« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Tour » : différence entre les versions

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meurtrières; de sorte que ces échauguettes flanquent les hourds et sont
flanquées par les archères latérales de ceux-ci. Les hourds sont doubles
et disposés ainsi que l'indique la coupe (fig. 71 <i>bis</i>).
 
[Illustration: Fig. 71 <i>bis</i>.]
 
Suivant l'usage, la communication entre le chemin de ronde A ordinaire
et le chemin de ronde B de guerre se faisait par les créneaux
percés dans le parapet. De ce chemin de. ronde B, par un bout d'échelle
de meunier, les arbalétriers montaient sur le chemin relevé C et pouvaient
envoyer des carreaux par le mâchicoulis D. Trois rangs d'arbalétriers
tiraient ainsi simultanément. De plus, des projectiles étaient
jetés verticalement, au besoin, par les mâchicoulis M.
 
Profitant du commandement de la plate-forme supérieure E, un quatrième
rang d'arbalétriers envoyait des carreaux au loin par les créneaux
à volets et les meurtrières percés dans le parapet F. Les lignes
ponctuées indiquent les angles de tir.
Quelquefois la disposition des tours-portes était adoptée par raison
d'économie. Il était moins dispendieux d'ouvrir une baie à la base d'une
tour que de flanquer cette baie de deux tours suivant l'usage le plus
général. Plusieurs des bastides bâties dans la Guyenne, sous la domination
anglaise, ont, pour portes, des tours carrées. On trouve même
avant cette époque, dans la contrée, des traces de portes percées à
travers des ouvrages carrés ou barlongs. Telle est la porte Brunet,
à Saint-Émilion, dont la construction est encore romane, bien qu'elle
ne remonte guère plus loin que le commencement du XIII<sup>e</sup> siècle. Une
des portes de Cadillac offre une disposition curieuse, parmi les ouvrages
de cette nature. Ce ne fut qu'en 1315 que la clôture de la bastide
de Cadillac et ses <i>portails</i> furent commencés<span id="note92"></span>[[#footnote92|<sup>92</sup>]]. Les habitants devaient
élever les murs, et le seigneur du lieu, Pierre de Grailly, les quatre
<i>portails bons et suffisants</i>. Il paraîtrait que de ces quatre portails, le sire
de Grailly n'en éleva que deux. Or, voici l'un de ceux-ci, dit <i>porte Garonne</i>,
construit avec la plus grande économie, mais présentant une
disposition peu commune.
 
Des fossés de 20 mètres de largeur environ, remplis par les eaux de
l'Œille, entourent l'ancienne bastide. La porte Garonne projette toute
son épaisseur en dehors de la courtine, dont les chemins de ronde continuent
derrière elle, et bat le fossé. Voici (fig. 72) le plan de cette porte
au niveau du rez-de-chaussée, en A, et au niveau du premier étage, en B.
Dans ce dernier plan, on voit en <i>a</i> le chemin de ronde de la courtine,
que l'ouvrage n'interrompt pas. Les mâchicoulis et meurtrières <i>b</i> sont
percés à 2 mètres en contre-haut du sol de ce chemin de ronde, et ne
pouvaient, par conséquent, être servis par les gens postés sur ce chemin,
mais bien par les soldats placés sur un plancher de bois que l'on voit
tracé en <i>d</i> dans la coupe longitudinale (fig. 73); or, on ne pouvait se
placer sur ce plancher qu'en passant par une porte percée au niveau
du plancher du premier étage en <i>e</i> (voyez le plan B), et l'on ne pouvait
monter sur ce plancher que par une échelle mobile tracée en <i>f</i> (voyez
la coupe 73) et qui partait du sol de la porte. Les gardes de la porte
avaient donc l'unique charge de veiller à sa défense et ne communiquaient
pas avec les chemins de ronde des courtines. Comme, d'après
la charte d'établissement des défenses de Cadillac, ce sont les habitants
qui construisent l'enceinte et le seigneur qui élève les portes, il se
pourrait que la garde de celles-ci eût été confiée seulement aux gens
du sire de Grailly. Eux seuls auraient pu ouvrir les portes, eux seuls devaient
les défendre. Le seigneur aurait eu ainsi moins à redouter les
conséquences de la faiblesse, du découragement, ou même de la négligence
des bourgeois, assez disposés en tout temps à ne pas affronter
les longueurs et les privations d'un siége.
 
