« Continuation des Amours (1555) » : différence entre les versions

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'''I '''
<poempre>
Thiard, chacun disoit à mon commencement
Que j'estoi trop obscur au simple populaire:
Aujourd'hui, chacun dit que je suis au contraire,
Ligne 23 :
Ce monstrueux Prothé, qui se change à tous cous?
Paix, paix, je t'enten bien: il le faut laisser dire,
Et nous rire de lui, comme il se rit de nous.</poempre>
 
'''II '''
<poempre>
Jodelle, l'autre jour, l'enfant de Cytherée
Au combat m'apela, courbant son arc Turquois,
Ligne 40 :
Quand je me vi vaincu, je me désarmé lors:
Car, las! que m'eust servi de m'armer par dehors,
Ayant mon ennemi caché dedans moimesme.</poempre>
 
'''III '''
<poempre>
Ce pendant que tu vois le superbe rivage
De la riviere Tusque, et le mont Palatin,
Ligne 57 :
Et ne veus confesser qu'Amour soit malheureux,
Ou si c'est un malheur, baste, je delibere
De vivre malheureus en si belle misere.</poempre>
 
'''IV '''
<poempre>
Peletier mon ami, le tems leger s'enfuit,
Je change nuit et jour de poil et de jeunesse:
Ligne 74 :
Car, bien qu'ores au ciel ton cueur soit elevé,
Si as-tu quelquefois d'une dame esté pris.
Et pour dieu! conte-moi comme tu t'es sauvé.</poempre>
 
'''V '''
<poempre>
Aurat, apres ta mort, la terre n'est pas digne
Pourrir si docte cors, comme est vraiment le tien.
Ligne 91 :
De tous (car un pour toi sufisant ne me semble)
Et d'homme seras fait un beau monstre nouveau
De voix, cigne, cigalle, et de mouche, et d'oyseau.</poempre>
 
'''VI '''
<poempre>
E, n'esse, mon Paquier, é n'esse pas grand cas,
Bien que le corps party de tant de membres j'aye,
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Ne se viendroient ficher au coeur en mesme lieu.
Armerai-je le mien? non, car des traits d'un Dieu
Il me plaist bien mourir, puis qu'il fault que je meure. </poempre>
 
'''VII '''
<poempre>
Marie, qui voudroit vostre beau nom tourner,
Il trouveroit Aimer: aimez-moi donq, Marie,
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Sans gouster la douceur des douceurs la meilleure.
E, qu'est-il rien de doux sans Venus? las! à l'heure
Que je n'aimeray point puissai-je trépasser!</poempre>
 
'''VIII '''
<poempre>
Marie, vous passez en taille, et en visage,
En grace, en ris, en yeus, en sein, et en teton,
Ligne 142 :
Mais quand vous aprochez, lors sa beauté s'enfuit,
Ou morne elle devient par la vostre presente,
Comme les astres font quand la Lune reluit. </poempre>
 
'''IX '''
<poempre>
Marie, à tous les coups vous me venez reprendre
Que je suis trop leger, et me dites tousjours.
Ligne 159 :
Les hommes maladis, ou mattés de vieillesse,
Doivent estre constans: mais sotte est la jeunesse
Qui n'est point eveillée, et qui n'aime en cent lieus.</poempre>
 
'''X '''
<poempre>
Marie, vous avés la joue aussi vermeille
Qu'une rose de Mai, vous avés les cheveus
Ligne 176 :
De Junon sont vos bras, des Graces vostre sein,
Vous avés de l'Aurore et le front, et la main,
Mais vous avés le coeur d'une fiere lionne.</poempre>
 
'''XI '''
<poempre>J
Je ne suis seulement amoureus de Marie,
Janne me tient aussy dans les liens d'Amour,
Ligne 193 :
Quant à moi, seulement je leur baise la main,
Je devise, je ry, je leur taste le sein,
Et rien que ces biens là d'elles je ne demande.</poempre>
 
'''XII '''
<poempre>
Amour estant marri qu'il avoit ses saigettes
Tiré contre Marie, et ne l'avoit blessée,
Ligne 210 :
Mais il rioit en vain: car ces filles du ciel
En lieu de la piquer, baisans son beau visage,
En amassoyent les fleurs, et en faisoyent du miel.</poempre>
 
