« Notre Cœur/Deuxième Partie/II » : différence entre les versions
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==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/118]]== Saint-Malo pour continuer son mensonge, eux retournant à Avranches. Quand la retrouverait-il ? Allait-elle abréger sa visite à sa famille ou retarder son retour ? Il avait une peur affreuse de son premier regard et de ses premières paroles, car il ne
Il restait à André Mariolle de cette rapide, de cette bizarre entrevue,
Il entendit sa voix et tressaillit. Elle parlait haut, irritée assurément contre un désir de son père, et, quand il
Mariolle fit deux pas ; elle le vit, et se mit à sourire. Dans ses yeux calmés soudain, quelque chose de bienveillant passa qui se répandit sur tout le visage. Puis dans sa main subitement et tendrement tendue il y eut la confirmation, sans contrainte et sans repentir du cadeau
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- Alors nous allons nous séparer ? lui dit-elle.▼
- Hélas ! madame, j'en souffre plus que je ne le saurais montrer.▼
Elle murmura :
Comme M. de Pradon les rejoignait, elle ajouta tout bas :
Mme Valsaci très émue accourait.
Mme de Burne, un peu assombrie, répliqua :
Le cocher de Mariolle le pressait de monter en voiture, afin de ne pas manquer le train de Pontorson.
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Mme de Burne demanda :
Il eut
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/120]]== pointe du Raz, Audierne, Penmarch, le Morbihan, enfin toute cette pointe célèbre du pays breton. Cela me prendra Après un silence plein de calculs fictifs, il exagéra.
Suffoqué par
Et, après mille compliments, remerciements et affirmations de sympathie échangés avec les Valsaci et M. de Pradon un peu rassuré par
Il rentra à Paris sans
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/121]]== s’attacher à rien, Il mit son pardessus, prit son chapeau, ouvrit sa porte, et, en descendant
Il chercha, il marcha, parcourut des avenues après des rues, des boulevards après les avenues, examina avec inquiétude les concierges à sourires complaisants, les loueuses à mines suspectes, les appartements à étoffes douteuses, et il rentra le soir, découragé. Dès neuf heures le lendemain, il se remettait en quête, et il finit par découvrir, à la nuit tombante, dans une ruelle
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/122]]== qui habitait près Toutes les dispositions à prendre le retinrent
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Il ne lui avait pas encore écrit, par crainte que sa lettre
La lettre
Il y fut une heure trop tôt, et il erra dans le grand
Il y fut une heure trop tôt, et il erra dans le grand jardin, que traversaient seulement des passants matineux, des bureaucrates en retard allant aux ministères de la rive gauche, des employés, des laborieux de toute race. Il savourait un plaisir réfléchi à regarder ces gens au pas hâtif que la nécessité du pain quotidien entraînait à des besognes abrutissantes, et, se comparant à eux, en cette heure où il attendait sa maîtresse, une des reines du monde, il se sentait un être tellement fortuné, privilégié, hors de lutte, qu'il eut envie de remercier le ciel bleu, car la Providence n'était pour lui que des alternances d'azur et de pluies dues au Hasard, maître sournois des jours et des hommes.▼
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▲
Quelques minutes avant dix heures, il monta sur la terrasse et épia son arrivée.
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"Elle sera en retard !" pensait-il. Il venait à peine d'entendre tinter les dix coups à une horloge de monument voisin, quand il crut l'apercevoir de très loin, traversant aussi le jardin d'un pas rapide, comme une ouvrière pressée qui se rend à son magasin. Il hésitait. "Est-ce bien elle ?" Il reconnaissait sa démarche, mais s'étonnait de son allure changée, si modeste dans une petite toilette sombre. Elle venait cependant vers l'escalier qui monte à la terrasse, en ligne droite, comme si elle l'eût pratiqué depuis longtemps.▼
▲"Elle sera en retard ! " pensait-il. Il venait à peine
"Tiens ! se dit-il, elle doit aimer cet endroit et s'y promener quelquefois." Il la regarda soulever sa robe pour mettre le pied sur la première marche de pierre, puis gravir les autres avec célérité, et, comme il s'avançait vivement pour la rencontrer plus vite, elle lui dit en l'abordant, avec un sourire affable où germait une inquiétude :▼
"Tiens ! se dit-il, elle doit aimer cet endroit et
- Vous êtes très imprudent. Il ne faut pas vous montrer comme ça ! Je vous vois presque depuis la rue de Rivoli. Venez, nous allons nous asseoir sur un banc, là-bas, derrière l'orangerie. C'est là qu'il faudra m'attendre une autre fois.▼
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▲
▲
Il ne peut s'abstenir de demander :▼
- Vous venez donc souvent ici ?▼
- Oui, j'aime beaucoup cet endroit ; et, comme je suis une promeneuse matinale, j'y viens prendre de l'exercice en regardant le paysage, qui est fort joli. Et puis on n'y rencontre jamais personne, tandis que le Bois est impossible. Mais ne révélez pas ce secret.▼
▲
Il rit :
Lui prenant une main, discrètement, une petite main cachée et pendante dans les plis de son vêtement, il soupira.
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- Mais non. Pourquoi le serais-je ? Vous êtes tout à fait gentil.▼
Il cherchait des paroles ardentes, vibrantes de reconnaissance et d'émotion. N'en trouvant pas, et trop ému pour conserver la liberté du choix des mots, il répéta :▼
▲Il cherchait des paroles ardentes, vibrantes de reconnaissance et
- Comme je vous aime !▼
Elle lui dit :
Ils
Des voitures roulaient sur le quai à leurs pieds, sans
▲Ils s'étaient assis sur un banc, près de la balustrade de pierre qui règne le long du fleuve, presque seuls, invisibles de partout. Deux jardiniers et trois bonnes d'enfants étaient, à cette heure, les uniques vivants de la longue terrasse.
