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Quant au consul, il avait fini par se décider à rallier son poste. Il opéra son départ à l’improviste, selon son habitude ; mais il fit de nombreuses escales en route et ce n’est que beaucoup plus tard qu’il débarqua à Maurice.
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— Parce que vous ressemblez aux fusils de pacotille ; ils partent quelquefois, mais ils n’atteignent jamais le but.
 
CHAPITRE XXI
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XXI
 
L’ADMINISTRATION
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L’administration fut d’abord exercée par des agents commerciaux qui établirent leur siège à Surate en 1668. Le directeur Caron ne réussit point; il s’empara de Trinquemale, dans l’île de Ceylan ; mais, harcelé par les Hollandais, il repassa sur le continent et se fixa dans la ville hollandaise de Saint-Thomé qu’il fut bientôt contraint de restituer à ses premiers occupants.
 
Le successeur de Caron, François Martin, eut l’idée de réunir les débris de la colonie et vint s’installer avec une centaine de personnes sur le territoire de Pondichéry qu’ilqu’
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il acquit à beaux deniers comptants du souverain légitime. Grâce à son habile et sage direction, la ville prospéra jusqu’en 1693 où elle fut attaquée et prise par les Hollandais.
 
En vertu du traité signé à Ryswicq, le 20 septembre 1697, notre propriété nous fut restituée. Jedis propriété, parce que le prix d’acquisition en avait été payé par des Français. De cette époque date sa classification dans l’empire colonial de la France. Le premier gouverneur général fut François Martin ; le gouvernement métropolitain fit preuve de justice et de haute intelligence en nommant l’ancien directeur à ce poste éminent.
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Ce dernier était un esprit ardent fait d’initiative et d’audace. Il avait les qualités d’un soldat quoiqu’il n’eût étudié que le commerce. Il eut à’soutenir de terribles guerres contre les Anglais aux ordres des généraux Clive et ^Varren Hastings alliés aux Marhattes et aux rois du Mysore et du Tanjaour.
 
Uupleix avait étendu notre domination sur les provinces de Monfanagar, d’Ellour, de Chicakal et de Kajacnandri, sur. l’île de.Seringam, sur le territoire de Karikal,
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en un mot sur toute la côte d’Orix et la partie de l’Inde située au sud du Godavery. Le Grand Mogol l’avait fait nabab de Carnate ; les rajahs d’Arcate et du Dcccan avaient sollicité son protectorat.
 
Il était admirablement secondé. Son armée était commandée par un héros, le marquis de Bussy, qui mourut en 1785, gouverneur général de la colonie conquise par ses armes. Dupleix avait à côté de lui une femme admirable, la sienne, Jeanne de Castro, créole espagnole d’une beauté presque merveilleuse, douée d’un esprit prévoyant et éclairé, d’un jugement sûr, parlant et écrivant avec la même facilité tous les dialectes de l’Inde, et Dieu sait si le nombre en est grand.
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Les éclatantes victoires du marquis de Bussy nous livrèrent deux cents lieues de côtes et portèrent la limite de nos possessions jusqu’à la frontière du Bengale. Dupleix dut à sa femme, qui a rendu à jamais immortel son titre de Johanna Begum (la princesse Jeanne), des succès diplomatiques qui auraient assuré l’autorité française dans toute l’Inde, si, en refusant d’envoyer des subsides et des soldats à Bussy et à Dupleix, le cabinet de Versailles ne s’était rendu le complice des ennemis de la France.
 
Une lutte incessante contre des forces décuples et sans cesse renouvelées, alors qu’on ne reçoit ni hommes, ni argent, ni munitions, aboutit fatalement à une catastrophe. Elle fut retardée par Bussy. Mais Dupleix fut
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brutalement révoqué et son successeur s’empressa de
 
traiter, par ordre, avec les Anglais. Ainsi une évidente
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M. de Verninac a fait plus que ses prédécesseurs. Il a eu l’heureuse audace, dans l’intérêt de l’équité, de toucher à une législation séculaire et de rattacher plus intimement à la métropole, les indigènes soumis à notre autorité.
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Au-dessous du gouverneur, qui exerce le pouvoir politique, les auxiliaires qui président à l’administration coloniale sont l’ordonnateur et le procureur général. Le premier est toujours un commissaire de la marine qui a, dans ses attributions, la marine, la guerre, les finances et l’intérieur, c’est-à-dire à peu près tout.
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En résumé, les rouages administratifs fonctionnent
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simplement. Comités de bienfaisance, hôpital militaire, léproserie, maison de santé po.ur les natifs, mont-de- piété, imprimerie du gouvernement, journal officiel de la colonie, service de santé bien organisé, pharmacie de la marine qui livre au public ses manipulations au prix de revient ; police dirigée, à Pondichéry, par le maire ; dans les autres comptoirs, par des commissaires européens, ayant sous leurs ordres un certain nombre d’agents indigènes ; rien de ce qui est utile ne manque à nos établissements.
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Mais lorsqu’ils parlent avec orgueil de la destruction des thugs et de la suppression des bandes de voleurs, on peut leur répondre qu’ils auraient mis moins d’empressement à détruire les thugs si ceux-ci, au lieu d’étrangler des Anglais, s’étaient bornés à étrangler des indigènes.
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Les Dacoïts dévalisaient surtout les maisons anglaises. Du reste, leurs bandes ne sont pas supprimées au point de ne pas venir exploiter les propriétés françaises.
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L’administration de l’honorable Compagnie des Indes a été marquée par de grands scandales. Lord Clive et Warren Hastings ont donné lieu à des enquêtes parlementaires et ont été flétris par ces enquêtes qui les ont convaincus de concussions, de cruautés et d’exécutions de toute sorte. 11 convient d’ajouter à la louange de l’Angleterre qu’elle essaie de réparer dans les Indes, depuis l’insurrection de 1857, les crimes et les fautes du passé.
 
CHAPITRE XXII
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XXII
 
LA. LÈPRE ET LA LÉPROSERIE
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Il cite cette hideuse affection parmi les causes qui autorisent une seconde épouse. « L’Indien, dit le législa- « leur, peut avoft deux femmes quand la première est « stérile, acariâtre ou lépreuse. » Que d’époux auraient une raison plausible pour contracter une seconde alliance si notre loi leur permettait de s’appuyer sur la maussaderie de leurs femmes !
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On voit par Jà que la monogamie, qu’on assure être la règle du mariage dans l’Inde, doit y subir plus d’une éclipse et que les prétextes ne manquent point aux époux mécontents pour augmenter le personnel de leur ménage. La prévision n’est pas indispensable d’ailleurs, puisque l’Indien a l’autorisation d’entretenir autant de concubines qu’il lui plaît dans le domicile conjugal.
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Un vaste camp, pouvant contenirun millierde lépreux, a été construit à grands frais au sein d’une nature aride et sauvage qui semble être en parfaite harmonie avec l’horreur de sa destination.
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Mon ami avait été membre d’uae commission chargée d’apurer les comptes et de contrôler les actes du directeur de l’établissement. Introduit au milieu de la population lépreuse, il fut épouvanté des innombrables et hideuses formes qu’affecte la maladie, mais quel ne fut pas son étonnement lorsque, parmi ces débris humains qui exhalaient une odeur fétide, il vit circuler une belle négresse d’environ vingt-cinq ans daiis tout l’éclat de la jeunesse et de la santé !
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Interrogé par mon ami, le directeur lui apprit que, depuis une dizaine d’années, c’est-à-dire dès l’âge de quinze ans, cette splendide créature habitait le camp et consolait les lépreux possesseurs d’une certaine fortune des rigueurs de leur internement.
 
