« Hommes d’État et hommes de guerre dans la révolution européenne – Le général Narvaez » : différence entre les versions
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{{journal|Hommes d’État et hommes de guerre dans la révolution européenne - Le général Narvaez |[[Auteur:Charles de Mazade|Charles de Mazade]]|[[Revue des Deux Mondes]]T.9, 1851}}
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Notre siècle est arrivé à un point où il ressent tous les dégoûts, toutes les lassitudes de la parole. Il a tant de fois adoré des mots en croyant adorer des choses, il
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/469]]== bien considérer. Ce Comment arrive-t-il que ceux qui sont particulièrement doués de ces qualités militaires se trouvent appelés à une prépondérance politique qui ne laisse point
Chaque pays
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/470]]== déclin. Vous avez vu le général Filangieri rattacher victorieusement la Sicile à Naples, et éteindre un des foyers de Tandis que
Les influences militaires sont un des élémens essentiels et permanens de l’histoire contemporaine de l’Espagne, et, en dehors même de toute autre explication, cela ne saurait étonner chez un peuple qui attache dans son ame un prix inestimable à l’action. De tous côtés, à travers la variété des événemens qui remplissent l’intervalle de 1834 jusqu’au moment présent, éclate la tendance des partis à se personnifier
Les influences militaires sont un des élémens essentiels et permanens de l'histoire contemporaine de l'Espagne, et, en dehors même de toute autre explication, cela ne saurait étonner chez un peuple qui attache dans son ame un prix inestimable à l'action. De tous côtés, à travers la variété des événemens qui remplissent l'intervalle de 1834 jusqu'au moment présent, éclate la tendance des partis à se personnifier en quelqu'un de ces généraux qui se font un nom sur les champs de bataille de la guerre civile. Aussi, dans ces antagonismes ardens qui se déclarent parfois entre les plus marquans de ces hommes de guerre, si la première place appartient en apparence à un mouvement personnel, à un instinct de rivalité, la politique est au fond, se pliant à toutes les péripéties du drame et prenant la forme d'un combat. Cette lutte des influences militaires, dans ce qu'elle a de supérieur et de décisif à chaque période de la révolution espagnole, peut se résumer en quelques noms, tels que ceux de Cordova, Espartero, Narvaez. Cordova est mort dans l'exil, en 1839, plein de jeunesse encore et dévoré d'amertume. Espartero, après avoir été renversé du sommet où il s'était placé, mène une vie retirée, à demi oubliée, tantôt à Madrid, tantôt à Logroño, où il désirait mourir alcade, comme il disait au temps de sa prospérité, sans soupçonner assurément par quelles voies il y serait ramené. Narvaez reste, depuis 1843, la personnification victorieuse d'une situation vainement attaquée. A quoi tient cette diversité de fortune? Elle tient sans doute à des causes purement espagnoles, et aussi à des causes qui ne sont pas particulières à la Péninsule, qui lui sont communes avec tous les pays où se reproduit ce même phénomène de l'action incessante des influences militaires. Pour que cette intervention d'un général dans la politique ait quelque chose d'efficace, de légitime et de durable, même en Espagne, surtout en Espagne, dirai-je, il faut plus d'une condition. La valeur militaire est beaucoup, et elle ne suffit pas; il faut en outre un grand sens politique, cet instinct juste et net qui révèle à un homme où est l'intérêt permanent de son pays au milieu de la confusion des intérêts secondaires. Et ces mérites personnels existant, tout n'est pas dit encore : il faut de plus les circonstances, cette faveur secrète qui fait concourir les événemens à une élévation individuelle, de telle sorte que dans la fortune politique d'un général, quand elle dépasse un certain niveau, il y a nécessairement la part du bonheur. Supprimez l'une de ces conditions, la faveur des circonstances par exemple, vous aurez en Espagne Cordova, le général en chef de l'armée du nord en 1835. Ni la valeur militaire, ni le sens politique ne manquaient à Cordova. Soldat et diplomate à la fois, tenant à l'ancienne monarchie par tradition, à la nouvelle par les lumières de son esprit, très décidé d'opinions, agité d'une légitime ambition de gloire, Cordova réunissait les qualités personnelles les plus nécessaires pour placer, dès l'origine, l'Espagne dans la voie calme et régulière où elle est aujourd'hui; mais il était venu à la mauvaise heure, à l'heure où s'accomplissait aussi au-delà des Pyrénées l'irrésistible fatalité révolutionnaire. C'est contre cet obstacle qu'il se brisa une première fois, quand la révolte de la Granja fit tomber de sa main l'épée qui avait gagné, à Mendigorria et à Arlaban, les premières victoires de la royauté d'Isabelle II. Une seconde fois, dans un mouvement malheureux qui éclata à Séville en 1838 et où il prit part, Cordova vint échouer devant la prépondérance naissante d'Espartero, qui non-seulement avait été pour lui un rival militaire, mais dans lequel il pressentait dès-lors le représentant armé de la révolution. Le temps et la vie lui ont manqué pour se relever de cette humiliante défaite. Il est hors de doute pour tout Espagnol que, si Cordova eût vécu, il serait aujourd'hui au premier rang.▼
