« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Christ(Jésus) » : différence entre les versions

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=== CHRIST (Jésus) ===
 
Nous ne tenterons pas de faire l'histoirel’histoire des premières
représentations peintes ou sculptées de Jésus-Christ, après les travaux des
Ciampini, des Eckel, des Ducange, des Bottari, des Bosio, des d'Agincourtd’Agincourt,
et ceux plus récents de M. Raoul Rochette<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]], de M. Didron<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]], des
RR. PP. Martin et Cahier<span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]]. Avant l'époquel’époque dont nous nous occupons
particulièrement, les représentations du Sauveur sont diverses; les plus
anciennes, celles que l'onl’on trouve dans les catacombes de Rome et sur les
sarcophages chrétiens, nous montrent Jésus sous la forme d'und’un jeune
homme imberbe, portant le vêtement romain, la tête nue avec de longs
cheveux ou ceinte d'und’un diadème ou d'uned’une bandelette, et tenant à la main
le <i>volumen</i> antique roulé. Cependant, dès une époque reculée, on prétendait
posséder des portraits authentiques de Jésus-Christ. Saint Jean
Damascène dit qu'unequ’une tradition accréditée de son temps reconnaissait
un portrait de Jésus empreint sur un morceau d'étoffed’étoffe par le Sauveur
lui-même pour satisfaire au désir d'Abgared’Abgare, roi d'Édessed’Édesse. Pendant les
premiers siècles de l'Églisel’Église, il circulait un signalement (apocryphe il est
vrai) de Jésus, envoyé par Lentulus au sénat; ce signalement, par son
ancienneté, sinon par son origine plus que douteuse, n'enn’en a pas moins
une grande valeur, car il est mentionné par les premiers Pères de l'Églisel’Église,
et servit de type aux images adoptées plus tard par les Églises grecque et
latine. «Cet homme, dit le signalement attribué à Lentulus, est d'uned’une
taille haute et bien proportionnée; sa physionomie est sévère et pleine de
puissance, afin que ceux qui le voient puissent l'aimerl’aimer et le craindre en
même temps. Ses cheveux sont couleur de vin, et, jusqu'àjusqu’à la racine des
oreilles, sont longs et sans reflets. Mais, des oreilles aux épaules, ils sont
bouclés et brillants; à partir des épaules, ils descendent sur le dos, divisés
en deux parties, à la façon des Nazaréens. Front uni et pur; face sans
tache, tempérée d'uned’une certaine rougeur. Son aspect est modeste et
gracieux, son nez et sa bouche irréprochables. Sa barbe est abondante,
de la couleur des cheveux, et bifurquée. Ses yeux sont bleus<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]] et très-brillants.
S'ilS’il reprend ou blâme, il est redoutable; s'ils’il instruit ou exhorte,
sa parole est aimable et insinuante. Son visage joint une grâce merveilleuse
à la gravité. Personne ne l'al’a vu rire une seule fois, pas même
pleurer<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]].
D'uneD’une taille svelte, ses mains sont longues et belles, ses bras charmants.