La non-contagion est donc chose acquise. La lèpre ne se transmet pas absolument par le contact ni par la cohabitation. Mais ce qui n’est pas moins cerlain c’est " qu’elle se transmet par l’hérédité. L’atavisme, pour parler comme les docteurs, cette loi fatale des affections humaines, est un fait démontré par la science. On comprend que, dans un pays bien administré, on cherche à
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soler les infortunées victimes d’un implacable fléau afin que les sources de la vie ne soient pas empoisonnées dans les populations.
 
L’internement et ses rigueurs sont cependant d’une application impossible dans l’Inde. Les lépreux abondent, sur notre territoire et sur celui de nos voisins les Anglais, à tel point qu’il y aurait folie à recourir aux mesures arbitraires, que la nécessité et l’hygiène publique peuvent seules justifier.
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Elle est située à deux ou trois kilomètres de Pondi- chéry, à une courte distance du camp des Makouals. Quand je la visitai, elle ne contenait qu’une douzaine de lépreux, et pourtant on en rencontre des troupes entières chaque jour.
 
L’Indien a horreur de la séquestration. Aux douceurs d’une existence assurée du boire et du manger,
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il préfère la vie hasardeuse et misérable mais libre. La mendicité ne déshonore pas dans l’Inde. La charité y est d’ailleurs dans les mœurs et de principe religieux. Souciassys et Fakirs circulent partout, élalant des infirmités vraies ou simulées et recueillant d’abondantes aumônes.
 
Les soins médicaux ne manquent pas aux lépreux. Les officiers du service de santé, attachés à la colonie, ont mis en pratique toutes les ressources de la science pour enrayer la maladie ou la soulager. Mais la maladie est implacable; rien ne la détruit ou n’en suspend le cours. Auprès de ces damnés de la vie, les pieux efforts de l’apostolat ont plus fait que le dévouement des médecins, et la résignation règne du moins dans ce pandémonium des souffrances humaines.
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CHAPITRE XXIII
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Pendant mon séjour à Pondichéry eut lieu l’une de
 
ces invasions, très-fréquentes autrefois mais qu’une énergiqueé
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nergique répression a rendues très-rares sur notre territoire.
 
LesDacoïts ont succédé aux Thugs dans l’Inde anglaise, mais ils ne forment point comme les étrangleurs une secte religieuse poussée au meurtre par le fanatisme et par l’horreur de l’étranger. Leur association n’a d’autre objectif que le brigandage. Très-savamment organisés, ces voleurs enveloppent l’Inde entière d’un réseau continu.
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La terre française est enchevêtrée avec le sol anglais par de si nombreuses enclaves qu’une enjambée suffit à mettre les envahisseurs à l’abri des poursuites. L’audace de ces brigands est telle, leurs mesures sont si
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bien prises que leurs coups de main réussissent infailliblement.
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Lorsque, au bruit de l’invasion et aux cris des victimes, le poste du gouvernement accourut à l’aide, les envahisseurs avaient déjà fui ; les palanquins emportaient les dépouilles. La poursuite dut s’arrêter à la frontière. Quelques coups de fusil, tirés au hasard, n’atteignirent personne.
 
Une autre fois, l’envahissement s’accomplit dans le district de Valdaour, La maison envahie renfermait d’importantes richesses, notamment des bijoux. Tout cela était si bien caché que les assaillants employèrent les grands moyens. Ils s’emparèrent des femmes et les
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contraignirent à révéler les cachettes en leur appliquant
 
la question.
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Le procès révéla la puissance d’organisation de ces malfaiteurs. Ils avaient pour complices des Indiens juges et chefs de districts sur le territoire anglais. Pour échapper au châtiment, le principal accusé essaya de la corruption sur nos agents indigènes. On leur offrit de sa part des sommes importantes qu’ils repoussèrent avec mépris.
 
La femme du chef de la bande, jeune et belle Indienne, convertc de bijoux, allait assiéger la porte de nos magistrats. Démarches inutiles : justice fut rendue à chacun. Condamné aux travaux forcés ainsi que ses
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complices, le chef fut transféré au bagne de Toulon où il mourut quelques années plus tard.
 
Depuis cette razzia, les Dacoïls ne se sont plus risqués sur le territoire français ; mais ils ont continué à exploiter le territoire anglais.
 
CHAPITRE XXIV
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XXIV
 
LA VIE DANS L’INDE
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Par les soins de M. Hostein, titulaire de cet emploi les serviteurs rangeaient en cercle deux ou trois douzaines de fauteuils en rotin, et les privilégiés, presque toujours les mêmes, venaient se reposer ’de leurs travaux, en ne perdant pas une bouffée de la brise.
 
’ .Comme
’ .Comme il n’existe à Pondichéry, ni café,. ni théâtre, ni lieu de réunion publique, on se rencontrait régulièrement à ce cercle improvisé, et l’on s’y racontait les rares nouvelles du jour. Aller à la Pointe-aux-Blagueurs était l’une des distractions inscrites sur. notre. pro-i gramme, qui ne brillait guère par la variété. . Quelquefois nous étions assaillis par des acrobates indigènes. d’une agilité et d’une adresse incomparables, par des escamoteurs ou par des charmeurs de serpents. Ceux-ci.étalaient sur le sol un panier recouvert d’une toile grossière, se mettaient à souffler dans un chalu-. meau, espèce d’instrument primitif, plongeant dans une calebasse creuse, et ils tiraient de là des sons d’une extrême douceur que je ne puis comparer qu’à ceux du hautbois ou de la musette.
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’ .Comme il n’existe à Pondichéry, ni café,. ni théâtre, ni lieu de réunion publique, on se rencontrait régulièrement à ce cercle improvisé, et l’on s’y racontait les rares nouvelles du jour. Aller à la Pointe-aux-Blagueurs était l’une des distractions inscrites sur. notre. pro-i gramme, qui ne brillait guère par la variété. . Quelquefois nous étions assaillis par des acrobates indigènes. d’une agilité et d’une adresse incomparables, par des escamoteurs ou par des charmeurs de serpents. Ceux-ci.étalaient sur le sol un panier recouvert d’une toile grossière, se mettaient à souffler dans un chalu-. meau, espèce d’instrument primitif, plongeant dans une calebasse creuse, et ils tiraient de là des sons d’une extrême douceur que je ne puis comparer qu’à ceux du hautbois ou de la musette.
 