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premières victoires de la royauté d’Isabelle II. Une seconde fois, dans un mouvement malheureux qui éclata à Séville en 1838 et où il prit part, Cordova vint échouer devant la prépondérance naissante d’Espartero, qui non-seulement avait été pour lui un rival militaire, mais dans lequel il pressentait dès-lors le représentant armé de la révolution. Le temps et la vie lui ont manqué pour se relever de cette humiliante défaite. Il est hors de doute pour tout Espagnol que, si Cordova eût vécu, il serait aujourd’hui au premier rang.
Ce ne sont point les circonstances qui ont fait défaut à Espartero ; ce
Par un bonheur singulier, il a été donné à Narvaez de réunir dans une mesure suffisante les conditions qui ne se trouvaient complètement remplies chez aucun de ses rivaux. Représentant du parti conservateur comme Cordova, il a eu de plus que lui en sa faveur les circonstances qui se sont offertes en 1843, et il
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Le général don Ramon-Maria Narvaez a cinquante ans maintenant. Il est né le 5 août 1800 à Loja, au
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/473]]== cette fougue, et qui connaît Don Ramon ne pouvait évidemment, par son âge, prendre aucune part à la guerre de 1808 ; ce
Peu après. Narvaez se trouvait en Catalogne sous les ordres de Mina, qui avait été chargé de poursuivre les guerrillas organisées dans ce pays pour le rétablissement du roi absolu, et de déloger la junte suprême instituée à la Seu
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/474]]== en une véritable guerre, et, si de pompeux bulletins ont singulièrement exagéré parfois les proportions des rencontres qui Cette guerre civile, qui a duré sept ans,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/475]]== d’Isabelle, on Ce qui est à remarquer,
On avance vite dans les guerres civiles, même quand on ne se décerne pas soi-même les grades, comme cela est arrivé plus
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/476]]== commandement qui ne laissait nulle place à Il faut se reporter vers ces années néfastes 1835 et 1836. La dissolution, à vrai dire, était universelle au-delà des Pyrénées, et en tout autre pays que
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/477]]== la tête de quelques milliers Un des épisodes où se dénote tout-à-fait et avec une supériorité réelle ce mélange d’instinct militaire et d’instinct politique qui caractérise le général Narvaez, c’est la création de l’armée de réserve dont il fut chargé sous l’impression de ses succès de Majaceite et la pacification
Un des épisodes où se dénote tout-à-fait et avec une supériorité réelle ce mélange d'instinct militaire et d'instinct politique qui caractérise le général Narvaez, c'est la création de l'armée de réserve dont il fut chargé sous l'impression de ses succès de Majaceite et la pacification de la Manche en 1838. La guerre civile espagnole n'a point eu les mêmes caractères sur tous les points où elle s'est développée et a régné à la fois. Dans les provinces basques, le patriotisme local dominait, et donnait à cette lutte quelque chose de sérieux et de politique. En Catalogne, des prêtres et des moines étaient l'ame de la junte de Berga et fanatisaient l'insurrection. Dans l'Aragon et Valence, c'était plutôt la guerre pour la guerre, par esprit d'aventure, par haine de la vie régulière. Dans la Manche, c'était bien autre chose; c'était une guerre de brigandage, de dévastation et de ruine. La Manche, on le sait, étend ses plaines poudreuses et desséchées entre la Castille-Nouvelle et l'Andalousie; la proximité des monts de Tolède offre un refuge facile et sûr à toutes les rébellions. Dans cet espace se maintenait, malgré les efforts des généraux Flinter, Aldama, Pardiñas, une armée factieuse de plus de six mille hommes, organisée, levant des impôts, rançonnant le pays, portant le meurtre et le pillage de tous côtés, et aussi prompte à se disperser en bandes détachées qu'à se réunir au premier signal pour tomber en masse sur les troupes de la reine, quand elles paraissaient. A la tête de ces bandes étaient les cabecillas Palillos, Orejita, Cipriano, Remendado; outre ces chefs de la faction dans la Manche, à ce moment de 1838, le cabecilla aragonais don Basilio, renouvelant avec moins d'habileté et de succès la tentative de Gomez, venait sur son chemin de brûler trois cents miliciens dans l'église de la Calzada de Calatrava. Le