S'entendre avec des ennemis et leur faciliter les moyens de passer
un fossé plein d'eau, de 20 mètres de largeur, et d'escalader un rempart
de 10 mètres, c'était là un acte de trahison que de braves gens ne
pouvaient accomplir; mais laisser surprendre le poste d'une porte ou
écouter des propositions, et consentir à baisser le pont-levis devant une
troupe qui fait de belles promesses, c'était ce qui arrivait fréquemment
aux milices.
 
[Illustration: Fig. 72.]
 
Il semble que le constructeur de la porte Garonne de Cadillac ait
voulu prévenir ce danger, en faisant de cette défense, malgré son peu
d'importance, un poste absolument indépendant des remparts de la
ville. Dans notre coupe longitudinale (73), on voit que le chemin de
ronde en <i>n</i> n'a point de vues sur l'intérieur de la tour, et que ce chemin
 
[Illustration: Fig. 73.]
 
de ronde est facilement surveillé par les hommes postés sur le plancher
<i>d</i>.
La place de l'échelle mobile qui permettait d'atteindre la porte <i>e</i>
(voyez le plan 72 B, et la coupe 73) est parfaitement visible encore. Le
pied-droit <i>p</i> (voyez le plan) est plus large que le pied-droit <i>q</i>. Puis le mâchicoulis
et les meurtrières ne commencent qu'après la porte <i>e</i> (voyez la
coupe transversale 74). Le mur de garde de ces meurtrières, porté sur
deux corbeaux saillants et sur un arc, laisse donc une sorte de rainure
entre lui et le mur latéral <i>g</i>; rainure dans laquelle passait l'échelle.
 
[Illustration: Fig. 74.]
 
Celle-ci était en deux parties: l'un des jambages de la partie supérieure
était fixe, posé sur un repos ménagé sur le corbeau à côté du mur de
garde; l'autre suivait le mur <i>g</i> jusqu'au sol. La seconde partie de
l'échelle <i>f</i> (voyez la coupe 73) coulait au besoin sur le jambage <i>i</i> accolé
au mur, et sur l'autre jambage <i>l</i> maintenu en l'air par la pièce de bois <i>m</i>
appuyée sur le repos du corbeau <i>s</i>. Par la porte <i>e</i>, au moyen d'un cordage,
il était aisé de faire glisser l'échelle descendante sur les montants
de l'échelle fixe. Bien entendu, un guide empêchait cette échelle descendante
de sortir de son plan.
 
Les hommes de garde ayant remonté l'échelle passaient par la porte <i>e</i>
 
[Illustration: Fig. 75]
 
et redescendaient par la petite échelle sur le chemin de ronde spécial <i>d</i>. De là ils pouvaient, par trois meurtrières, envoyer des carreaux
sur la première porte, et servir le mâchicoulis, si l'ennemi arrivait jusqu'à la porte-barrière <i>t</i>. Un petit pont-levis V fermait la première porte.
Le chemin de ronde <i>d</i> était couvert par un simple appentis très-incliné <i>r</i>.
C'était également par des échelles qu'on montait au second étage et à
la défense supérieure, consistant en des créneaux et merlons percés de
meurtrières avec mâchicoulis, sur la face et les flancs de la tour. Si
nous supposons une section faite de <i>x</i> en <i>y</i> (du plan B) en regardant vers
l'intérieur de la tour, nous obtenons la figure 75. Ce tracé nous montre
l'arc de la porte en <i>a</i>, le sol du chemin de ronde des courtines pour le
service des milices en <i>b</i>, et le chemin de ronde du poste spécialement
affecté à la garde de la tour en <i>c</i>, avec sa porte <i>e</i> donnant sur l'échelle
mobile<span id="note93"></span>[[#footnote93|<sup>93</sup>]].
 
