« Franz Coppola » : différence entre les versions

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[[Catégorie:Poèmes sur la musique]]
 
{{journal|Franz Coppola|[[Auteur:Henri Blaze de Bury|Hans Werner]]|[[Revue des Deux Mondes]] T.13 1846}}
 
:::L'Italie est un cygne, elle meurt en chantant.
 
 
::::<small>L'Italie est un cygne, elle meurt en chantant.</small>
::Musique italienne et musique allemande,
::C'est une question qui ne finit jamais;
::L'un proclame l'orchestre et l'autre le gourmande;
::Celui-ci n'a de goût que pour les grands effets,
::Les modulations, les clairons et leur bande;
::Celui-là veut un air sentimental et frais.
 
::Vous aimez Bellini, je suppose, madame?
::Et certes, volontiers, je conviens avec vous
::Que c'est un enchanteur dont la voix porte à l'ame,
::Un maestro divin, et que, si j'étais femme,
::Ce cygne élégiaque, harmonieux et doux,
::Je le préférerais à Mozart comme à tous.
 
::Il avait des accens de tendresse divine,
::De suaves langueurs d'un délire infini;
::C'était le chant d'Orphée au fond de sa poitrine,
::Une amoureuse voix soupirant son ennui.
::Un poète a parlé des larmes de Racine;
::Ne chantera-t-on pas les pleurs de Bellini?
 
::Lui, de même, il savait pencher l'urne sonore
::Et pleurer; il savait éclater en sanglots,
::Et, pareille au ruisseau qui coule et qui s'ignore,
::Son ame féminine, où vibraient les échos
::De ces mille tourmens dont l'amour nous dévore,
::Versait la mélodie et les larmes à flots.
 
<poem>
::Il pleurait pour Arthur, il pleurait pour Elvire,
Musique italienne et musique allemande,
::La belle délaissée au suave délire;
C'est une question qui ne finit jamais;
::Et, s'il voulait chanter l'héroïque Norma,
L'un proclame l'orchestre et l'autre le gourmande;
::Une larme glissait furtive sur sa lyre,
Celui-ci n'a de goût que pour les grands effets,
::Et la corde d'airain, qui frémissait déjà,
Les modulations, les clairons et leur bande;
::Sur un mode plus doux prenait ''Casta diva''.
Celui-là veut un air sentimental et frais.
 
Vous aimez Bellini, je suppose, madame?
::Mais ne trouvez-vous pas que cette mélodie
Et certes, volontiers, je conviens avec vous
::Tourne bien, par instans, à la monotonie,
Que c'est un enchanteur dont la voix porte à l'ame,
::Et qu'en cette chanson, qui s'oublie aux hélas!
Un maestro divin, et que, si j'étais femme,
::Un peu de Rossini parfois ne nuirait pas?
Ce cygne élégiaque, harmonieux et doux,
::J'aime le clair de lune et sa mélancolie,
Je le préférerais à Mozart comme à tous.
::Mais du soleil, pourtant, il faut bien faire cas.
 
Il avait des accens de tendresse divine,
::Beethoven est immense, et son esprit sublime,
De suaves langueurs d'un délire infini;
::Emporté dans les airs par la nuée en feu,
C'était le chant d'Orphée au fond de sa poitrine,
::Du monde instrumental a fécondé l'abîme;
Une amoureuse voix soupirant son ennui.
::L'orchestre, dont la vague à son souffle s'anime,
Un poète a parlé des larmes de Racine;
::Ou mollement s'endort sous un ciel calme et bleu,
Ne chantera-t-on pas les pleurs de Bellini?
::Avec toutes ses voix le proclame son dieu.
 
Lui, de même, il savait pencher l'urne sonore
::Weber est romantique. - Au fond de cette grotte
Et pleurer; il savait éclater en sanglots,
::Si Miranda soupire, ou fredonne Ariel,
Et, pareille au ruisseau qui coule et qui s'ignore,
::Si le cristal filtré par le roc éternel,
Son ame féminine, où vibraient les échos
::En creusant le granit, goutte à goutte clapote,
De ces mille tourmens dont l'amour nous dévore,
::Si le cor égaré pousse un douteux appel,
Versait la mélodie et les larmes à flots.
::Quel que soit le mystère, il en saura la note.
 
Il pleurait pour Arthur, il pleurait pour Elvire,
::D'un côté Samiel et de l'autre Oberon,
La belle délaissée au suave délire;
::Ces esprits familiers, bizarres camarades,
Et, s'il voulait chanter l'héroïque Norma,
::Lui révèlent les bruits de la création;
Une larme glissait furtive sur sa lyre,
::Il entend les lutins mener leurs sérénades,
Et la corde d'airain, qui frémissait déjà,
::Il sait le frais motif que chantent les cascades
Sur un mode plus doux prenait ''Casta diva''.
::Au croissant de la lune ouvert à l'horizon.
 
