« Melænis » : différence entre les versions

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La matrone se cache aux regards envieux.
</poem>
 
==__MATCH__:[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/131]]==
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/131]]==
 
CHANT QUATRIIÈME
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Il était franc d’allure, et portait à l’épaule,
Non la peau d’un renard, mais celle d’un lion !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/132]]==
<poem>
 
Il avait ses défauts ; qui n’en a, dans son âme ? —
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Tous les drames bien nés brandissent un couteau ;
J’adore, pour l’effet, Rome qu’on incendie,
Et
Et l’esclave qui brûle, ainsi qu’un grand flambeau.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/133]]==
<poem>
l’esclave qui brûle, ainsi qu’un grand flambeau.
Chaque siècle, ô Néron, maudira ton génie,
Mais tu laissas du moins de quoi faire un tableau !
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On le nomma préfet aux gardes du prétoire,
Devant être fermier de la ville plus tard.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/134]]==
<poem>
 
Mais Paulus n’était pas de ces âmes trempées
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Qu’Alexandre dénoue au tranchant de sa lame.
» Hélas ! pensait Paulus, le père est furieux !
» —
» — Dès demain, dit Commode, elle sera ta femme ;
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/135]]==
<poem>
Dès demain, dit Commode, elle sera ta femme ;
» Je vais tuer un ours ou quelque hippopotame,
» Pour marquer dignement cet hymen glorieux !»
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Sulpice, dont le nom se cache dans la nue
Et qui de Jupiter descend par un côté !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/136]]==
<poem>
 
Après eux, Severus, héritier de l’empire,
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Dans ses contorsions était plaisante à voir ;
Marcius, d’un romain connaissait le devoir :
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/137]]==
<poem>
Saluant, souriant, et la tête baissée,
Il rampa vers César, tandis que sa pensée
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» Quel astre bienveillant plane sur ma famille ?»
 
— Vieillard, reprit Commode, accepte cet honneur,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/138]]==
<poem>
Vieillard, reprit Commode, accepte cet honneur,
» Et cherche en ton esprit quel gendre on te destine.
»— Un chevalier ? — Non pas. — Un consul, j’imagine ?
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Commode souriait ; sur sa main le moineau
Montait de doigts en doigts en agitant ses ailes…
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/139]]==
<poem>
Soudain il arracha son glaive du fourreau,
Et puis, l’écume aux dents, le feu dans les prunelles,
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Son sein était plus large et sa tête plus fière ;
Le bonheur, en rayons, éclatait dans ses yeux.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/140]]==
<poem>
 
Les grandes passions sont comme l’incendie,
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La carène au flanc sec, ils dédaignent la terre,
Et sur la rame humide allongeant leurs bras nus,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/141]]==
<poem>
S’exilent, en chantant, vers des cieux inconnus :
Ainsi font les amants, sans regards en arrière,
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Chancelaient tout courbés aux bras des jeunes filles
Dont le front souriait sous les feuillages verts.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/142]]==
<poem>
 
Ce tumulte, ces cris, cette plèbe en délire
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Une femme attendait ; ses yeux noirs et profonds
Sur ses traits sans couleurs luisaient par intervalle,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/143]]==
<poem>
Comme un soleil d’hiver sur la neige des monts.
» C’est moi, dit Melænis, et je sais ma rivale !… »
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Meurt, la sagette aux flancs et des pleurs dans les yeux !
 
»
» Ce que je veux, dit-elle, écoute : c’est la vie
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/144]]==
<poem>
Ce que je veux, dit-elle, écoute : c’est la vie
» Que j’avais autrefois au fond de la cité,
» Tout ce que j’ai perdu, tout ce qu’un soir d’été
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» Depuis que loin de moi ton amour s’envola ;
» Les hommes, ô Paulus, ne savent pas cela…
»
» Une fois, tu passais, je te vis dans la rue,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/145]]==
<poem>
Une fois, tu passais, je te vis dans la rue,
» Tu me parus plus grand !… une force inconnue
» M’étreignit à la gorge, et tout mon corps trembla !…
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» Car elle était charmante, et tu l’aimais, dit-on !… »
 
