« Bretons de Lettres » : différence entre les versions

avoué à Dinan. C'était le plus proche parent

 

que M. Leconte de Lisle<ref>Au sujet de l'orthographe du nom, dans les lettres et

documents de cette époque, il y a lieu de remarquer que le

« Trois ans, il demeura à Rennes, sous prétexte d'y faire son droit... On le rappela à

 

l'Île Bourbon, en 1841. » Jean Dornis, à qui

j'emprunte ce renseignement, se trompe, Le

Venu en France à 3 ans, retourné à Bourbon à 10 ans avec ma famille, deuxième

 

voyage, seul, à 20 ans, séjourné au Cap

de Bonne-Espérance et à Sainte-Hélène.

la seconde moitié du XVII{{e}} siècle. Un de ses

 

fils Michel prit le nom de Préval, qui « devait

se conserver longtemps dans la famille, » et

 

 

ce fut en vers encore qu'il manifesta sa joie.

Les ''Souvenirs'' de M. Néel de Lavigne constatent le succès de ces vers et la célébrité locale

et des moines de Marmoutiers. Une vieille

 

église, les ruines d'une autre plus ancienne

détruite par les Normands, la jolie rivière du

à l'armée de Bavière, est qualifié : Leconte

 

''dit'' de Lisle. Aussi quand le chirurgien démissionnaire partit pour Bourbon, emportait-il

son nom presque ''légitimement'' constitué et désormais en fit-il sa signature incontestée,

famille de son cousin. Il lui dit : « Fais-moi

 

connaître, je te prie, l'intérieur de ton ménage. Combien as-tu d'enfants ? Leur âge,

leur nom ? Que nous nous connaissions avant

à divers points de vue.

 

 

« Mon premier désir, écrit M. Leconte de

l'excès contraire, qui jusqu'ici n'a jamais été

 

dans ses goûts, mais que je désapprouve autant que la négligence. Qu'il soit donc toujours mis avec goût et propreté. L'homme bien

mis se respecte toujours plus que celui qui

 

 

très soucieux de la bonne tenue de son fils et

cette préoccupation revient souvent dans ses

 

<center>

 

Et comme ces recommandations faites au

mieux, quand on n'a pas froid et l'on ne dé-

 

sire pas aller se chauffer ailleurs que chez

soi.. »

 

 

mieux, comme ton père fit pour moi dans ma

jeunesse. »

 

 

 

En même temps qu'ils prouvent la sensibilité profonde et la vraie tendresse de M.

M. Leconte de l'Isle écrivit alors à son cousin ; il ne voulait pas croire a un accident,

 

mais il prenait prétexte de son inquiétude

pour prier l'oncle de Charles de bien lui recommander de donner régulièrement de ses

 

 

pays. C'est avec le capitaine Moucet qu'il rêvait d'y revenir. Quand on lui annonce la

mort de {{Mlle}} Robinot, de Dinan, il s'en désole ;

 

 

à la « coquetterie, un peu de vanité et d'amour-propre. »

 

 

 

nécessité de mettre de l'ordre dans les dépenses du jeune homme et l'obligation pour

lui d'en fournir le compte à son tuteur. Sans

commis quelque faute ? Mais, outre que Char-

 

les en est incapable, encore le lui eût-on écrit.

On l'obligerait, si les affaires le permettent,

 

 

moyen de le revoir. Être éloigné, et si loin

encore, de son enfant, on ne saurait croire

 

 

y a lieu de signaler enfin certains déportements de ce jeune homme, qui n'est pas du

tout la ''demoiselle'' qu'on lui avait annoncée.

 

 

l'Isle, ses idées en politique exagérées au-delà de toute expression et tu es assez bon

enfant pour me demander comment j'ai pu

 

 

mée par une lettre de France, adressée à un

parent établi à Bourbon, M. Foucque, et que

 

 

dans les réponses ; mais on écrivait si peu,

et c'était toujours, et si bref et si sec ! « Que

 

 

 

Sur les 1.500 francs qui formaient le budget

 

 

sans ennuyer M. Leconte de l'Isle, qui n'en

comprend pas la nécessité. « Je compte sur

 

 

la Bibliothèque du Sénat, que « Leconte de

Lisle et lui étaient élèves de la pension Brieugne, place aux Cochons, à Nantes<ref>L'archiviste de la ville de Nantes, M. René Blanchard a

 

 

tout » avant son départ, selon la recommandation de son oncle.

