillée vous avez tous les jours
bonheur de voir entrer et sortir le susdit
gentilhomme.
Ligne 1 336 :
Gubetta.
Rien de plus simple. Envoyez lui dire par votre
porte-chape Astolfo que votre altesse
Dona Lucrezia.
Ligne 1 343 :
Gubetta.
Rentrez, madame, je crois
tout-à-
Dona Lucrezia.
Ligne 1 350 :
Gubetta.
Ils me croient espagnol depuis le talon
sourcils. Je suis un de leurs meilleurs amis. Je leur
emprunte de
Dona Lucrezia.
De
Gubetta.
Pardieu ! Pour en avoir.
qui soit plus espagnol que
de tirer le diable par la queue.
Dona Lucrezia, à part.
ô mon dieu ! Faites
à mon Gennaro !
Ligne 1 374 :
Gubetta.
soudée, chevillée et vissée à
bien triomphante pour
multitude de gens qui la tirent perpétuellement !
Ligne 1 383 :
Gubetta.
Dona Lucrezia.
Ligne 1 396 :
Gubetta, seul.
en veut-elle faire ? Je ne sais pas tous les secrets
de la dame, il
ma curiosité. Ma foi, elle
en moi cette fois, il ne faut pas
que je vais la servir dans cette occasion ; elle se
tirera de
pourra. Mais quelle étrange manière
homme quand on est fille de Roderigo Borgia et
de la Vanozza, quand on est une femme qui a
dans les veines du sang de courtisane et du sang de
pape ! Madame Lucrèce devient platonique. Je ne
on viendrait me dire que le pape Alexandre Six croit
en Dieu ! -allons, voici nos jeunes fous du
Ligne 1 420 :
ils se précipitent le plus volontiers.
Entrent les jeunes seigneurs sans voir
Gubetta, qui
piliers qui soutiennent le balcon. Ils causent à voix
basse et
Maffio, bas.
Vous direz ce que vous voudrez, messieurs, on
peut se dispenser de venir à Ferrare quand on a
blessé au
Don Apostolo.
Que pouvions-nous faire ? Le sénat nous envoie ici.
Est-ce
sérénissime sénat de Venise ? Une fois désignés, il
fallait partir. Je ne me dissimule pourtant pas,
Ligne 1 439 :
Jeppo.
Que veux-tu
sommes-nous pas au service de la république de
Venise ? Ne faisons-nous pas partie de son ambassade ?
Ligne 1 461 :
Oloferno.
Et tant
Don Apostolo.
Quant au frère de Bajazet, son histoire est curieuse,
et
lui persuada que Charles De France
empoisonné le jour où ils firent collation ensemble ;
Zizimi crut tout, et reçut des belles mains de
Ligne 1 473 :
Jeppo.
Il paraît que ce brave turc
politique.
Ligne 1 479 :
Oui, les Borgia ont des poisons qui tuent en un
jour, en un mois, en un an, à leur gré. Ce sont
font vider le flacon avec plus de plaisir. Vous vous
croyez ivre, vous êtes mort. Ou bien un homme
Ligne 1 487 :
marche plus, il se traîne ; il ne respire plus, il
râle ; il ne rit plus, il ne dort plus, il grelotte au
soleil en plein midi ; jeune homme, il a
vieillard ; il agonise ainsi quelque temps, enfin il
meurt. Il meurt ; et alors on se souvient
six mois ou un an il a bu un verre de vin de
Chypre chez un Borgia.
Se retournant.
que vous connaissez peut-être, qui est de
cette ville, et à qui la chose arrive en ce moment.
On voit passer au fond du théâtre un homme à cheveux
blancs, maigre, chancelant, boitant, appuyé sur un
bâton, et enveloppé
Ascanio.
Ligne 1 512 :
Oloferno.
Je
Maffio.
Ligne 1 519 :
Ascanio.
Maffio.
Oh !
soupers des Borgia !
Ascanio.
Ce sont des débauches effrénées, assaisonnées
d’empoisonnemens.
Maffio.
Voyez, messeigneurs, comme cette place est déserte
autour de nous. Le peuple ne
si près que nous du palais ducal ; il a peur que les
poisons qui
à travers les murs.
Ligne 1 539 :
Messieurs, à tout prendre, les ambassadeurs ont
eu hier leur audience du duc. Notre service est à
peu près fini. La suite de
de cinquante cavaliers. Notre disparition ne
ferions sagement de quitter Ferrare.
Maffio.
Jeppo.
Ligne 1 551 :
à souper ce soir chez la princesse Negroni, dont je
suis fort éperdument amoureux, et je ne voudrais
pas avoir
de Ferrare.
Ligne 1 586 :
Maffio, bas à Jeppo.
Vous allez encore me trouver bien timide,
Jeppo. Hé bien, si vous
pas à ce souper. Le palais Negroni touche au palais
ducal, et je
amiables de ce seigneur Belverana.
Jeppo, bas.
Vous êtes fou, Maffio. La Negroni est une femme
charmante, je vous dis que
le Belverana est un brave homme. Je me suis
enquis de lui et des siens. Mon père était avec son
Ligne 1 607 :
Maffio.
Jeppo.
Vive Jupiter, alors ! -et toi, Gennaro, est-ce
que tu
Ascanio.
Est-ce que la Negroni ne
Gennaro.
Non. La princesse
gentilhomme.
Maffio, souriant.
Alors, mon frère, tu iras de ton côté à quelque
rendez-vous
Jeppo.
A propos, conte-nous donc un peu ce que te disait
Madame Lucrèce
est folle de toi. Elle a dû
du bal était une bonne fortune pour elle. Les
femmes ne déguisent leur personne que pour
Ligne 1 642 :
Don Apostolo.
Ce qui
car on dit ce digne duc de Ferrare fort jaloux de
madame sa femme.
Ligne 1 659 :
Maffio.
semble
puisque tu portes ses couleurs.
Ligne 1 666 :
Que veux-tu dire ?
Maffio, lui montrant
Cette écharpe ?
Ligne 1 673 :
Gennaro.
Maffio.
Tu le crois. Lucrèce te
Lucrèce qui a brodé
pour toi.
Ligne 1 684 :
Maffio.
Par ton valet qui
gagné.
Gennaro.
Damnation !
Il arrache
Dona Lucrezia, à part.
Ligne 1 704 :
Maffio.
Gennaro.
Oh ! Maudite soit cette Lucrèce Borgia ! Vous
dites
mieux ! Que ce soit son châtiment ! Elle me fait
horreur ! Oui, elle me fait horreur ! Tu sais,
Maffio, cela est toujours ainsi ; il
Il faut
Il arrive aussi que, plus on est persécuté par
Celle-ci
ai-je pu mériter
Cela
cette nuit où vous
façon si éclatante, vous ne sauriez croire à quel
point la pensée de cette femme scélérate
odieuse. Autrefois je ne voyais Lucrèce Borgia que
de loin, à travers mille intervalles, comme un
fantôme terrible debout sur toute
le spectre de tout le monde. Maintenant ce spectre
est mon spectre à moi ; il vient
chevet ; il
dans mon lit ! Par ma mère,
Ah ! Maffio ! Elle a tué Monsieur De Gravina, elle
a tué ton frère ! Hé bien, ton frère, je le
remplacerai près de toi, et je le vengerai près
la luxure, palais de la trahison, palais de
Lucrèce Borgia ! Oh ! La marque
puis lui mettre au front à cette femme, je veux la
mettre au moins au front de son palais !