Au bout de quelques minutes, on voyait surgir du panier les têtes hideuses de deux ou trois serpents ca- pelles qui, se dressant sur leurs queues et ouvrant leurs têtes sur lesquelles se dessinaient parfaitement les deux cercles qui les font désigner aussi sous le nom de serpents à lunettes, se balançaient en mesure en scandant par leurs mouvements chaque note du l’instrument.
 
Ce spectacle ne manque pas de grâce, mais j’avoue en toute franchise que l’horreur que m’ont toujours inspirée les reptiles détruisait à mes yeux le plaisir que paraissaient goûter quelques personnes à suivre la
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danse étrange et mélodiquement cadencée de ces terribles animaux.
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Dans un but purement humanitaire, nous nous avisâmes un jour d’accorder une prime pour la destruction de ces bêtes dangereuses. La prime était de quelques caches, à peine un sou, pour chaque tête de serpent ou de couleuvre.
 
En moins d’un mois, nous eûmes à payer une somme tellement importante aux destructeurs, que nous risquions d’y épuiser notre budget et notre fonds
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de réserve, qui se montait pourtant à 700,OOfX fr. Nous supprimâmes la prime.
 
Après le dîner, on trouvait des cercles tout formés chez les principaux commissionnaires du pays. Dans les cours ou sous les grandes vérandahs de leurs maisons, ils installaient des tables de jeu, et le premier venu, pourvu qu’il fût de race européenne, entrait, se présentait lui-même et s’installait sans autre cérémonie à une table de bouillotte. On joue beaucoup dans les colonies; cela tient à leur nature même et à l’impossibilité de s’y procurer d’autres plaisirs.
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Les bals commençaient de bonne heure pour finir vers une heure du matin ; mais, si fatigué et si pressé qu’on fût de rentrer, aucun des invités ne serait parti avant minuit, heure solennelle où, remplaçant les rafraîchissements ordinaires, apparaissait la moulougou- thani. La traduction de ce mol tamoul, composé de deux mots, est : eau de poivre.
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Ce bouillon est vraiment délicieux, mais il emporte
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Ce sol, travaillé avec soin, du reste, par ceux qui n’en .ont été pendant trop longtemps que les usufruitiers, quoique peu étendu en superficie, est arrosé par huit fleuves ou rivières. On y a établi, en outre, neuf grands canaux d’irrigation, cinq barrages et cinquante- trois réservoirs. 11 ne contient pas moins de cinquante- neuf étangs, dont cinq couvrent une grande étendue, et deux cent deux sources. Ces auxiliaires de la production, répartis par la nature ou résultant de la prévoyance humaine, sont appliqués avec une rare sagacité aux besoins de l’agriculture.
 
— C’est au moyen de constantes irrigations qu’on a pu rendre fertile le terrain argileux, mêlé de sable, qui forme le sol. i,a qualité de l’eau est d’ailleurs excellente.
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On en jugera par ce seul fait que la ville de Pondichéry possède 73 teintureries en pleine activité, et qu’on y apporte de fort loin des masses de pièces de toile de coton à teindre en bleu ; c’est ce produit indigène du Deccan qu’on désigne sous le nom de toile de Guinée. Quant à la production locale du tissu, quoiqu’elle ait baissé depuis quelques années, elle met encore en mouvement 4,126 métiers de tisserands.
 
Les deux races qui vivent côte à côte dans la ville noire ne se ressemblent guère que par le costume ; toutes deux cependant ont le type caucasique. Les musulmans de l’Inde ont la couleur et le galbe de l’Arabe.
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Ils sont de petite taille, mais cette taille est bien prise, les attaches sont fines, les pieds et les mains sont tout à fait aristocratiques, les traits du visage agréables et réguliers, l’ensemble est élégant.
 
Les femmes, surtout, ont une incontestable distinction qu’on rencontre même chez celles qui appartiennent aux classes inférieures. Des formes harmonieuses et des traits presque toujours jolis, tels sont les avantages des femmes indiennes. Mais ces avantages
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durent peu, car elles se marient de bonne heure dans la péninsule, et, à vingt ans, leur beauté s’est changée en une précoce décrépitude.
 
Je ne puis mieux terminer l’esquisse rapide que j’ai tracée de Pondichéry et de ses habitants qu’en disant que cette ville, où tout est sacrifié au développement de l’agriculture, possède l’un des plus vastes jardins botaniques qu’il m’ait été donné de visiter. Le jardin colonial ne comprend pas moins de dix-huit hectares et il renferme de riches collections.
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Quant à la classification des habitants, elle est facile à établir. Sur les 1,500 blancs, 852 sont fonctionnaires ou employés du gouvernement; les autres se livrent au commerce ou représentent des maisons de la métropole; d’autres font des métiers plus ou moins avouables. Les topas ont pour ressources les petites industries ou la domesticité : parmi les Indiens, ceux qui ne sont pas cultivateurs font du tissage, de la filature ou de la teinturerie.
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CHAPITRE XXV
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Son installation dans l’hôtel des Archives, en lui donnant une plus haute idée de lui-même, le mit en relations avec quelques personnes charitables qui lui donnèrent d’utiles conseils.
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Un excellent homme, le chef de bataillon d’Agon de la Contrie, qui commandait les cipayes, s’y prit de façon à tirer F... du guêpier dans lequel il s’était jeté, sans le vouloir peut-être.
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Mais l’aya (femme de chambre) de Zara accourut tout éplorée sous la vérandah, et, par des gestes désespérés, nous fit comprendre qu’un grave événement était survenu.
 
P...
P... lui demanda en persan en quoi consistait cet événement : l’aya, qui n’entendait pas cette langue et qui n’aurait pu répondre à son interlocuteur, prit le moyen le plus simple pour le mettre au courant ; elle l’entraîna vers la chambre de Zara. ’ Nous entendîmes bientôt des lamentations et des sanglots. L’aya parut à la porte et nous appela. En entrant dans la pièce voisine, nous aperçûmes le général couché sur le corps de Zara, qu’il étreignait avec la force .que donne le désespoir. Le pauvre homme était presque fou ; il nous fit pitié. Sa douleur ne se calma un peu que lorsque les larmes jaillirent de ses yeux.
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P... lui demanda en persan en quoi consistait cet événement : l’aya, qui n’entendait pas cette langue et qui n’aurait pu répondre à son interlocuteur, prit le moyen le plus simple pour le mettre au courant ; elle l’entraîna vers la chambre de Zara. ’ Nous entendîmes bientôt des lamentations et des sanglots. L’aya parut à la porte et nous appela. En entrant dans la pièce voisine, nous aperçûmes le général couché sur le corps de Zara, qu’il étreignait avec la force .que donne le désespoir. Le pauvre homme était presque fou ; il nous fit pitié. Sa douleur ne se calma un peu que lorsque les larmes jaillirent de ses yeux.
 