 

 

 

 

Pourtant, à la date de l'envoi, (5 mai 1838)

baccalauréat et « quelques difficultés » sem-

 

blent être venues du candidat lui-même.

Charles se montrait peu soucieux de s'y préparer, à moins que, se trouvant suffisamment

« comme il aurait dû le faire. »

 

 

La « petite tournée », comme écrivait le

 

 

regardât la vie avec les lunettes de M. le Maire

et par les fenêtres de son étude. M. Leconte

chez son père.

 

 

''Interrogations.'' ''Notes.''

 

 

reusement, écrit-il que les demandes qu'on

m'a faites étaient des plus faciles, puisque j'y

Et cette autorisation, signée du doyen Vatar,

 

est datée, par erreur sans doute, du 13 novembre. Quant à l'extrait de naissance qui

manquait encore à cette date, il ne figure pas

« une ville enchanteresse ! » M. Henri Houssaye n'est pas le premier à décocher contre

 

la capitale de la Bretagne un de ces traits

malicieux que nous recevons et recueillons,

la triple répétition pourraient faire envie aux

 

auteurs, de nos rimes batelées, fraternisées,

emperières et couronnées.

''Rennes ancien et moderne''.

 

vers du poème de Marbode par M. Sigismond

Ropartz. Le spirituel auteur — mettons que

FAIL.</ref>.

 

 

:Les hommes droits et vrais,

:Le châtiment divin.

 

 

:L'étranger mal venu

d'un Morlaisien, Charles Alexandre, celle boutade qui n'est pas sans valeur... poétique.

 

 

:Où la route serpente au fond des vastes plaines,

:Où le sol affaissé, sans sève et sans sommets,

 

 

 

:Quand le jour enfin montre son flambeau,

 

 

de son œuvre imprimée<ref>''Ait grand air'', poésies. </ref> ou inédite, le panégyriste de Rennes, non pas de ses habitants,

mais de sa nature et surtout, — il n'a que cela

 

 

 

Mettons que Rennes a gardé pour Hippolyle

 

 

quelque côté que vous tourniez vos pas, vous

rencontrez des allées verdoyantes ou des jardins fleuris, ouvrant devant vous leurs oasis

 

 

n'est pas une ville sympathique. C'est de

Rennes qu'Évarisle Boulay-Paty, qui y fit son

 

 

 

En 1636, un voyageur, Dubuisson-Aubenai,

 

 

t-il dans les rues, car les seconds étages

s'avancent en dehors sur les premiers, les

 

 

avec le clergé) et où Rennes est sévèrement

traité.

 

 

 

:Où coule la bourbe avec l'eau ;

 

 

écrit, à propos du séjour de Parny dans notre

ville :

mis bon ordre.</ref>, bâties en bois, ventrues,

 

bossues, protégées par une espèce de cuirasse

lézardée eu vieilles ardoises ébréchées, salies,

fume, on danse, on est ivre-mort ! Pour échapper à tout ce vilain monde, M. Taine se réfugie au Musée, où il admire quelques toiles de

maîtres et lit quelques légendes, celle de sainte

 

 

puisqu'il appelle M. de la Villemarqué, ''Hersent''

au lieu de Hersart, et qu'il lait de Saint Trémeur Saint Travers, je suis persuadé qu'il a

 

 

 

:Adieu Rennes, Rennes, Rennes !

 

 

 

« À l'abbaie de Saint Melaine près Rennes,

 

 

tout en me demandant si M. Pigeon est jamais

venu à Rennes, pour y avoir vu tout ce qui n'y

 

 

goûts artistiques des anciens commandants de

la province et rappellent un peu les splendeurs du Louvre et de Versailles.

 

 

 

:Sans plus m'apercevoir de la fleur disparue,

 

 

que la promenade fit leurs ''délices''. Ne fait-elle

pas nos délices, aussi, puisqu'on nous la conservée encore ? Car, hélas ! les « promenades »

Vraiment nos pères furent de grands coupables, et si notre ville est si cruellement dé-

 

nigrée, c'est qu'ils ont détruit l'œuvre pittoresque des aïeux. Et nous-mêmes, s'il y avait

encore des poètes parmi nous, ne devrions-nous pas venger par un sonnet la calme beauté

 

 

ture, aux rues propres, spacieuses, régulières,

bordées de trottoirs larges et de massives bâlisses uniformes, de couleur sombre, d'aspect,

pour les objets d'art et les antiquités. »

 

 

Peut-être Mérimée se trouvait-il à Rennes au

 

 

 

Encore une autre opinion et qui n'est pas

du siècle de Louis XV.