'''XIII '''
<poempre>
Je veuls, me souvenant de ma gentille amie,
Boire ce soir d'autant: et pource Corydon
Ligne 227 :
On me caille du lait rougi de mainte fraise:
E n'esse pas bien fait? or sus, commençon donq,
Et chasson loin de nous tout soing et tout malaise.</poempre>
 
'''XIV '''
<poempre>
Que me servent mes vers, et les sons de ma lyre,
Quand nuit et jour je change et de meurs et de peau,
Ligne 244 :
Elle n'aimoit que moi: mais or que j'ai empris
De l'aimer, el' me laisse, et s'en court à la chasse
Pour en reprendre un autre ainsi qu'elle m'a pris.</poempre>
 
'''XV '''
<poempre>
Ma plume sinon vous ne scait autre suget,
Mon pié sinon vers vous ne scait autre voiage,
Ligne 261 :
Cent fois que je ne dy, et plustost que de faire
Chose qui peut en rien nostre amytié defaire,
J'aimerois mieux mourir, tant j'aime vos beaux yeus.</poempre>
 
'''XVI '''
<poempre>
Vous ne le voulez pas? et bien, j'en suis contant,
Contre vostre rigueur Dieu me doint patience,
Ligne 278 :
Je pardonne à moimesme, et m'ay pour excusé:
Car vous qui me trompés en estes coutumiere,
Et qui pis est, sur toute en beauté la premiere.</poempre>
 
'''XVII'''
<poempre>
Le vintiéme d'Avril couché sur l'herbelette,
Je vy, ce me sembloit, en dormant un chevreuil,
Ligne 295 :
Mais en suivant son trac, je ne m'avisay pas
D'un piege entre les fleurs, qui me lia mes pas,
Et voulant prendre autrui moimesme me fis prendre.</poempre>
 
'''XVIII '''
<poempre>
Bien que vous surpassiés en grace et en richesse
Celles de ce païs, et de toute autre part,
Ligne 312 :
Que luy, pour vous ouir, s'aproche à vôtre oreille,
Et qu'il baise à tous coups vôtre bouche vermeille
Au milieu des propos, d'autant qu'il en est prés.</poempre>
 
'''XIX '''
<poempre>
Mais respons, meschant Loir, me rens-tu ce loier,
Pour avoir tant chanté ta gloire et ta louange?
Ligne 329 :
Ton cours, à tout jamais du los qui de moi part,
Tu m'as voulu noier, afin d'estre nommé,
En lieu du Loir, le fleuve où se noya Ronsard.</poempre>
 
'''XX '''
<poempre>
Amour, tu me fis voir, pour trois grandes merveilles,
Trois seurs, allant au soer, se pourmener sur l'eau,
Ligne 346 :
Et priois le Soleil de n'enmener le jour:
Car ma veüe en trois ans n'eust pas esté lassée
De voir ces trois Soleilz qui m'enflamoient d'amour.</poempre>
 
'''XXI '''
<poempre>
Mon ami puisse aimer une femme de ville,
Belle, courtoise, honeste, et de doux entretien:
Ligne 363 :
Vous l'aurez beau préscher, et dire qu'elle est belle,
Sans s'esmouvoir de rien, vous entendra pres d'elle
Parler un jour entier, et ne respondra mot.</poempre>
 
'''XXII '''
<poempre>
Je crois que je mouroi' si ce n'estoit la Muse
Qui deçà et delà fidelle m'acompaigne
Ligne 380 :
Le tin ne fleurit pas aus abeilles si dous
Comme leurs beaus presens me sont doux à la bouche,
Desquels les bons esprits ne furent jamais saouls.</poempre>
 
'''XXIII '''
<poempre>
Mignongne, levés-vous, vous estes paresseuse,
Ja la gaye alouette au ciel a fredonné,
Ligne 397 :
Ian, je vous punirai du peché de paresse,
Je vois baiser cent fois vostre oeil, vostre tetin,
Afin de vous aprendre à vous lever matin.</poempre>
 
'''XXIV '''
<poempre>
Bayf, il semble à voir tes rymes langoreuses,
Que tu sois seul amant, en France, langoreus,
Ligne 414 :
Non, celui n'aime point, ou bien il aime peu,
Qui peut donner par signe à cognoistre son feu,
Et qui peut raconter le quart de ce qu'il aime.</poempre>
 