Ligne 1 743 :
balcon, et avec son poignard, il fait sauter la
première lettre du nom de Borgia gravé sur le mur,
de façon
orgia.
Ligne 1 751 :
Jeppo.
Gennaro, cette lettre de moins au nom de
Madame Lucrèce,
épaules.
Ligne 1 759 :
Gennaro.
Si
Gubetta, à part.
Ligne 1 770 :
Maffio.
Messieurs, voilà des gens de mauvaise mine qui
nous regardent un peu curieusement. Je crois
serait prudent de nous séparer. -ne fais pas de
nouvelles folies, frère Gennaro.
Ligne 1 789 :
Deuxième Homme.
Premier Homme.
Ligne 1 798 :
Premier Homme.
Deuxième Homme.
Ligne 1 804 :
Premier Homme.
à
en veux-tu ?
Ligne 1 814 :
Deuxième Homme.
Premier Homme.
Ligne 1 826 :
Deuxième Homme.
Premier Homme.
Deuxième Homme.
Ligne 1 841 :
Deuxième Homme.
Voici un ducat. Jouons à croix ou pile à qui de
nous deux aura
Premier Homme.
Deuxième Homme.
Ma foi, si je perds, je dirai tout bonnement au
duc que
bien égal les affaires du duc.
Il jette un ducat en
Premier Homme.
Ligne 1 856 :
Deuxième Homme, regardant à terre.
Premier Homme.
Deuxième Homme.
Bonsoir.
le balcon, y entre et revient un moment après
accompagné de quatre sbires avec lesquels il va frapper
Ligne 1 874 :
Une salle du palais ducal de Ferrare. Tentures de
cuir de Hongrie frappées
Ameublement magnifique dans le goût de la fin du
quinzième siècle en Italie. -le fauteuil ducal en
velours rouge, brodé aux armes de la maison
à côté, une table couverte de velours rouge. -au
fond, une grande porte. à droite, une petite porte.
à gauche, une autre petite porte masquée. -derrière
la petite porte masquée, on voit, dans un compartiment
ménagé sur le théâtre, la naissance
spirale qui
éclairé par une longue et étroite fenêtre grillée.
Don Alphonse
couleurs. Rustighello, vêtu des mêmes couleurs, mais
Rustighello.
Monseigneur le duc, voilà vos premiers ordres
exécutés.
Don Alphonse.
Ligne 1 900 :
mes ancêtres. Arrivé au vingt-troisième panneau,
tu verras une petite ouverture cachée dans la
gueule
de Milan.
faire ce panneau. Introduis la clef dans cette
ouverture. Le panneau tournera sur ses gonds comme
une porte. Dans
tu verras sur un plateau de cristal un flacon
et un flacon
Dans le flacon
flacon
plateau, sans y rien déranger, dans le cabinet voisin
de cette chambre, Rustighello, et si tu as jamais
Ligne 1 916 :
la poussière de marbre de Carrare, et qui, mêlé
au vin, change du vin de Romorantin en vin de
Syracuse, tu te garderas de toucher au flacon
Rustighello.
Ligne 1 926 :
de manière à entendre tout ce qui se passera ici,
et à pouvoir entrer au premier signal que je te
donnerai avec cette clochette
connais le son.
Il montre une clochette sur la table.
entreras avec le plateau. Si je secoue la clochette,
tu entreras avec
Rustighello.
Ligne 1 940 :
Don Alphonse.
Tu tiendras ton épée nue à la main, afin de
Rustighello.
Ligne 1 964 :
Dona Lucrezia, entrant avec impétuosité.
Monsieur, monsieur, ceci est indigne, ceci est
odieux, ceci est infâme.
peuple, -savez-vous cela, don Alphonse ? -vient de
mutiler le nom de votre femme gravé au-dessous
de mes armoiries de famille sur la façade de votre
propre palais. La chose
publiquement, par qui ? Je
bien injurieux et bien téméraire. On a fait de mon
nom un écriteau
de Ferrare, qui est bien la plus infâme populace
de
de mon blason comme autour
que vous vous imaginez, don Alphonse, que je
mieux mourir en une fois
et du quolibet ? Pardieu, monsieur, on me traite
étrangement dans votre seigneurie de Ferrare !
Ceci commence à me lasser, et je vous trouve
trop gracieux et trop tranquille pendant
traîne dans les ruisseaux de votre ville la renommée
de votre femme, déchiquetée à belles dents par
éclatante de ceci, je vous en préviens, monsieur le
duc. Préparez-vous à faire justice.
sérieux qui arrive là, voyez-vous ? Est-ce que vous
croyez par hasard que je ne tiens à
personne au monde, et que mon mari peut se dispenser
qui épouse protége ; qui donne la main donne le
bras.
injures, et jamais je ne vous en vois ému. Est-ce
que cette boue dont on me couvre ne vous éclabousse
Ligne 2 001 :
monsieur ! Vous êtes amoureux de moi, dites-vous
quelquefois ? Soyez-le donc de ma gloire. Vous êtes
jaloux ? Soyez-le de ma renommée ! Si
par ma dot vos domaines héréditaires ; si je vous ai
apporté en mariage, non-seulement la rose
la bénédiction du saint-père, mais ce qui
tient plus de place sur la surface du monde,
Sienne, Rimini, Cesena, Spolette et Piombino, et
plus de villes que vous
plus de duchés que vous
que vous laissiez votre peuple me railler, me publier
et
Ferrare montrer du doigt à toute
femme plus méprisée et plus bas placée que la servante
des valets de vos palefreniers ; ce
raison, dis-je, pour que vos sujets ne puissent
me voir passer au milieu
Cette femme !
je veux que le crime
et notablement puni, ou je
je
avec quinze mille hommes de guerre ; et voyez
maintenant si cela vaut la peine de vous lever de
Ligne 2 027 :
Don Alphonse.
Madame, le crime dont vous vous plaignez
connu.
Dona Lucrezia.
Comment, monsieur ! Le crime vous est connu,
et le criminel
Don Alphonse.
Ligne 2 038 :
Dona Lucrezia.
Vive Dieu !
Don Alphonse.
Ligne 2 045 :
Dona Lucrezia.
Sur mon âme,
Don Alphonse.
Il va
sur le châtiment.
Ligne 2 060 :
Dona Lucrezia.
Ah, ici ! -il me faut un exemple, entendez-vous,
monsieur ?
Ces crimes-là font toujours tomber la tête qui les
conçoit et la main qui les exécute. -ah ! Il est
Ligne 2 066 :
Don Alphonse.
Appelant.
—Bautista !
Dona Lucrezia.
Ligne 2 078 :
fût-il de votre ville, fût-il de votre maison, don
Alphonse, donnez-moi votre parole de duc couronné
Don Alphonse.
Ligne 2 085 :
Dona Lucrezia.
maintenant, que je
dieu,
de Ferrare pour me persécuter ainsi !
Don Alphonse, à
Faites entrer le prisonnier.
