« La Case de l’oncle Tom/Ch XXXVII » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
François (discussion | contributions)
Paragraphe + typo + italiques
François (discussion | contributions)
→‎Relu et corrigé : corrections après relecture
Ligne 1 :
{{TextQuality|50100%}}<div class="text">
 
 
Ligne 29 :
— Que ferait-il ? demanda la jeune fille regardant Cassy en face, et perdant haleine d’anxiété.
 
— Demandez plutôt ce qu’il ''ne ferait pas !'' Il a bien appris son métier parmi les pirates des Indes occidentales. Vous ne dormiriez plus si je vous contais les choses que j’ai vues ; — les choses qu’il cite, parfois, comme de bons tours. J’ai entendu ici des cris tels que je ne pouvais les chasser de ma tête pendant des semaines et des mois. Là-bas, près des cases, il y a un endroit où vous pourriez voir un arbre calciné par le feu, au pied duquel sont amoncelées des cendres noires. Demandez-leur ce qui s’est passé là : vous verrez s’ils osent vous répondre !
 
Oh ! que voulez-vous dire ?
 
Rien ; je ne vous le dirai pas. J’en hais même la pensée ; mais je vous affirme que le Seigneur seul sait ce que nous pouvons voir demain, si ce pauvre garçon persiste comme il a commencé.
 
— Horreur ! » s’écria Emmeline, tout son sang abandonnant ses joues. « Ô CossyCassy, dites-moi, que ferai-je ?
 
— Ce que j’ai fait. Faites pour le mieux ; faites ce qu’on vous force à faire, et comblez la mesure en haine et en malédictions.
Ligne 119 :
Legris, quoiqu’il eût si résolument parlé à Cassy, s’éloigna de la maison avec un doute qui ne lui était pas ordinaire. Ses rêves de la nuit passée, venant se mêler aux prudentes suggestions de Cassy, lui obsédaient l’esprit. Il décida que personne ne serait témoin de son entrevue avec Tom, et se promit, s’il ne pouvait le soumettre par la menace, d’ajourner sa vengeance à une époque plus favorable.
 
À travers le grossier vitrail de la grange où gisait Tom, la douce lumière de l’aube, la gloire angélique de l’étoile du matin avaient pénétré, semblant apporter avec elles ces paroles solennelles : « Je suis la tige et le rejeton de David ; je suis l’étoile brillante du matin ! » Les réticences, les avis mystérieux de Cassy, loin d’abattre son âme, l’avaient fortifiée, comme un appel d’en haut. Il ne savait si c’était le jour de sa mort qui se levait au ciel, et son cœur palpitait de joie et de désir en songeant à toutes les merveilles, sujet constant de ses méditations. Le grand trône blanc, entouré de son arc-en-ciel toujours radieux, la multitude en robe blanches, murmurante comme le bruit des grandes eaux, les couronnes, les palmes et les harpes d’or, pouvaient tous éclater à sa vue avant le coucher du soleil ! Il entendit donc, sans effroi et sans frisson, la voix de son persécuteur aitau moment où il approcha.
 
« Eh bien ! mon garçon, dit Legris en le frappant avec mépris du pied, comment te va ? Ne t’avais-je pas prédit que je t’apprendrais une chose ou deux ? T’en trouves-tu bien ? La leçon te plaît-elle ? tes geignements t’ont-ils profité ? Es-tu tout à fait aussi crâne que tu l’étais hier ? Ne saurais-tu régaler un pauvre pécheur d’un petit brin de sermon ? Tâche ! »
Ligne 125 :
Tom ne répondit rien.
 
« Lève-toi, brute ! » s’écria Legris en lui donnant un second coup de pied. C’était chose difficile, brisé, affaibli comme l’était le pauvre Tom ; et pondantpendant qu’il essayait d’obéir, Legris se mit à rire brutalement. « Qui te rend si peu alerte ce matin, Tom ? Tu as peut-être reçu un coup d’air cette nuit ? »
 
Tom était parvenu à se lever, et regardait son maître en face, avec un front impassible et serein.
Ligne 139 :
— Oui, mais tu ne sais pas ce qui peut arriver, maître Tom. Tu crois que ce que tu as reçu hier est quelque chose ? Eh bien, moi, je te dis que ce n’est rien, rien du tout. — Aimerais-tu à être lié à un arbre et brûlé à petit feu ? Ne serait-ce pas un agréable passe-temps ? — hein, Tom !
 
— Maître, répondit Tom, je sais que vous pouvez faire d’effroyables choses ! mais, — il se redressa et joignit les deux mains, — mais quand vous aurez tué le corps, vous ne pourrez plus rien, — rien ! Et après ! oh ! après ! viendra l’éternitél’''éternité'', toute l’<small>ÉTERNITÉ</small> ! »
 
L’<small>ÉTERNITÉ</small> ! — À ce mot, l’âme du pauvre noir tressaillit, inondée de lumière et de puissance ; — celle du pêcheur aussi tressaillit comme sous la morsure ditdu scorpion. Muet de rage, Legris broya le mot sous ses dents. Tom, semblable à un captif délivré de ses chaînes, parlait d’une voix claire et joyeuse.
 
« Maître Legris, vous m’avez acheté, et je vous serai un loyal et fidèle serviteur. Je vous donnerai tout l’ouvrage de mes mains, tout mon temps, toute ma force, mais je n’abandonnerai jamais mon âme à une créature mortelle. Que je doive vivre ou mourir, je persévérerai dans le Seigneur, et mettrai ses commandements avant toutes choses ; vous pouvez en être sûr. Je n’ai pas peur de la mort : j’aime autant mourir que vivre. Il ne tient qu’à vous de me battre, de m’affamer, de me brûler, je n’en irai que plus tôt là où j’ai soif d’aller.