Nous ne ménageâmes pas les consolations à notre ami; mais, de temps à autre, lorsque nous le croyions devenu plus raisonnable, il se livrait à de nouveaux éclats et parlait même de suicide. Cependant, il finit par se jeter sur un lit de repos où nous le laissâmes assoupi.
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Le lendemain, eurent lieu les obsèques de celle qui avait été sa compagne et que l’exil avait tuée prématurément. La douleur de F... ne lui permit pas d’y assister. Le moment de la séparation devint le signal d’un nouvel accès ; mais, trois ou quatre dames charitables ayant consenti à ne pas le quitter, il reprit une attitude plus résignée.
 
Hélas ! sa tranquillité apparente ne dura pas longtemps ; ses accès le reprirent avec violence. Alors il s’arrachait les cheveux par touffes, se roulait sur le lit
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qui avait contenu les restes de la chère défunte ; les efforts de ces dames pour l’arracher à la pièce mortuaire étaient infructueux.
 
Dès que la funèbre cérémonie fut terminée, nous vînmes le retrouver, le commandant et moi, et nous dépensâmes en vain toute notre éloquence pour le rendre au calme qui convient aux fortes douleurs.
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— Soyez homme et elle ne vous tuera pas, d’ailleurs n’est-ce pas une consolation pour vous qu’elle repose à quelques pas d’ici, dans un cimetière tout fleuri qui a plutôt l’air d’une oasis que d’un cimetière ; cela vous fera une délicieuse promenade.
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— Je compte bien y aller souvent.
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Puis il afficha une certaine recherche dans ses vêtements, consacra au soin de sa toilette plus de temps qu’il ne leur en avait jamais donné, et se transforma, lui autrefois sans façon, en petit-maître désireux de plaire et ne négligeant rien pour y parvenir.
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CHAPITRE XXVI
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— Ne soyez pas surpris, me dit-il, et surtout ne me jugez pas mal en me voyant dans ces dispositions. J’ai eu pour Zara une sincère aflection qui prenait sa source dans un sentiment autre que l’amour ; mais je suis de ceux qui ne peuvent vivre dans l’isolement, et l’isolement est impossible dans des pays comme celui-ci où la vie est tout intérieure.
 
— Je ne vous blâme point, répliquai-je, et, quoique garçon, je comprends les charmes de la vie conjugale. Quant à mon étonnement, il s’est manifesté involontairement à l’annonce que vous ave? bien voulu me faire.
==[[Page:Chauvet - L Inde française.djvu/155]]==
il s’est écoulé un mois à peine depuis la mort de celle qui vous a accompagné jusqu’ici, et un mois...
 
— Et un mois, c’est bien court, alliez-vous ajouter, pour une douleur aussi grande que la mienne ?
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Un mois après, grâce à mon insistance auprès du gouverneur, F... était nommé maire de Pondichéry, fonctions qui enfraînaient un traitement respectable et auxquelles s’ajoutaient celles de chef de la police.
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Le mariage du général le changea du tout au tout. Il acheta un cheval qu’il décora du nom de Beaupoil et une Victoria d’occasion. Il sacrifia sa longue moustache grisonnante sur l’autel de l’hyménée — sa jeune femme avait exigé ce sacrifice — et, pour faire oublier sans doute la différence d’un quart de siècle qui existait entre eux, on ne le vit plus qu’en habits d’une blancheur immaculée, consciencieusement pommadé, parcourant. la ville dans tous les sens, étendu dans sa voiture que traînait encore assez prestement le poussif mais brave Beaupoil.
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Beaupoil n’était pas amoureux.
 
Les petits soins du général pour celle qui avait consenti à porter son nom, sa soumission à ses désirs, et même à ses caprices, devinrent bientôt le sujet de toutes
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les conversations. La chanson que je viens de citer explique et justifie cette attitude ; faisant allusion à ce qu’on nommait la déroute de F..., elle dit :
 
Consolez-vous d’une défaite
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La chanson est une arme commode dont le faible se sert parfois avec succès contre le fort. J’ai été chansonné comme d’autres, et j’ai répondu, à mon tour, par des couplets que je m’abstiens de reproduire.
 
Je me bornerai seulement à citer une dernière strophe adressée par un auteur anonyme à un gros traitant, enrichi de fraîche
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date, qui, à mille prétentions, joignait
 
celle d’avoir fait la guerre avec gloire en Espagne et
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Ceci démontre que le ridicule appelle la satire, et la satire, il faut bien le dire, trouvait largement à s’exercer dans un milieu composé d’éléments hétérogènes, où la fortune, bien ou mal acquise, justifie toutes les excentricités, efface toutes les souillures et impose le plus profond respect. Dans nos colonies, on. est forcément moins difficile qu’en France sur les gens avec lesquels on vit, et le fameux proverbe : « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui lu es » n’y a point d’application rigoureuse.
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CHAPITRE XXVII
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J’ai déjà dit à quel point la vie est monotone dans les pays chauds ; on y travaille le moins possible, et on comprend bien pourquoi tout le monde y devient paresseux : la paresse est la première condition de l’existence orientale. Ainsi s’explique la conduite d’un de mes bons amis, capitaine de frégate, qui, ayant obtenu un emploi fort rétribué dans l’administration des phares d’Orient, donna bien vite sa démission et écrivit au [directeur que, en fait de phares, il n’en connaissait pas de meilleur que le far... niente. Cet atroce jeu de mots naquit d’un excès de chaleur ; c’est son excuse.
 
Nos occupations, à nous membres du conseil, devaient naturellement se réduire à peu de chose, étant donné que notre budget annuel s’équilibrait à un million et demi entre les recettes et les dépenses. Nous recevions en dehors un million de rente de la Compagnie
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des Indes que nous transmettions au trésor métropolitain- Dans un pays qui reçoit plus qu’il ne dépense, où un fonds de réserve important répond à toutes les éventualités et pare à tous les imprévus, l’administration est peu compliquée. Aussi, le conseil se bornait, pour la forme, à tenir une séance le samedi de chaque semaine : une demi-heure suffisait pour épuiser l’ordre du jour.
 
Donc, le sam.edi après déjeuner, les membres du Conseil arrivaient chez le gouverneur, les plus éloignés de l’hôtel en palanquin, les autres à pied, garantis contre les ardeurs du soleil par un vaste parasol blanc doublé de vert que leur dobachi tenait au-dessus de leur lête.
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Mais, dès que l’amiral de Verninac eut étudié la législation du pays, le système de l’impôt et de la propriété, vu de près les besoins de l’agriculture, les choses changèrent de face, et le travail, un travail sérieux cette fois, sa substitua bientôt à la paresst; traditionnelle.
 
