« La Case de l’oncle Tom/Ch XLII » : différence entre les versions

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Ce voyageur était George Shelby. Pour savoir comment il se trouvait là, il faut nécessairement retourner un peu en arrière.
 
Par quelques malheureuses circonstances, la lettre de miss Ophélia à madame ShelhyShelby avait été retenue un ou deux mois dans un bureau de poste reculé, et, quand elle atteignit sa destination, Tom était déjà hors de vue, perdu dans les lointains marécages de la rivière Rouge.
 
Madame Shelby lut avec une profonde peine les tristes renseignements qui lui arrivaient, mais toute action immédiate était impossible. Elle se trouvait alors au chevet du lit de son mari atteint d’une maladie grave, et dans le délire de la fièvre. Massa GéorgieGeorgie qui n’était plus alors un écolier, mais un jeune homme, fidèle assistant de sa mère dans les soins à rendre au malade, était aussi le seul conseiller auquel elle put s’en rapporter dans la gestion des affaires. Miss Ophélia avait eu la précaution d’envoyer le nom de l’avoué chargé de la succession de Saint-Clair, et tout ce qu’on put faire, ce fut d’écrire à cet homme de loi pour s’enquérir de ce que Tom était devenu. La mort de M. Shelby, arrivée peu après, avait préoccupé les siens pendant toute une saison de deuil, de pressants intérêts, et d’affaires qui ne se pouvaient ajourner.
 
Le défunt avait montré sa confiance dans la capacité de sa femme, en la désignant pour seule exécutrice testamentaire, et elle se trouva tout à fait absorbée dans une suite de soucis et d’embarras.
 
Avec l’énergie qui la caractérisait, elle s’appliqua à démêler le chaos. Elle et George furent quelque temps occupés à réunir et à examiner les comptes, à vendre des propriétés, à acquitter des dettes ; madame Shelby était déterminée à tout éclaircir, à tout mettre à jour, quelles que pussent en être les conséquences pour son aisance personnelle. Sur ces entrefaites, la réponse de l’homme de loi, que miss Ophélia leur avait désigné, arriva. Il annonçait que Tom avait été vendu aux enchères., et que, hors le prix du paiement reçu au nom de ses clients, il ne s’était mêlé en rien de cette affaire.
 
Ni George, ni sa mère ne se pouvaient contenter d’un tel résultat ; en conséquence, environ six mois après, quelques intérêts appelant George Shelby vers la Basse-Rivière, il se résolut à descendre à la Nouvelle-Orléans, et à poursuivre ses enquêtes jusqu’à ce qu’il eût découvert Tom et l’eût racheté.
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Le front de Legris se rembrunit, et sa colère éclata en virulentes paroles : « Oui, j’ai acheté un drôle de ce nom ; un s… marché que j’ai fait là ! Le plus insubordonné, le plus récalcitrant, le plus impudent chien ! Il a poussé mes nèg’s à s’enfuir, m’a fait sauver deux filles qui valaient bien de huit cents à mille dollars pièce. Il l’a avoué ; et quand je lui ai commandé de dire où elles étaient, ne s’est-il pas redressé, le chien, pour répondre qu’il le savait, mais qu’il ne le dirait pas ! il a tenu parole, quoiqu’il ait reçu la plus sévère correction, le plus damné fouet dont j’aie encore régalé un nèg’. — Je crois qu’il est en train de crever quelque part. Je ne sais s’il en viendra à bout.
 
— Où est-il ? dit George avec impétuosité. Où est-il ? que je le voie. » Les joues du jeune homme étaient de-venuesdevenues pourpres, ses yeux lançaient des flammes, mais, prudemment, il se retint et n’ajouta rien de plus.
 
« Lui êt’e par là, sous l’hangar, » dit un petit es-claveesclave qui tenait le cheval de George.
 
Legris donna un coup de pied au négrillon en jurant ; George, sans dire un mot, marcha droit au hangar.
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L’idée, le souvenir, se firent jour lentement dans son âme. Le vague regard devint fixe, l’œil s’éclaira, une lueur illumina les traits, les faibles et rudes mains se rapprochèrent, se joignirent, et deux larmes coulèrent le long des joues.
 
« Béni soit le Seigneur ! — c’est — ah ! c’est —c’est— c’est — tout ce qui me manquait ! Ils ne m’avaient pas oublié ! Ah ! cela réchauffe l’âme, — ça fait bien au pauvre vieux cœur ! À présent, oh ! je meurs content ! Bénis le Seigneur ô mon âme !
 
— Non, vous ne mourrez pas ! Il ne faut pas que vous mourriez ! Ne pensez pas à nous quitter : je viens vous racheter, je vous remmène ! s’écria George avec une impétueuse véhémence.
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— Allez ! dit Legris faisant claquer dédaigneusement ses doigts. J’aurai plaisir à vous voir vous démener. Où comptez-vous prendre vos témoins, s’il vous plaît ? — Où sont vos preuves ? Allez ! bon courage ! »
 
George vit toute la portée de ce défi. Il n’y avait pas un blanc sur l’habitation ; or, dans tonstous les tribunaux du Sud, le témoignage des gens de couleur n’est pas admis. Il lui sembla dans ce moment que le cri d’indignation qu’il refoulait au fond de son cœur pouvait pénétrer la voûte des cieux pour en faire descendre la justice ; vain espoir !
 
« ApresAprès tout, que d’embarras pour un nègre mort ! » dit Legris.
Ce mot fut une étincelle dans une poudrière. La prudence n’est pas la vertu des jeunes gens du Kentucky. George se retourna, et d’un coup violemment asséné, terrassa Legris. Debout sur le misérable tombé la face contre terre, il ressemblait à son patron triomphant de l’esprit du mal.
 
Il est certains hommes quî n’en valent décidément que mieux pour être bien rossés ; ils respectent tout de suite l’homme qui les a roulés dans la poussière. Le-grisLegris était de ces natures-là. Lorsqu’il se fut relevé, et qu’il eut secoué un peu ses habits, il suivit des yeux, avec une sorte de considération, la voiture qui s’éloignait lentement ; et il ne rouvrit la bouche que lorsqu’elle fut hors de vue.
 
Au delà des limites de la plantation, George avait remarqué, en venant, un petit tertre sec, sablonneux et ombragé de quelques arbres. C’est là qu’ils creusèrent la fosse.
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— Les temps si durs, ici ! jeune maître, dit le premier. Oh ! maître, par grâce, achetez-nous ! s’il vous plait !
 
— Je ne puis ! — je ne le puis pas ! dit George avec tristesse, et leur faisant de la main signe de s’éloigner. C’est impossible. »
 
Les pauvres gens désolés se retirèrent en silence et la tête basse.
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« Sois moi témoin, Dieu éternel ! dit George s’agenouillant sur la tombe de son pauvre ami ; oh ! je te prends à témoin, qu’à partir de cette heure je ferai tout ce qu’un homme peut faire pour chasser de mon pays la malédiction de l’esclavage. »
 
Il n’y a pas une pierre pour marquer le lieu où repose notre ami. Qu’a-t-il besoin de monument ! Le SoigneurSeigneur sait où le trouver pour le relever immortel au jour où il apparaîtra dans sa gloire.
 
Ne le plaignez pas. Une telle vie, une telle mort ne demandent pas de larmes. Ce n’est ni dans la richesse, ni dans la puissance qu’éclate la gloire de Dieu, mais dans l’amour souffrant et dévoué. Bénis sont ceux qu’il appelle à le suivre et à porter sa croix après lui avec patience ! C’est d’eux qu’il est écrit : « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés. »