La porte du fond
désarmé entre deux pertuisaniers. Dans le même moment,
on voit Rustighello monter
compartiment à gauche, derrière la porte masquée ; il
tient à la main un plateau sur lequel il y a un flacon
doré, un flacon argenté et deux coupes. Il pose le
plateau sur
se place derrière la porte.
Ligne 2 110 :
Gennaro !
Don Alphonse,
un sourire.
Ligne 2 116 :
Dona Lucrezia.
Elle le regarde avec angoisse ; il détourne les yeux.
Ligne 2 122 :
Monseigneur le duc, je suis un simple capitaine et
je vous parle avec le respect qui convient. Votre
altesse
que me veut-elle !
Ligne 2 134 :
Dona Lucrezia.
Ce
Ce
Don Alphonse.
Dona Lucrezia.
non de Ferrare.
Don Alphonse.
Dona Lucrezia.
Le fait a eu lieu ce matin, et je sais
la matinée chez une nommée Fiametta.
Ligne 2 156 :
Don Alphonse.
Vous voyez bien que votre altesse est mal
instruite. Laissez-moi
Gennaro, êtes-vous celui qui a commis le crime ?
Dona Lucrezia, éperdue.
On étouffe ici ! De
de respirer un peu !
Elle va à une fenêtre, et en passant à côté de
Gennaro, elle lui dit bas et rapidement :
Don Alphonse, à part.
Ligne 2 172 :
Gennaro.
Duc Alphonse, les pêcheurs de Calabre qui
la mer pour me rendre fort et hardi,
cette maxime, avec laquelle on peut risquer
souvent sa vie, jamais son honneur : -fais ce
que tu dis, dis ce que tu fais. -duc Alphonse,
je suis
Don Alphonse, se tournant vers dona Lucrezia.
Ligne 2 183 :
Dona Lucrezia.
monseigneur.
Le duc fait signe à
retirer avec le prisonnier dans la salle voisine.
Ligne 2 197 :
Dona Lucrezia.
Ce que je vous veux, don Alphonse,
je ne veux pas que ce jeune homme meure.
Don Alphonse.
Il
moi comme la tempête, irritée et pleurante, vous
vous êtes plaint à moi
vous avez réclamé avec injure et cris la tête du
coupable, vous
loyalement octroyée, et maintenant vous ne voulez
pas
nouveau.
Ligne 2 217 :
Don Alphonse.
Madame, les gentilhommes aussi prouvés que
moi
Vous avez ma parole, il faut que je la retire.
juré que le coupable mourrait, il mourra. Sur mon
ame, vous pouvez choisir le genre de mort.
Dona Lucrezia,
Don Alphonse, don Alphonse, en vérité, nous
disons là des folies vous et moi. Tenez,
je suis une femme pleine de déraison. Mon père
enfance obéi à tous mes caprices. Ce que je voulais
il y a un quart
Vous savez bien, don Alphonse, que
été ainsi. Tenez, asseyez-vous là, près de moi,
et causons un peu, tendrement, cordialement,
Ligne 2 238 :
galanterie.
Dona Lucrezia, vous êtes ma dame, et je suis
trop heureux
instant à vos pieds.
Il
Dona Lucrezia.
Comme cela est bon de
bien, Alphonse, que je vous aime encore comme
le premier jour de mon mariage, ce jour où vous
fîtes une si éblouissante entrée à Rome, entre
Monsieur De Valentinois, mon frère, et monsieur le
cardinal Hippolyte
balcon des degrés de saint-Pierre. Je me rappelle
encore votre beau cheval blanc chargé
dessus !
Ligne 2 258 :
Vous étiez vous-même bien belle, madame,
et bien rayonnante sous votre dais de brocard
d’argent.
Dona Lucrezia.
Oh ! Ne me parlez pas de moi, monseigneur,
quand je vous parle de vous. Il est certain que
toutes les princesses de
épousé le meilleur chevalier de la chrétienté. Et
moi je vous aime vraiment comme si
ans. Vous savez que je vous aime,
Alphonse ? Vous
suis froide quelquefois, et distraite ; cela vient
de mon caractère, non de mon
Alphonse, si votre altesse
je me corrigerais bien vite. La bonne chose de
main, -embrassez-moi, don Alphonse ! -en
vérité,
qui sont assis côte à côte sur le plus beau trône
ducal qui soit au monde, et qui
sur le point de se quereller pour un misérable petit
capitaine aventurier vénitien ! Il faut chasser
cet homme, et
voudra, ce drôle,
et la lionne ne se courroucent pas
moucheron. -savez-vous, monseigneur, que si la
couronne ducale était à donner en concours au plus
beau cavalier de votre duché de Ferrare,
encore vous qui
dire à Bautista de votre part
au plus vite de Ferrare ce Gennaro !
Ligne 2 293 :
Rien ne presse.
Dona Lucrezia,
Je voudrais
monsieur, laissez-moi terminer cette affaire à ma
guise !
Ligne 2 302 :
Dona Lucrezia.
Mais enfin, mon Alphonse, vous
raison pour vouloir la mort de cet homme ?
Don Alphonse.
Et la parole que je vous ai donnée ? Le serment
Dona Lucrezia.
Cela est bon à dire au peuple. Mais de vous à
moi, Alphonse, nous savons ce que
saint-père avait promis à Charles VIII de France
la vie de Zizimi, sa sainteté
mourir Zizimi. Monsieur de Valentinois
sur parole ôtage du même enfant Charles VIII,
Monsieur de Valentinois
dès
Petrucci de leur rendre Sienne. Vous ne
fait ni dû faire. Hé !
de cela. Ni rois ni nations ne pourraient vivre un
jour avec la rigidité des sermens
Entre nous, Alphonse, une parole jurée
nécessité que quand il
Don Alphonse.
Pourtant, dona Lucrezia, un
Dona Lucrezia.
Ne me donnez pas de ces mauvaises raisons-là.
Je ne suis pas une sotte. Dites-moi plutôt, mon
cher Alphonse, si vous avez quelque motif
vouloir à ce Gennaro. Non ? Eh bien ! Accordez-moi
sa vie. Vous
pardonner.
Don Alphonse.
amour, que je ne veux pas lui faire grâce.
Dona Lucrezia.
Si vous
pas plus long-temps. Et
de la clémence, à moi ?
faire aimer de votre peuple. Je veux que votre
peuple
fait ressembler un roi à Jésus-Christ. Soyons des
souverains miséricordieux. Cette pauvre Italie a
assez de tyrans sans nous depuis le baron vicaire
du pape
cher Alphonse. Mettez ce Gennaro en liberté.
chose de sacré et
femme, quand il sauve la tête
Don Alphonse.
Ligne 2 361 :
Dona Lucrezia.
Vous ne pouvez ? Mais enfin pourquoi ne pouvez-vous
pas
que la vie de ce capitaine ?
Ligne 2 377 :
Don Alphonse.
Parce que vous
que vous
vous ai suivie pendant que vous le suiviez ! Parce
que je vous ai vue, masquée et haletante, courir
après lui comme la louve après sa proie ! Parce
que tout à
regard plein de pleurs et plein de flamme ! Parce que
vous vous êtes prostituée à lui, sans aucun doute,
madame ! Parce que
et
que je venge mon honneur et que je fasse couler
autour de mon lit un fossé de sang, entendez-vous,
Ligne 2 392 :
Dona Lucrezia.
