« La Princesse de Clèves (édition originale)/Quatrième partie » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe-bot (discussion | contributions)
m Shaihulud: match
rematch
Ligne 569 :
le plus grand de tous les maux.
 
— « Par vanité ou par goût, toutes les femmes ſouhaitent de vous attacher. Il y en a peu à qui vous ne plaiſiez ; mon expérience me feroit croire qu’il n’y en a point à qui vous ne puiſſiez plaire. Je vous croirais
==[[Page:La Fayette - La Princesse de Clèves - tome 4.djvu/174]]==
plaire. Je vous croirais toujours amoureux & aimé, & je ne me tromperais pas ſouvent. Dans cet état néanmoins, je n’aurais d’autre parti à prendre que celuy de la ſouffrance ; je ne ſais meſme ſi j’oſerais me plaindre. On foit des reproches à un amant ; mais en fait-on à un mari, quand on n’a à luy reprocher que de n’avoir plus d’amour ? Quand je pourrais m’accoutumer à cette ſorte de malheur,
==__MATCH__:[[Page:La Fayette - La Princesse de Clèves - tome 4.djvu/175]]==
pourrais-je m’accoutumer à celuy de croire voir toujours monſieur de Clèves vous accuſer de ſa mort, me reprocher de vous avoir aimé, de vous avoir épouſé & me faire ſentir la différence de ſon attachement au voſtre ? Il eſt impoſſible, continua-t-elle, de paſſer par-deſſus des raiſons ſi fortes : il faut que je demeure dans l’état où je ſuis, & dans les réſolution que j’ai priſes de n’en ſortir jamais.
 
— Hé ! croyez-vous le pouvoir, Madame ? s’écria monſieur de Nemours. Penſez-vous que vos réſolutions tiennent contre un homme qui vous adore, & qui eſt aſſez heureux pour vous plaire ? Il eſt plus difficyle que vous ne penſez, Madame, de réſiſter à ce qui nous plaît & à ce qui nous aime. Vous l’avez foit par une vertu auſtère, qui n’a preſque point d’exemple ; mais cette vertu ne s’oppoſe plus à vos ſentiments, & j’eſpère que vous les ſuivrez malgré vous.
 
y— Je ſais bien qu’il n’y a rien de plus difficyle que ce que j’entreprends, répliqua madame de Clèves ; je me défie de mes forces au milieu de mes raiſons. Ce que je crois devoir à la mémoire de monſieur de Clèves ſeroit faible, s’il n’étoit ſoutenu par l’intéreſt de mon repos ; & les raiſons de mon repos ont beſoin d’eſtre ſoutenues de celles de mon devoir. Mais quoyque je me défie de moi-meſme, je crois que je ne vaincrai jamais mes ſcrupules, & je n’eſpère pas auſſi de ſurmonter l’inclination que j’ai pour vous. Elle me rendra malheureuſe, & je me priverai de votre vue, quelque violence qu’il m’en coûte. Je vous conjure, par tout le pouvoir que j’ai ſur vous, de ne chercher aucune occaſion de me voir. Je ſuis dans un état qui me foit des crimes de tout ce qui pourroit eſtre permis dans un autre temps, & la ſeule bienſéance interdit tout commerce entre nous.
— Je ſais bien qu’il n’
=== no match ===
y a rien de plus difficyle que ce que j’entreprends, répliqua madame de Clèves ; je me défie de mes forces au milieu de mes raiſons. Ce que je crois devoir à la mémoire de monſieur de Clèves ſeroit faible, s’il n’étoit ſoutenu par l’intéreſt de mon repos ; & les raiſons de mon repos ont beſoin d’eſtre ſoutenues de celles de mon devoir. Mais quoyque je me défie de moi-meſme, je crois que je ne vaincrai jamais mes ſcrupules, & je n’eſpère pas auſſi de ſurmonter l’inclination que j’ai pour vous. Elle me rendra malheureuſe, & je me priverai de votre vue, quelque violence qu’il m’en coûte. Je vous conjure, par tout le pouvoir que j’ai ſur vous, de ne chercher aucune occaſion de me voir. Je ſuis dans un état qui me foit des crimes de tout ce qui pourroit eſtre permis dans un autre temps, & la ſeule bienſéance interdit tout commerce entre nous.
 
Monſieur de Nemours ſe jeta à ſes pieds, & s’abandonna à tous les divers mouvemens dont il étoit agité. Il luy fit voir, & par ſes paroles & par ſes pleurs, la plus vive & la plus tendre paſſion dont un cœur ait jamais été touché. Celuy de madame de Clèves n’étoit pas inſenſible, et, regardant ce prince avec des yeux un peu groſſis par les larmes : — Pourquoy faut-il, s’écria-t-elle, que je vous puiſſe accuſer de la mort de monſieur de Clèves ? Que n’ai-je commencé à vous connaître depuis que je ſuis libre, ou pourquoy ne vous ai-je pas connu devant que d’eſtre engagée ? Pourquoy la deſtinée nous ſépare-t-elle par un obſtacle ſi invincible ?