'''XXV '''
<poempre>
Je ne suis variable, et si ne veus apprendre
(Desja grison) à l'estre, aussi ce n'est qu'émoi:
Ligne 431 :
L'amant est bien guidé d'une heure malheureuse,
Quand il trouve son mieus, si son mieus il ne prent,
Sans languir tant es bras d'une vieille amoureuse.</poempre>
 
'''XXVI '''
<poempre>
C'est grand cas que d'aimer! Si je suis une année
Avecque ma maitresse à deviser toujours,
Ligne 448 :
De baiser, de taster, de rire, et de parler:
Car pour estre cent ans aupres de ma maitresse
Cent ans me sont trop cours, et ne m'en puis aller.</poempre>
 
'''XXVII '''
<poempre>
E, que me sert, Paschal, ceste belle verdure
Qui rit parmi les prés, et d'ouir les oiseaus,
Ligne 465 :
Ainçois de me hayr, puis que je n'ay pouvoir
En ce beau mois d'Avril entre mes bras d'avoir
Celle qui dans ses yeus tient ma mort et ma vie.</poempre>
 
==Sonetz en vers de dix à onze syllabes==
 
'''XXVIII'''
<poempre>
Je ne saurois aimer autre que vous,
Non, Dame, non, je ne saurois le faire:
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Il me faudroit refaire d'autres venes,
Les miennes sont de vostre amour si plenes,
Qu'un autre amour n'y sauroit plus tenir.</poempre>
 
<poem>'''XXIX '''
<pre>
Pour aimer trop une fiere beauté,
Je suis en peine, et si ne saurois dire
Ligne 501 :
E, Dieu du ciel, é qui ne le prendroit,
Quand seulement de son baiser un Prince,
Voire un grand Roy, bien heureus se tiendroit. </pre>
 
'''XXX '''
<pre>
E, que je porte et de hayne et d'envie
Au medecin qui vient soir et matin
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Qui fait semblant de la venir penser:
Que pleust à Dieu, pour l'en recompenser,
Qu'il eust ma peine, et qu'elle fust guarie. </pre>
 
'''XXXI '''
<pre>
Dites maitresse, é que vous ai-je fait?
E, pourquoy las! m'estes vous si cruelle?
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Mais je voi bien que vous avez envie
De me tuer: faites-moy donq mourir,
Puis qu'il vous plaît, car à vous est ma vie. </pre>
 
'''XXXII '''
<pre>
Chacun qui voit ma couleur triste et noire
Me dit, Ronsard, vous estes amoureus.
Ligne 549 ⟶ 552 :
Qu'elle s'esbat de me voir en langueur:
Et plus de moi je lui donne asseurance,
Moins me veut croire, et m'appelle un moqueur. </pre>
 
'''XXXIII '''
<pre>
Plus que jamais je veus aimer, maitresse,
Vôtre oeil divin, qui me detient ravy
Ligne 565 ⟶ 569 :
Quand je mourois d'un mal si gracieus:
Car rien ne peut venir de voz beaus yeus
Qui ne me soit trop plus cher que la vie. </pre>
 
'''XXXIV '''
<pre>
Quand ma maitresse au monde print naissance,
Honneur, Vertu, Grace, Savoir, Beauté
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L'accord fut fait: et plus soudainement
Qu'il ne l'eut dit, toutes également
En son beau cors pour jamais prindrent place. </pre>
 
'''XXXV '''
<pre>
Je vous envoye un bouquet de ma main
Que j'ai ourdy de ces fleurs epanies:
Ligne 597 ⟶ 603 :
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts n'en sera plus nouvelle:
Pour-ce aimés moi, ce pendant qu'estes belle. </pre>
 
'''XXXVI '''
<pre>
Gentil barbier, enfant de Podalyre,
Je te supply, seigne bien ma maitresse,
Ligne 613 ⟶ 620 :
Ha c'est assez, cesse gentil barbier,
Ha je me pâme! et mon ame estonnée
S'evanouist en voiant son meurtrier. </pre>
 