Don
Don Alphonse.
Ligne 2 398 :
Lucrèce ! La porte par laquelle on entre dans
votre chambre de nuit, mettez-y tel huissier
il y aura maintenant un portier de mon choix, -le
bourreau !
Dona Lucrezia.
Monseigneur, je vous
Don Alphonse.
Ligne 2 410 :
Dona Lucrezia.
Si vous
Don Alphonse.
Tenez, madame, je hais toute votre abominable
famille de Borgia, et vous toute la première,
que
dise un peu cela à la fin,
inouie et merveilleuse de voir alliées en nos deux
personnes la maison
la maison de Valois et que la maison de Tudor, la
maison
ou Lenzolio, on ne sait quoi !
frère César, qui a des taches de sang naturelles
au visage ! De votre frère César, qui a tué votre
frère Jean !
Vanozza, la vieille fille de joie espagnole qui
scandalise Rome après avoir scandalisé Valence ! Et
quant à vos neveux prétendus, les ducs de Sermoneto
et de Nepi, de beaux ducs, ma foi ! Des ducs
Laissez-moi finir.
pape, et qui a un sérail de femmes comme le sultan
des turcs Bajazet ; de votre père, qui est
personnes illustres et le sacré collége de bandits,
si bien
galériens et cardinaux, on se demande si ce sont les
galériens qui sont les cardinaux et les cardinaux qui
Ligne 2 449 :
Don Alphonse.
Voilà aimer ! -vous pourrez faire de son cadavre
ce
ce soit avant une heure.
Ligne 2 457 :
Don Alphonse.
Si vous pouviez lire la ferme résolution qui est
dans mon ame, vous
Dona Lucrezia, se relevant.
Ligne 2 468 :
mon ame, je ne vous crains pas ! Je sais vos allures.
Je ne me laisserai pas empoisonner comme
votre premier mari, ce pauvre gentilhomme
dont je ne sais plus le nom, ni vous non plus !
Je ne me laisserai pas chasser comme votre
second mai, Jean Sforza, seigneur de Pesaro,
cet imbécille ! Je ne me laisserai pas tuer à coups
de pique, sur
troisième, don Alphonse
dont le sang
madame. Le nom
ma famille. Par le ciel !
ville et plein ma seigneurie, et
moi-même, et je
pauvre roi de Naples, mes bons canons
au pape, votre saint père !
Dona Lucrezia.
Vous vous repentirez de ces paroles, monsieur.
Vous oubliez qui je
Don Alphonse.
Je sais fort bien qui vous êtes, mais je sais aussi
où vous êtes. Vous êtes la fille du pape, mais vous
Spolette, mais vous
êtes la femme, la sujette et la servante
duc de Ferrare, et vous êtes à Ferrare !
Dona Lucrezia, toute pâle de terreur et de colère,
regarde fixement le duc et recule lentement devant
lui,
brisée.
madame,
vous.
pour commencer, voici le premier de vos amans
sur lequel je mets la main, il mourra.
Dona Lucrezia,
Raisonnons un peu, don Alphonse. Si cet homme
est celui qui a commis envers moi le crime de
lèze-majesté, il ne peut être en même temps mon
amant…
Don Alphonse.
Pourquoi non ? Dans un accès de dépit, de
colère, de jalousie ! Car il est peut-être jaloux
aussi, lui.
veux que cet homme meure.
palais est plein de soldats qui me sont dévoués et qui
ne connaissent que moi. Il ne peut échapper. Vous
le choix du genre de mort, décidez-vous.
Ligne 2 528 :
Don Alphonse.
Vous ne répondez pas ? Je vais le faire tuer dans
Il va pour sortir, elle lui saisit le bras.
Ligne 2 543 :
Don Alphonse.
Il faut
Dona Lucrezia.
Pas à coups
Don Alphonse.
La manière
Dona Lucrezia.
Don Alphonse.
Vous aurez soin de ne pas vous tromper, et de
lui verser vous-même du flacon
savez ? Je serai là
que je vais vous quitter.
Ligne 2 566 :
Bautista !
Dona Lucrezia.
Ligne 2 578 :
Don Alphonse.
Que ce que vous avez fait ce matin, vous
fait par étourderie et bravade, et sans intention
méchante, que madame la duchesse vous pardonne,
et que
ma mère,
sain et sauf à Venise. à dieu ne plaise que je prive
la magnifique république de Venise
domestique et la chrétienté
porte une fidèle épée quand il y a devers les eaux
de Chypre et de Candie des idolâtres et des
Ligne 2 592 :
Gennaro.
à la bonne heure, monseigneur ! Je ne
pas, je
votre altesse. La clémence est une vertu
de race royale, et Dieu fera grâce là haut à qui
Ligne 2 604 :
Gennaro.
que je défraie et que
république, sans compter les aubaines et les
épaves, me donne deux mille sequins
Don Alphonse.
Ligne 2 628 :
Haut.
Gennaro.
Je
sauve ; mais, puisque votre altesse me la laisse,
voici ce que je puis lui dire maintenant. Votre
altesse se souvient de
deux ans. Monseigneur le duc Hercule
père, y courut grand péril de la part de deux
cranequiniers du Valentinois qui
Un soldat aventurier lui sauva la vie.
Don Alphonse.
Oui, et
Gennaro.
Don Alphonse.
Pardieu, mon capitaine, ceci mérite récompense.
de sequins
Gennaro.
Ligne 2 664 :
Gennaro prend la bourse.
usage de nos ancêtres, comme bons amis que nous
sommes, un verre de mon vin de Syracuse.
Ligne 2 672 :
Don Alphonse.
Et pour vous faire honneur comme à
qui a sauvé mon père, je veux que ce soit madame
la duchesse elle-même qui vous le verse.
Gennaro
Le duc appelle.
—Rustighello !
Rustighello paraît avec le plateau.
—bien.
Prenant dona Lucrezia par la main.
homme.
cette porte avec ton épée nue à la main ; si tu
entends le bruit de cette clochette, tu entreras.
Ligne 2 699 :
la porte.
homme, et vous aurez soin de verser du flacon
que voici.
Dona Lucrezia, pâle et
Oui. -si vous saviez ce que vous faites en ce
moment, et combien
vous frémiriez vous-même, tout dénaturé que
vous êtes, monseigneur !
Ligne 2 713 :
bien, capitaine !
Gennaro, qui a fini sa distribution
sur le devant du théâtre. Le duc se verse à boire dans
une des deux coupes
et prend la coupe
Gennaro.
Ligne 2 723 :
Don Alphonse.
Madame, versez à boire au seigneur Gennaro.
Gennaro, saisissant
la duchesse.
Ligne 2 731 :
Don Alphonse, bas à la duchesse, qui essaie de prendre
le flacon
Le flacon
Elle prend en tremblant le flacon
Gennaro.
Qui est-ce qui ne
Don Alphonse.
Savez-vous, madame, que
que
soleil
à son glorieux métier de guerre et
où toutes les maisons royales ont commencé, aux
fêtes, aux bals masqués, aux gais carnavals de
Venise, où il se trompe tant de maris, et aux belles
femmes que ce jeune homme peut aimer et qui
doivent aimer ce jeune homme,
madame ? -versez donc à boire au capitaine.