— Je l’aime ! dit Paulus, malheur à qui la touche ! »
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/146]]==
<poem>
Je l’aime ! dit Paulus, malheur à qui la touche ! »
Et dans ses doigts crispés il serrait son poignard ;
Melænis, sans trembler, le couvait du regard,
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» Et je comprends cela ; mais je sais bien comment
» Tu ne peux plus l’aimer ; étrange empressement
»
» Des hommes à railler les femmes inquiètes !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/147]]==
<poem>
Des hommes à railler les femmes inquiètes !
» A quoi bon ? Je sais tout, oublions maintenant ;
» Viens, nous serons joyeux, au sortir de tes fêtes.
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» Et si quelqu’un ici pense arrêter mes pas !…
 
»
» Je n’ai point sur mon front semé la perle fine,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/148]]==
<poem>
Je n’ai point sur mon front semé la perle fine,
» Ni comme elle, au milieu des esclaves tremblants,
» Dans les bains parfumés amolli mes bras blancs ;
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Il disparut bientôt au fond de la cité,
Comme un songe rapide, au réveil emporté…
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/149]]==
<poem>
Et, pliant sous le poids de sa tristesse immense,
Elle écouta partir sa dernière espérance,
Ligne 2 707 ⟶ 2 770 :
Ses pensers s’échappaient en phrases incertaines
Qui tremblaient sur sa lèvre et qu’on n’entendait pas.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/150]]==
<poem>
 
La sueur à son front collait sa chevelure,
Ligne 2 725 ⟶ 2 791 :
Dont la porte donnait sur un long corridor.
La chanson des buveurs, comme un lointain accord,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/151]]==
<poem>
S’échappait par lambeaux de l’antre qui murmure,
Et, près du seuil antique, on voyait en peinture,
Ligne 2 742 ⟶ 2 811 :
Des jeunes gens frisés passaient par intervalle,
Versant le vin nouveau ; les cris de toutes parts
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/152]]==
<poem>
 
Se croisaient, se heurtaient, sous la voûte fumeuse.
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Et vers l’homme aux mulets il dirigea ses pas ;
Riant dans la fumée, il portait sur deux plats
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/153]]==
<poem>
Un hachis de raisins et de viande pressée,
Plus un morceau de porc, une andouille épicée,
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C’était un beau garçon, sans barbe et plein de grâce :
» Que m’importe ! dit-elle, il faudrait un bon bras ! »
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/154]]==
<poem>
 
Elle allait furetant par la taverne humide
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Aux soldats ébahis il contait son histoire
Et haranguait la foule une coupe à la main ;
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/155]]==
<poem>
Son long glaive battait sur sa cuisse ; le vin
De rubis éclatants semait sa barbe noire…
Ligne 2 812 ⟶ 2 893 :
» Elle aime les grands coups et le sang qui ruisselle,
» Les boucliers luisants, les casques et les chars !… »
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/156]]==
<poem>
 
Tout en parlant ainsi, sa main large et rugueuse
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» Au large ! » cria-t-il, et ses yeux pleins de sang
Brillaient sous ses cils noirs, comme un feu rougissant
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/157]]==
<poem>
Sous les branches. Lancée avec un bruit de fronde,
L’escabelle en ses mains tournoyait à la ronde,
Ligne 2 848 ⟶ 2 935 :
Comme un flot écumeux sur un rocher poli.
 
»
» Bien ! dit-elle, voilà ce que je veux, l’audace ! »
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/158]]==
<poem>
Bien ! dit-elle, voilà ce que je veux, l’audace ! »
Et lui serrant la main : » J’aime les hommes forts !
» Ton sein large est taillé pour porter la cuirasse,
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Un refrain de taverne aimé des carrefours ;
Sa voix brève heurtait les vieilles mélodies,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/159]]==
<poem>
Ses pieds tombaient d’aplomb et cadencés toujours,
Tandis que ses deux mains sur sa tête arrondies,
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Semblait, la lyre en main, danser dans le soleil.
 
»
» Viens ! dit Pantabolus. — Non, » répondit la belle,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/160]]==
<poem>
Viens ! dit Pantabolus. — Non, » répondit la belle,
Et sa pose enivrante était plus molle encor.
Le soldat n’y tint plus, d’un bond il fut près d’elle,
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» Dit-elle, et sur mon front les panaches mouvants,
» La marche en plein soleil, l’assaut sur les murailles,
»
» La tente qu’on déploie et qui frissonne aux vents !… »
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/161]]==
<poem>
La tente qu’on déploie et qui frissonne aux vents !… »
Le soldat la couvait sous ses yeux éclatants,
Les mots qu’il entendait le prenaient aux entrailles.
Ligne 2 918 ⟶ 3 020 :
Pour y passer ses doigts, avec un cri joyeux.
 