Grave et mesuré dans ses discours, il est sobre de paroles. De visage, il
est le plus beau des enfants des hommes<span id="note6"></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]].» Tous les artistes chrétiens du
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la peinture occidentales avant cette époque, passablement grossières,
empreintes des traditions romaines ou byzantines, suivant que les écoles
de sculpteurs subissaient l'unel’une ou l'autrel’autre de ces deux influences. Sauf
quelques traits caractéristiques, comme la longueur des cheveux, la
nudité des pieds, le nimbe crucifère, le geste et la présence de quelques
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la tunique simple, longue ou double; le manteau se rapproche du <i>pallium</i>
grec ou de la toge romaine. Mais, à la fin du XI<sup>e</sup> siècle, les riches abbayes
françaises qui avaient des rapports fréquents avec la Lombardie, où s'étaits’était
réunie une école d'artistesd’artistes grecs, et même avec l'Orientl’Orient, firent venir dans
leurs monastères des peintres et des sculpteurs, qui bientôt formèrent en
France une école qui surpassa ses maîtres (voy. [[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Sculpture |Statuaire ]]) et parcourut
une longue et brillante carrière. Ces artistes non-seulement introduisirent
chez nous la pratique de l'artl’art, mais aussi des types formés, consacrés
depuis longtemps déjà en Orient; types que le génie occidental modifia
bientôt, sans cependant s'ens’en écarter tout à fait. Et pour ne parler ici que
da la représentation du Christ, nous voyons, sur le portail intérieur de la
célèbre église de Vézelay, un immense tympan au milieu duquel est
représenté le Sauveur dans sa gloire, entouré des douze apôtres. Cette
figure, de dimension colossale, est évidemment exécutée sous l'inspirationl’inspiration
d'artistesd’artistes byzantins, si ce n'estn’est par eux-mêmes. L'attitudeL’attitude, les vêtements,
le <i>faire</i> ne rappellent en rien les grossières et lourdes sculptures françaises
antérieures à cette époque, empreintes des dernières traditions de la
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Nous donnons (1) une copie de cette sculpture, étrange mais imposante
à la fois. Ce Christ est vêtu d'uned’une longue robe flottante, plissée à petits
plis suivant un usage oriental fort ancien et conservé jusqu'àjusqu’à nos jours.
La brise semble soulever les longs plis de la robe. Le <i>pallium</i> ne rappelle
en rien, ni comme forme, ni comme façon de le porter, le manteau
romain ou franc. Le col est découvert; les manches de la tunique sont
larges, un peu fendues à leur extrémité et très-ouvertes. Quant à la face
du fils de Dieu, elle offre un type tout nouveau alors pour l'Occidentl’Occident. Les
yeux sont légèrement relevés vers leurs extrémités, saillants; les joues
longues et plates, le nez très-fin et droit, la bouche petite et les lèvres
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courte, fournie, soyeuse et divisée en deux pointes.
 
Ce type, l'unl’un des premiers peut-être introduits en France à la fin du
XI<sup>e</sup> siècle ou au commencement du XII<sup>e</sup>, dut être regardé, à cette époque,
comme une œuvre remarquable, car nous le voyons reproduit, mais par
des artistes grossiers, sur le tympan de la cathédrale d'Autund’Autun, postérieure
de quelques années à la nef de Vézelay, puis à l'abbayel’abbaye de Charlieu, puis
enfin dans beaucoup d'églisesd’églises secondaires; mais en se divulguant ainsi,
il perd de son caractère byzantin et reprend quelque chose aux vieilles
traditions romaines. Évidemment les sculpteurs indigènes, tout en voulant
imiter ces sculptures importées chez eux, ne pouvaient abandonner
complètement les anciennes méthodes et ne faisaient que les modifier.
Cet art byzantin ne convenait pas à l'espritl’esprit des populations occidentales;
il était trop hyératique; l'observationl’observation de la nature, le besoin de l'imitationl’imitation,
du vrai, l'amourl’amour pour le dramatique, devaient exercer une influence
salutaire d'abordd’abord, déplorable quand elle tomba dans l'excèsl’excès. Cependant,
cette introduction d'und’un art étranger avait eu un grand résultat; elle
formait de bons praticiens, car cette figure du Christ dont nous venons de
donner une copie est exécutée avec une adresse de main
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soumis à une forme hyératique. Ce qui se produisait en France pour la
sculpture se produisait également pour la peinture. Les fresques de
l'églisel’église abbatiale de Saint-Savin près Poitiers, qui datent à peu près de la
même époque que le bas-relief de Vézelay, dénotent une influence byzantine
prononcée, au moins dans la représentation des personnages sacrés;
celles qui se voyaient encore dans la cathédrale du Puy-en-Vélay, il y a
quelques années, se rapprochaient encore davantage des types grecs. Ce
n'estn’est pas à dire que nous regardions les peintures de Saint-Savin ou du
Puy comme ayant été exécutées par des artistes grecs; il est certain, au
contraire, qu'ellesqu’elles sont l'œuvrel’œuvre de peintres occidentaux. Le geste dramatique
n'an’a rien de byzantin; c'estc’est seulement dans la méthode, dans les
procédés et quelques types, comme celui du Christ, que la trace des arts
d'Orientd’Orient se fait sentir. La fig. 2 nous dispensera de plus longues dissertations
sur cet objet. Nous aurons l'occasionl’occasion de revenir sur ces influences
d'écolesd’écoles au mot [[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Peinture |Peinture ]].