Bas.
Elle verse à boire à Gennaro sans dire une parole.
Ligne 2 767 :
Don Alphonse, buvant.
à votre santé, capitaine Gennaro, et vivez
beaucoup
Gennaro.
Ligne 2 778 :
Don Alphonse, à part.
Haut.
partirez pour Venise quand vous voudrez.
Bas à dona Lucrezia.
tête avc lui. Vous devez avoir des adieux à lui
faire. Vivez avec lui, si bon vous semble, son
dernier quart
Il sort, les gardes le suivent.
Ligne 2 808 :
Gennaro.
vous.
Dona Lucrezia.
Oh ! Ne
pas le peu de force qui me reste et dont
encore pour quelques instans. -écoutez-moi. Le
duc est jaloux de vous, le duc vous croit mon
amant. Le duc ne
vous voir poignarder devant moi par Rustighello,
ou de vous verser moi-même le poison. Un poison
redoutable, Gennaro, un poison dont la seule
idée fait pâlir tout italien qui sait
ces vingt dernières
Gennaro.
Ligne 2 832 :
et moi. Tenez, voyez cette fiole que je porte
toujours cachée dans ma ceinture. Cette fiole,
Gennaro,
salut. Une seule goutte sur vos lèvres, et vous êtes
sauvé !
Ligne 2 841 :
Gennaro, la regardant fixement.
Madame, qui est-ce qui me dit que ce
cela qui est du poison ?
Ligne 2 850 :
Ne vous appelez-vous pas Lucrèce Borgia ? -est-ce
que vous croyez que je ne me souviens pas
du frère de Bajazet ? Oui, je sais un peu
On lui fit accroire, à lui aussi,
empoisonné par Charles Viii, et on lui donna un
contre-poison dont il mourut. Et la main qui lui
Ligne 2 863 :
Gennaro.
écoutez, madame, je ne me méprends pas à vos
semblans
sur moi. Cela est visible. Vous devez savoir
qui je suis. Tenez, dans ce moment-ci, cela se lit
Ligne 2 870 :
pour ne me le dire jamais. Votre famille
doit connaître la mienne, et peut-être à cette
heure ce
en
Dona Lucrezia.
Votre mère, Gennaro ! Vous la voyez peut-être
autrement
Gennaro.
Ne la calomniez pas. Oh ! Non ! Ma mère
une femme comme vous, Madame Lucrèce ! Oh !
Je la sens dans mon
ame telle
moi ; je ne
trompe pas sur sa mère. Je la haïrais si elle pouvait
vous ressembler. Mais non, non. Il y a quelque
chose en moi qui me dit bien haut que ma mère
et
femmes
sûr,
femme vertueuse, une femme sainte,
mère ! Oh ! Elle est ainsi, et pas autrement ! Vous
la connaissez, sans doute, Madame Lucrèce, et
Ligne 2 903 :
Gennaro.
Mais devant qui est-ce que je parle ainsi ?
les joies ou les douleurs
vous êtes bien heureuse. Car vos enfans, si vous
en aviez, savez-vous bien
madame ? Quel malheureux assez abandonné du
ciel voudrait
Lucrèce Borgia ! Dire ma mère à Lucrèce Borgia !
Oh !
Dona Lucrezia.
Gennaro ! Vous êtes empoisonné ; le duc, qui
vous croit mort, peut revenir à tout moment ; je
ne devrais songer
évasion, mais vous me dites des choses si terribles
que je ne puis faire autrement que de rester là,
Ligne 2 922 :
Gennaro.
Madame…
Dona Lucrezia.
Ligne 2 931 :
Gennaro.
Que dois-je croire, madame ? Le duc est loyal,
et
offensée, vous avez à vous venger de moi.
Ligne 2 938 :
toute ma vie pour ajouter une heure à la tienne,
il faudrait répandre tout mon sang pour
au pilori pour te mettre sur un trône, il faudrait
payer
moindre plaisirs, que je
ne murmurerais pas, que je serais heureuse, que
je baiserais tes pieds, mon Gennaro ! Oh ! Tu ne
sauras jamais rien de mon pauvre misérable
sinon
presse, le poison marche, tout à
sentirais, vois-tu ! Encore un peu, il ne serait plus
temps. La vie ouvre en ce moment deux espaces
obscurs devant toi, mais
que
guider par moi. Aie pitié de toi et de moi, Gennaro.
Bois vite, au nom du ciel !
Gennaro.
Allons,
retombe sur votre tête. Après tout, que vous disiez
vrai ou non, ma vie ne vaut pas la peine
tant disputée. Donnez.
Ligne 2 965 :
Dona Lucrezia.
Sauvé ! -maintenant il faut repartir pour Venise
de toute la vitesse de ton cheval. Tu as de
Gennaro.
Dona Lucrezia.
Ligne 2 976 :
nous vivons, le poison est de tous les repas. Toi
surtout, tu es exposé. Maintenant pars vite.
Lui montrant la porte masquée
cours du palais Negroni. Il te sera aisé de
par là.
pas une heure,
Quitte Ferrare sur-le-champ, quitte Ferrare
comme si
pas derrière toi !
—adieu !
mon Gennaro !
Ligne 2 997 :
plus te revoir jamais. Il ne faut plus songer
maintenant à te rencontrer quelquefois sur mon chemin.
Mais ce serait risquer ta tête. Nous voilà donc
pour toujours séparés dans cette vie ; hélas ! Je ne
suis que trop sûre que nous serons séparés aussi
dans
pas quelque douce parole avant de me quitter
ainsi pour
Gennaro, baissant les yeux.
Madame…
Dona Lucrezia.
Ligne 3 021 :
Gennaro.
Jurez-moi par tout ce qui vous est cher, par ma
propre tête, puisque vous
éternel de mon ame, jurez-moi que vos crimes ne
sont pour rien dans les malheurs de ma mère.
Ligne 3 030 :
Gennaro.
ô ma mère ! Ma mère ! La voilà donc
femme qui a fait ton malheur !
Dona Lucrezia.
Gennaro !
Gennaro.
Vous
maudite !
Ligne 3 049 :
La deuxième décoration. La place de Ferrare avec le
balcon ducal
l’autre.
Don Alphonse, Rustighello, enveloppés de manteaux.
Rustighello.
Oui, monseigneur, cela
je ne sais quel philtre elle
Don Alphonse.
Ligne 3 065 :
Rustighello.
Comment
Don Alphonse.
Ligne 3 076 :
Don Alphonse.
il fallait entrer et le tuer.
Rustighello.
la porte, Madame Lucrève
corps. Il aurait fallu tuer aussi Madame Lucrèce.
Ligne 3 088 :
Rustighello.
Je
Don Alphonse.
Ligne 3 096 :
Rustighello.
Et puis
avec le pape.
Ligne 3 103 :
Rustighello.
fille du saint-père !
Don Alphonse.
Hé bien, sans la tuer, ne pouvais-tu pas crier,
appeler,
Rustighello.
Oui, et puis le lendemain votre altesse se serait
reconciliée avec Madame Lucrèce, et le
surlendemain Madame Lucrèce
Don Alphonse.
Assez. Tu
Rustighello.