Il se fit
Il se fit tout à coup, un bruit épouvantable :
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/162]]==
<poem>
tout à coup, un bruit épouvantable :
C’était le muletier qui roulait sous la table,
Et jurait congrûment par tous les noms connus,
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Arrivait par degrés. » Tiens ! dit Pantabolus,
» Je ne sais pas ton nom, mais je ne vivrai plus
»
» Sans ta danse, et ton rire, et tes chansons sans nombre ;
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/163]]==
<poem>
Sans ta danse, et ton rire, et tes chansons sans nombre ;
» Parle ! Un seul mot d’amour, embrassons-nous dans l’ombre… »
— Non, dit-elle, en baissant des yeux irrésolus. »
Ligne 2 953 ⟶ 3 063 :
» Je crois l’aimer encor ! — Son nom ! son nom ! son nom !
 
» —
» — Cet homme, écoute bien, de mon amour se joue,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/164]]==
<poem>
Cet homme, écoute bien, de mon amour se joue,
» Il en fait un haillon qu’il traîne dans la boue !
» Quand j’ai prié, quand j’ai pleuré, quand j’ai rampé,
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Pantabolus tremblant la retint dans ses bras.
» Laisse-moi ! lui dit-elle, il me faut son trépas !
»
» Crois-tu que j’aie un cœur si large ?… cette haine
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/165]]==
<poem>
Crois-tu que j’aie un cœur si large ?… cette haine
» Doit en sortir d’abord, pour que l’amour y vienne !
» Tu sais tout : lui vivant, je ne te connais pas !…
Ligne 2 987 ⟶ 3 105 :
— Va, fit Pantabolus, j’accepte le message ! »
— Demain ? dit Melænis. — Demain ! » dit le soldat.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/166]]==
<poem>
 
Elle tendit sa lèvre au gros légionnaire.
Ligne 3 005 ⟶ 3 126 :
Et, fixant sur le seuil la barre transversale,
L’échoppe des marchands se fermait à grand bruit ;
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/167]]==
<poem>
Quelques rares flambeaux brillaient par intervalle,
Tandis qu’on entendait, sur la brise qui fuit,
Ligne 3 023 ⟶ 3 147 :
» Staphyla ! cria-t-elle. — En face ! » dit l’enfant.
 
Staphyla ! Staphyla ! La vieille campanienne,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/168]]==
<poem>
vieille campanienne,
Qui va hochant la tête et murmure tout bas
Des mots mystérieux que l’on ne comprend pas !…
Ligne 3 040 ⟶ 3 168 :
» C’est l’amour outragé !… c’est la vengeance aussi !… »
— Qu’ils entrent, fit la vieille, on les connaît ici ! »
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/169]]==
<poem>
Et, dans l’ombre, grinça la porte de la salle,
Et leurs pieds, tour à tour, frappant la froide dalle,
Ligne 3 057 ⟶ 3 188 :
L’araignée aux longs bras, partout avait jeté
Sur les squelettes nus, un linceul argenté !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/170]]==
<poem>
 
Les lieux prennent leur part de la tristesse humaine,
Ligne 3 075 ⟶ 3 209 :
» Ces philtres, ces onguents, tout est pour toi, dit-elle,
» Parle ! » Et sa main glacée entraînait Melænis ;
»
» Veux-tu voir, en un jour, ses jeunes ans ternis ?
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/171]]==
<poem>
Veux-tu voir, en un jour, ses jeunes ans ternis ?
» Son front chauve, creusé d’une ride éternelle ?
» Et tout son corps tremblant sur ses pieds engourdis ?…
Ligne 3 093 ⟶ 3 231 :
» J’enchaînerai ses pieds au seuil de sa maison ! »
 
— Non ! Cria Melænis, ce n’est point mon affaire !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/172]]==
<poem>
Non ! Cria Melænis, ce n’est point mon affaire !
» Avant d’avoir sa mort il me faut son amour ! »
— Alors, je puis t’offrir, répliqua la sorcière,
Ligne 3 110 ⟶ 3 252 :
La danseuse reprit : » Qu’il soit aussi de mort !
» Et jetant sur la table une autre pièce d’or :
»
» Je veux qu’il m’aime et puis qu’il meure ! — C’est facile,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/173]]==
<poem>
Je veux qu’il m’aime et puis qu’il meure ! — C’est facile,
» Il faut, dit Staphyla, quelque recette habile,
» Qui le pousse à la tombe en le brûlant d’abord !
Ligne 3 128 ⟶ 3 274 :
» Qu’on guérit, à le voir, de toute passion !… »
 