 
C'estC’est surtout dans les représentations du Christ triomphant, au milieu
de sa gloire, qu'ilqu’il faut étudier la physionomie donnée, pendant le moyen
âge, au fils de Dieu; car c'estc’est en traitant ce sujet que les artistes se sont
appliqués à rendre les traits et le port donnés au Sauveur par la tradition.
</div>
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Pendant la période romane, jusque vers la fin du XII<sup>e</sup> siècle, le Christ
triomphateur, figuré en sculpture ou peinture, est ordinairement entouré
du nimbe allongé, comme celui représenté fig. 1, ce qui n'exclutn’exclut pas le
nimbe crucifère qui cerne sa tête. Dans les peintures, comme à
Saint-Savin
par exemple, l'auréolel’auréole qui entoure le corps du Christ triomphateur est
souvent circulaire; nous n'enn’en connaissons pas ayant cette forme dans les
représentations sculptées. Du reste, ces règles ne sont pas sans exception.
Dans la crypte de la cathédrale d'Auxerred’Auxerre, il existe une peinture, de la fin du
XI<sup>e</sup> siècle probablement, qui fait voir le Christ triomphateur à cheval (3),
conformément à la vision de saint Jean<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]]. Il est posé sur une grande croix
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la robe est verte avec une bordure branche, le manteau est jaune; la
bordure de la robe, sur la poitrine, est brun rouge avec ornements blancs.
Le nimbe est rouge croisé de blanc. La robe du Christ d'Auxerred’Auxerre est
blanche, bordée de brun rouge; le manteau est bleu clair sur les épaules,
brun rouge bordé de jaune sur la poitrine; le nimbe est bleu croisé de
rouge. Les couleurs des vêtements donnés au Christ par les peintres des
XI<sup>e</sup>, XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles, varient à l'infinil’infini, ce qui ne peut laisser supposer
qu'onqu’on eût adopté en Occident certaines couleurs symboliques pour les
vêtements des personnages sacrés. Pendant le cours du XII<sup>e</sup> siècle, le
Christ triomphateur, soit peint, soit sculpté, est presque toujours représenté
entouré des quatre signes des évangélistes, des apôtres ou des
vingt-quatre vieillards. À Vézelay, ce sont les apôtres qui sont assis
autour de lui (voy. [[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Apôtres|Apôtres]]). Au portail occidental de
Notre-Dame de Chartres,
dont le tympan date de 1150 ou environ, ce sont les quatre animaux,
les apôtres et les vieillards de l'Apocalypsel’Apocalypse. À Saint-Savin, ce sont, en
peinture, les quatre animaux qui accompagnent l'auréolel’auréole circulaire du fils
de Dieu. À la cathédrale d'Autund’Autun (1150 environ), ce sont les apôtres, les
animaux, des anges et démons, le jugement dernier, le pèsement des
âmes. Au portail sud de l'églisel’église de Moissac, même époque, le Christ est
coiffé d'uned’une couronne carrée; son buste seul est entouré du nimbe
allongé; à ses pieds sont le lion et le bœuf; des deux côtés de ses épaules,
l'angel’ange et l'aiglel’aigle; deux anges de dimension colossale sont debout à droite
et à gauche; puis viennent les vingt-quatre vieillards, sous ses pieds et
derrière les deux anges (voy. [[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9, Tympan |Tympan ]]). Ici le Christ tient un livre fermé de
