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▲{{chapitre|[[Les Aventures du capitaine Hatteras]]|[[Auteur:Jules Verne|Jules Verne]]|Seconde partie|Chapitre VIII. Excursion au nord de la baie Victoria}}
Le lendemain, aux premiers rayons du soleil, Clawbonny gravit les rampes assez roides de cette muraille de rochers contre laquelle s’appuyait Doctor’s-House ; elle se terminait brusquement par une sorte de cône tronqué. Le docteur parvint, non sans peine, à son sommet, et de là son regard s’étendit sur
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/303]]== une vaste étendue de terrain convulsionné, qui semblait être le résultat de quelque commotion volcanique ; un immense rideau blanc recouvrait le continent et la mer, sans qu’il fût possible de les distinguer l’un de l’autre. En reconnaissant que ce point culminant dominait toutes les plaines environnantes, le docteur eut une idée, et qui le connaît ne s’en étonnera guère.
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Son idée, il la mûrit, il la combina, il la creusa, il en fut tout à fait maître en rentrant dans la maison de neige, et il la communiqua à ses compagnons.
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/304]]== pour mettre les éléments en activité. Il est donc facile de nous procurer de la lumière électrique. On y verra mieux, et cela ne coûtera rien. Le docteur sortit ; ses compagnons le suivirent jusqu’au sommet du cône ; la colonne s’éleva promptement et fut bientôt couronnée par l’un des fanaux du Porpoise.
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Tout cela fut installé rapidement, et on attendit le coucher du soleil pour jouir de l’effet. À la nuit, les deux pointes de charbon, maintenues dans la lanterne à une distance convenable, furent rapprochées, et des faisceaux d’une lumière intense, que le vent ne pouvait ni modérer ni éteindre, jaillirent du fanal. C’était un merveilleux spectacle que celui de ces rayons frissonnants dont l’éclat, rivalisant avec la blancheur des plaines, dessinait vivement l’ombre de toutes les saillies environnantes. Johnson ne put s’empêcher de battre des mains.
Le froid mit fin à l’admiration générale, et chacun alla se blottir sous ses couvertures.
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La vie fut alors régulièrement organisée. Pendant les jours suivants, du 15 au 20 avril, le temps fut très incertain ; la température sautait subitement d’une vingtaine de degrés, et l’atmosphère subissait des changements imprévus, tantôt imprégnée de neige et agitée par les tourbillons, tantôt froide et sèche au point que l’on ne pouvait mettre le pied au-dehors sans précaution.
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Ils firent ainsi une quinzaine de milles pendant les trois premières heures, mangeant sans s’arrêter ; mais leur chasse menaçait d’être infructueuse. En effet, c’est à peine s’ils virent des traces de lièvre, de renard ou de loup. Cependant, quelques snow-birds66, voltigeant çà et là, annonçaient le retour du printemps et des animaux arctiques.
Les trois compagnons avaient dû s’enfoncer dans les terres pour tourner des ravins profonds et des rochers à pic qui se reliaient au Bell-Mount ; mais, après quelques retards, ils parvinrent à regagner le rivage ; les glaces n’étaient pas
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/306]]== encore séparées. Loin de là, la mer restait toujours prise ; cependant des traces de phoques annonçaient les premières visites de ces amphibies, qui venaient déjà respirer à la surface de l’ice-field. Il était même évident, à de larges empreintes, à de fraîches cassures de glaçons, que plusieurs d’entre eux avaient pris terre tout récemment. Ces animaux sont très avides des rayons du soleil, et ils s’étendent volontiers sur les rivages pour se laisser pénétrer par sa bienfaisante chaleur.
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Le docteur fit observer ces particularités à ses compagnons.
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/307]]== Mais il faut bien se garder de les effrayer, car alors ils disparaissent comme par enchantement et ne reviennent plus ; c’est ainsi que des pêcheurs maladroits, au lieu de les tuer isolément, les ont souvent attaqués en masse, avec bruit et vociférations, et ont perdu ou compromis leur chargement. ==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/308]]==
==[[Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/309]]== je crois qu’une seconde ou une troisième génération de Norvégiens, transplantés au Groënland, finirait par se nourrir à la façon groënlandaise. Et nous-mêmes, mes amis, si nous restions dans ce bienheureux pays, nous arriverions à vivre en Esquimaux, pour ne pas dire en gloutons fieffés. En effet, un amphibie de la plus forte taille s’ébattait à deux cents yards des chasseurs ; il s’étendait et se roulait voluptueusement aux pâles rayons du soleil.
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C’était un animal de belle taille ; il mesurait près de quinze pieds de long depuis son museau jusqu’à l’extrémité de sa queue, et il eût certainement fourni plusieurs barriques d’huile.
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Le docteur tailla dans la chair les parties les plus savoureuses, et il laissa le cadavre à la merci de quelques corbeaux qui, à cette époque de l’année, planaient déjà dans les airs.
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La nuit commençait à venir. On songea à regagner le Fort-Providence ; le ciel s’était entièrement purifié, et, en attendant les rayons prochains de la lune, il s’éclairait de magnifiques lueurs stellaires.
Cependant, dans ces contrées où la polaire brille droit au-dessus de la tête du voyageur, il est malaisé de la prendre pour guide ; en effet, quand le nord est exactement au sommet de la voûte céleste, les autres points cardinaux sont difficiles à déterminer : la lune et les grandes constellations vinrent heureusement aider le docteur à fixer sa route.
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On agita la question de passer la nuit dans une hutte de glace, de s’y reposer, et d’attendre le jour pour s’orienter, dût-on revenir au rivage, afin de suivre l’ice-field ; mais le docteur, craignant d’inquiéter Hatteras et Johnson, insista pour que la route fût continuée.
Duk marchait en avant, et on s’en fia à son intelligence. On eut raison ; bientôt une lueur apparut au loin dans l’horizon ; on ne pouvait la confondre avec une étoile, qui ne fût pas sortie de brumes aussi basses.
À mesure que les voyageurs approchaient, la lueur devenait plus intense, et bientôt ils furent enveloppés par une traînée de poussière lumineuse ; ils marchaient dans un immense rayon, et derrière eux leurs ombres gigantesques, nettement découpées, s’allongeaient démesurément sur le tapis de neige.
Ils doublèrent le pas, et, une demi-heure après, ils gravissaient le talus du Fort-Providence.
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