— Je ne veux pas guérir ! cria la jeune fille ;
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/174]]==
<poem>
Je ne veux pas guérir ! cria la jeune fille ;
» Commençons !… l’heure échappe !… et le temps est compté !… »
La sorcière fait trêve à sa loquacité
Ligne 3 145 ⟶ 3 295 :
Tout en disant ces mots, dans un coin ténébreux
Prit un baquet étrange, au ventre spacieux,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/175]]==
<poem>
Et, gémissant de peine, avec sa main débile,
Elle vida dedans une amphore d’argile
Ligne 3 162 ⟶ 3 315 :
La vieille marmottait des paroles sans nombre,
Et courbée à demi sur des lames d’acier,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/176]]==
<poem>
 
Suivait, d’un doigt tremblant, mainte ligne bizarre,
Ligne 3 180 ⟶ 3 336 :
Le silence se fit solennel et profond ;
Et de nouveau la vieille, avec sa voix tranquille :
»
» Que vois-tu ?… — Je vois l’eau qui tourbillonne au fond… »
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/177]]==
<poem>
Que vois-tu ?… — Je vois l’eau qui tourbillonne au fond… »
— Il viendra ! » Melænis se penchait immobile,
Et le doute à l’espoir se mêlait sur son front.
Ligne 3 197 ⟶ 3 357 :
On eût dit à la voir, la bacchante en délire,
Quand sonne le tambour et la cymbale d’or.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/178]]==
<poem>
 
La sorcière éteignit les torches. L’âtre antique
Ligne 3 215 ⟶ 3 378 :
Brûler en pétillant des feuilles de laurier,
Et dans la cendre éparse alentour du foyer
— Selon les bruits du feu, variant ses postures —
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/179]]==
<poem>
Selon les bruits du feu, variant ses postures —
Elle trace des ronds et d’étranges figures,
Avec un bâton blanc, fait en bois d’olivier.
Ligne 3 233 ⟶ 3 400 :
» Se dressent, écoutant ton murmure lointain !
 
»
» Qu’il tombe avant le jour ! Que dans la nuit glacée,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/180]]==
<poem>
Qu’il tombe avant le jour ! Que dans la nuit glacée,
» Il ait, pour tout linceul, comme un sombre inconnu,
» L’aile du vautour fauve et l’ombre du ciel nu !
Ligne 3 250 ⟶ 3 421 :
Une froide sueur sillonna son visage,
Et le fouet, à ses mains échappa brusquement ;
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/181]]==
<poem>
Elle se tint d’abord, droite et sans mouvement,
La lèvre en sang, l’oeil fixe, et couvert d’un nuage,
Ligne 3 268 ⟶ 3 442 :
» Adieu !… je vais mourir ! Fantômes au pas lent,
 
»
» Avec vous, sur les monts où le cyprès frissonne,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/182]]==
<poem>
Avec vous, sur les monts où le cyprès frissonne,
» Je glisserai demain sous le pâle croissant.
» O larves des tombeaux, préparez ma couronne !
Ligne 3 285 ⟶ 3 463 :
» Je veux mêler mon âme à l’océan vermeil !
» J’irai dans les rameaux du cèdre solitaire !
»
» Dans la brume des nuits, dans les feux du soleil !…
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/183]]==
<poem>
Dans la brume des nuits, dans les feux du soleil !…
» Terre, adieu ! J’ai vécu ! » la voix de la sorcière
Vibrait étrangement, et son regard, pareil
Ligne 3 302 ⟶ 3 484 :
» C’est l’éternelle nuit qui sur mes yeux s’avance !… »
— Parle ! » dit Melænis, en se penchant si bas
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/184]]==
<poem>
Que ses cheveux bouclés frôlaient la moribonde.
 