'''XXXVII '''
<pre>
J'aurai tousjours en une hayne extréme
Le soir, la chaire, et le lit odieus,
Ligne 629 ⟶ 637 :
J'auray tousjours cette lettre en horreur,
Dont pour adieu sa main tendre et vermeille
Me feit present pour me l'empreindre au coeur. </pre>
 
'''XXXVIII '''
<pre>
E, Dieu du ciel, je n'eusse pas pensé
Qu'un seul depart eust causé tant de pene!
Ligne 645 ⟶ 654 :
Tel, que ma main m'occiroit à cette heure,
Sans un penser que j'ai de la revoir,
Et ce penser garde que je ne meure. </pre>
 
'''XXXIX '''
<pre>
Ha, petit chien, que tu serois heureus
Si ton bon heur tu sçavois bien entendre,
Ligne 661 ⟶ 671 :
Je ne serois chetif comme je suis,
Le trop d'esprit ne me seroit domage,
Et ne pourrois comprendre mes ennuis. </pre>
</poem>
 
==Sonetz en vers heroiques ==
<poem>
'''XL '''
 
'''XL '''
<pre>
D'une belle Marie en une autre Marie,
Belleau, je suis tombé, et si dire ne puis
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E, ne sçais-tu, Belleau, que deux ancres getées
Dans la mer, quand plus fort les eaus sont agitées,
Tiennent mieus une nef qu'une ancre seulement? </pre>
 
'''XLI '''
<pre>
Quand je serois un Turc, un Arabe, ou un Scythe,
Pauvre, captif, malade, et d'honneur devestu,
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Si tu veus donq aimer, il faut baisser ton coeur:
Ne sçais-tu que Venus (bien qu'elle fust divine)
Jadis pour son ami choisit bien un pasteur? </pre>
 
'''XLII '''
<pre>
Dame, je ne vous puis ofrir à mon depart
Sinon mon pauvre coeur, prenés-le je vous prie:
Ligne 713 ⟶ 724 :
Il m'aura beau conter sa peine et son malaise,
Comme il fut paravant plus mien il ne sera,
Car je ne veus rien voir chés moi, qui vous deplaise. </pre>
 
'''XLIII '''
<pre>
Rossignol mon mignon, qui dans cette saulaye
Vas seul de branche en branche à ton gré voletant,
Ligne 729 ⟶ 741 :
Car tu flechis t'amie au dous bruit de tes sons,
Mais la mienne, qui prent à dépit mes chansons,
Pour ne les escouter se bouche les oreilles. </pre>
 
'''XLIV '''
<pre>
Si vous pensés que Mai, et sa belle verdure
De vôtre fievre quarte effacent la langueur,
Ligne 745 ⟶ 758 :
E, vraiment c'est bien dit; é, vous voulez garir,
Et si ne voulez pas vôtre amant secourir,
Que vous gaririez bien seulement d'une oeillade. </pre>
 
'''XLV '''
<pre>
J'ay cent fois desiré et cent encores d'estre
Un invisible esprit, afin de me cacher
Ligne 761 ⟶ 775 :
Que les flammes d'Amour vous y allumeriez:
Puis quand je les voirrois de son feu toutes plenes,
Je redeviendrois homme, et lors vous m'aimeriez. </pre>
 
'''XLVI '''
<pre>
Pour-ce que tu sçais bien que je t'aime trop mieus,
Trop mieus dix mille fois que je ne fais ma vie,
Ligne 777 ⟶ 792 :
Jurer que je suis tien: helas! que doi-je faire?
Tout ainsi qu'on garist un mal par son contraire,
Si je te haïssois, soudain tu m'aimerois. </pre>
 
'''XLVII '''
<pre>
Quand je vous dis adieu, Dame, mon seul apuy,
Je laissé dans voz yeus mon coeur pour sa demeure
Ligne 793 ⟶ 809 :
Ou bien si vous voyés que je ne sois pas digne
D'avoir chés moi le vôtre, aumoins rendés le mien,
Car sans avoir un coeur je ne saurois plus vivre. </pre>
 
'''XLVIII '''
<pre>
Tu as beau, Jupiter, l'air de flammes dissouldre,
Et faire galloper tes haux-tonnans chevaus,
Ligne 809 ⟶ 826 :
Et je ne suis plus rien (ô estrange meschef)
Qu'un Terme qui ne peut voir, n'oüyr, ni entendre,
Tant la foudre d'amour est cheute sus mon chef. </pre>
 
