« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Autel » : différence entre les versions

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demeura le symbole visible de l'ancienne et de la nouvelle loi. Chacune
des parties qui le composaient rappelait les saintes Écritures, ou les grands
faits de la primitive Église. Toujours simple de forme, que sa matière fût
précieuse ou commune, il était entouré de tout ce qui devait le faire
paraître saint aux yeux des fidèles, sans que ces accessoires lui ôtassent ce
caractère de simplicité et de pureté que le faux goût des derniers siècles
lui ont enlevé.
 
Nous allons essayer, soit à l'aide des textes, soit à l'aide des monuments,
de donner une idée complète des autels de nos églises du moyen
âge. Mais d'abord, il est nécessaire d'établir une distinction entre les
différents autels. Dans les églises cathédrales, le maître autel non-seulement
était simple de forme, mais souvent même il était dépourvu de
retable, entouré seulement d'une clôture avec voiles et courtines, et
surmonté au dossier d'une colonne avec crosse à laquelle était suspendue
la sainte Eucharistie. Sur les côtés étaient établies des armoires dans
lesquelles étaient renfermées les reliques; quelquefois, au lieu de la
suspension, sur l'autel, était posé un riche tabernacle, ainsi que nous
l'apprend Guillaume Durand, destiné à contenir les hosties consacrées et
non consacrées. Toutefois, il est à présumer que ces tabernacles ou
coffres, n'étaient pas fixés à l'autel d'une manière permanente. Sur
l'autel même se dressaient seulement la croix et deux flambeaux. Jusqu'au
XIIIe siècle, les trônes des évêques et les stalles des chanoines
régulier étaient disposés généralement, dans les cathédrales, au chevet;
le trône épiscopal occupait le centre. Cette disposition, encore conservée
 
[Illustration: Fig. 4.]
 
dans quelques basiliques romaines,
entre autres à Saint-Jean-de-Latran, à
Saint-Laurent hors les murs (4)<span id="note14"></span>[[#footnote14|<sup>14</sup>]], à Saint-Clément (5)<span id="note15"></span>[[#footnote15|<sup>15</sup>]],
etc., et qui appartenait à
 
[Illustration: Fig. 5.]
 
la primitive Église, devait nécessairement empêcher l'établissement des
contre-autels ou des retables, car ceux-ci eussent caché le célébrant.
Aussi ne voit-on guère les retables apparaître que sur les autels adossés, sur ceux des chapelles, rarement sur les autels principaux des
cathédrales. Dans les églises monastiques, il y avait presque toujours
l'autel matutinal, qui était celui où se disait l'office ordinaire, placé à
l'entrée du sanctuaire au bout du chœur des religieux, et l'autel des
reliques, posé au fond du sanctuaire, et derrière ou sous lequel étaient
conservées les châsses des saints. C'était ainsi qu'étaient établis les autels
principaux de l'église de Saint-Denis en France, dès le temps de Suger. Au
fond du rond-point, l'illustre abbé avait fait élever le reliquaire contenant
les châsses des saints martyrs, en avant duquel était placé un autel. Voici
la description que donne D. Doublet de ce monument remarquable...
«En ceste partie est le très-sainct autel des glorieux saincts martyrs (ou
bien l'autel des corps saincts, à raison que leurs corps reposent soubs
iceluy), lequel est de porphyre gris beau en perfection: et la partie
d'au-dessus, ou surface du même autel, couverte d'or fin, aussi enrichi
de plusieurs belles agathes, et pierres précieuses. Là se voit une excellente
table couverte d'or (un retable), ornée et embellie de pierreries,
qu'a fait faire jadis le roi Pepin, laquelle est quarrée, et sur les quatre
costez sont des lettres en émail sur or, les unes après les autres, en ces
termes: <i>Bertrada Deum venerans Christoque sacrata</i>. Et puis: <i>Pro
Pippino rege fælicissimo quondam... Au derrière de cet autel est le
sacré cercueil des corps des saints martyrs, qui contient depuis l'aire et
pavé cinq pieds et demy de hault, et huict pieds de long sur sept pieds
de large, fait d'une assise de marbre noir tout autour du bas d'un pied
de hault, et sur la dicte assise huit pilliers quarrez aussi de marbre noir
de deux pieds et demy de hault, et sur iceux huit pilliers une autre
assise de marbre noir, à plusieurs moulures anciennes, et entre les dicts
huit pilliers, huit panneaux de treillis de fonte, enchassez en bois, de
plusieurs belles façons de deux pieds et demy de long, le pillier du
milieu de derrière, et pareillement le pillier de l'un des coings du dit
derrière, couverts chacun d'une bande de cuivre doré, aussi iceux
treillis et bois couverts de cuivre doré à feuillages, avec plusieurs
émaux ronds sur cuivre doré, et plusieurs clous dorés sur iceux; et sur
le marbre de la couverture, dedans ledit cercueil, une voulte de pierre
revestue au dedans de cuivre doré, qui prend jusque soubs l'autel, qui
est le lieu où reposent les sacrez corps des apôtres de France saint Denys
l'Aéropagite, saint Rustic, et saint Eleuthère, en des châsses d'argent de
très-ancienne façon, pendantes à des chainettes aussi et boucles d'argent,
pour lesquelles ouvrir il y a trois clefs d'argent... Au-dessus dudit
cercueil il y a un grand tabernacle de charpenterie de ladite longueur
et largeur en façon d'église, à haute nef et basses voûtes, garny de huict
posteaux, à savoir à chacun des deux pignons quatre, les deux des coings
ronds de deux pieds et demy de hault, et les deux autres dedans œuvre
de six pieds et demy de hault, aussi garny de bases et chapiteaux: et
entre iceux trois beez et regards de fenestres à demy ronds portans leur
plein centre, et celle du milieu plus haulte que les autres: le dessus des
 
 
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<span id="footnote13">[[#note13|13]] : <i>Rational</i>, chap. II. Guillaume Durand, évêque de Mende, mourut à la fin du
XIIIe siècle. Trad. par M. C. Barthélemy; Paris, 1854.
 
<span id="footnote14">[[#note14|14]] : Dans le plan que nous donnons ici, l'autel est élevé en A sur une crypte ou
confession; le trône épiscopal est en B.
 
<span id="footnote15">[[#note15|15]] : Dans ce plan, l'autel est en A, le trône épiscopal en B.