désordre était arrivé à un tel point dans la Manche, que la vie sociale était arrêtée en quelque sorte. Le travail était abandonné, les champs restaient incultes, tout commerce avait cessé. Des troupes de vagabonds affamés et demi-nus parcouraient les routes, et, dans cette population livrée à l'oisiveté et à la misère, les guerrillas puisaient chaque jour leurs recrues. Une démoralisation affreuse régnait dans ces contrées; nulle autorité, d'ailleurs, ne se faisait sentir. C'était une province dont les seuls maîtres étaient quelques guerrilleros tenant en échec la portion honnête du pays terrifiée et le pouvoir central lui-même, qui envoyait vainement généraux sur généraux. Ajoutez que, par cet état de la Manche, toutes les relations directes entre le gouvernement et l'Andalousie étaient interceptées. Entre le nord et le midi de l'Espagne, il y avait là comme un espace interdit où les voyageurs ne se hasardaient plus, où les convois ne pouvaient pénétrer sens être pillés, d'où les courriers ne sortaient pas une fois qu'ils y étaient entrés, et où les troupes elles-mêmes étaient sans sûreté au milieu d'une population qu'un défaut de protection efficace et la terreur inclinaient à tous les ménagemens envers la faction.▼
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==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/479]]== équiper, habiller et entretenir une armée sans autre secours fourni par le gouvernement que quelques cadres extraits de ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/480]]== armée au milieu Narvaez avait été appelé à Madrid et nommé successivement capitaine-général de la Vieille-Castille, puis général en chef
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/481]]== telle Espartero comprit la portée de la mesure qui plaçait Narvaez à la tête
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/482]]== plus graves ; il demanda à se retirer à Loja, en Andalousie, où allait venir le prendre, pour le jeter en exil, un de ces coups de vent imprévus et si fréquens en Espagne. On voit quelle était la situation de la Péninsule à la fin de 1838. Espartero dominait les résolutions du gouvernement, du quartier-général de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/483]]== dans le premier moment, que va faire cette ville livrée aux passions armées et à des hommes ambitieux ? Viens, nous la ramènerons au gouvernement, nous lui rendrons la tranquillité, nous empêcherons ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/484]]== sa carrière, et la résistance devenait un mouvement national dont Narvaez était un des chefs naturels et légitimes. Une des qualités du général Naraez, au contraire, ç’a été l’instinct
Une des qualités du général Naraez, au contraire, ç'a été l'instinct vigoureux et persistant de la première loi de la vie militaire. - la discipline. Sa pensée, c'est celle de Cordova, qui disait « qu'il faut tenir l'armée le front à l'ennemi, le dos tourné aux partis. » Dans cette crise politique de 1838, où il se trouvait à Madrid, à la tête de soldats formés par lui, dévoués et pleins d'ardeur, les excitations ne lui manquaient pas; peut-être aurait-il eu peu à faire : il résistait à ces séductions et refusait de se prêter aux combinaisons des partis. Et dans cette triste affaire de Séville même, on le voit encore préoccupé du soin de garantir les troupes du contact de l'émeute : il était là, au fond, ce qu'il était en 1836, quand il préservait sa division de la démoralisation qui avait gagné toute l'armée, ce qu'il était en 1838 à Madrid, au milieu des partis, qui n'eussent pas demandé mieux que de devoir un succès à son épée. C'est surtout depuis 1843 que le général Narvaez a employé cette énergique activité dont il est doué à bannir la politique de l'armée, à y rétablir les notions d'ordre et d'obéissance; aussi l'habitude des conspirations militaires disparaît-elle au-delà des Pyrénées. L'Espagne a aujourd'hui une armée disciplinée et fidèle qui peut marcher au combat pour la pacification intérieure, et qu'on a pu voir, pour la première fois depuis long-temps, figurer avec honneur hors de la Péninsule. Dans une circonstance où le général Narvaez, momentanément éloigné du pouvoir, venait d'être investi du titre un peu vague de généralissime, on l'accusait lui aussi, d'aspirer à se créer une de ces situations militaires irrégulières qui ne laissent plus de liberté aux délibérations politiques. Et que répondait-il? - Les ministres sont-ils d'avis de m'envoyer comme capitaine-général dans une province? disait Narvaez, je suis prêt à obéir; veut-on me mettre en simple sentinelle au palais? je suis prêt encore. - Peu après, on lui donnait l'ordre de quitter l'Espagne, et il s'éloignait. Cela ne veut pas dire que l'autorité politique du général Narvaez ne s'accroisse point naturellement de toute son autorité militaire; cela veut dire qu'il a un sentiment exact et élevé de cette distinction que je signalais entre un général devant aux circonstances aussi bien qu'à ses qualités propres une influence puissante dans la politique, et un général dictant ses volontés à la tête de son armée, faisant sentir la pointe de son épée dans les délibérations régulières des conseils. Au point de vue militaire, c'est là un des côtés par où diffèrent Espartero et Narvaez, et par où s'explique la diversité de leur action en Espagne.▼