 

 

« L'aspect du palais, remarquable par son

 

 

des petits morceaux de granit carrés avec lesquels les maisons de Rennes sont bâties, n'est

pas d'un bel effet.

 

 

de goût pour les arts : un Musée aussi pauvrement tenu fait honte à une ville aussi riche. »

 

 

 

bon vin, ce n'est que 6 livres 10 sols par jour. »

 

son apathie, ville d'études, de droit, de garnison. Rennes a beaucoup de propriétaires qui

 

vivent sans travailler, non dans l'aisance, mais

dans la gêne, à l'abri de quelques petits revenus fonciers ou d'intérêts de capitaux... »

 

 

serein à trois lieues de là. » Je vous fais grâce

de toutes les facilités de la vie qu'on y rencontre : beurre très estimé, excellent cidre, fort

 

 

ment à des personnalités. Et c'est sur les habitants que tous ces ''mais'' s'abattent. Que voit-on dans ces belles promenades et dans ces

belles places ? Regardez passer tous ces gens,

 

 

flatteuses paroles d'un suborneur, comme Ève

écouta colles du serpent ; ce gyrovague qui

 

 

l'étui de cuir où sont renfermés sa pipe et

son briquet ; et ce priseur au ton doucereux

 

 

filé continue, dans la prose du satirique abbé,

qui a des chatoiements de cinématographe.

 

 

ainsi dire que ses œuvres soient gravées sur

le granit et sur le marbre ; cette esquisse

jadis les buveurs d'Auxerre, les fainéants de

 

Verdun, les usuriers de Metz, les mangeurs de

Poitiers. »

 

 

taient sans doute des étrangers de passage que

Manet a photographiés dans nos rues. Voyons

époque de ce qu'elle avait été aux dix-sep-

 

tième et dix-huitième siècles, le jeune bachelier Leconte de Lisle s'installait définitivement

pour faire son droit, obtenir le diplôme de

 

 

l'étudiant fûtt entièrement pris par des occu-

pations sérieuses et quelques distractions honnêtes. M. Leconte de L'Isle y tenait beaucoup.

 

 

lettre du 30 octobre 1838, il lui annonce l'envoi d'un nouveau ballot de café.

 

« j'ai peine à comprendre, écrivait le père,

 

que Charles ait pu rester six mois sans nous

écrire, si des motifs sérieux ne l'en eussent

monocle, dont il accentuait le dédain de son

 

regard. Tous ceux qui ont franchi le seuil de

son appartement à l'École des Mines se rappellent la cigarette fichée au coin moqueur de

 

 

 

Le 18 janvier 1839, Charles Leconte de Lisle,

 

 

quelque farce d'étudiant ! On n'est pas myope

à vingt ans ! Et quatre francs de lunettes sont

jamais voulu lui permettre de la contracter !

 

 

S'il ne la perd pas entièrement, j'ose espérer

Cependant, averti par son cousin de l'indiff-

 

férence que son fils marquait pour ses études,

de ses pertes d'inscriptions successives, de

 

 

sur le sentiment provincial ; Rennes est peu

soucieuse de l'entretenir ; c'est une indifférence coupable; il ne se produit aucune tentative pour y concentrer le mouvement intellectuel, artistique, industriel de la province ;

 

 

sée d'Histoire Naturelle, dans un grenier. La

Faculté des Sciences n'était pas encore établie,

émotions de l'histoire. M. Émile de la Digne

 

Villeneuve, le 4 mars de la même année, ouvrait un cours libre de langue hébraïque ;

peut-être y parla-tdl de Qaïn et d'Achat.

