« Le Christianisme révolutionnaire » : différence entre les versions
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{{journal|Le Christianisme révolutionnaire|[[Auteur:Charles de Mazade|Charles de Mazade]]|[[Revue des Deux Mondes]] T. 8 1850}}
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:I.
:II.
Un des caractères les plus saillans et les plus étranges des années qui ont précédé la révolution de février, il faut
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1110]]== nos illusions comme sur nos dérèglemens Quand vint février, nous étions en train de nous raccommoder avec Robespierre et de retrouver en lui
Au milieu de cette agitation révolutionnaire qui a été
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1111]]== d’un auditoire inexpérimenté ? Leur langage était enflammé et prenait un caractère prophétique ; ils promulguaient, ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1112]]== de ''liberté, égalité, fraternité'' ! mais non certes au plus bas prix. Ce qui Pourquoi Lucien n’a-t-il point vécu de notre temps ? Bien certainement la
Pourquoi Lucien n'a-t-il point vécu de notre temps? Bien certainement la figure de M. Pierre Leroux eût exercé sa verve. Ce n'est pas que le mordant satirique de Samosate eût vu clair dans les systèmes, dans la ''doctrine'' de l'auteur de ''l'Humanité'' : où donc eût-il vu cette doctrine? comme dit M. Proudhon. Mais il eût aimé les traits de ce plaisant démiurge, et il l'eût peint, j'imagine, dans un de ces beaux jours d'effusion où, moitié philosophant, moitié chantant, l'apôtre radical se livrait à son inspiration fameuse : « C'est l'amour!... etc. » Peut-être l'eût-il placé à côté de ce Mithrobarzanes, magicien par excellence, aux longs cheveux et à la longue barbe, lequel s'était chargé d'initier Ménippe et l'initia effectivement en le plongeant trois fois de l'Euphrate dans le Tigre, en l'armant de la massue, de la lyre et de la peau du lion et en lui recommandant de se nommer à tout propos Ulysse, Hercule ou Orphée. Ce Mithroharzanes me paraît, sauf erreur, très expert en triades. Pour n'être pointant disciple de Zoroastre, M. Pierre Leroux n'en a pas moins des mérites d'initiateur auxquels M. Proudhon n'a point ménagé les traits de son ironie. M. Pierre Leroux caresse aujourd'hui plus que jamais l'idée de l'identité du christianisme et du socialisme; il en fait le thème de ses homélies journalières où il est question de l'Évangile et de la déclaration des droits, de l'association et du ''circulus'', du gouvernement provisoire et de l'organisation du suffrage universel. Si vous mettez en doute l'identité, on citera Symmaque. Si votre incrédulité n'est point réduite, M. Pierre Leroux mettra de nouveau au jour le factum d'un avocat romain, l’''Octavius'' de Minutius Félix, où les chrétiens, comme nos contemporains socialistes, sont traités ''d'exécrable secte'' et de ''vile multitude'', après quoi il sera manifestement et surabondamment prouvé que nous assistons aux merveilles du christianisme naissant dans la persécution. On comprend au surplus le sens philosophique de cette renaissance dont M. Leroux décrit les merveilles il s'agit ici du christianisme de la nouvelle espèce, de celui qui prend pour mot d'ordre : « La révolution est une religion nouvelle! » Il s'agit du christianisme de Catherine Théot, qui voyait dans Robespierre ''le fils de l'Être suprême, le verbe éternel'', le nouveau ''rédempteur du genre humain''; c'est là le christianisme de l'humanité progressive. N'êtes-vous point d'avis de reprendre la définition de Diderot : « C'est du ''platonico-pythagorico-paracelsico-christianisme''? » Encore faudrait-il, je pense, élargir la définition pour qu'elle pût caractériser suffisamment cet étrange amalgame d'illuminisme, de paganisme, de panthéisme, de fanatisme démocratique qui s'est fait jour à travers les fentes de notre société crevassée.▼
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De tels raffinemens de corruption intellectuelle et le facile accès
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1114]]== et du vrai, mais pour nous jeter hors des voies battues. Ce sont proprement vices Faut-il
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1115]]== la miraculeuse réalisation du véritable idéal chrétien, et ce qui éclate au premier coup Quand je parle de ce mélange de paganisme qui se retrouve au fond de la révolution et
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1116]]== du jour par le froncement de sourcil Dépouillons de ses broderies grotesques ou humoristiques cet étrange problème qui est celui de la civilisation elle-même. Le malheur de la révolution française, ce qui fait qu’elle pèse comme un doute sur les plus honnêtes et les plus fermes esprits, ce n’est point qu’elle ait été dans son principe une infraction aux lois des sociétés issues dit christianisme : c’est la confusion qui s’est