Ligne 3 320 ⟶ 3 505 :
» Quand il venait me voir, poussé par quelque ennui,
» Me faisaient du bonheur pour tout un jour ! Dis-lui
»
» Que mes pleurs ont lavé ma jeunesse frivole,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/185]]==
<poem>
Que mes pleurs ont lavé ma jeunesse frivole,
» Et que ce dernier cri d’une âme qui s’envole
» N’eut pour témoins que toi, le silence et la nuit ! »
Ligne 3 337 ⟶ 3 526 :
» C’est ton fils que j’aimais !… — C’est mon fils que je tue !… »
Elle heurta son front entre ses poings serrés,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/186]]==
<poem>
 
Puis elle retomba, la tête sur la dalle,
Ligne 3 346 ⟶ 3 538 :
 
 
CHANT CINQUIÈME
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/187]]==
CINQUIÈME
<poem>
O frère de l’amour, hyménée ! Hyménée !
Ligne 3 354 ⟶ 3 548 :
Quand aux sons du crotale et de la flûte aimée,
L’étoile de Vénus palpite dans les cieux !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/188]]==
<poem>
 
Pour toi la jeune fille, en respirant à peine,
Ligne 3 372 ⟶ 3 569 :
Chaste, grave, et parfois guidant avec fierté
Un beau groupe d’enfants qui saute à son côté,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/189]]==
<poem>
Tandis que, contemplant leurs têtes gracieuses,
Le père, à ses cils noirs sent des larmes joyeuses
Ligne 3 389 ⟶ 3 589 :
Elles n’attendaient pas qu’un préteur d’Illyrie
Vînt tenter leur vertu des colliers à la main !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/190]]==
<poem>
 
Laissons l’amant rôder près des murs de sa belle,
Ligne 3 407 ⟶ 3 610 :
Quand il n’a plus de jour à jeter au destin,
L’homme, essoufflé, s’assoit sur le bord du chemin,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/191]]==
<poem>
Entre l’avenir sombre et le passé frivole,
Alors l’épouse vient, l’épouse qui console
Ligne 3 424 ⟶ 3 630 :
Et le bon cuisinier tordait avec furie
Ses cheveux grisonnants, sur son front en sueur.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/192]]==
<poem>
 
C’était un homme osseux et maigre de figure,
Ligne 3 442 ⟶ 3 651 :
De valets affairés que la sueur inonde,
De vaisselle sonore et de poêlons d’airain,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/193]]==
<poem>
Frémissant sur le feu comme le flot marin :
» Allons ! criait Bacca pour exciter son monde,
Ligne 3 460 ⟶ 3 672 :
» Et les dieux, à Bacca devaient une autre fin !… »
 
— Les turbots ! » dit Chrysale en enfonçant la porte
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/194]]==
<poem>
Les turbots ! » dit Chrysale en enfonçant la porte
Plutôt qu’il ne l’ouvrit, tant sa joie était forte ;
Puis, auprès du vieux maître arrivant en deux bonds :
Ligne 3 477 ⟶ 3 693 :
Entre deux beaux festons d’acanthe sinueux,
Diane chasseresse avec ses longs cheveux,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/195]]==
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Quand elle sort de l’onde, et, baigneuse pudique,
Livre aux nymphes des bois sa gorge magnifique,
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Avec la pièce d’or des fêtes nuptiales,
Et le fuseau qui dit : » Travaillez en aimant ! »
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/196]]==
<poem>
 
Ainsi qu’un arc tendu, sur son oeil qui pétille,
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Avec une façon de tête triomphale,
Et portant, comme amour, la torche et le carquois :
»
» Je me marie aussi, je viens faire mon choix ;
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/197]]==
<poem>
Je me marie aussi, je viens faire mon choix ;
» Celle-ci me plairait, mais elle est un peu pâle ;
» Cette autre serait mieux plus haute de deux doigts ! »
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» Ensemble, ce sera superbe : nous ferons
» Des enfants blancs et noirs, comme les hirondelles.»
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/198]]==
<poem>
 
Et vers sa sombre épouse il tendait, en parlant,
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» Mon pauvre petit nain, je ne te verrai plus
» Imiter, en dansant, le faune ou le satyre !…
»
» Mais, pourquoi, reprit-elle, abandonner Paulus ?
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/199]]==
<poem>
Mais, pourquoi, reprit-elle, abandonner Paulus ?
» Viens avec nous !… » Le nain se tenait, sans mot dire,
Et roulait au hasard, des yeux irrésolus.
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On l’eût pris volontiers pour un chien qui balance
Entre la voix du maître et l’odeur du festin…
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/200]]==
<poem>
 
