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John STUART MILL. — BERKELEY, SA VIE ET SES ÉCRITS 'J43


personne ne fut plus là, son œuvre tomba lentement. Ses écrits sur les questions pratiques nous offrent beaucoup à louer et beaucoup à critiquer. Dans le nombre nous trouvons une défense de « l’obéissance passive, ou de la doctrine chrétienne de ne point résister au pouvoir suprême » . C’est une forte leçon de tolérance que de voir un aussi grand homme que Berkeley adhérer avec une entière conviction à une doctrine non-seulement funeste, mais à cette époque même abandonnée, et s’en faire le défenseur. Le lecteur verra que dans cet écrit Berkeley s’était laissé égarer par une application exagérée d’une doctrine cardinale de la morale, l’importance des règles générales. Gomme on avait reconnu que les cas où il est juste de désobéir aux lois ou de se révolter contre le gouvernement ne sont pas la règle, mais l’exception, Berkeley les rejetta absolument, car ses règles morales n’admettaient aucune exception. Le plus considérable et le mieux connu de ses écrits sur les questions pratiques est le Querist où les opinions sont proposées sous une forme que Berkeley aimait beaucoup, celle de questions. C’est dans cet ouvrage que nous trouvons la fameuse question : Si le royaume était entouré d’un mur d’airain de mille coudées, ses habitants ne pourraient-ils pas néanmoins vivre proprement et confortablement, cultiver la terre et en récolter les fruits * ? La majorité des questions de ce genre portent sur des sujets d’économie politique. Leur principal mérite consiste dans la certitude où est l’auteur sur deux vérités fondamentales, que l’industrie du peuple est la véritable source de la richesse nationale, et que les dépenses de luxe sont un dommage pour elle ; c’est aussi la netteté avec laquelle il reconnut, devançant son siècle, que l’argent n’est pas en lui-même une richesse, mais des jetons pour calculer et échanger la richesse, ou, dans ses propres termes, « un jeton qui donne droit à la puissance et propre à constater et à transférer cette puissance. » S’il avait creusé cette idée il aurait devancé l’œuvre d’Adam Smith ; mais il adhérait, en apparence, aux conclusions de ce qu’on appelle le système mercantile, tout en en rejetant les prémisses, et il semble avoir pensé que la consommation des objets de luxe étrangers était bien plus dommageable à la richesse nationale que celle des objets de luxe produits dans le pays.
personne ne fut plus là, son œuvre tomba lentement. Ses écrits sur
les questions pratiques nous offrent beaucoup à louer et beaucoup à
critiquer. Dans le nombre nous trouvons une défense de « l'obéis-
sance passive, ou de la doctrine chrétienne de ne point résister au
pouvoir suprême ». C'est une forte leçon de tolérance que de voir
un aussi grand homme que Berkeley adhérer avec une entière con-
viction à une doctrine non-seulement funeste , mais à cette époque
même abandonnée, et s'en faire le défenseur. Le lecteur verra que
dans cet écrit Berkeley s'était laissé égarer par une application exa-
gérée d'une doctrine cardinale de la morale, l'importance des règles
générales. Gomme on avait reconnu que les cas où il est juste de dé-
sobéir aux lois ou de se révolter contre le gouvernement ne sont pas
la règle, mais l'exception, Berkeley les rejetta absolument, car ses
règles morales n'admettaient aucune exception. Le plus considé-
rable et le mieux connu de ses écrits sur les questions pratiques
est le Querist où les opinions sont proposées sous une forme que
Berkeley aimait beaucoup , celle de questions. C'est dans cet ou-
vrage que nous trouvons la fameuse question : Si le royaume était
entouré d'un mur d'airain de mille coudées, ses habitants ne pour-
raient-ils pas néanmoins vivre proprement et confortablement, cul-
tiver la terre et en récolter les fruits i? La majorité des questions de
ce genre portent sur des sujets d'économie politique. Leur principal
mérite consiste dans la certitude où est lauteur sur deux vérités
fondamentales, que l'industrie du peuple est la véritable source de la
richesse nationale, et que les dépenses de luxe sont un dommage pour
elle; c'est aussi la netteté avec laquelle il reconnut, devançant son
siècle, que l'argent n est pas en lui-même une richesse, mais des jetons
pour calculer et échanger la richesse, ou, dans ses propres termes,
(( un jeton qui donne droit à la puissance et propre à constater et à
transférer cette puissance. » S'il avait creusé cette idée il aurait de-
vancé l'œuvre d'Adam Smith; mais il adhérait, en apparence, aux
conclusions de ce qu'on appelle le système mercantile, tout en en
rejetant les prémisses, et il semble avoir pensé que la consommation
des objets de luxe étrangers était bien plus dommageable à la richesse
nationale que celle des objets de luxe produits dans le pays.


Il y a peu d’écrits de Berkeley qu’on ait plus lu autrefois et si peu de nos jours que le Siris, publié d’abord sous le titre de « Réflexions et Recherches philosophiques sur les vertus de l’eau de goudron et divers autres sujets en rapport les uns avec les autres, » ouvrage qui commence par l’eau de goudron et finit par la Trinité, et qui
Il y a peu d'écrits de Berkeley qu'on ait plus lu autrefois et si peu
de nos jours que le Siris, publié d'abord sous le titre de « Réflexions
et Recherches philosophiques sur les vertus de l'eau de goudron et
divers autres sujets en rapport les uns avec les autres, » ouvrage
qui commence par l'eau de goudron et finit par la Trinité, et qui


L Vol. III, p. 3G() (134« question).
1. Vol. III, p. 360 (134* question).

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