« La Colline inspirée/XVI » : différence entre les versions

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= CHAPITRE XVI LES SYMPHONIES SUR LA PRAIRIE =
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de cela pour Léopold ! Il fait sur son plateau, le dimanche, une véritable veillée d’armes. Demain vont éclater les grands événements annoncés par Vintras ; demain, c’est ''l’Année Noire. ''Déjà les temps s’assombrissent. Des crevasses s’ouvrent dans le soleil. L’Organe les a vues. Et dans ses grandes solitudes dominicales, Léopold ne s’égare pas en libre poésie : méthodiquement il dénombre dans les nues ses légions de secours, chaque semaine augmentées, qui s’assemblent…
 
Au milieu du plateau, à l’orée du bois de Plaimont, et non loin de la croix érigée par Marguerite de Gonzague, on trouve une lande où les bergers disposent sur l’herbe rare, pour leurs jeux, des pierres dont les amoncellements rappellent les cromlechs de Bretagne. Sur un bois de pins familiers aux oiseaux de nuit, des pins d’un noir presque bleu, le vent gémit, et à l’écart, dans un isolement qu’on dirait volontaire, un vieux poirier se dresse, figé peut-être de trois cents ans, et que j’ai lieu de prendre pour un « arbre penderet ». Ils commencent à se faire très rares, ces arbres, choisis pour servir de gibet parmi les poiriers sauvages les plus robustes et les plus hauts placés de la seigneurie, et qui formaient autrefois un des é
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lémentséléments officiels du paysage lorrain. (Callot les a souvent représentés avec leurs fruits.) Les services du vieux poirier de la colline sont oubliés des nouvelles générations ; mais des corbeaux, non. Ils viennent toujours en grand nombre se poser et croasser sur ses branches. Par un temps bas, sur cette lande, il y a du mystère. Léopold s’y complaisait ; il y retrouvait ces grands pressentiments d’un nouvel ordre du monde qu’il avait eus à Tilly, quand il parcourait avec son maître Vintras le plateau qui domine la riante vallée de la Seulles, un plateau où des petits bois encadrent des labours, un lieu agréable et bucolique et, bien que peu éloigné du village, d’une solitude intense. Impossible de rêver un endroit plus éloigné du grand aspect austère de Sion, et pourtant les deux paysages adressaient les mêmes discours au sombre promeneur. Là-bas et ici, le Dieu de miséricorde et de vengeance était de la même façon sensible à son cœur.
 
C’est auprès du vieux poirier penderet et de la sombre pinède que Léopold, dans ses magnifiques concerts du dimanche sur la montagne, trouve le chant liquide, la cantilène la plus suave et la plus immatérielle. C’est ici qu’une mélodie s’élève, de la masse symphonique.