Cependant ces tours carrées servant de portes ne paraissaient pas
offrir assez de résistance contre un assaillant déterminé; leurs faces
n'étaient point flanquées, et la défense sérieuse ne commençait qu'à
l'intérieur même de la tour, lorsque la porte extérieure était déjà prise.
Il y avait dans ce parti un inconvénient. Il a toujours été mauvais, en
fait de fortifications, de réserver les moyens défensifs les plus efficaces
en arrière, car les troupes sont alors disposées à abandonner facilement
les défenses extérieures pour se réfugier dans celles qu'elles considèrent
comme plus fortes, mais qui sont les dernières, et qui, par cela même,
excitent les efforts énergiques de l'assaillant. Place entamée est bientôt
prise, l'assiégeant devenant d'autant plus entreprenant et audacieux,
qu'il a déjà obtenu un premier avantage. Il est un autre axiome de défense
qui n'a jamais cessé d'être applicable. Il est plus aisé d'empêcher
un assaillant d'avancer qu'il ne l'est de le faire reculer lorsqu'il a
gagné un poste.
 
Une porte non flanquée, comme celle de la bastide de Cadillac, était
bientôt forcée en comblant le fossé. Alors l'assiégeant se trouvait, il
est vrai, en face d'une seconde défense, relativement forte et bien
munie; mais il lui était facile de mettre le feu aux planchers de la tour
en accumulant des fascines sous le passage, et, dans ce cas, l'ouvrage
n'avait plus de valeur. À la fin du XIV<sup>e</sup> siècle, les tours cependant, à
cause de leur commandement, prenaient une nouvelle importance<span id="note94"></span>[[#footnote94|<sup>94</sup>]], et
un homme de guerre célèbre, Olivier de Clisson, persista à les employer
comme portes. Toutefois Olivier de Clisson renonça au plan
carré, et adopta la forme cylindrique. Le château de Blain, situé entre
Redon et Nantes, fut bâti à la fin du XIV<sup>e</sup> siècle par le connétable Olivier
de Clisson. La porte d'entrée de la baille est pratiquée dans une tour
ronde, dite tour du Pont-levis, qui montre encore à l'extérieur et à l'intérieur
l'M couronnée accostée d'un heaume. Ce chiffre équivaut à une
date certaine, car on le retrouve sur le sceau d'Olivier de Clisson, de
1407, et sur les bâtiments de l'hôtel du connétable, bâti à Paris vers
1388, et compris aujourd'hui dans l'hôtel des Archives de l'empire<span id="note95"></span>[[#footnote95|<sup>95</sup>]].
On sait, d'ailleurs, que vers 1366, Olivier de Clisson, qui avait juré de
n'avoir jamais d'Anglais pour voisins, alla demolir le château de Gâvre
que le duc de Bretagne venait de donner à Jean Chandos, et en fit porter
les pierres à Blain pour les employer dans la bâtisse du nouveau château.
Or, il paraitrait que le farouche connétable avait adopté, dans les
défenses qu'il faisait élever, un système de portes passant à travers le
cylindre d'une tour ronde, avec pont-levis, long couloir, vantaux, mâchicoulis
et herses<span id="note96"></span>[[#footnote96|<sup>96</sup>]].
 
La tour ronde avait cet avantage sur la tour carrée, qu'elle envoyait
des projectiles divergents, ne laissait pas de points morts sous les mâchicoulis
et était difficile à attaquer par la mine.
 
Ces tours-portes cylindriques d'Olivier de Clisson avaient sur les
courtines un commandement considérable. Celle de Blain est couverte
par un comble conique, et au-dessus du passage voûté de la porte est
une salle carrée, avec cheminée, cabinets et escalier montant aux
chemins de ronde des mâchicoulis.
 