Non. Vous voyez une lumière à cette fenêtre. Le
Gennaro
duchesse avait gagné, est à présent gagné par moi,
et
maître derrière la citadelle avec deux chevaux sellés.
Le Gennaro va sortir pour
un instant.
Don Alphonse.
En ce cas, embusquons-nous derrière
sa maison. Il est nuit noire. Nous le tuerons quand
il passera.
Ligne 3 145 :
Rustighello.
Il y a deux choses
sous le ciel ;
une italienne sans amant.
Ligne 3 160 :
Il est sujet de Venise, et ce serait déclarer la
guerre à la république. Non. Un coup de poignard
vient on ne sait
Rustighello.
Alors, voulez-vous, moseigneur, que
chercher quatre sbires pour le dépêcher sans que
vous ayez la peine de vous en mêler ?
Don Alphonse
mon cher, le seigneur Machiavel
que, dans ces cas-là, le mieux était que les
princes fissent leurs affaires eux-mêmes.
Rustighello.
Monseigneur,
Don Alphonse.
Rangeons-nous le long de ce mur.
Ils se cachent dans
Maffio en habit de fête, qui arrive en fredonnant et
va frapper à la porte de Gennaro.
Ligne 3 192 :
Gennaro !
''La porte
Gennaro.
Maffio.
Non. Je
décidément tu ne viens pas ce soir souper avec
nous chez la princesse Negroni ?
Ligne 3 216 :
Gennaro.
Dans un quart
Maffio.
Ligne 3 225 :
Maffio.
Affaire
Gennaro.
Oui, affaire
Maffio.
Tu agis mal avec moi, Gennaro. Nous avions
fait serment de ne jamais nous quitter,
inséparables,
sans moi !
Ligne 3 246 :
Gennaro.
Tu
Negroni.
Maffio.
Je me suis informé. Jeppo avait raison.
femme charmante et de belle humeur, et qui aime
les vers et la musique, voilà tout. Allons, viens
Ligne 3 265 :
Maffio.
Frère Gennaro,
Gennaro.
Frère Maffio,
Maffio.
Gennaro.
Qui sait si je ne me reprocherai pas demain de
Maffio.
Ligne 3 286 :
Gennaro.
Allons, il faut que je te conte, à toi, Maffio, les
motifs de mon départ subit. Tu vas juger si
raison.
''Il prend Maffio à part et lui parle à
Rustighello, ''sous le balcon, bas à don Alphonse.''
Ligne 3 299 :
Maffio, ''éclatant de rire après le récit de Gennaro.''
Veux-tu que je te dise, Gennaro ? Tu es dupe.
Il
contre-poison. Pure comédie. La Lucrèce est amoureuse
éperdue de toi, et elle a voulu te faire accroire
doucement glisser de la reconnaissance à
Le duc est un bonhomme, incapable
ou
vie à son père
veut que tu partes,
se déroulerait en effet plus commodément à Venise
Quant au souper de la princesse Negroni, il sera
délicieux. Tu y viendras. Que diable ! Il faut
cependant raisonner un peu et ne rien
sais que je suis prudent, moi, et de bon conseil.
Parce
les Borgia ont empoisonné, avec de fort bons vins,
quelques-uns de leurs meilleurs amis, ce
une raison pour ne plus souper du tout. Ce
pas une raison pour voir toujours du poison dans
belles princesses de
Spectres et balivernes que tout cela ! à ce compte il
sûrs de ce
sans inquiétude. Par Hercule, Gennaro ! Sois enfant
ou sois homme. Retourne te mettre en nourrice ou
Ligne 3 329 :
Gennaro.
Au fait, cela a quelque chose
sauver ainsi la nuit.
peur.
dois pas y laisser Maffio tout seul. Il en sera ce qui
pourra.
dit. Tu me présenteras à la princesse Negroni. Je
vais avec toi.
Ligne 3 340 :
Vrai dieu ! Voilà un ami !
''Ils sortent. On les voit
place. Don Alphonse et Rustighello sortent de leur
cachette.''
Rustighello, ''
Hé bien,
sont que deux. Chargez-vous de votre homme. Je
me charge de
Don Alphonse.
Non, Rustighello. Ils vont souper chez la princesse
Negroni. Si je suis bien
''il
éclatant de rire.
''
et ce serait une plaisante aventure. Attendons à
demain.
Ligne 3 369 :
porte à deux battans. Au milieu, une table superbement
servie à la mode du quinzième siècle. De petits pages
noirs, vêtus de brocard
quatorze convives à table, Jeppo, Maffio, Ascanio,
Oloferno, Apostolo, Gennaro et Gubetta, et sept
Ligne 3 394 :
Don Apostolo.
doge Barbarigo ;
chez la divine princesse Negroni.
Jeppo.
Maffio.
Ligne 3 411 :
Gubetta.
épouse une femme en ruine. Chose qui se voit
tous les jours.
Ligne 3 417 :
Il se met à manger. De temps en temps, quelques-uns se
lèvent de table et viennent causer sur le devant de la
scène pendant que
La Princesse Negroni, à Maffio, montrant Gennaro.
Ligne 3 425 :
Maffio.
Il est toujours ainsi, madame. Il faut que vous
me pardonniez de
eussiez fait la grâce de
jamais. Nous vivons ensemble. Un bohémien nous
a prdit que nous mourrions le même jour.
Ligne 3 440 :
La Negroni, riant plus fort.
Votre bohémien ne savait ce
Maffio.
Autant
La Negroni.
Eh bien ! Vous vous suffisez
êtes heureux.
Maffio.
La Negroni.
Mon dieu !
Maffio.
L’amour.
La Negroni.
Vous avez toujours
Maffio.
Ligne 3 491 :
Gubetta.
Dans la bouche
frère aîné de oui.
Ligne 3 499 :
Maffio.
Adorable. Entre nous, elle commence à
Jeppo.
Ligne 3 514 :
Jeppo.
Maffio.
Moi ! Comment donc !
Jeppo, à Gubetta.
Ligne 3 533 :
Jeppo, bas à Maffio.
Ce que
Maffio, bas.
En effet, il ne manque jamais une occasion de
les envoyer au diable avec une grâce toute
particulière. Cependant, mon cher
Jeppo.
Ligne 3 545 :
Maffio.
Je
ce prétendu espagnol. Il
l’eau.
Jeppo.
Ligne 3 561 :
taillé pour vivre quatre-vingt-dix-ans, et que vous
ressemblez à un mien grand-père, qui a vécu cet
âge, et qui
Gil-Basilio-Fernan-Ireneo-Felipe-Frasco-Frasquito
comte de Belverana ?
Jeppo, bas à Maffio.
Gubetta.
Hélas ! Nos parens ont coutume de nous donner
plus de noms à notre baptême que
mariage. Mais
à part.
pour
Il retourne
Oloferno, buvant.
Par Hercule ! Messieurs ! Je
plus délicieuse. Mesdames, goûtez de ce vin. Il
est plus doux que le vin de Lacryma-Christi, et
plus ardent que le vin de Chypre.
Syracuse, messeigneurs !
Gubetta, mangeant.
Oloferno est ivre, à ce
Oloferno.
Mesdames, il faut que je vous dise quelques vers
que je viens de faire. Je voudrais être plus poète
que je ne le suis pour célébrer
femmes.