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==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/486]]== au sol et à la race, se trouve être encore comme la garantie et Le mérite du général Narvaez,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/487]]== ambition, celle de premier serviteur de la monarchie, de premier sujet de la reine. La où Espartero flottait dans une irrésolution qui finissait par Veut-on observer quelques traits plus personnels de ces deux hommes dans leur rapport avec le rôle
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/488]]== de ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/489]]== de plus. De cette différence de tempérament entre <center>II</center>
Cette date de 1843 est pour
Le mouvement de juillet 1843, qui a abouti au renversement de la régence du duc de la Victoire et à la déclaration anticipée de la majorité de la reine Isabelle, était le produit de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/490]]== l’Espagne à cette époque ne tend Le général Narvaez, on le voit, y domine dans la lutte comme dans le succès. Il avait vaincu à Torrejon de Ardoz, il avait tenu tête du conseil et de
Les oppositions modérées naissent et prospèrent avec les situations calmes, et tel était alors
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/491]]== les pays. Ce
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/492]]== après La crise intérieure ramenait invinciblement le général Narvaez au pouvoir ; mais il y avait un événement qui allait le rendre bien plus nécessaire encore et imprimer à son rôle le caractère
Quelle était alors la situation de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/493]]== espagnol, ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/494]]== s’est élevée à la hauteur La révolution de février a eu vraiment
On connaît la nature et le jeu des partis au-delà des Pyrénées depuis
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/495]]== pour la Péninsule une menace incessamment suspendue sur son industrie, sur son commerce, sur sa fortune tout entière. Supposez un instant le parti progressiste arrivant au pouvoir le lendemain de février : par une double conséquence logique, nécessaire, simultanée, supérieure à la volonté même des hommes, cette traînée de poudre qui venait de
Pour nous-mêmes, pour la France, ces faits ont un grand sens : ils sont la confirmation la plus éclatante de la politique suivie à l’égard de
Pour nous-mêmes, pour la France, ces faits ont un grand sens: ils sont la confirmation la plus éclatante de la politique suivie à l'égard de la Péninsule par le régime déchu jusqu'à la révolution de février. Que n'a-t-on point dit, des deux côtés des Pyrénées, sur les rapports des deux gouvernemens? Protectorat égoïste et ambitieux d'un côté, disait-on, - servilité intéressée de l'autre ! Le protectorat est tombé pourtant; le roi Louis-Philippe a été jeté en quelques heures du trône dans l'exil, et ce gouvernement modéré est resté debout en Espagne, plus vivant que jamais, ralliant à lui toutes les forces nationales. Bien mieux, la France républicaine, dans ses relations avec ce gouvernement, n'a point trouvé d'autre politique à suivre que celle dont il recueillait la succession. Cela est si vrai, que, lorsque les chefs de la république nouvelle ont pu reprendre un peu de sang-froid, on les a vus seconder les efforts du général Narvaez, et ils n'avaient point tort, bien au contraire : ils ne faisaient que se conformer à la vérité de la politique française. Après comme avant la révolution, les intérêts de la France en Espagne sont les mêmes; ils résident plus encore que par le passé dans l'existence d'un gouvernement modéré et vigoureux au-delà des Pyrénées; et ce qui reste comme le monument de l'ignorance bavarde et malfaisante des partis, ce sont ces déclamations à l'aide desquelles les brouillons de tout étage ont réussi peut-être, il y a quelques années, à fausser le sens public sur la vraie nature de ces intérêts.▼
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Ce
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/497]]== transformation de la législation douanière, à laquelle M. Mon a attaché son nom, et qui avait arrêté Ce qui distingue le général Narvaez dans sa vie politique comme dans sa vie militaire, c’est évidemment le don vigoureux de l’action. Chef de gouvernement dans un pays constitutionnel, il a bien fallu qu’il se pliât aux habitudes parlementaires, qu’il parlât en un mot.