Au premier abord, l’administration, plongée depuis un siècle dans une somnolence devenue pour elle une douce habitude, trouva qu’il était cruel de la déranger ;
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que cela n’était pas absolument prescrit par les règlements ; mais il s’agissait d’une innovation appelée à changer la face des choses et à rendre cher, aux populations indigènes, le souvenir de la domination française.
 
Le gouverneur n’hésita point et ne permit pas l’hésitation aux autres. Lui, que j’avais connu à certaines heures, paresseux avec délices, comme Figaro, se mit à compulser les budgets antérieurs et à faire des combinaisons et des calculs du matin au soir.
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Prêchant d’exemple, l’amiral fut obéi sans retard, et les innombrables détails de l’enquête vinrent se centraliser au chef-lieu entre les mains d’une commission choisie parmi les membres du comité d’agriculture et du commerce.
 
Pour bien faire comprendre l’éclatant service rendu par l’amiral de Verninac à l’Inde française et l’inappréciable bienfait dont sa haute intelligence et la constante sollicitude de son administration ont doté ce pays, il
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me faut enlrer ici dans quelques développements sur l’organisation de la société indienne, telle que l’avaient trouvée les Français en prenant possession d’une partie du sol de la péninsule et .telle qu’elle s’est maintenue depuis sans altération.
 
Cette société, essentiellement aristocratique et théo- cratique, repose tout entière sur Je livre de Manou qui est pour les Indiens ce que le Koran est pour les populations musulmanes, c’est-à-dire un évangile réglant à la fois la vie sociale et la vie privée.
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Afin de garantir contre toute atteinte sa puissante organisation, Manou avait fractionné en castes innombrables les éléments de la population. Depuis le plus élevé jusqu’au plus infime, depuis le brahme jusqu’au paria, chacun était donc cantonné dans les liens étroits d’un formalisme stupide qui assouplissait les sujets à l’obéissance passive.
 
Cet état social fut scrupuleusement maintenu. Quand les Indiens se donnèrent à nous, car ils ne furent pas
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conquis, leurs us et coutumes furent respectés. La France en avait pris l’engagement ; le pacte ne fut jamais violé.
 
Les terres appartenaient en principe au souverain, sur la côte de Coromandel, en vertu de la loi Malmoul. D’après la coutume du pays, elles avaient été divisées en cinq catégories :
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Héritiers directs des droits des souverains indigènes, nous étant engagés à respecter la législation et les
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usages hindous, les modes de perception d’impôts avaient été maintenus, et la recette s’accomplissait à l’aide de percepteurs locaux placés sous la direction d’un chef appelé thassildar. Les impôts étaient restés fixés, comme au temps jadis, à la moitié du produit des terres. Ils se payaient en nature ou en argent.
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CHAPITRE XXVIII
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D’un autre côté, les terres adamanoms, les meilleures, celles que des familles cultivaient de père en fils depuis des centaines d’années, étaient les plus nombreuses et les plus importantes. N’y avait-il point à éveiller, dans les populations, qui n’en étaient qu’usufruitières, les ardeurs de la propriété?
 
En cultivant un sol dont la possession était éphémère, dont il pouvait être dépossédé à tout instant, n’ayant à opposer à la mesure aucun titre sérieux et
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définitif, l’Indien n’était-il pas réduit à l’état d’ilote ? N’était-il pas condamné à ne pas progresser et à ne jamais connaître la force irrésistible d’expansion de l’initiative personnelle ?
 
Toutes ces pensées bourdonnaient dans la tête d’un homme qui joignait à une rare intelligence le cœur le plus généreux. Il fut aidé dans son œuvre si difficile par l’administration, qui lui avait opposé au début la force d’inerlie, et qu’il avait fini par convaincre et par galvaniser.
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L’administration métropolitaine hésita un peu, mais, elle aussi, se vit entraînée et elle finit par accueillir le projet comme elle le devait. Par un décret du 16 janvier 1854, la France renonça à son droit de propriété sur les terres adamanoms exploitées par les indigènes.
 
Ce décret portait que, « à Pondichéry et dans ses districts, les détenteurs actuels du sol, à quelque titre que ce fut,qui acquittaient l’impôt réglementaire, étaient
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déclarés propriétaires incommutables des terres qu’ils cultivent. »
 
Nous ne conservions qu’un privilège sur les récoltes, et, au besoin, sur le sol, pour assurer le recouvrement de l’impôt.
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Cette grande et équitable mesure sera l’éternel honneur de l’administration française. Elle a laissé, parmi les populations locales, un souvenir de gratitude dont la toucbante expression se fit jour lorsque les populations curent à choisir un représentant en France. Plusieurs années s’étaient écoulées depuis la rentrée de l’amiral; on pouvait le croire oublié à son tour, mais les Indiens allèrent le chercher dans sa retraite. La santé^de M. de Verninac ne lui permit point d’accepter ce témoignage d’une reconnaissance qui vit encore dans le pays et qui y éternisera sa mémoire et son nom.
 
On peut le dire hautement, sans crainte de trouver un
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seul contradicteur, le projet, conçu et réalisé par le gouvernement de rinde en 1852, constitue une œuvre de justice et d’humanité ; mais il a fallu, pour l’accomplir, toute la volonté d’un cœur bienveillant, jointe à une rare sagacité et à une hauteur de vues incomparables. Toucher a la tradition consacrée par des siècles, porter la main sur une législation affirmée par les traités, était une tentative très-audacieuse et très-aléatoire.
 
Ce que les rois indiens n’avaient aucun intérêt à faire, ce qu’aucun gouverneur, avant lui, n’avait osé essayer dejeur de n’y pas réussir peut-être, l’amiral de Verni- nac l’a réalisé en apportant dans ses efforts la ténacité d’un homme qui n’hésite point à risquer sa réputation. pour laisser après lui un peu de bien.
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Ces sentiments changèrent bientôt, et je dois rendre cette justice à l’amiral, c’est qu’il n’imposa à personne sa conviction et qu’il employa les moyens de persuasion de préférence à tous autres. Étant donnés les pouvoirs presque absolus dont sont investis les gouverneurs, il pouvait dicter des ordres; tout le monde s’y serait soumis sans les discuter. Il agit sagement en faisant de
 
tous ses
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administrés les partisans de son système, les complices de sa bonne action.
 
Les membres du conseil d’administration, les premiers convertis, lui prêtèrent un concours utile ; leur exemple entraîna le reste. Aussi une belle part leur revient dans le succès obtenu, et aucun d’eux, probablement, ne regrette d’avoir participé à un acte aussi considérable.
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Chacun prend son plaisir où il le trouve, dit la sagesse des nations. L’homme qui crachait dans un puits pour faire des ronds voyait non-seulement dans cet eiercice, le moyen facile de passer une heure ou deux, mais il devait y trouver une innocente distraction.
 