la main gauche et bénit de la droite, comme au portail de Chartres;
tandis qu'àqu’à Vézelay et à Autun il a les mains étendues et ouvertes. Il est
certain que, pendant le XII<sup>e</sup> siècle, l'idéel’idée dominante des sculpteurs était,
lorsqu'ilslorsqu’ils représentaient le Christ dans sa gloire, de se rapprocher de la
vision de saint Jean. Au XIII<sup>e</sup> siècle, le Christ glorieux est représenté
pendant le jugement dernier; il est demi-nu, montre ses plaies; autour
de lui sont des anges tenant les instruments de la Passion, quelquefois
aussi le soleil et la lune; à ses pieds se développent les scènes de la
résurrection et de la séparation des bons d'avecd’avec les méchants. C'estC’est ainsi
qu'ilqu’il est représenté au portail principal de la cathédrale de Paris, au
portail sud de la cathédrale de Chartres, au portail nord de la cathédrale
de Bordeaux, au portail occidental de la cathédrale d'Amiensd’Amiens, etc. Alors
les quatre animaux n'occupentn’occupent plus qu'unequ’une place très-secondaire ou
disparaissent entièrement. Le clergé français du XIII<sup>e</sup> siècle avait évidemment
voulu adopter la scène du jugement, bien plus dramatique, plus
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Cependant le type de physionomie donné au Christ se modifie quelque
peu; la face est moins longue, les cheveux deviennent ondés sur les
tempes au lieu d'êtred’être plats, les yeux sont moins ouverts, la bouche moins
fine; les traits se rapprochent davantage de l'humanitél’humanité; déjà on sent
l'influencel’influence du <i>réalisme</i> occidental qui remplace les types consacrés. Le
grand Christ du jugement du portail de la cathédrale de Paris est curieux
à étudier sous ce rapport. Cette figure, fort belle d'ailleursd’ailleurs, n'an’a plus rien
d'hiératiqued’hiératique. Et, à ce propos, nous devons signaler ici un fait remarquable.
En reprenant les soubassements des chapelles situées au nord de
la nef de cette église, chapelles dont la construction ne saurait être
postérieure à 1235 ou 1240, nous avons retrouvé des fragments d'und’un
Christ colossal provenant évidemment d'und’un grand tympan, avec les traces
des quatre animaux et d'und’un livre. Cette sculpture appartient aux dernières
années du XII<sup>e</sup> siècle et, comme exécution, est d'uned’une grande beauté. Il
fallait donc que les types admis par
le XII<sup>e</sup> siècle fussent réprouvés par le
XIII<sup>e</sup>, pour que l'onl’on se soit décidé,
quelques années après, lorsque le
portail principal fut élevé vers 1220,
à détruire une sculpture aussi importante,
pour y substituer celle que
nous voyons aujourd'huiaujourd’hui. Du reste,
il est bon de remarquer encore ceci,
c'estc’est que le Christ du tympan de la
porte principale de Notre-Dame de
Paris, ainsi que la statue de l'angel’ange
tenant les clous et la lance, paraissent,
comme exécution, quelque peu
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une volonté arrêtée parmi le haut
clergé de modifier les types du Christ
glorieux consacrés jusqu'alorsjusqu’alors. Le
Christ glorieux ne devait plus être
que celui qui apparaîtra le jour du
jugement. Nous avons cru devoir
nous étendre sur ce fait, qui, pour
l'histoirel’histoire de l'artl’art, nous paraît avoir
une grande importance.
