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▲{{chapitre|[[Les Aventures du capitaine Hatteras]]|[[Auteur:Jules Verne|Jules Verne]]|Seconde partie|Chapitre XI. Traces inquiétantes}}
Pendant la nuit du 26 au 27 avril, le temps vint à changer ; le thermomètre baissa sensiblement, et les habitants de Doctor’s-House s’en aperçurent au froid
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/327]]== qui se glissait sous leurs couvertures ; Altamont, de garde auprès du poêle, eut soin de ne pas laisser tomber le feu, et il dut l’alimenter abondamment pour maintenir la température intérieure à cinquante degrés au-dessus de zéro (+10° centigrades). Ce refroidissement annonçait la fin de la tempête, et le docteur s’en réjouissait ; les occupations habituelles allaient être reprises, la chasse, les excursions, la reconnaissance des terres ; cela mettrait un terme à cette solitude désœuvrée, pendant laquelle les meilleurs caractères finissent par s’aigrir.
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Bientôt les cinq compagnons d’hivernage eurent quitté Doctor’s-House ; leur premier soin fut de dégager la maison des masses glacées qui l’encombraient ; on ne s’y reconnaissait plus sur le plateau ; il eût été impossible d’y découvrir les vestiges d’une habitation ; la tempête, comblant les inégalités du terrain, avait tout nivelé ; le sol s’était exhaussé de quinze pieds, au moins.
Il fallut procéder d’abord au déblaiement des neiges, puis redonner à l’édifice une forme plus architecturale, raviver ses lignes engorgées et rétablir son
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/328]]== aplomb. Rien ne fut plus facile d’ailleurs, et, après l’enlèvement des glaces, quelques coups du couteau à neige ramenèrent les murailles à leur épaisseur normale. Au bout de deux heures d’un travail soutenu, le fond de granit apparut ; l’accès des magasins de vivres et de la poudrière redevint praticable.
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Le docteur, Altamont et Bell se chargèrent d’explorer le pays. Altamont, à en juger par ses habitudes, devait être un chasseur adroit et déterminé, un merveilleux tireur, bien qu’un peu vantard. Il fut donc de la partie, tout comme Duk, qui le valait dans son genre, en ayant l’avantage d’être moins hâbleur.
Les trois compagnons d’aventure remontèrent par le cône de l’est et s’enfoncèrent au travers des immenses plaines blanches ; mais ils n’eurent pas besoin
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/329]]== d’aller loin, car des traces nombreuses se montrèrent à moins de deux milles du fort ; de là, elles descendaient jusqu’au rivage de la baie Victoria, et paraissaient enlacer le Fort-Providence de leurs cercles concentriques. Après avoir suivi ces piétinements avec curiosité, les chasseurs se regardèrent.
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/330]]== l’intention de surprendre quelques phoques, et alors ils nous auront éventés. Les trois chasseurs se mirent à l’œuvre, et, en grattant la neige, ils eurent bientôt fait disparaître les piétinements sur un espace de cent toises à peu près.
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« Il est pourtant singulier, dit Bell, que ces bêtes-là aient pu nous sentir à une pareille distance ; nous n’avons brûlé aucune substance graisseuse de nature à les attirer.
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/331]]== que peu à peu ils rétréciront le cercle de leurs recherches autour du Fort-Providence. Les chasseurs veillèrent avec attention ; ils pouvaient craindre que quelque ours ne fût embusqué derrière les monticules de glace ; souvent même ils prirent les blocs gigantesques pour des animaux, dont ces blocs avaient la taille et la blancheur. Mais, en fin de compte, et à leur grande satisfaction, ils en furent pour leurs illusions.
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« Ils ont ouvert leur seconde parallèle, dit le docteur.
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Le conseil du docteur fut suivi, et l’on revint se caserner dans le fort ; la présence de ces terribles bêtes empêchait toute excursion. On surveilla attentivement les environs de la baie Victoria. Le phare fut abattu ; il n’avait aucune utilité actuelle et pouvait attirer l’attention des animaux ; le fanal et les fils électriques furent serrés dans la maison ; puis, à tour de rôle, chacun se mit en observation sur le plateau supérieur.
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Il n’y avait plus un seul vestige, et la neige déroulait au loin son tapis intact.
Mais on eut beau relever avec soin tout l’espace dans un rayon de deux milles, il fut impossible de retrouver la moindre trace.
On rentra dans le fort. Cependant, comme la veille, chacun dut, pendant une heure, aller reprendre son poste d’observation.
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On pouvait croire qu’Hatteras allait causer des dangers de la situation ; il n’y pensait même pas.
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Les interlocuteurs du capitaine se regardèrent, ne sachant pas où il voulait en venir.
Cette insinuation fut laissée sans réponse immédiate.
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Hatteras ne put retenir un geste de colère à cette observation.
Les trois Anglais se turent en regardant Hatteras. Le docteur reprit la parole.
Hatteras ne répondit pas ; il était visiblement embarrassé.
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Le docteur secouait la tête ; il comprenait la répugnance du capitaine.
Le docteur fit signe au vieux maître de ne pas insister en ce moment. Il fallait réserver cette question pour un moment plus opportun : le docteur, tout en comprenant les répugnances d’Hatteras, ne les partageait pas, et il se promit bien de faire revenir son ami sur une décision aussi absolue.
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La journée finit ainsi, et la nuit se passa tranquillement. Les ours avaient évidemment disparu.
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