CHAPlTFxE XXIX
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XXIX
 
L’ÉCOLE BUISSONN1ÈRK
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Le lac d’Oussoudou est une immense surface d’eau, servant à l’arrosage des terres, dont la création remonte, dit-on, aux premiers souverains natifs. Elle a été entretenue avec soin et même étendue par notre administration.
 
C’est un point de villégiature très-recherché par les Européens. Constantine, Fantaisie, Sans-Gêne, etc., sont des propriétés bâties sur des terrains, autrefois incultes, aujourd’hui couverts d’arbres et de kiosques.
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On va s’y reposer, le dimanche, des préoccupations, sinon des fatigues de la semaine, et les propriétaires de ces oasis y amènent régulièrement les capitaines et les su- brécargues des navires qui leur sont consignés.
 
Il y a donc toujours nombreuse société sur ce point, auquel la verdure et l’eau procurent une fraîcheur relative. On s’y livre à des festins qui rappellent, par le nombre des mets et la qualité des vins, les noces de Cana. On joue, pendant les heures du milieu du jour, parce que les cartes sont de toutes les fêtes dans l’Inde ; puis, dès que le soleil est sur son déclin, tout le monde va faire une longue promenade sur l’eau.
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Si la rive du lac la plus proche de Pondichéry appartient, à peu près entièrement, à l’élément européen, les trois autres rives ont aussi leurs visiteurs assidus. Ce sont les Indiens qui viennent là dans le but de se distraire et qui s’amusent à leur manière.
 
A certaines époques de l’année, j’ai vu de grandes réunions d’indigènes et même des cérémonies religieuses qui ne manquaient ni de charme ni d’originalité. Par exemple, sur une grande barque pontée, desbrahmes se
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tiennent, avec leurs dieux en bois sculpté ou en cuivre, sous des berceaux de verdure et de fleurs, entourés des musiciens de leur pagode et de leur cortège de baya- dères. Rien, je l’avoue, ne produit plus d’effet sur l’imagination que cette barque glissant lentement sur le lac.
 
C’est la nuit surtout que la mise en scène est séduisante. Les bayadères, couvertes de diamants, dansent au milieu d’un parterre improvisé, et l’éclat de leurs pierreries reflété par d’innombrables lumières est vraiment féerique. On ne rencontre que dans l’Inde ce mélange du sacré et du profane, cette combinaison perpétuelle de la danse et de la dévotion.
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Le lac d’Oussoudou avait l’honneur de le recevoir souvent sur ses bords. Les jours de courses, en sa qualité de général, F... était là comme juge du camp ; il prenait une part active aux régates, et, s’il s’agissait de danser, le magistrat improvisé se livrait à une sauterie pleine d’originalité.
 
Il faut d’ailleurs lui rendre cette justice qu’il témoignait sa reconnaissance au gouverneur par la stricte exécution de ses moindres désirs et qu’il apporta une
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notable amélioration dans le service de la police en pliant ses pions à une discipline toute militaire.
 
Quelle chance, en sa double qualité de maire et de chef de la sûreté d’être partout et de se mêler à tout, et comme F... tirait parti de la situation !
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J’ai vu disparaître de ce monde plusieurs de mes compatriotes, jeunes, pleins de santé et très-vigoureux, qui, pour ne s’être pas garanti suffisamment la tête, ont succombé à des insolations. Ceci explique pourquoi F..., une fois remarié, a renoncé à la chasse.
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CHAPITRE XXX
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Le commandant d’Agon de la Contrie attendait le passage du prochain paquebot anglais pour rentrer en France avec sa famille. Il s’entendit avec son ami F..., auquel il céda la maison qu’il avait encore plusieurs mois à occuper.
 
Mais, l’avant-veille du jour fixé pour le départ, le pauvre commandant mourut subitement : le départ de la famille fut retardé par cet événement, et F..., pressé de mettre sa lune de miel dans ses meubles, pria la veuve d’aller s’installer ailleurs, ce qu’elle fît en se lamentant de l’impatience de son ami. Mais l’ami, pour l’empire du Grand Mogol, n’aurait pas voulu condamncr
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sa jeune fiancée à passer la première nuit de ses noces à la belle étoile, ni retarder d’une heure son réengagement dans l’armée des maris.
 
Le mariage et l’organisation de la police, dont les pions ne lui présentaient pas des garanties suffisantes, lient les deux préoccupations du général, revenu à sa emière jeunesse. Il choisissait de nouveaux-pions et inculquait l’esprit militaire ; le reste du temps ap- enait à sa femme, qui lui imposa, dès les premiers
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êtes religieuses sont très-communes dans la f péninsule asiatique. Le culte de Brahma, Wich- Siva, avec leur escorte de divinités, dont le nombre celui des dieux et des déesses de l’Olympe, ab- la plupart des jours de l’année. Les mahométans vcèdont en rien aux Hindous sous ce rapport; mais fêtes ont toutes une origine guerrière et célèbrent anglantes batailles.
 
i plus importante est sans contredit celle des Yamsays Si se reproduit, pendant le mois d’octobre de chaque
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année, à l’époque du grand jeûne mahométan dit mo- haram. Les Yamsays sont des espèces de mascarades, d’une incontestable originalité. Elles sont presque toujours l’occasion de luttes quelquefois sanglantes entre les deux grandes sectes musulmanes, les sunny et les chia.
 
Le dernier jour de ce carême, qui rappelle l’ancienne descente de la Courtille, se termine par une procession tumultueuse dans laquelle figurent des gounes,sortes de mosquées en réduction, que l’on porte jusque sur le bord de l’eau et que l’on arrose avec de l’eau de mer. Les fidèles se précipitent ensuite eux-mêmes dans les flots, où, a ce qu’ils prétendent, ils se lavent de toutes les souillures.
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Les coups actuels ne le regardaient point, en effet, et il devait s’applaudir de voir ses anciens maîtres se traiter ainsi de Turc à Maure. Cependant l’origine de la fête remontait à quelque défaite de ses aïeux; la célébration régulière de ce triomphe aurait donc pu troubler sa quiétude.
 
Mais rien ne détourne de leur placidité ces populations qui, ayant vécu successivement sous des dominalions
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diverses, toutes moins commodes que celle des Européens et par cela même à jamais maudites, se félicitent surtout de voir leurs vainqueurs d’autrefois, vaincus à leur tour, n’avoir plus de privilèges, plus de faveurs, plus d’influence et, en somme, être moins riches qu’eux.
 