'''XLIX '''
<pre>
Donques pour trop aimer il fault que je trépasse,
La mort, de mon amour sera donq le loyer:
Ligne 825 ⟶ 843 :
Qui redemandera mon sang versé à tort?
E, di, ne crains-tu point la troupe vengeresse
Des Soeurs, qui puniront ton crime apres la mort? </pre>
 
'''L '''
<pre>
Veus-tu sçavoir, Brués, en quel estat je suis?
Je te le conterai: d'un pauvre miserable
Ligne 841 ⟶ 860 :
Un moment de repos: et plus je ne sens vivre
L'esperance en mon coeur, mais le seul desespoir
Qui me guide à la mort, et je le veus bien suivre. </pre>
 
'''LI '''
<pre>
Ne me di plus, Imbert, que je chante d'Amour,
Ce traistre, ce mechant; comment pouroi-je faire
Ligne 857 ⟶ 877 :
Et le baise, et s'en joue: et moi, bien que je sois
Aupres de mon plaisir, seulement de la bouche
Ni des mains, tant soit peu, toucher ne l'oserois. </pre>
 
'''LII '''
<pre>
Quiconque voudra suivre Amour ainsi que moi,
Celui se delibere en penible tristesse
Ligne 873 ⟶ 894 :
Je croi que Dieu les feit afin de nuire à l'homme:
"Il les feit, Pardaillan, pour nostre malheur, comme
Les tygres, les lyons, les serpens, et les lous. </pre>
 
'''LIII '''
<pre>
J'avois cent fois juré de jamais ne revoir
(O serment d'amoureus) l'angelique visage
Ligne 889 ⟶ 911 :
Je sçai bien que je fais ce que je ne doy faire,
Je sçay bien que je sui de trop folles amours:
Mais quoy, puis que le ciel delibere au contraire. </pre>
 
'''LIV '''
<pre>
Ne me sui point, Belleau, allant à la maison
De celle qui me tient en douleur nompareille:
Ligne 905 ⟶ 928 :
Il suffist que sans toi je sois seul miserable:
Reste sain, je te pri, pour estre secourable
A ma douleur extréme, et m'y donner conseil. </pre>
 
'''LV '''
<pre>
Si j'avois un hayneus qui me voulust la mort
Pour me venger de luy je ne voudrois lui faire
Ligne 921 ⟶ 945 :
Mais cette-cy en-roche, englace, en-eaue, en-foue
Ceus qui ozent sans peur de ses yeus approcher:
Et si en les tuant vous diriez qu'el' se joue. </pre>
 
'''LVI '''
<pre>
Amour se vint cacher dans les yeus de Cassandre,
Comme un tan, qui les boeufs fait mouscher par les bois,
Ligne 938 ⟶ 963 :
De la vouloir garir, mais tel est son efort
Que je voy bien qu'il faut que maugré moi je l'aye,
Et que pour la garir le remede est la mort. </pre>
 
'''LVII '''
<pre>
Dame, je meurs pour vous, je meurs pour vous, ma dame,
Dame, je meurs pour vous, et si ne vous en chaut:
Ligne 954 ⟶ 980 :
Et mes yeus trop cavés, et mon coeur plein d'esmoi:
E, que feroi-je plus, puis que nulle creance
Il ne vous plait donner aus tesmoins de ma foy? </pre>
 
'''LVIII '''
<pre>
Il ne sera jamais, soit que je vive en terre,
Soit qu'aus enfers je sois, ou là-haut dans les cieus,
Ligne 970 ⟶ 997 :
Comme ma Dame a paint d'une espingle poignante
Mon sort sus le lierre: é Dieu, qu'amour est fin!
Est-il rien qu'en aimant une Dame n'invente. </pre>
 
'''LIX '''
<pre>
J'aurai toujours au coeur attachés les rameaus
Du lierre, où ma Dame oza premier écrire
Ligne 986 ⟶ 1 014 :
Quand sus les bords de Die Ariadne laissée
Luy feit sçavoir par toi ses amoureus ennuys,
Ecrivant dessus toi s'amour et sa pensée. </pre>
 