Dépouillons de ses broderies grotesques ou humoristiques cet étrange problème qui est celui de la civilisation elle-même. Le malheur de la révolution française, ce qui fait qu'elle pèse comme un doute sur les plus honnêtes et les plus fermes esprits, ce n'est point qu'elle ait été dans son principe une infraction aux lois des sociétés issues dit christianisme : c'est la confusion qui s'est élevée entre les dates, entre les idées, entre les fatalités et les tendances de ses diverses époques; c'est cette sorte de solidarité néfaste créée par les faits entre 89 et 93, - solidarité que les uns reconnaissent pour s'en faire une arme contre l'ensemble de la révolution, que les fauteurs de barricades ou de philosophies effrénées revendiquent pour ennoblir leur drapeau, et qui demeure l'énigme des intelligences impartiales. Tant qu'on n'aura point résolu le problème de restituer à chacune de ces dates sa signification, de démêler ce qu'il y avait d'invincible, de légitime, et ce qui n'a été que la pure insurrection du mal, tant que la vérité de cette distinction ne sera point entrée dans les consciences comme une certitude, comme la règle des opinions et des conduites, le doute subsistera et glacera les ames. Peut-être cette distinction était-elle moins possible dans le premier moment, où l'idée des transformations nécessaires se compliquait de la part de châtiment réservée aux déviations morales accumulées dans une société vieillie. Nous avons pensé l'avoir mieux faite, nous avons cru l'avoir réalisée dans nos essais successifs, dans nos institutions politiques, et, si nos frêles combinaisons n'ont point tenu devant un souffle révolutionnaire, il faut bien que cette distinction ait été pour nous-mêmes dans les mots, plus que dans les choses. Oui, assurément, dans le mouvement qui a éclaté, il y a soixante ans, il y a eu la part de l'effort légitime, de l'innovation nécessaire qui ne dérogeait point à l'idéal chrétien, qui en était, au contraire, la vivante application. C'est ce qui fait que cette date de 1789 avec ses tentatives, avec ses grands esprits et ses illusions mêmes, s'élève pour nous dans. son principe au-dessus d'un outrage à l'ordre général des sociétés depuis le Christ; mais ce qui n'est point douteux en même temps, c'est qu'à côté s'est développée et a grandi une révolution d'un autre genre, ayant son génie propre, qui a préexisté à 89, s'est mêlée à cette époque et lui a survécu, qui a ses traditions dans toutes les révoltes morales, intellectuelles, religieuses, politiques, qu'on peut justement caractériser comme le travail permanent de l'esprit du mal au sein des sociétés, et qui est arrivée de nos jours à tenir en échec la civilisation elle-même. Par quel enchaînement de circonstances cette révolution de la pire espèce, se substituant à l'autre, est-elle restée jusqu'ici maîtresse du champ de bataille, et est-elle parvenue à nous dominer? Ici s'élèverait évidemment une autre question qui toucherait à nos plaies les plus actuelles, et conduirait peut-être à une triste découverte : c'est que, nous-mêmes, nous aurions aidé le mal à se propager, nous aurions servi sa cause à notre insu, en appliquant ses principes, en nous appropriant ses tactiques, en mettant ses armes en usage dans l'intérêt de rivalités et d'influences secondaires. J'ai toujours pensé qu'un des chapitres les plus curieux de notre histoire contemporaine serait celui où l'on montrerait l'esprit de destruction empruntant toutes les formes depuis un demi-siècle, se créant partout des alliés, se fardant de puritanisme libéral, de rigorisme conservateur, de philanthropie, de légitimisme, pour se dégager à la fin, dans la splendeur de sa victoire sinistre, du sein des partis réduits à l'impuissance, dissous, humiliés, - et peut-être encore non éclairés.▼
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Toujours est-il que la révolution dans ce qu’elle a de proprement révolutionnaire, si je puis ainsi parler, — qu’elle se nomme jacobinisme comme autrefois, socialisme comme aujourd’hui, — bien loin d’être le développement naturel du germe chrétien, est au contraire la négation essentielle du christianisme
Toujours est-il que la révolution dans ce qu'elle a de proprement révolutionnaire, si je puis ainsi parler, - qu'elle se nomme jacobinisme comme autrefois, socialisme comme aujourd'hui, - bien loin d'être le développement naturel du germe chrétien, est au contraire la négation essentielle du christianisme dans sa morale, dans ses dogmes, dans ses interprétations de la vie humaine et ses conséquences sociales. Cela ressort de ses applications aussi bien que de cet étrange corps de doctrines historiques et philosophiques rédigé au nom de la pensée révolutionnaire par une légion de sophistes. Cela ressort des alliances qu'elle contracte, des momens de l'histoire qu'elle remet en honneur, des tendances qu'elle réhabilite, des élémens qu'elle rajeunit à partir du paganisme lui-même auquel se rattache le premier anneau de cet enchaînement de négations. M. Louis Blanc a tracé de curieuses filiations de la révolution française au point de vue socialiste, et il n'était que dans le vrai en lui assignant de lointaines origines. Partout, en effet, où éclate une révolte, un démembrement, une scission qui porte atteinte à l'essence de la pensée chrétienne, là se trouve une tradition reconnue et avouée du socialisme, qui résume en lui tous les instincts, tous les mouvemens révolutionnaires. C'est comme une civilisation particulière qui se développe parallèlement à ce que nous nommons, nous, la civilisation. Quelle est la violation manifeste de