Ils assistent, en conséquence, sans sourciller, aux rodomontades carnavalesques des musulmans ; ils ne s’offensent point de certaines manifestations des Yamsays, visant la puissance musulmane et l’abaissement de leur race.
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Ainsi, lorsqu’éclata la révolte dirigée rar Nana-Saïb, cette révolte, provoquée par les musulmans de l’Inde, se trouva réduite aux seules forces musulmanes. Elle ne fut comprimée qu’avec peine, après une lutte assez longue. Qu’on juge du résultat qui aurait été fatalement obtenu si les forces brahmaniques y avaient pris part, si les sectateurs de la Trimourty .indienne s’étaient IcvôS’cn masse pour reconquérir leur indépendance!
 
Dans cette hypothèse, la lutte eût pris les proportions d’une guerre sainte. A. l’appel de leurs prêtres, une formidable armée, comptant ses soldats par millions, au lieu de les compter par milliera, eût étreint l’armée de lu Compagnie, et pas un Anglais peut-être
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ne serait resté vivant dans cet immense empire.
 
La haine des Hindous contre la morgue musulmane a sauvé la conquête britannique. Pas un brahme n’a fait un geste pour déchaîner le torrent, car servage pour servage, la population autocthone a préféré la domination civilisée venue d’Europe à l’arbitraire cruel et barbare venu d’Asie.
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Les assistants serrés forment, devant ce spectacle aussi varié que peu compréhensible, une barrière infranchissable. La population arrive sur la place avec un matériel de campement et des vivres. Hommes,
 
femmes
femmes et enfants s’étendent sur l’herbe et n’abandonnent leurs places que lorsque la toile tombe pour la dernière fois.
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femmes et enfants s’étendent sur l’herbe et n’abandonnent leurs places que lorsque la toile tombe pour la dernière fois.
 
Toute cette foule mange, applaudit, pousse des éclats de rire et sanglote tour à tour. Quand l’action a l’air de se ralentir, qu’une péripétie empoignante se fait trop attendre, quelques-uns se couchent sur l’herbe et font un somme, non sans avoir prié un voisin complaisant de les réveiller au bon moment.
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Eq assistant, à diverses reprises, à ces représentations sans limites, en voyant cette foule de spectateurs qu’on peut évaluer hardiment à dix ou quinze mille personnes, j’ai souvent regretté que quelques-uns de nos théâtres n’eussent pas à leur porte, chaque soir, une queue pareille ; ils pourraient se la partager entre eux, et certainement cela leur rendrait service.
 
CHAPITRE XXXI
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XXXI
 
LES BAYADÈRES
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Les pagodes ont des privilèges auxquels tiennent beaucoup et non sans raison les brahmes qui les desservent. Ces prêtres ne laissent donc échapper aucune occasion de faire leur cour au gouverneur, et, chaque année, le premier de l’an et le jour de la fête nationale, une délégation se transporte au palais, portant à la femme du gouverneur des corbeilles de fleurs et de fruits, et accompagnée des musiciens de la grande pagode et des bayaderes dans leurs plus riches atours.
 
On offre les (leurs et les fruits ; puis le gouverneur, la gouvernante et leurs invités prennent place
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sur des fauteuils à un bout de la grande galerie, et la fêle commence.
 
L’orchestre de la pagode entame ses airs monotones et les bayadères se mettent à danser, se tordant, s’étirant, se dandinant à qui mieux mieux. Ce ballet est terminé par un solo de la première danseuse de la troupe qui, laissant traîner derrière elle une longue pièce de mousseline, à peine large comme la main, se met à tourner sur elle-même.
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C’est un tour de force évidemment, mais un tour de force, qui, ne variant que parla rapidité du mouvement de rotation, devient aussi fatigant à suivre qu’il doit l’être à exécuter. On le suit des yeux avec un certain plaisir, une première et une deuxième fois, mais la curiosité satisfaite, il n’offre plus ensuite aucun attrait.
 
Les Indiens raffolent du pigeon, en mousseline bien entendu, de la musique de la pagode que les Européens
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trouvent peu harmonieuse, et surtout de leurs baya- dères, dont la danse mécanique est loin de présenter les charmes chorégraphiques du plus médiocre ballet de notre Opéra, exécuté par des élèves inexpérimentées.
 
On sait, d’ailleurs, ce que sont et ce que valent ces bayadères dont la réputation surfaite a longtemps régné sans conteste. Ce sont de toutes jeunes filles, fort belles et surtout admirablement faites, recrutées par les brahmes dans les familles croyantes et spécialement destinées au service du culte.
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Ce motif est déterminant pour les familles qui livrent leurs enfants aux représentants des dieux. Mais, en gens. habiles, les brahmes ne se contentent pas de les initier à la danse sacrée ; ils ne les consacrent point exclusivement aux cérémonies du temple ; ils leur enseignent l’art de plaire et savent tirer de leur beauté un parti peu délicat.
 
L’élevage des bayadères est, pour les brahmes, une affaire de satisfaction personnelle autant que de spéculation. La rivalité qui existe entre les diverses pagodes sert à merveille leurs projets. Le bijou, la pierre précieuse, le diamant et le rubis surtout, constituent, aux yeux des Hindous, plus que l’or et l’argent monnayés, les signes distinctifs de la richesse. Les brahmes d’une pagode mettent tout leur amour
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propre à réunir le plus de bijoux possible, non pour orner les statues de leurs divinités, mais pour en parer le cou, les oreilles, les mains et les pieds de leurs danseuses, le jour des grandes représentations.
 
La pagode qui couvre ses danseuses des plus beaux ornements est plus sainte et plus honorée que la pagode rivale. Ses prêtres obtiennent du même coup une plus grande autorité, et, par suite, jouissent d’une plus profonde estime.
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Les résidents traitent directement avec les famille* qui ne se croient nullement déshonorées en livrant leurs filles, lesquelles leur reviennent plus tard avec
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une dot consistant en bijoux. Les mœurs indiennes admettent ces unions passagères, car les jeunes filles ne trouvent à se marier d’une façon sérieuse qu’après ce stage généralement admis comme indispensable.
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C’est ce que constatait un vieux magistrat qui n’avait jamais su parler correctement le français, et qui, requérant contre des jeunes gens accusés de rixe et de tapage nocturne, disait que les prévenus étaient réellement coupables, puisqu’ils avaient appelé à eux « des bayadères et des sattinbamquiers. »
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CHAPITRE XXXII
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Il s’opposait à ce qu’on mît les pieds sur les gredinst et, quand il voulait dire que l’audience avait été envahie par la foule, il affirmait qu’il y avait eu influence
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Ces lapsus lingux n’empêchaient pas notre homme de déployer sur son siège une majestueuse attitude. Il n’était que magistrat intérimaire d’ailleurs, et, dans les colonies comme à la campagne, il est sage de se contenter de ce qu’on a.
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Voilà que son maître, simulant une plainte dont le résultat pouvait être de lui faire rendre gorge sans lui enlever le coup de pied, introduisait sa cause devant Thémis; c’était désolant. Heureusement, le vieux juge ne réclama pas la chose volée, et se borna, dans un mouvement bien senti d’équité, à s’adjugerà lui-même cinq francs d’amende pour avoir, d’un pied léger, atteint un homme en pleine dignité.
 