</div>
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statues du Christ-Homme, du Christ
sur la terre, enseignant au milieu de
ses apôtres. C'estC’est ainsi qu'ilqu’il est représenté
sur les trumeaux des portails
de la plupart de nos cathédrales
françaises. Ce ne fut guère qu'auqu’au XIII<sup>e</sup> siècle que cette représentation
du Christ fut définitivement adoptée. Alors il est vêtu de la tunique
longue et du manteau; il tient le livre de la main gauche et bénit
de la droite; ses pieds écrasent la tête du dragon et du basilic, images
du démon. Parmi ces figures, encore conservées aujourd'huiaujourd’hui en assez
petit nombre, grâce aux iconoclastes des XVI<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles, la plus
belle, celle dont le caractère se rapproche le plus du type byzantin
sans en avoir la sécheresse, est, à notre avis, la statue du
Christ-Homme
de la cathédrale d'Amiensd’Amiens. La figure 4 en donne l'ensemblel’ensemble;
non que nous espérions présenter dans un croquis l'aspectl’aspect de grandeur
et de noblesse de cette remarquable statue, ce n'estn’est ici qu'unqu’un renseignement.
Le type de la tête du <i>Dieu</i> d'Amiensd’Amiens, dont nous présentons le
profil (5), mérite toute l'attentionl’attention des statuaires. Cette sculpture est
traitée comme le sont les têtes grecques, dites éginétiques: même
simplicité de modelé, même pureté de contours, même exécution large et
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[[Image:Christ.cathedrale.Amiens.2.png|center]]
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Cette tête est d'autantd’autant plus remarquable que toutes celles appartenant aux
statues d'apôtresd’apôtres qui l'avoisinentl’avoisinent, et qui ont été exécutées en même temps,
sont loin de présenter cette noblesse divine. Ce sont des hommes, des
portraits même, dans la plupart desquels on retrouve le type picard.
L'artisteL’artiste qui a exécuté la figure du Christ a donc suivi un type consacré,
et, avec la souplesse de talent qui appartenait aux sculpteurs de cette
époque, il a su distinguer, entre toutes, la statue du Sauveur, lui donner
des traits, une physionomie au-dessus des modèles humains dont
il pouvait disposer. Mais la limite entre l'artl’art hiératique et l'artl’art d'imitationd’imitation
est, chez tous les peuples artistes, facile à franchir; on ne s'ys’y
tient pas longtemps. Les Grecs de l'antiquitél’antiquité l'ontl’ont franchie en quelques
années; il en fut de même en France. Déjà, vers le milieu du
XIII<sup>e</sup> siècle, les représentations du Christ ont perdu cette noblesse
surhumaine; les sculpteurs s'attachents’attachent à l'imitationl’imitation de la nature,
perdent de vue le type primitif, font du fils de Dieu un bel homme,
au regard doux, à la bouche souriante, à la barbe soigneusement frisée
et aux cheveux bouclés, aux membres grêles et à la pose maniérée.
Au XIV<sup>e</sup> siècle, ces défauts, à notre avis du moins, tombent dans l'exagérationl’exagération,
et les dernières traditions se perdent dans la recherche des détails,
dans une exécution précieuse et une certaine grâce affectée. Il faut dire
encore qu'àqu’à partir de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle les grandes figures du Christ-Homme
ou triomphant posées sur les portails des églises deviennent rares.