l'idéal chrétien qui n'ait point sa place dans l'orthodoxie socialiste, - depuis les rêveries panthéistiques et alexandrines qui se cachent sous la défroque philosophique de M. Pierre Leroux jusqu'à l'anabaptisme qui revit dans l'ombre de nos sociétés secrètes, - depuis le matérialisme abject, le sensualisme honteux de quelques philosophes du XVIIIe siècle jusqu'à l'humanisme et à l'athéisme des pontifes hégéliens de l'Allemagne moderne? Chacune de ces influences a sa part spéciale d'action et pourrait être suivie à la trace dans le travail des sectes contemporaines; plus d'une a été savamment décrite; il me suffit pour le moment de dire que l'une n'empêche point l'autre, et M. Pierre Leroux l'entend bien ainsi dans ses efforts pour fondre toutes ces nuances, pour combiner tous ces élémens et les mener au combat. M. Pierre Leroux a des manières de commenter le socialisme très propres à nous éclairer. Observez avec lui tout ce qui sort de bizarre, d'extrême du fond de la révolution, - le babouvisme, la théophilanthropie, la doctrine idéologique qui professe que ''le pouvoir est un ulcère'' : chacun de ces systèmes vous paraît peut-être suffisant par lui-même; M. Pierre Leroux vous assurera que le socialisme est la synthèse qui les doit réunir. Le socialisme, vous dis-je, se compose de bien des choses : c'est l'éclectisme des toutes les négations religieuses, philosophiques et sociales. Il est d'honnêtes révolutionnaires qui se plaisent dans la négation comme dans une atmosphère, naturelle et saine et qui n'en disconviennent pas; ils sont dans le vrai de leur métier. Il en est qui rédigent des budgets, promulguent des décrets clandestins pour le prochain avènement de la démocratie ou imaginent des organisations qui n'ont que le tort de combiner les erreurs et les vices de tous les régimes. Les plus curieux sont ceux chez qui, par une surexcitation particulière d'esprit, la négation affecte la forme de l'affirmation, s'habille de christianisme et revêt la tunique de lin pour développer le mystère de l'eucharistie sociale, ou commenter le sermon sur la montagne au profit du règne prochain de l'humanité émancipée et du bonheur universel. Ce sont les plus curieux, disais-je; ce sont aussi les plus dangereux, on ne saurait le méconnaître, parce que leur langage est un piége permanent, parce qu'ils se font une arme des traditions religieuses, des habitudes contractées dès l'enfance pour infecter les ames peu fermes, les intelligences superficielles. C'est ce qui explique comment le plus grand nombre de leurs prosélytes se trouve parmi les femmes, dans la jeunesse, dans cette classe d'ouvriers chez qui une demi-instruction se joint à d'immenses désirs. Plaisantes gens pourtant, dans leur ensemble, qui sont sans cesse à parler de décadence, et qui exercent leurs yeux à en découvrir les personnifications contemporaines! Si cette décadence est réelle, n'en sont-ils pas les héros à tous les titres, - héros de décadence religieuse, politique, littéraire? et la plus singulière fatuité chez eux serait de se prétendre les régénérateurs d'une civilisation dont ils sont le détritus accumulé. Si cette décadence. ne doit point s'accomplir, c'est que cette sève chrétienne qu'ils dénaturent, c'est que la sève morale, et quelque chose d'autre encore, la sève du bon sens, n'est point tarie et peut jaillir en élans inespérés sous la pression même de leurs chimères.▼
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le plus grand nombre de leurs prosélytes se trouve parmi les femmes, dans la jeunesse, dans cette classe d’ouvriers chez qui une demi-instruction se joint à d’immenses désirs. Plaisantes gens pourtant, dans leur ensemble, qui sont sans cesse à parler de décadence, et qui exercent leurs yeux à en découvrir les personnifications contemporaines ! Si cette décadence est réelle, n’en sont-ils pas les héros à tous les titres, — héros de décadence religieuse, politique, littéraire ? et la plus singulière fatuité chez eux serait de se prétendre les régénérateurs d’une civilisation dont ils sont le détritus accumulé. Si cette décadence. ne doit point s’accomplir, c’est que cette sève chrétienne qu’ils dénaturent, c’est que la sève morale, et quelque chose d’autre encore, la sève du bon sens, n’est point tarie et peut jaillir en élans inespérés sous la pression même de leurs chimères.
Ce serait assurément toucher à
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1120]]== forgées avec quelques mots sur Je sais bien
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1121]]== particulière Remarquez que le complément de toutes ces émancipations,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1122]]== un joug, mi assujétissement, une discipline qui contient et réprime. Dieu et Que M. Pierre Leroux publie encore les merveilles de son christianisme et
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1123]]== arts et des sciences, capitale du monde civilisé. Il y a moins Le livre de M. Quinet, ''
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1124]]== reste ce que ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1125]]== le conseil ? La révolution est elle-même la religion ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1126]]== facile, et de former sur |