Gubetta.
Et moi je voudrais être plus riche que je
mes amis.
Oloferno.
Rien
femme et un bon repas.
Gubetta.
Si ce
Oloferno.
Oui, je voudrais être poète. Je voudrais pouvoir
Gubetta.
Ligne 3 633 :
Oloferno.
Tête-dieu ! Vous
le petit espagnol.
Gubetta.
Je ne vous insulte pas, grand colosse
que vous êtes. Je refuse mon attention à votre sonnet.
Rien de plus. Mon gosier a plus soif de vin de
Ligne 3 648 :
Gubetta.
Vous êtes un absurde belître ! Fi ! A-t-on jamais
vu lourdaud pareil ?
et avoir
Oloferno.
Ligne 3 657 :
Gubetta, tout en découpant un faisan.
Je ne vous en dirai pas autant. Je ne découpe
pas
vous offrirai-je de ce faisan ?
Oloferno, se jetant sur un couteau.
Pardieu !
gentilhomme que
Les Femmes, se levant de table.
Ligne 3 684 :
Jeppo.
Maffio.
Ligne 3 698 :
Gubetta.
Demain, tant
Oloferno va se rasseoir en chancelant avec dépit.
Gubetta éclate de rire.
femmes de Ferrare avec un couteau emmanché
dans un sonnet ! Se fâcher à propos de vers ! Je le
crois bien
une patte, cet Oloferno-là !
Ligne 3 717 :
Ascanio.
à propos, au fait,
nos épées ?
Don Apostolo.
Vous oubliez
l’antichambre.
Gubetta.
Ligne 3 741 :
Gennaro.
Verse-moi à boire, Maffio ! Je
plus mes amis à table
Un Page Noir, deux flacons à la main.
Ligne 3 749 :
Maffio.
Du vin de Syracuse.
Le page noir remplit tous les verres.
Jeppo.
La peste soit
ne vont pas revenir ?
Il va successivement aux deux portes.
Maffio.
Elles ne veulent pas que nous les poursuivions.
Gennaro.
Ligne 3 775 :
Gennaro.
Que Dieu
Tous boivent, excepté Gubetta qui jette son vin
par-dessus son épaule.
Ligne 3 781 :
Maffio, bas à Jeppo.
Pour le coup, Jeppo, je
Jeppo, bas.
Ligne 3 787 :
Maffio.
jeppo ;
Ligne 3 799 :
Maffio.
Gubetta.
Ligne 3 805 :
chanter une chanson à boire qui vaudra mieux que
le sonnet du marquis Oloferno. Je jure par le bon
vieux crâne de mon père que ce
ai fait cette chanson, attendu que je ne suis pas
poète, et que je
pour faire se becqueter deux rimes au bout
idée. Voici ma chanson. Elle est adressée à monsieur
saint Pierre, célèbre portier du paradis, et
Ligne 3 815 :
Jeppo, bas à Maffio.
Il est plus
Tous, excepté Gennaro.
Ligne 3 822 :
Gubetta, chantant.
Saint Pierre, ouvre ta porte
au buveur qui
une voix pleine et forte
pour chanter : domino !
Tous en
(
ils choquent leurs verres en riant aux éclats. Tout à
coup on entend des voix éloignées qui chantent sur un
Ligne 3 834 :
Jeppo, riant de plus belle.
écoutez, messieurs ! -corbacque ! Pendant
que nous chantons à boire,
Tous.
Ligne 3 840 :
Voix au-dehors, un peu plus rapprochées.
(
tous éclatent de rire.
Ligne 3 850 :
Gennaro.
à minuit !
Jeppo.
Ligne 3 856 :
Voix au dehors, qui se rapprochent de plus en plus.
(
tous rient de plus en plus fort.
Ligne 3 864 :
Maffio.
Regarde donc, Gennaro. Les lampes
ici. Nous voici tout à
Les lampes pâlissent en effet, comme
d’huile.
Voix au-dehors, plus près.
(
Gennaro.
Ligne 3 876 :
Jeppo.
La procession me fait
moment sous nos fenêtres.
Ligne 3 883 :
Ascanio.
Jeppo.
Buvons à la santé de celui
Gubetta.
Savez-vous
Jeppo.
Ligne 3 906 :
Saint Pierre, ouvre ta porte
au buveur qui
une voix pleine et forte
pour chanter : domino !
Tous.
gloria domino !
Gubetta.
Au buveur, joyeux chantre,
qui porte un si gros ventre
Tous, en choquant leurs verres avec des éclats de
rire.
La grande porte du fond
toute sa largeur. On voit au-dehors une vaste salle
tapissée en noir, éclairée de quelques flambeaux,
avec une grande croix
file de pénitens blancs et noirs dont on ne voit que
les yeux par les trous de leurs cagoules, croix en
tête et torche en main, entre par la grande porte en
chantant
Puis ils viennent se ranger en silence des deux côtés
de la salle, et y restent immobiles comme des statues,
Ligne 3 936 :
Maffio.
Jeppo,
un pourceau, et mon nom de Liveretto contre
le nom de Borgia, que ce sont nos charmantes
Ligne 3 945 :
pour nous éprouver, et que si nous levons une de
ces cagoules au hasard, nous trouverons dessous
la figure fraîche et malicieuse
Il va soulever en riant un des capuchons, et il reste
pétrifié en voyant dessous le visage livide
moine qui demeure immobile, la torche à la main et les
yeux baissés. Il laisse tomber le capuchon et recule.
Maffio.
Ligne 3 958 :
veines.
Les Pénitents, chantant
(
Jeppo.
Ligne 3 981 :
Il y a quelques jours, tous, les mêmes qui êtes
ici, vous disiez ce nom avec triomphe. Vous le dites
regarder avec vos yeux fixes de terreur.
moi, messieurs. Je viens vous annoncer une nouvelle,
et
encore une heure à vivre. Ne bougez pas. La salle
à moi de parler haut et de vous écraser la
tête du talon ! Jeppo Liveretto, va rejoindre ton
oncle Vitelli que
du Vatican ! Ascanio Petrucci, va retrouver ton
cousin Pandolfo, que
sa ville ! Oloferno Vitellozzo, ton oncle
tu sais bien, Iago
dans une fête ! Maffio Orsini, va parler de moi
dans
Gazella,
Gazella,
âme ! Vous
rends un souper à Ferrare. Fête pour fête,
messeigneurs !
Ligne 4 014 :
Ah ! Mes jeunes amis du carnaval dernier ! Vous ne
vous attendiez pas à cela ? Pardieu ! Il me semble
que je me venge.
Qui est-ce qui se connaît en vengeance ici ? Ceci
pensez-vous ? Pour une femme !
Aux moines.
salle voisine qui est préparée, confessez-les, et
profitez du peu
sauver ce qui peut être encore sauvé de chacun
âmes y avisent. Soyez tanquilles. Elles sont en
bonnes mains. Ces dignes pères sont des moines
réguliers de saint-Sixte, auxquels notre saint-père
le pape a permis de
comme celle-ci. -et si
Aux moines qui sont devant la porte du fond.
voient.
Les moines
couverts chacun
malheureuse femme, et vous croyez
vengera pas ! Voici le tien, Jeppo. Maffio, voici
le tien. Oloferno, Apostolo, Ascanio, voici les
vôtres !