, II n’y a pas trop à s’étonner de l’originalité de ce juge ni de ses incorrections de langage. La société est bien mêlée. dans les colonies, et je pourrais citer tel gros négûciant de PondichéryPondiché
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ry, réalisant chaque année des bénéfices considérables, correspondant de maisons importantes de Paris, de Londres et de Marseille, entouré et chatouillé par une foule de parasites qui chantaient ses louanges du matin au soir, et à qui le défaut d’éducation inspirait des bourdes continuelles.
 
L’un de ces trafiquants que j’interrogeais un jour sur les apparences de la récolte me répliqua avec aplomb :
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— Fort bien, dit le commissaire, vous allez à Karikal ? J’ai à vous confier divers colis à remettre au chef du service.
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— Volontiers, répondit le capitaine, qu’est ce que c’est?
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Dans la galerie des originaux, je ne puis m’empêcher
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de placer un vieux magistrat, fort intègre du reste, et tout à fait digne de l’estime que ne lui ménageaient pas même ses ennemis. C’était un conseiller près la cour d’appel. Il était fils du grand Broussais; les caprices de la fortune l’avaient placé dans un état presque voisin de l’indigence, en même temps qu’un mariage d’amour lui mettait sur les bras cinq filles à doter.
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Il n’en fut rien. Le conseiller Broussais se résigna à vivre seul dans l’Inde. Il laissa en France sa famille avec laquelle il partagea son traitement, ce qui réduisit de moitié ses ressources. Autant par goût que par nécessité, il s’enferma dans sa maison comme dans une forteresse et n’en sortit que pour aller à la Cour.
 
Le reste du temps, la nuit surtout, on apercevait sa grande silhouette aller et venir sur sa terrasse à la façon de l’ours Martin dans sa fosse. Cette solitude ne fatiguait point Broussais parce qu’elle était tout à fait volontaire, et il en profita pour se livrer à de mystérieuses rêveries qu’il transformait en innombrablesmysté
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rieuses rêveries qu’il transformait en innombrables
 
volumes.
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On se rendit au bois de Vincennes, le matin à la première heure; on se mit en garde et le capitaine marchand tomba. Le négociant ramassa ses habits, revint à Paris, entassa dans une malle tout ce qui lui tomba sous la main en linge et en vêtements, prit le premier train partant pour Marseille, monta sur un paquebot qui chauffait et arriva en quelques jours à Alexandrie.
 
Ne se trouvant pas assez loin du théâtre du meurtre, il traversa l’Egypte et s’embarqua à Suez sur le steamer
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des Indes. A bord, un voyageur français auquel il conta son cas lui conseilla de se rendre tout simplement à Pondichéry, où il vivrait avec des compatriotes et ne serait pas tracassé.
 
Lorsque j’y arrivai, il attendait que son affaire fût terminée en France. Il lui tardait de rentrer, car il’avait laissé sa maison en désarroi. Mais, et ceci fait l’éloge de son cœur, il se désolait d’avoir tué un homme.
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— Je suis enchanté du résultat, répliqua le négociant.
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— Nous alignons-nous encore ?
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CHAPITRE XXXIII
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UN SAUVAGE CIVILISÉ
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L... avait été placé à la direction du domaine, seule administration ouverte dans nos départements d’outremer à ceux qui ne font pas partie de la hiérarchie maritime. Fatigué autant que dégoûté, à force d’avoir vécu
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vite, à l’exemple de beaucoup d’autres, L... venait de
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Ramassant quelques bribes de sa’ trop courte opulence, il se rendit en Amérique. Il espérait trouver ce qu’il cherchait dans quelqu’une de ces petites républiques encore mal assises dans leur autonomie et livrées à des révolutions périodiques, nécessaires peut- être à la constitution des nationalités et des peuples, comme, en matière d’hygiène, l’expulsion violente des humeurs est indispensable au corps humain.
 
Notre homme devint tour à tour corsaire, négrier, marchand d’esclaves. Une fois, sa barque fut coulée avec
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toute sa cargaison ; il échappa seul au naufrage et gagna la côte voisine à la nage. :
 
Une autre fois il fut pris en flagrant délit de traite, mis en prison, jugé et condamné à être pendu. Il descella les barreaux de sa prison et se sauva au moment décisif, non sans avoir assommé d’un coup de poing un gardien qui avait eu l’imprudence de le poursuivre.
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Il grava ce programme dans sa tête et commença à le
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mettre à exécution. Avec l’énergie de son caractère, il serait allé jusqu’au bout ; lorsque le soir, à la lueur du crépuscule, il aperçut au large un corps mobile qui se balançait sur les flots. Ce pouvait être une barque ; comme elle était loin encore, et qu’il manquait de patience, il remit au lendemain pour la reconnaître et s’endormit.
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— C’est juste, milord, j’ai donc l’honneur de vous présenter L..., — c’est moi, — ex-richenaturel de Paris, exnégrier, ex-corsaire, ex-traitant, ayant en perspective pour le moment une potence et hors d’état de vous offrir mieux qu’une hospitalité archi-écossaise.
 
— Je vous présente à mon tour, répliqua l’Anglais, sir Williams G..., ex-riche naturel de Londres, ex-négrier, ex-corsaire, ex-traitant, ne possédant au monde que
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cette mauvaise barque qui l’a soustrait aux bras amoureux d’une potence à laquelle on l’avait fiancé.
 
— Ah! bah! s’écria L..., et d’où venez-vous, cher confrère ?
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— Je n’en ai aucune : la vie est bête partout ; les gens, qu’ils soient civilisés ou non, sont odieusement méchants ; je déteste le monde, les hommes et les femmes surtout ; mon intention est de me cacher dans quelque bois touffu et impénétrable et d’y mourir le plus tôt possible.
 
— C’est la proposition que j’allais vous faire. Comme vous, je n’ai plus rien à attendre de la société ; j’ai vidé d’un trait la coupe des plaisirs, il ne me reste qu’une douzaine de guinées. Allons au Brésil ; nous emploierons
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mes capitaux à acheter des armes de pacotille, des ustensiles de chasse et de pêche : nous vivrons dans quelque forêt vierge, où personne ne viendra nous déranger.
 
— C’est ça, faisons-nous sauvages : j’ai toujours senti de la vocation pour cet état.
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— Bâtissons notre ’wigvam dans ce lieu agreste et restons-y jusqu’à l’éternité.
 
Les premiers jours, ils s’y plurent beaucoup, mais
=== no match ===
mais