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directement attaqué, ce sont ses sentimens d’ordre et de justice qui sont le plus ouvertement froissés. Sa politique est insultée par ceux-là mêmes qu’en 1830 elle a peut-être sauvés.
certain qu’il a combattu le système féodal avec énergie, qu’il s’est montré généreux envers les écoles ; mais la forme sous laquelle M. Ponsard a présenté ces idées semble empruntée à l’''Essai sur les Moeurs''. Six siècles plus tard, ces tirades eussent été à leur place ; prononcées par Philippe-Auguste, elles ne peuvent qu’amener le sourire sur les lèvres. L’amant d’Agnès, tel que nous le montre M. Ponsard, est un disciple de Voltaire. Le public, en applaudissant avec frénésie tous les morceaux où le poète célèbre l’unité politique de la France, semblait ignorer que l’autorité royale, au temps de Philippe-Auguste, n’embrassait guère plus de cinq départemens de la France d’aujourd’hui. Quant à la séparation des pouvoirs spirituel et temporel, bien que Philippe, dans un accès de colère contre Innocent III, ait parlé de se faire mécréant, il y a loin, on en conviendra, de cette boutade passagère aux dissertations ''ex professo'' que M. Ponsard a placées dans la bouche du roi. Les encouragemens accordés aux écoles par le roi de France n’ont jamais eu non plus le sens que leur prête le poète. Pour être juste envers M. Ponsard, la critique doit donc déclarer franchement qu’il a été applaudi pour ses fautes, tandis que les parties les plus vraies de sa composition ont été accueillies avec indifférence.


D’aussi injurieuses imputations seraient bien de nature à provoquer notre juste ressentiment. Nous ferons mieux toutefois de les négliger et de garder tout notre sang-froid pour nous bien rendre compte de la situation nouvelle créée par l’anéantissement de la république de Cracovie. D’un côté, les trois puissances qui ont consommé cet acte d’iniquité ; de l’autre, la France, l’Angleterre, tous les états constitutionnels grands ou petits, tous ceux qui ont gardé en politique la distinction du bien et du mal, du juste et de l’injuste. Cette situation serait donc bien nette, et l’on en saisirait les conséquences au premier coup d’œil sans le malheureux différend survenu entre la France et l’Angleterre. Tant que les parlemens des deux pays n’auront pas été mis en demeure de se former un avis et d’exprimer une opinion sur la valeur de ce dissentiment, tant qu’ils n’auront pas décidé s’il est sérieux et durable, ou s’il doit passer comme un refroidissement temporaire, toutes choses resteront en suspens. Les puissances provocatrices se tiendront fermes ensemble et attendront. La France et l’Angleterre hésiteront l’une comme l’autre à s’engager seules dans la querelle. On sent bien que, si la contrainte qui résulte de ces relations douteuses n’eût déjà pesé sur les deux gouvernemens, leurs premières démarches auraient eu un caractère plus décidé et auraient mieux répondu à la vivacité des impressions du public. La note de l’Angleterre aux trois cours est connue ; on sait qu’elle n’est pas une protestation formelle. Le secrétaire d’état de sa majesté britannique feint d’ignorer que le territoire de la ville libre de Cracovie ait été annexé à l’Autriche. Il a entendu dire, sans pouvoir y croire, que les trois puissances avaient conçu un pareil projet. Il s’empresse de leur faire observer combien il serait attentatoire aux droits des puissances qui ont signé l’acte final du traité de Vienne. Il finit en exprimant la confiance que ces simples observations suffiront à empêcher la consommation d’une mesure funeste. Le détour de lord Palmerston est un peu apparent, mais il a l’avantage de le tirer d’un assez grand embarras. Personne n’avait oublié cette phrase prononcée devant les communes d’Angleterre, si souvent répétée depuis et relatée tout au long dans l’article de la ''Gazette de Leipzig'' : « Il n’échappera pas à la loyauté des cours du Nord que, si les traités de Vienne ne sont pas bons sur la Vistule, ils ne sont pas meilleurs sur le Rhin et sur le Pô. » Lord Palmerston, s’il eût admis la violation des traités comme flagrante et déjà consommée, ne pouvait pas ne pas garder dans sa note quelque chose d’un langage si significatif ; mais aussi comment, dans l’éventualité d’une rupture, prêter de telles armes à la France ? Quant à la note française, on n’ignore pas qu’elle est une protestation formelle et positive :
Le côté le plus recommandable de la tragédie nouvelle est assurément le style. Le poète manie le vers avec une liberté, une souplesse que j’aurais mauvaise grace à nier, et pourtant le style d’''Agnès de Méranie'' manque d’unité. Il y a dans la manière de M. Ponsard trois élémens qui ne peuvent s’accorder entre eux : la périphrase, le ton familier, puis un ton intermédiaire que je renonce à baptiser. Par la périphrase, l’auteur d’''Agnès'' se rattacherait à l’école impériale : j’emploie à dessein la forme conditionnelle, pour ne pas donner à ma pensée le sens d’une accusation. Par le ton familier, il voudrait se rapprocher de Corneille, et quelquefois, je le reconnais avec plaisir, il a rencontré la grandeur. Quant au ton intermédiaire, je ne sais vraiment de quel nom l’appeler ; c’est quelque chose qui n’est ni la périphrase, ni le ton familier, mais qu’il serait difficile de caractériser : c’est un à peu près perpétuel, sans valeur littéraire, sans précision, sans clarté, qui fatigue l’attention sans jamais émouvoir le cœur ou élever la pensée. Par la réunion, ou plutôt par la juxtaposition de ces trois élémens, M. Ponsard s’est fait un style qui n’a certainement pas une véritable originalité, mais qui, par momens, charme l’oreille et peut faire illusion aux esprits inexpérimentés. Trop souvent le ton familier descend jusqu’au ton trivial et fait tache dans la période ; l’oreille est alors blessée comme si elle entendait une note fausse. C’est ce qui arrive nécessairement toutes les fois que le style manque d’unité. Or, telle est la condition dans laquelle se trouve M. Ponsard. Son style, à proprement parler, n’a rien de personnel ; il ne relève pas seulement de Corneille