Le célèbre château de Montargis possédait une tour-porte construite
à peu près suivant ce programme, mais développé. Nous en présentons
les plans (fig. 76)<span id="note97"></span>[[#footnote97|<sup>97</sup>]]. En A, est tracé le plan du rez-de-chaussée. Un pont-levis
s'abattait en <i>a</i>, sur une chaussée; <i>b</i> était un large fossé; <i>d</i>, la courtine
isolée de la tour; <i>e</i>, la grande salle crénelée<span id="note98"></span>[[#footnote98|<sup>98</sup>]]; <i>f</i>, un second pont-levis,
de sorte que la tour pouvait être complétement isolée des dehors
et de la cour du château <i>g</i>.
 
Quand on avait franchi la première porte <i>a</i>, on se trouvait dans une
cour cylindrique, sorte de puits à ciel ouvert, n'ayant d'autre issue que la
porte <i>f</i> vers la cour. Au premier étage B, la tour était mise en communication
avec la courtine <i>d</i> au moyen d'une passerelle de bois aboutissant
à un petit poste <i>h</i>. Par deux couloirs réservés dans l'épaisseur du
cylindre, on arrivait aux deux chambres de herses, et l'on trouvait en
face de la passerelle un escalier à vis montant à l'étage supérieur de la
défense, dont le plan est figuré en C. Cet étage ne consistait qu'en une
galerie annulaire crénelée à l'extérieur et à l'intérieur, afin de permettre
aux défenseurs d'écraser les assaillants qui se seraient aventurés dans la
cour circulaire.
 
Du rez-de-chaussée on ne pouvait monter aux étages supérieurs. De
petits postes étaient probablement ménagés dans l'épaisseur du cylindre,
entre l'étage des chambres de herses et la galerie de couronnement.
La figure 77 présente la coupe de cette tour, faite sur l'axe des
portes en A, et le détail de la galerie supérieure en B. Nous ne saurions
dire si cet ouvrage était antérieur ou postérieur aux défenses faites dans
l'Ouest sous les ordres du connétable de Clisson; mais il est certain
qu'il appartient au même ordre de défenses.
 
Nous avons montré, dans l'article <sc>Pont</sc>, des tours destinées à défendre
ces passages: les unes sont carrées, comme celles du pont de Cahors;
d'autres sont circulaires ou elliptiques, comme la grosse tour du pont
de Saintes. Il est donc inutile de nous étendre plus longtemps ici sur
ces tours à cheval sur des passages. Il nous reste à dire quelques mots
des tours-phares. Une des plus anciennes est la tour d'Aigues-Mortes,
dite tour de Constance, bâtie par saint Louis. Cette tour cylindrique a
29 mètres de hauteur sur 22 mètres de diamètre; une tourelle de
11 mètres s'élève près du crénelage sur la plate-forme, et portait les
feux de nuit destinés à guider les navires entrant dans le port. Cette
plate-forme est disposée pour recevoir les eaux pluviales qui s'écoulent
dans une citerne. Deux salles voûtées sont pratiquées sous le crénelage
et ne sont éclairées que par des meurtrières.
 
[Illustration: Fig. 76.]
 
Sur la tour carrée du fort Saint-Jean qui flanque le côté gauche de
l'entrée du vieux port de Marseille, et qui date du XIV<sup>e</sup> siècle, existait
autrefois une tourelle portant un feu. Sur les côtes de la Méditerranée,
dans les environs d'Aigues-Mortes, on voit encore la trace de tours
isolées qui servaient à la fois de phares et de postes pour défendre le
littoral contre les descentes fréquentes des pirates.
 
La plupart de ces ouvrages datent des règnes de saint Louis, de Philippe
le Hardi et de Charles VI.
 
[Illustration: Fig. 77.]
 
Le climat destructeur des côtes de l'Océan n'a pas laissé subsister de
tours de phares d'une époque reculée, et l'on peut considérer comme
une des plus anciennes la tour du port de la Rochelle, dite tour de la
Lanterne. Cet ouvrage, attaché aux remparts, s'élève sur le bord de la
mer, à 100 mètres environ du goulet du port, à l'extrémité du front de
gauche. C'est une grosse tour de 16 mètres de diamètre, terminée par
une flèche pyramidale de pierre.
 