'''LX '''
<pre>
Je mourois de plaisir voyant par ces bocages
Les arbres enlassés de lierres épars,
Ligne 1 002 ⟶ 1 031 :
Je mourois de plaisir, où je meurs de soucy,
Ne voyant point les yeus d'une que je souhette
Seule, une heure en mes bras en ce bocage icy. </pre>
 
'''LXI '''
<pre>
A pas mornes et lents seulet je me promene,
Non-challant de moi-mesme: et quelque part que j'aille
Ligne 1 018 ⟶ 1 048 :
Puis, quand je seray mort, plus ne sentiray rien
(Tu m'auras beau pincer) que ta rigueur me face,
Ma dame, ni amour: car rien ne sent un mort. </pre>
 
'''LXII '''
<pre>
Pourtant si ta maitresse est un petit putain,
Tu ne dois pour cela te courrousser contre elle
Ligne 1 034 ⟶ 1 065 :
Et si ne laissa pas de faire amour diverse.
Endure donc, Ami, car tu ne vaus pas mieus
Que Catulle valut, que Tibulle et Properce. </pre>
 
'''LXIII '''
<pre>
Amour, voiant du ciel un pescheur sur la mer,
Calla son aisle bas sur le bord du navire,
Ligne 1 050 ⟶ 1 082 :
Oustés-vous, ne bruslés mes ondes, je vous prie:
N'aiés peur, dit Amour, car je n'ay plus de feu,
Tout le feu que j'avois est aus yeus de Marie. </pre>
 
'''LXIV '''
<pre>
Calliste mon amy, je croi que je me meurs,
Je sens de trop aimer la fievre continue,
Ligne 1 066 ⟶ 1 099 :
Que diette, ne just, ni section de vene
Ne me sauroient garir, car de la seule mort
Depend, et non d'ailleurs, le secours de ma pene. </pre>
 
'''LXV '''
<pre>
Je veus lire en trois jours l'Iliade d'Homere,
Et pour-ce; Corydon, ferme bien l'huis sur moi:
Ligne 1 082 ⟶ 1 116 :
Je veus tanseulement à lui seul me monstrer:
Au reste, si un Dieu vouloit pour moi descendre
Du ciel, ferme la porte, et ne le laisse entrer. </pre>
 
'''LXVI '''
<pre>
J'ai l'ame pour un lit de regrets si touchée,
Que nul, et fusse un Roy, ne fera que j'aprouche
Ligne 1 098 ⟶ 1 133 :
Et dedans ses cheveus choysissoient leur demeure.
J'en ai tel souvenir que je voudrois qu'à l'heure
(Pour jamais n'y penser) son oeil m'eust fait rocher. </pre>
 
'''LXVII '''
<pre>
Douce, belle, gentille, et bien fleurente Rose,
Que tu es à bon droit à Venus consacrée,
Ligne 1 114 ⟶ 1 150 :
De toi les Nymphes ont les coudes et le sein:
De toi l'Aurore emprunte et sa joue, et sa main,
Et son teint celle-là qui d'Amour est la mere. </pre>
 
'''LXVIII Sonnet en dialogue.'''
<pre>
R. Que dis-tu, que fais-tu, pensive tourterelle
Desus cest arbre sec? T. Helas je me lamente.
Ligne 1 130 ⟶ 1 167 :
R. O gentils oysellets, que vous estes heureus
D'aimer si constamment, qu'heureus est vôtre coeur,
Qui, sans point varier, est tousjours amoureus! </pre>
 
'''LXIX '''
<pre>
Le sang fut bien maudit de ceste horrible face
Qui premier engendra les serpens venimeus:
Ligne 1 146 ⟶ 1 184 :
Pour la blesser à mort de son venin infect;
Et lors je m'écriay, pensant qu'il nous eut faict
Moi, un second Orphée, et elle, une Eurydice. </pre>
 
'''LXX '''
<pre>
Marie, tout ainsi que vous m'avés tourné
Mon sens, et ma raison, par vôtre voix subtile,
Ligne 1 162 ⟶ 1 201 :
Mais, me rendant à vous, vous me manquez de foy,
Et si me traités mal, et sans m'outer de peine
Tousjours vous me liés, et triomphés de moi.</poempre>