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achevaient d’affoler cet homme qui ne se doutait pas lui-même que jamais il n’avait tant aimé, tant désiré cette créature brutalisée ainsi, et que sa passion venait de le reprendre tout entier. Il disait :

— « Et vous avouez cela, posément, tranquillement ! … Et vous n’apercevez pas ce qu’il y eut d’infâme, d’abominable, de monstrueux dans cette vengeance : rencontrer un cœur tel que celui-là, si pur, si jeune, si délicat, un être incapable d’un soupçon, tout simplicité, tout naïveté, et s’en faire aimer au risque de le briser, de le désenchanter à jamais, pour satisfaire, quoi ? … Une misérable rancune de coquette qui ne veut pas avoir été abandonnée ! … Et cela ne vous a pas fait hésiter, cette fraîcheur et cette noblesse d’âme ? Vous ne vous vous êtes pas dit : « Jouer avec cet être sans défense, en abuser, mais c’est une infamie ? » Et ce que vous lui enleviez, vous n’y avez donc pas pensé ? Sachant l’amitié qui l’unissait à moi, si vous aviez eu dans le cœur quelque chose, je ne dis même pas de haut, mais d’humain, est-ce que vous n’auriez pas reculé devant ce crime : la lui souiller, la lui ravir, cette belle, cette noble intimité, pour lui donner en échange une aventure galante de quelques jours, le temps de vous être divertie à la scélératesse de votre caprice et de votre lâche vengeance ! … Il ne vous avait rien fait, lui, il ne vous avait pas quittée, lui, il ne s’était pas marié ! … Ah ! oui, la lâche vengeance ! Mais du moins je vous l’aurai crié en face, que c’est lâche, lâche, lâche ! … »