Nous donnons les plans (fig. 78) de ses trois étages, en A à rez-de-chaussée,
en B au niveau du premier, et en C au niveau du chemin de
ronde<span id="note99"></span>[[#footnote99|<sup>99</sup>]]. L'étage bas est voûté; il est mis en communication avec la ville
 
[Illustration: Fig. 78.]
 
par le couloir <i>a</i>, mais n'est relié aux étages supérieurs par aucun escalier.
 
[Illustration: Fig. 79.]
 
On n'entre au premier étage que par le couloir <i>b</i> donnant sur le
chemin de ronde de la courtine. De ce couloir on monte par un escalier
à vis jusqu'au chemin de ronde crénelé de la tour, C; puis à ce niveau
on trouve le second escalier <i>h</i> qui monte à la lanterne accolée à la flèche.
La figure 79 présente la coupe de la tour. On remarquera que le chemin
de ronde est percé de mâchicoulis. En A, est la lanterne qui recevait le
feu, lequel, vers certains points de l'horizon, était masqué par la flèche.
Il est vrai que la lanterne est tournée du côté de la haute mer, et que
son feu illuminait la pointe de la flèche, ce qui pouvait être, pour les
navigateurs, un moyen de ne point confondre ce phare avec un autre.
La construction de cette tour date de la fin du XIV<sup>e</sup> siècle. La figure 80
présente son élévation du côté de l'entrée du port. Un balcon, auquel
on arrive par l'escalier à vis, est pratiqué à mi-hauteur de la flèche de
pierre, et permettait de placer des guetteurs ou encore des feux supplémentaires.
 
Il a été reconnu, de nos jours, qu'il ne pouvait suffire de placer des
phares à l'entrée des rades ou des fleuves pour indiquer les passes aux
navigateurs, mais qu'il importait, avant tout, de signaler la position du
littoral. «Or, ce littoral présente une série de caps diversement accentués,
qui peuvent être considérés comme les sommets d'un polygone
circonscrit à tous les écueils; et l'on a placé un feu sur chacun d'eux,
de manière à annoncer la terre aussi loin que le permettent la hauteur
et la puissance des appareils. On a établi d'ailleurs une relation
telle entre l'espacement des sommets et la portée des phares, qu'il
soit impossible d'approcher de la côte sans avoir au moins un feu en
vue, tant que l'atmosphère n'est pas embrumée<span id="note100"></span>[[#footnote100|<sup>100</sup>]].» On comprendra que pour faire un travail de cette nature, et d'après cette méthode, il
faut, avant tout, posséder des cartes côtières très-exactes. Or, la science
topographique est une science toute moderne.
 
Les côtes, pendant le moyen âge, aussi bien que pendant la période
de l'antiquité grecque et romaine, n'étaient reconnues que d'une manière
incomplète, assez cependant pour que les écueils ou les promontoires
aient été signalés par des tours ou de simples fourneaux dans
lesquels on brûlait des matières résineuses pendant la nuit.
 
Si l'on parcourt les côtes de France, particulièrement en Normandie
et sur la Méditerranée, il est bien rare que, dans le voisinage des phares
modernes, établis sur des promontoires, on ne trouve pas les traces de
constructions du moyen âge. Pendant cette période, comme pendant
l'antiquité, si l'on correspondait au moyen de signaux placés sur des
points élevés tant que durait le jour, la nuit les feux devenaient un
moyen habituel de correspondance entre des points éloignés, ainsi que
cela se pratiquait encore dans les montagnes de la Suisse et des
Cévennes, avant l'établissement des télégraphes électriques. Il n'est
pas besoin de dire que ces phares portaient, ou de simples grils à résine,
 
[Illustration: Fig. 80.]
 
ou des feux fixes enfermés dans des lanternes, et qu'ils ne pouvaient
avoir la portée de nos appareils modernes.
 
L'étendue que nous avons été obligé de donner à cet article fait assez
connaître de quelle importance étaient, dans l'architecture du moyen
âge, les constructions à grands commandements. Ce désir ou ce besoin
d'élever des tour a existé chez toutes les civilisations qui ne sont point
arrivées à un développement complet. Ceux qui bâtissent tiennent à
voir au loin et à être vus. La tour devient ainsi, en même temps qu'une
sûreté, un moyen de surveillance et une marque honorifique.
 