Ce qui distingue le général Narvaez dans sa vie politique comme dans sa vie militaire, c'est évidemment le don vigoureux de l'action. Chef de gouvernement dans un pays constitutionnel, il a bien fallu qu'il se pliât aux habitudes parlementaires, qu'il parlât en un mot. Comme orateur, l'homme d'action se retrouve encore dans sa parole. De tous les généraux qui ont pris part, à diverses époques, aux discussions politiques en Espagne, le général Narvaez est un de ceux qui l'ont fait avec le plus de distinction. On a pu observer plus d'une fois ce caractère particulier qu'a le langage des hommes formés à l'école de la vie militaire. Il est certain que les soldats ont une manière d'aborder la tribune et de s'exprimer sur la politique pleine d'une précision et d'une netteté qui ne sont point étrangères aux habitudes de leur vie; ils ne parlent guère pour parler; ils vont droit au but; ils sont accoutumés à savoir ce qu'ils veulent dire, comme ils savent ce qu'ils doivent faire. Cette parole d'un soldat, quand elle ne va pas par malheur s'embourber dans la logomachie des partis, arrive aisément à une sorte d'éloquence propre très distincte de l'éloquence plus littéraire des orateurs politiques. On pouvait voir, récemment encore, en plein sénat, à Madrid, éclater le contraste de ces deux genres de paroles : d'un côté, c'était M. Lopez, le fougueux tribun de 1836 et de 1843 et l'un des hommes les plus éloquens de l'Espagne au sens ordinaire du mot, l'un de ceux qui possèdent le mieux l' art de passionner une argumentation, de grouper des tableaux, de jeter dans un discours toutes les ressources de l'imagination; c'était encore un tribun attaquant le gouvernement. De l'autre côté, c'était le duc de Valence, portant le tranchant de sa parole dans cet habile tissu oratoire de son adversaire, dissipant cette fantasmagorie, précisant les faits et laissant percer parfois un accent de virile émotion. Le général Narvaez a eu coup sur coup à se défendre, au sénat ou au congrès, soit dans les actes de son administration, soit personnellement, soit même dans son passé; il l'a fait avec une réelle habileté, souvent avec esprit et toujours avec une mesure de langage qu'on n'attendait peut-être point de lui. Il s'est quelquefois servi de la parole pour caractériser avec un sens supérieur l'oeuvre politique à accomplir en Espagne. « Le jour où un parti politique pourra laisser le gouvernement, la direction des affaires publiques à un parti opposé, disait-il au congrès en 1848, ce jour-là la nation recueillera le prix du sang qui a été versé et de tant de coûteux sacrifices mais j'ajoute une circonstance : ce sera le jour où ce parti pourra laisser la place à ses adversaires politiques., pour que ceux-ci puissent gouverner suivant leur conscience, suivant leurs doctrines, sans être forcés de céder aux exigences de ceux qui voudraient aller plus avant. Là est la condition. » C'était parler en politique, et c'était peut-être aussi se donner spirituellement le champ libre devant les partis, - devant le parti progressiste surtout, qui n'en est point là. L'Espagne, au surplus, est-elle arrivée à un tel point de raffermissement, que le pouvoir puisse passer indifféremment d'une main à l'autre au sein du parti modéré lui-même? L'expérience est commencée aujourd'hui; elle va se poursuivre sous nos yeux, et si elle est possible, ne peut-on pas dire que le général Narvaez a singulièrement contribué à ce résultat? Ne peut-on pas dire qu'il a servi puissamment à amener cet état où un changement considérable de personnes dans les régions ministérielles a pu s'accomplir sans que cette crise devînt menaçante pour le pays tout entier?▼
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commencée aujourd’hui ; elle va se poursuivre sous nos yeux, et si elle est possible, ne peut-on pas dire que le général Narvaez a singulièrement contribué à ce résultat ? Ne peut-on pas dire qu’il a servi puissamment à amener cet état où un changement considérable de personnes dans les régions ministérielles a pu s’accomplir sans que cette crise devînt menaçante pour le pays tout entier ?