Cependant sur les monts la nuit tendait ses voiles,
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Beau, jeune, ivre d’espoir, et défiant les pleurs.
Sous leur toge de fête aux riantes couleurs,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/201]]==
<poem>
Ses amis, alentour, effeuillaient la verveine,
Et tout frottés d’onguents, selon la mode ancienne,
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Il tenait, pour signer, le sigillum antique,
Ancus avec Numa, l’aqueduc et le port.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/202]]==
<poem>
 
Ce fut lui qui, prenant le rôle de la mère,
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Melænis, en silence, apparut sur le seuil ;
On eût dit une morte échappée au cercueil ;
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==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/203]]==
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Entre les rangs pressés, sans retourner la tête,
Elle allait à pas lents et tachait de son deuil
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» Ici, chez Marcius, je n’écoute qu’un maître !
 
»
» Vois tous tes conviés, ils pâlissent d’effroi !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/204]]==
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Vois tous tes conviés, ils pâlissent d’effroi !
» C’est que ta mère est morte ! Et la vieille sibylle
» N’a pas de tombe encor sur son cadavre froid !… »
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» Quelque écho du passé qui murmure tout bas,
» Souviens-toi, Marcius, de cette Campanienne,
»
» Qui partit en serrant son fils entre ses bras. »
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/205]]==
<poem>
Qui partit en serrant son fils entre ses bras. »
— Dieux ! fit l’édile en pleurs, ma jeunesse lointaine
» Accourt comme un fantôme au-devant de mes pas !
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Ainsi qu’un jouvenceau tomber dans l’élégie
Et se meurtrir le sein pour un crime amoureux.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/206]]==
<poem>
 
Il riait, il pleurait, et tournant par la salle,
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Il voyait tout à coup, formidable réveil,
Pâlir son Eurydice au seuil du jour vermeil !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/207]]==
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Devant ses longs regards, sans larmes et sans flamme,
La sœur se dessinait gravement, et la femme
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» O Vénus !… cria-t-il, d’une tremblante voix,
 
»
» A quoi bon dans les cieux, comme une raillerie,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/208]]==
<poem>
A quoi bon dans les cieux, comme une raillerie,
» Sur mon front abattu secouer ton fanal ?
» Ne pouvais-tu du moins, refusant le signal,
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» Quoi ! Mort ! évanoui ! Disparu sans retour !
» Que faire maintenant de ce cœur plein d’amour ?
»
» De mon sang ? De ma vie ? O misère ! Misère !
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/209]]==
<poem>
De mon sang ? De ma vie ? O misère ! Misère !
» Un autre sur son sein l’étreindra quelque jour ;
» un autre quelque jour ne sera pas son frère !… »
Ligne 3 740 ⟶ 4 007 :
» J’ai frappé ta poitrine, et ton cœur était sourd !…
 
»
» Tu connais maintenant cette longue torture
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/210]]==
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Tu connais maintenant cette longue torture
» Qui fait le jour sans joie et la nuit sans sommeil ;
» Tu sais le sang qui bout, à la lave pareil,
Ligne 3 757 ⟶ 4 028 :
Ce n’était pas l’amour ni l’ivresse insensée,
Mais l’engourdissement de toute la pensée,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/211]]==
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Mais la froide sueur sur ses membres perclus.
Comme en un songe affreux, sa poitrine oppressée
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» Pour y faire, à nos cœurs, un exil éternel !…
 
»
» Viens ! Qu’attends-tu ? Partons ! Pour nos désirs immenses,
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/212]]==
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Viens ! Qu’attends-tu ? Partons ! Pour nos désirs immenses,
» Paulus, la vie est courte, et le monde est étroit.
» C’est un souffle fatal qui me pousse vers toi.
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Frappa l’ombre, un fer nu brilla près d’un visage.
» A moi ! Je suis blessé !… » dit Paulus frémissant.
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==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/213]]==
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Puis il tomba d’un bloc, sans parler davantage,
Et la danseuse vit, aux lueurs de l’orage,
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J’ai cherché vainement ; l’hôtelier, fort discret,
N’a pas, même à prix d’or, dévoilé le secret.
</poem>
==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/214]]==
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Commode, l’empereur, eut une fin tragique ;
Ligne 3 822 ⟶ 4 106 :
Ou la poussa, du moins, à sa perfection.
Le bouffon se noya dans la marmite pleine,
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==[[Page:Bouilhet - Melænis, 1857.djvu/215]]==
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Un soir qu’à la cuisine il volait un bouillon.
Marcia ? — le bruit court qu’elle se fit chrétienne.