Sous le régime féodal, les seigneurs seuls avaient le droit d'élever
des tours; les tenanciers ne pouvaient en posséder (voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Château|Château]],
[[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Manoir|Manoir]]).
 
Bien entendu, comme seigneurs féodaux, les abbés usaient de ce
même droit, qui, pour les seigneurs laïques aussi bien que pour les
religieux, était soumis à l'autorisation du suzerain. C'est ainsi que sous
Philippe-Auguste et sous saint Louis, maint seigneur est contraint de
démolir les tours qu'il fait élever sans, au préalable, avoir obtenu la
sanction royale.
 
Les démolitions de tours ordonnées par le suzerain étaient presque
toujours provoquées par les plaintes de voisins. Les abbayes notamment,
et les évêques, veillaient scrupuleusement à ce qu'il ne fût pas
élevé de châteaux avec tours dans leur voisinage. Leurs plaintes à ce
sujet sont fréquentes, et quand les parties ne pouvaient s'accommoder,
il fallait recourir à l'autorité royale. Était-elle toujours respectée? Cela
est douteux; de là, entre seigneurs, des conflits qui, en fin de compte,
finissaient par provoquer l'intervention royale au détriment de l'un des
deux adversaires, quelquefois de tous les deux, et au profit du pouvoir
suzerain. Le roi, d'ailleurs, en cas de guerre, de défense du territoire,
avait le droit d'occuper et de faire occuper par ses troupes les châteaux,
tours et donjons de ses vassaux.
 
Or, en dépit de ce droit, il arriva parfois que les portes des châteaux
restaient closes devant leur suzerain, qui n'était pas toujours en état de
les faire ouvrir par la force. Les châteaux et leurs tours formidables
devinrent ainsi, pour la royauté, à mesure qu'elle s'affermissait, un
souvenir d'insultes souvent demeurées impunies. Louis XI porta un
premier coup à ces nids féodaux. La renaissance, plus encore par
mode que par politique, en vit détruire un grand nombre. Henri IV,
Richelieu et Mazarin démantelèrent les derniers.
 
Tel était leur nombre, cependant, sur le territoire français, que nous
trouvons beaucoup de ces défenses et de ces postes encore debout.
 
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<span id="footnote91">[[#note91|91]] : La pierrière est figurée en batterie sur cette plate-forme.
 
<span id="footnote92">[[#note92|92]] : Voyez la <i>Guyenne militaire</i>, par M. Léo Drouyn, t. II, p. 255. Voyez aussi, dans le
même ouvrage, la porte de Saint-Macaire, dite porte de Cadillac, laquelle est sur plan
barlong et couronnée par une simple rangée de mâchicoulis.
 
<span id="footnote93">[[#note93|93]] : Les relevés très-complets de cet ouvrage nous ont été fournis par M. Durand, architecte à Bordeaux.
 
<span id="footnote94">[[#note94|94]] : Ainsi que nous l'avons expliqué à propos d'une des tours du château de Vincennes.
Les portes de ce château sont percées dans des tours sur plan barlong analogues à celle
représentée fig. 31 et 32.
 
<span id="footnote95">[[#note95|95]] : Renseignements extraits d'une note inédite de M. Alfred Ramé.
 
<span id="footnote96">[[#note96|96]] : C'est sur ce programme qu'est construite la porte de la baille du château de Blain dont nous venons de parler.
 
<span id="footnote97">[[#note97|97]] : Voyez du Cerceau, <i>Les plus excellens bastimens de France</i>.
 
<span id="footnote98">[[#note98|98]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Salle |Salle ]].
 
<span id="footnote99">[[#note99|99]] : M. Lisch, architecte, qui a fait sur le port de la Rochelle un travail très-remarquable,
a bien voulu nous permettre de reproduire ses relevés de la <i>tour de la Lanterne</i>.
 
<span id="footnote100">[[#note100|100]] : Voyez <i>Mémoire sur l'éclairage et le balisage des côtes de France</i>, 1864, par
M. Léonce Reynaud.