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cette rançon; les membres du gouvernement se frottaient les mains et racontaient volontiers que le négociateur avait été autorisé à accorder beaucoup plus. Les journaux s’emparèrent du fait, le commentèrent, désignèrent des chiffres, et, sous prétexte de railler les Allemands, leur apprirent, avec un manque de tact inexcusable, que leurs prétentions n’avaient point été excessives. La Banque ne s’était point contentée de faire à la ville de Paris l’avance de sa rançon, elle lui avait fourni pendant toute la période d’investissement une monnaie fiduciaire qui valait la monnaie métallique. La petite monnaie faisait défaut; il était indispensable de s’en procurer pour les mille besoins de la vie, pour solder les troupes, pour solder la garde nationale. La Banque, dont les plus faibles billets étaient de vingt francs, abaissa immédiatement sa dernière coupure à cinq francs, et avec une rapidité extraordinaire fabriqua une prodigieuse quantité de petits billets qui valaient cent sous et furent acceptés avec reconnaissance par le commerce, dont ils facilitaient singulièrement les transactions, avec confiance par le public, qui s’y accoutuma sans hésitation. On pria la Banque de diminuer encore ses coupures et d’arriver aux monnaies divisionnaires ; c’eût été aller plus loin que ses statuts ne le lui permettaient; elle refusa et laissa à d’autres établissemens de crédit la tâche de « frapper » des billets de un franc et de deux francs. C’étaient là simplement les services rendus à Paris et à sa population ; les services rendus à la France étaient bien autrement sérieux. Lorsque l’armistice signé eut mis fin à la guerre, la Banque et la France firent leur compte, et l’on s’aperçut que l’une avait prêté à l’autre la somme de 1,610 millions. Cette avance énorme, la Banque avait pu la faire sans fausser son règlement, sans sortir de ses attributions. Autorisée par sa loi fondamentale à escompter les effets revêtus de trois signatures offrant de réelles garanties, elle avait escompté le papier de l’état, car elle connaissait trop bien nos ressources pour jamais douter de la solvabilité de la France. Donc, secourant Paris, lui évitant une occupation militaire, vidant ses coffres entre les mains du gouvernement et le mettant ainsi en mesure de continuer la lutte contre l’invasion, la Banque, dans sa sphère exclusivement financière, avait poussé le patriotisme aux dernières limites, et seule peut-être avait contribué à empêcher la ruine complète du pays. Par suite de l’étrange coïncidence des événemens, ce rôle qu’elle avait tenu pendant la guerre, avec une grande fermeté, elle allait le reprendre magistralement pendant la durée de la commune.
cette rançon ; les membres du gouvernement se frottaient les mains et racontaient volontiers que le négociateur avait été autorisé à accorder beaucoup plus. Les journaux s’emparèrent du fait, le commentèrent, désignèrent des chiffres, et, sous prétexte de railler les Allemands, leur apprirent, avec un manque de tact inexcusable, que leurs prétentions n’avaient point été excessives. La Banque ne s’était point contentée de faire à la ville de Paris l’avance de sa rançon, elle lui avait fourni pendant toute la période d’investissement une monnaie fiduciaire qui valait la monnaie métallique. La petite monnaie faisait défaut ; il était indispensable de s’en procurer pour les mille besoins de la vie, pour solder les troupes, pour solder la garde nationale. La Banque, dont les plus faibles billets étaient de vingt francs, abaissa immédiatement sa dernière coupure à cinq francs, et avec une rapidité extraordinaire fabriqua une prodigieuse quantité de petits billets qui valaient cent sous et furent acceptés avec reconnaissance par le commerce, dont ils facilitaient singulièrement les transactions, avec confiance par le public, qui s’y accoutuma sans hésitation. On pria la Banque de diminuer encore ses coupures et d’arriver aux monnaies divisionnaires ; c’eût été aller plus loin que ses statuts ne le lui permettaient ; elle refusa et laissa à d’autres établissemens de crédit la tâche de « frapper » des billets de un franc et de deux francs. C’étaient là simplement les services rendus à Paris et à sa population ; les services rendus à la France étaient bien autrement sérieux. Lorsque l’armistice signé eut mis fin à la guerre, la Banque et la France firent leur compte, et l’on s’aperçut que l’une avait prêté à l’autre la somme de 1,610 millions. Cette avance énorme, la Banque avait pu la faire sans fausser son règlement, sans sortir de ses attributions. Autorisée par sa loi fondamentale à escompter les effets revêtus de trois signatures offrant de réelles garanties, elle avait escompté le papier de l’état, car elle connaissait trop bien nos ressources pour jamais douter de la solvabilité de la France. Donc, secourant Paris, lui évitant une occupation militaire, vidant ses coffres entre les mains du gouvernement et le mettant ainsi en mesure de continuer la lutte contre l’invasion, la Banque, dans sa sphère exclusivement financière, avait poussé le patriotisme aux dernières limites, et seule peut-être avait contribué à empêcher la ruine complète du pays. Par suite de l’étrange coïncidence des événemens, ce rôle qu’elle avait tenu pendant la guerre, avec une grande fermeté, elle allait le reprendre magistralement pendant la durée de la commune.


Aussitôt que les routes furent libres, la Banque fit revenir quelques-unes des 24,855 caisses qu’elle avait expédiées en lieu sûr avant l’investissement de Paris. On avait besoin de métal dans
Aussitôt que les routes furent libres, la Banque fit revenir quelques-unes des 24,855 caisses qu’elle avait expédiées en lieu sûr avant l’investissement de Paris. On avait besoin de métal dans