▲Des voitures roulaient sur le quai à leurs pieds, sans qu'ils les vissent. Des pas sonnaient sur le trottoir tout proche, contre le mur qui portait la promenade, et, ne trouvant pas encore ce qu'ils allaient se dire, ils regardaient ensemble ce beau paysage parisien qui va de l'île Saint-Louis et des tours de Notre-Dame, aux coteaux de Meudon. Elle répéta :
Mais lui fut tout à coup saisi par le souvenir exaltant de leur voyage dans le ciel, au sommet de la tour de
▲- C'est très joli tout de même, ceci.
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▲Mais lui fut tout à coup saisi par le souvenir exaltant de leur voyage dans le ciel, au sommet de la tour de l'Abbaye, et, dévoré du regret de l'émotion enfuie :
Il fut surpris, ayant le confus pressentiment que quelque chose apparu en elle, là-bas,
Sans répondre, elle serra sa main. Alors, plus pénétré de bonheur par cette légère pression
Il lui dit lentement, avec des mots presque solennels,
Reconnaissante, mais fille des doutes modernes, captive indélivrable des ironies rongeuses, elle sourit en lui répondant :
Il se tourna vers elle tout à fait, et, en la regardant au fond des yeux, de ce regard pénétrant qui ressemble à un toucher, il répéta ce
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/128]]== poétiquement. Tout ce Quand il se tut, elle lui répondit simplement :
Ils se tenaient la main ainsi que les adolescents qui
Ce fut elle qui retrouva la première le sentiment de la réalité, et celle de
Il réfléchit quelques secondes, et, troublé par ce
Elle hésitait.
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/129]]== vous montriez à personne pendant quinze jours au moins, pour faire croire à votre voyage. Ce sera très gentil et très mystère de nous rencontrer sans Il se sentait rougir, et reprit :
Elle ne fut ni surprise ni choquée, étant une femme de raison pratique, de logique élevée et sans fausse pudeur.
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- Après !▼
- Ce pavillon vous attend.▼
Elle se mit à réfléchir, puis, toujours sans embarras, elle posa deux ou trois questions de prudence féminine. Il donna des explications, satisfaisantes paraît-il, car elle murmura, en se levant :
Ils étaient debout.
Elle partit très vite, avec un air si discret, si modeste, si pressé,
Il se fit conduire à Auteuil, tourmenté par la crainte que le logis ne fût pas prêt le lendemain.
Mais il le trouva plein
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/131]]== jardin, assez vaste et coquet, débris Mariolle fut joyeux comme
Il dépensa dans sa journée deux mois de son revenu, et il le fit avec un plaisir profond en songeant que depuis dix ans il avait sans cesse économisé, non par amour de
Dès le matin, le jour suivant, il revint à ce pavillon, présida à
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/132]]== suspendit lui-même les cadres, monta sur des échelles, brûla des parfums, en vaporisa sur les étoffes, en répandit sur le tapis. Dans sa fièvre, dans le ravissement excité de tout son être, il avait Par prudence, avant deux heures il congédia tout le monde, et alors, pendant la marche lente des aiguilles parcourant le dernier tour du cadran, dans
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/133]]== le silence de cette maison où il attendait le plus grand bonheur Puis il sortit au jardin. Les rayons de soleil tombaient sur
Trois heures sonnèrent, répétées aussitôt par dix horloges de couvents ou
Il ouvrit :
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Elle répétait à chaque pas :
Apercevant la plate-bande de roses que le soleil, dans une trouée de branches, illuminait, elle
Elle en cueillit une, la baisa et la mit à son corsage. Alors ils entrèrent dans le pavillon ; et elle paraissait si contente
Se tournant vers lui, elle souleva ses deux bras, par un ravissant geste
Ils eurent, dans
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/135]]== de bouche à bouche, qui mêlèrent enfin pour André Mariolle Avant de se quitter, ils firent un tour dans le jardin et
==[[Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/137]]== plus irréfléchie peut-être que volontaire. Elle ne devait point
Il la conduisit tout doucement à la porte
Dès
Il resta là
La journée du lendemain lui parut longue, la soirée interminable. Il lui écrivit encore. Comment ne lui avait-elle rien répondu, rien fait dire ? Il reçut un court télégramme, le matin du second jour, lui fixant pour le jour suivant un nouveau rendez-vous à la même heure. Ce petit papier bleu le délivra soudain
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de ce mal d’attendre dont il commençait à souffrir.
Elle vint, comme la première fois, exacte, affectueuse et souriante ; et leur rencontre dans la petite maison
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quand il serre jusqu’au sang la chair d’un homme.
Vingt jours passèrent, si doux, si légers ! Il lui semblait que cela ne devait pas finir,
Elle venait de trois jours en trois jours, sans résistances, attirée, semblait-il autant par
Puis un jour, elle lui dit :
Il fut navré :
Il reconnut
▲- Parce que, si on apprenait, par hasard, que vous êtes à Paris, votre présence ici serait trop inexplicable pour ne pas faire naître des suppositions.
▲Il reconnut qu'elle avait raison et promit de venir chez elle le lendemain. Il lui demanda ensuite :
▲- Vous recevez donc demain ?
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▲- Oui, dit-elle. Il y a même chez moi une petite solennité ?
Cette nouvelle lui fut désagréable.
Elle riait, enchantée.
Elle sera là
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- Oh ! non, quelques intimes seulement. Vous les connaissez presque tous.▼
- Ne puis-je me dispenser de cette fête ? Je suis si heureux dans ma solitude.▼
- Oh ! non, mon ami. Comprenez donc que je tiens à vous avant tout.▼
Il eut un battement de coeur.▼
- Merci, dit-il, je viendrai.▼
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