Le général Narvaez en effet,
Si le général Narvaez comptait une immense majorité dans le congrès,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - — D’un autre côté, il Maintenant quelles seront les conséquences de la crise qui vient
Les deux forces essentielles de l’Espagne depuis sept ans, depuis 1848
Les deux forces essentielles de l'Espagne depuis sept ans, depuis 1848 surtout, au milieu des nécessités intérieures et des conditions générales de l'Europe, ont été en réalité le parti conservateur et le général Narvaez. Dans l'union de ces deux forces a résidé la meilleure garantie de la sécurité du pays; tout ce qui tend encore à les disjoindre est, sinon une menace d'un effet immédiat, du moins un élément d'incertitude. Le général Narvaez a, dit-on, des saillies impétueuses de caractère, des mouvemens impérieux qui rendent son pouvoir difficile : - soit, bien qu'au fond les mieux informés sachent jusqu'où peuvent aller ses susceptibilités et ses emportemens ! Je ne suis point éloigné de croire, pour ma part, que, quand il s'est retiré, le moment était venu pour lui de fortifier son gouvernement par des accessions utiles, d'étendre avec une décision nouvelle l'action de sa politique aux réformes morales autant qu'aux réformes matérielles. Bien des choses restent encore à faire en Espagne sous ce double rapport; mais, à côté de ceci, le mérite réel et supérieur du général Narvaez, c'est l'immense autorité qu'il exerçait sur le parti conservateur, c'est l'ascendant par lequel il empêchait d'éclater les divisions, les dissidences secondaires. Le parti modéré, comme je le disais, a l'immense majorité dans la nation; il a de profondes racines dans les instincts, dans les intérêts, dans les besoins du pays. Ce qui lui a manqué souvent, c'est l'unité, - non l'unité des doctrines, mais, qu'on me permette cette expression, l'unité des hommes, en d'autres termes, la discipline. C'est ce qui a fait son impuissance dans des instans décisifs; c'est de là que lui sont venus ses échecs. Il n'a tenu avec ensemble au feu que lorsqu'il a eu à sa tête un chef énergique. Que ce chef soit un soldat, qu'y a-t-il de surprenant quand la politique est une guerre, même dans les courtes trêves qui nous sont données de notre temps? Il ne suffirait point de dire publiquement ou dans le secret des entretiens privés : Le général Narvaez a été l'homme nécessaire en 1848, tout a dû s'effacer devant lui; aujourd'hui le calme est revenu, les perspectives sont moins sombres, le mouvement ordinaire des partis doit renaître. Ceci ne signifierait qu'une chose, c'est qu'il est temps de profiter de la paix pour recommencer le travail de morcellement et de division qui a si bien réussi d'autres fois au-delà des Pyrénées même, qui réussit si bien ailleurs, nous en avons trop de preuves. En 1846, le ministère qui succédait au général Narvaez n'avait rien assurément que de pleinement rassurant; un an après, le parti progressiste était aux portes du pouvoir. Ceci est ce qui tient aux conditions intérieures de l'Espagne. Je ne parle point des circonstances extérieures, je ne parle point des crises qui peuvent se reproduire en Europe; qu'une de ces crises éclate, qui oserait affirmer que le duc de Valence n'est point l'homme le plus propre à tenir tête à la contagion révolutionnaire? C'est ce qui me fait dire que retiré du pouvoir comme au pouvoir, en dehors des combinaisons ordinaires des partis, le général Narvaez occupe encore une grande place dans les affaires de la Péninsule.▼
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ordinaires des partis, le général Narvaez occupe encore une grande place dans les affaires de la Péninsule.
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