Les sculpteurs semblent donner la place principale à la sainte Vierge, et
le Christ est relégué dans les sujets légendaires, ou, s'ils’il apparaît en
triomphateur, ses dimensions ne dépassent guère celles des autres
personnages. On le représente en buste, sortant des nuées, au sommet
d'und’un tympan ou dans une clef des voussures, tandis que la représentation
de la vierge Marie occupe, jusqu'aujusqu’au XVI<sup>e</sup> siècle, une place principale
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9, Vierge |Vierge ]]). Les types du Sauveur se perdant à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle,
nous n'avonsn’avons pas à nous en occuper ici; ces figures rentrent dans la
statuaire. Pour le Christ crucifié, nous renvoyons nos lecteurs au mot
[[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Crucifix|Crucifix]]. La peinture suit les mêmes phases que la sculpture quant à la
représentation de Jésus-Christ, plus lentement il est vrai, cet art étant,
pendant le moyen âge en France, en retard d'und’un demi-siècle sur la
sculpture. Mais, à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, les traditions byzantines sont,
en peinture, de même qu'enqu’en sculpture, complétement abandonnées. En
Italie, on les voit persister plus longtemps, et les Christ de Giotto, d'Orcagnad’Orcagna,
de Buffalmacco, de Simon Memmi, conservent encore quelque chose
du type primitif. Ce respect pour une forme ancienne va beaucoup plus
loin chez les Italiens; nous en retrouvons la trace chez des peintres de la
renaissance, qui n'avaientn’avaient rien conservé cependant de l'artl’art hiératique de
Cimabué et de ses prédécesseurs. Titien a su donner à ses figures du
Christ ce calme, cette noblesse, cette grandeur, cette physionomie en
dehors de l'humanitél’humanité que nous admirons dans nos belles statues du
XII<sup>e</sup> siècle, et du commencement du XIII<sup>e</sup>, ce qui n'an’a pas empêché ce grand
artiste de faire de la peinture de son temps, et dans laquelle certainement
il ne cherchait pas l'imitationl’imitation archéologique. Il n'estn’est pas donné à tous les
artistes d'atteindred’atteindre à cette hauteur, et nous nous garderons bien de le
reprocher à ceux qui, depuis trois siècles, font de la peinture ou de la
sculpture sacrée; mais ce qu'onqu’on eût été peut-être en droit de leur
demander, c'estc’est l'étudel’étude de ces types si admirablement interprétés dans
quelques œuvres du moyen âge, surtout en France. Depuis la renaissance,
on s'ests’est plu à peindre des Christ ou <i>jolis</i> ou terribles. Michel-Ange,
dans son <i>Jugement dernier</i>, a fait du Christ une sorte d'Herculed’Hercule en colère
qui se démène sur son trône et s'occupes’occupe exclusivement des damnés qu'ilqu’il
envoie d'und’un geste furieux à tous les diables. Puis sont venus les Christ-Apollon,
puis les Christ-mignards au visage efféminé, aux cheveux
parfumés, à la démarche molle. De notre temps, on a cherché des
inspirations plus pures. Mais peut-être nos artistes feraient-ils sagement
d'allerd’aller de temps à autre voir les Christ de Chartres, d'Amiensd’Amiens, de Paris;
si ces visites ne font pas naître de nouveaux chefs-d'œuvred’œuvre, elles nous
éviteront cette pâle et maladive physionomie que l'onl’on se plaît à donner
au Sauveur aujourd'huiaujourd’hui, ces traits de songe-creux, indécis et ennuyés,
plutôt tristes que sérieux, ce port plutôt famélique que gracieux. Certes,
la lecture des Évangiles est bien loin de tracer dans l'espritl’esprit un pareil
portrait. La devise du moyen âge, «<i>Christus vincit, Christus regnat,
Christus imperat</i>,» toute triomphante qu'ellequ’elle soit, est faite pour relever
la statuaire et laisser une vivante et franche empreinte dans l'âmel’âme des
fidèles, tandis que la vue d'uned’une nature étiolée, pauvre et souffreteuse,
inspire du mépris aux âmes énergiques et affaiblit encore les âmes faibles.
 
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<span id="footnote1">[[#note1|1]] : <i>Disc. sur les types imitatifs de l'artl’art chrétien</i>.
 
<span id="footnote2">[[#note2|2]] : <i>Iconographie chrétienne</i>.
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<span id="footnote3">[[#note3|3]] : <i>Mélanges archéol. Vitraux de Bourges</i>.
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : «Oculi ejus cœrulei.» Peut s'entendres’entendre comme bleu foncé, bleu de mer (Ovid.),
farouches (Horace).
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : «Vel semel eum ridentem nemo vidit, sed flentem imo.» Peut s'entendres’entendre:
«Mais plutôt pleurer.»