 

 

locaux comme Warot, Pilet, M{{lles}} Comettant et

Sorbiatti, Godfroy, Brune, Ferdinand prêtaient

 

 

jeunes alors. Pour la comédie et le drame,

c'était ''{{Mlle}} de Belle-Isle, L'Alchimiste, Le Fils de la

 

 

a acquise en ont fait un de ces types dont

l'exposition publique serait un danger pour

agents dans l'intérieur du théâtre, avaient dû,

 

par ordonnance de M. le Maire, abandonner

cannes et bâtons à la porte<ref>Les étudiants sont toujours houleux et profitent de toutes les occasions pour faire du tapage. Le 28 octobre 1811, le

Un troisième, le ''Café de Bretagne'', avait surtout pour clients les jeunes gens de la no-

 

blesse Voici ce qu'en disait le baron Régis de

Trobriand dans son roman, rarissime aujourd'hui, ''Les Gentilshommes de l'Ouest'' : « Ô mon

A trois kilomètres de Rennes, sur la route

 

de Saint-Malo, les étudiants allaient encore

« manger de la galette » chez Jamet,

Bretons'', intitulé ''À Paul'' et adressé à son cousin

 

 

Paul de Geslin, étudiant Rennais aussi, qui

— Excellent ! répondit Arthur d'Ortenailles.

 

 

''Les Gentilshommes de l'Ouest'', dont j'extrais les

les jeunes rédacteurs du ''Foyer''.

 

 

Ce bon petit journal ''Le Foyer'', qui, à toutes

une pièce ''Le Poète'', 5 décembre 1837. « Aujourd'hui, disent les ''Étincelles, Le Foyer'' paraît en

 

vert ; nous pouvons nous flatter d'en faire

voir à nos abonnés de toutes les couleurs. »

 

 

 

:Avis important : on s'abonne,

 

 

lume nouveau de Turquely est annoncé en

vers. La signature de l'imprimeur elle-même

Leconte de Lisle avait pris sa seconde inscription en janvier 1839 ; pendant ce second

 

trimestre, les admonestations ne lui manquèrent pas. Les professeurs MM. Richelot (Code

Civil) et Saiget (Droit Romain) constataient de

 

 

aimable plaisanterie du Doyen ; il ne se rendit

pas à son invitation ; le châtiment ne se fit pas

pas comparu !

 

 

Leconte de Lisle, furieux de se voir enlever

 

 

levée des mesures de rigueur, il prie son oncle

de lui remettre « ce que son père veut bien

de malice quelque exagération, dans ce zèle

 

d'étude et de claustration, car {{Mme}} Liger est

obligée de constater qu'elle ne voit jamais son

veut bien « oublier, » mais il ne veut pas

 

« être dupe ! » Et l'excellent père ajoute :

« Puisque Charles s'est remis au travail,

cormparaissait devant ses examinateurs. Ses

 

trois juges étaient MM. Morel, Lepoitvin et

Gougeon. « Le résultat du scrutin, disent les

 

 

 

À une date que je ne saurais préciser, peu de

dont voici quelques extraits :

 

 

:L'œil levé, je l'écoute

Rennes la revue littéraire ''La Variété''.

 

 

Le 9 Mars 1840, on lisait dans l'''Auxiliaire''

 

 

littéraire, quelque minime qu'il soit et, après

quelques années écoulées, nous nous étonnons, lorsqu'un beau jour, les feuilles de la

« Bon accueil donc à la nouvelle feuille littéraire et puisse-t-elle, en ouvrant la voie à

 

quelque talent ignoré, dissiper l'apathie qui

étouffe chez nous tout sentiment artistique. »

Revue doit être un foyer « de toutes les nobles

 

émotions que les arts, sortis du christianisme,

peuvent communiquer à tous ces frères de

 

 

avaient prononcé le grand nom de Châteaubriand, et l'illustre vicomte, invoqué par eux,

leur adressait quelques paroles d'encouragement, un peu désenchantées. Mais la jeunesse

littéraire, en faisant appel « aux talents inconnus ». Ils déclarèrent même que les béné-

 

fices — ô naïfs ! — de la Revue seraient consacrés à des œuvres de bienfaisance. À ''La Variété''

« les paroles seront aumônieuses, les pensées

roman musical, de ces deux rédacteurs, se

 

continuèrent de livraison en livraison. La collaboration de Leconte de Lisle<ref>Les autres collaborateurs étaient Émile Langlois, Charles

Vergos, Édouard Turquety, A. Lefas, Julien Rouffet, P. de

 

 

grande, non plus que la valeur esthétique de

ces poèmes ; ce n'est pas sous ce rapport que

 

 

 

::Des rayons de l'amour et de la liberté