Gennaro,
pas.
Il en faut un sixième, madame !
Ligne 4 056 :
Dona Lucrezia.
Que tout le monde sorte
laisse seuls. -Gubetta, quoi
passer ici, que personne
Gubetta.
Ligne 4 073 :
Il y a à peine quelques lampes mourantes dans
Lucrezia et Gennaro, restés seuls,
quelques instans en silence, comme ne sachant par où
commencer.
Dona Lucrezia, se parlant à elle-même.
Chant Des Moines au-dehors.
(
Dona Lucrezia.
Ligne 4 097 :
Gennaro.
Si je veux. -
Dona Lucrezia.
Ligne 4 104 :
Gennaro.
Un mot, madame. Vous êtes experte en ces matières.
Y a-t-il assez
sauver les gentilshommes que vos moines viennent
Dona Lucrezia, examinant la fiole.
Ligne 4 112 :
Gennaro.
Vous ne pouvez pas en avoir
Dona Lucrezia.
Je vous ai donné tout ce que
Gennaro.
Dona Lucrezia.
Que faites-vous, Gennaro ? Dépêchez-vous donc.
Ne jouez pas avec des choses si terribles. On
jamais assez tôt bu un contre-poison. Buvez, au
nom du ciel ! Mon dieu ! Quelle imprudence vous
Ligne 4 129 :
connais. Tout peut se réparer encore. Il est nuit.
Des chevaux seront bientôt sellés. Demain matin
vous serez loin de Ferrare.
fait des choses qui vous épouvantent ? Buvez, et
partons. Il faut vivre ! Il faut vous sauver !
Gennaro, prenant un couteau sur la table.
Dona Lucrezia.
Ligne 4 140 :
Gennaro.
Je dis que vous venez
cinq gentilshommes, mes amis, mes meilleurs
amis, par le ciel ! Et parmi eux, Maffio Orsini,
mon frère
à Vicence, et avec qui toute injure et toute
vengeance
action infâme que vous avez faite là,
je venge Maffio et les autres, et que vous allez
mourir !
Ligne 4 155 :
Gennaro.
Faites votre prière, et faites-la courte, madame.
Je suis empoisonné. Je
d’attendre.
Dona Lucrezia.
Ligne 4 163 :
Gennaro.
à mains jointes et à deux genoux. -tenez, voici
un fauteuil qui est bon pour cela.
Dona Lucrezia.
Non. Je vous dis que
parmi les plus terribles idées qui me traversent
bien, hé bien ! Vous levez le couteau ! Attendez !
Gennaro !
Gennaro.
Ligne 4 180 :
Dona Lucrezia.
Jette ton couteau, malheureux ! Jette-le, te dis-je !
Si tu
Sais-tu qui je suis ? Tu ignores combien je te tiens
de près ! Faut-il tout lui dire ? Le même sang coule
Ligne 4 193 :
Gennaro.
Ah ! Je suis votre neveu ! Ah !
cette infortunée duchesse de Gandia, que tous les
Borgia ont rendue si malheureuse ! Madame Lucrèce,
ma mère me parle de vous dans ses lettres.
Vous êtes du nombre de ces parens dénaturés
dont elle
tué mon père, et qui ont noyé sa destinée, à elle,
de larmes et de sang. Ah !
venger, ma mère à sauver de vous maintenant !
Ah ! Vous êtes ma tante ! Je suis un Borgia ! Oh !
Cela me rend fou ! -écoutez-moi, dona Lucrezia
Borgia, vous avez vécu long-temps, et vous êtes
si couverte
devenue odieuse et abominable à vous-même. Vous
êtes fatiguée de vivre, sans nul doute,
pas ? Eh bien, il faut en finir. Dans les familles
comme les nôtres, où le crime est héréditaire et
se transmet de père en fils comme le nom, il arrive
toujours que cette fatalité se clôt par un
meurtre, qui est
dernier crime qui lave tous les autres. Un
gentilhomme
coupé une mauvaise branche à
Lara pour moins que vous
a été loué de tous pour avoir tué son oncle,
entendez-vous, ma tante ? -allons ! En voilà assez
Ligne 4 228 :
Gennaro.
Un crime ! Oh ! Ma tête
Sera-ce un crime ? Eh bien ! Quand je commettrais
un crime ! Pardieu ! Je suis un Borgia, moi ! à
Ligne 4 238 :
Gennaro.
Amour !
Dona Lucrezia.
Je vais appeler. Je vais crier.
Gennaro.
Vous
point un pas. Et quant à vos cris, ils ne peuvent
vous sauver. Ne venez-vous pas
vous-même tout à
quoi
se passer ici ?
Dona Lucrezia.
Mais
Tuer une femme, une femme sans défense ! Oh !
Vous avez de plus nobles sentimens que cela dans
je ne tiens pas à la vie, mais il faut bien que ma
poitrine déborde, elle est pleine
manière dont tu
es jeune, enfant, et la jeunesse est toujours trop
sévère. Oh ! Si je dois mourir, je ne veux pas
mourir de ta main. Cela
que je meure de ta main. Tu ne sais pas toi-même
à quel point cela serait horrible.
Gennaro, mon heure
vrai,
suis une grande criminelle ; et
suis une grande criminelle
temps de me reconnaître et de me repentir. Il le
faut absolument, entends-tu, Gennaro ?
Gennaro.
Vous êtes ma tante. Vous êtes la
père.
Borgia ?
Ligne 4 283 :
pour moi ! écoute-moi encore un instant. Oh !
Que je voudrais bien que tu me reçusses repentante
à tes pieds ! Tu me feras grâce de la vie,
pas ? Eh bien, veux-tu que je prenne le voile ?
Veux-tu que je
Voyons, si
femme
cendre, elle creuse sa fosse de ses mains, elle prie
Dieu nuit et jour, non pour elle, qui en aurait
besoin cependant, mais pour toi, qui peux
passer ; elle fait tout cela, cette femme, pour que tu
abaisses un jour sur sa tête un regard de miséricorde,
pour que tu laisses tomber une larme sur
toutes les plaies vives de son
pour que tu ne lui dises plus comme tu viens de le
faire avec cette voix plus sévère que celle du
jugement dernier : vous êtes Lucrèce Borgia ! Si
coeur de la repousser ! Oh ! Grâce ! Ne me tue pas,
mon Gennaro ! Vivons tous les deux, toi pour me
Ligne 4 304 :
compassion de moi ! Enfin cela ne sert à rien de
traiter sans miséricorde une pauvre misérable
femme qui ne demande
vois-tu bien, mon Gennaro, je te le dis pour toi, ce
serait vraiment lâche ce que tu ferais là, ce serait
Ligne 4 314 :
Gennaro, ébranlé.
Madame…
Dona Lucrezia.
Oh ! Je le vois bien,
dans tes yeux. Oh ! Laisse-moi pleurer à tes pieds !
Ligne 4 324 :
Gennaro.
Qui
La Voix.
Ligne 4 330 :
Gennaro.
La Voix.
Ligne 4 336 :
Gennaro, relevant le couteau.
madame, il faut mourir !
Ligne 4 360 :
Dona Lucrezia.
Ah !
mère !
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