Mais ne trouvez-vous pas que cette mélodie
::Notes d'or et d'airain! l'une vibrante et claire
Tourne bien, par instans, à la monotonie,
::Comme un grelot d'argent que secoue un lutin,
Et qu'en cette chanson, qui s'oublie aux hélas!
::L'autre portant en soi la flamme et le tonnerre,
Un peu de Rossini parfois ne nuirait pas?
::Et les mornes rumeurs de l'orage lointain.
J'aime le clair de lune et sa mélancolie,
::J'ai pourtant ouï dire, un jour, à mon voisin,
Mais du soleil, pourtant, il faut bien faire cas.
::Que Weber s'est servi de la gamme ordinaire.
 
Beethoven est immense, et son esprit sublime,
::Ne penserez-vous pas, madame, comme moi
Emporté dans les airs par la nuée en feu,
::(Ceci pour revenir à notre causerie)
Du monde instrumental a fécondé l'abîme;
::Que souvent, au milieu de cette symphonie
L'orchestre, dont la vague à son souffle s'anime,
::Où trône Beethoven en légitime roi,
Ou mollement s'endort sous un ciel calme et bleu,
::De tant de bruits pompeux l'oreille est éblouie,
Avec toutes ses voix le proclame son dieu.
::Et d'admirer si fort déplore un peu la loi?
 
Weber est romantique. - Au fond de cette grotte
::Oui, c'est une forêt auguste, immense, altière,
Si Miranda soupire, ou fredonne Ariel,
::Que cette symphonie avec sa profondeur,
Si le cristal filtré par le roc éternel,
::Ses grottes, ses torrens, ses échos, son mystère;
En creusant le granit, goutte à goutte clapote,
::Mais j'y voudrais parfois rencontrer la clairière,
Si le cor égaré pousse un douteux appel,
::Et dans la solennelle et mystique épaisseur,
Quel que soit le mystère, il en saura la note.
::Profane, j'ai souvent regretté l'émondeur.
 
D'un côté Samiel et de l'autre Oberon,
::Weber! à celui-là je ne sais quel reproche
Ces esprits familiers, bizarres camarades,
::Adresser. Fantastique, impétueux, ardent,
Lui révèlent les bruits de la création;
::Les mondes souterrains grondent à son approche;
Il entend les lutins mener leurs sérénades,
::D'originalité, nul n'en eut jamais tant.
Il sait le frais motif que chantent les cascades
::Quel poème, ''Freyschütz''! On l'avouera, pourtant,
Au croissant de la lune ouvert à l'horizon.
::Ce n'est pas toujours clair comme de l'eau de roche.
 
Notes d'or et d'airain! l'une vibrante et claire
::- Ainsi, rien de parfait sous ce beau ciel de l'art;
Comme un grelot d'argent que secoue un lutin,
::Triste abus de toucher à l'essence des choses,
L'autre portant en soi la flamme et le tonnerre,
::Et de porter trop loin le feu de son regard !
Et les mornes rumeurs de l'orage lointain.
::Le chant de Bellini, l'orchestre de Mozart!
J'ai pourtant ouï dire, un jour, à mon voisin,
::Plus d'un peintre a rêvé de ces métamorphoses :
Que Weber s'est servi de la gamme ordinaire.
::Que les cactus aussi n'ont-ils l'odeur des roses?
 
Ne penserez-vous pas, madame, comme moi
::Dessin de Raphaël, et couleur de Titien !
(Ceci pour revenir à notre causerie)
::La question, mon cher, vous voyez, n'est pas neuve :
Que souvent, au milieu de cette symphonie
::Symphonie allemande et chant italien?
Où trône Beethoven en légitime roi,
::Prenez à chaque source, épuisez chaque fleuve,
De tant de bruits pompeux l'oreille est éblouie,
::De quarante élémens composez votre bien,
Et d'admirer si fort déplore un peu la loi?
::Et nous verrons ensuite à juger de l'épreuve.
 
Oui, c'est une forêt auguste, immense, altière,
::L'issue est glorieuse, et certes vaut son prix :
Que cette symphonie avec sa profondeur,
::Satisfaire à la fois chaque dilettantisme !
Ses grottes, ses torrens, ses échos, son mystère;
::Recueillir les bravos des différens partis,
Mais j'y voudrais parfois rencontrer la clairière,
::Prêcher pour tous les saints ! eh ! mais, à mon avis,
Et dans la solennelle et mystique épaisseur,
::C'est le comble de l'art et du charlatanisme :
Profane, j'ai souvent regretté l'émondeur.
::Vous appelez cela, j'imagine, éclectisme?
 
Weber! à celui-là je ne sais quel reproche
::- En effet, c'est le mot, l'éclectisme est partout,
Adresser. Fantastique, impétueux, ardent,
::Dans la philosophie et dans la politique;
Les mondes souterrains grondent à son approche;
::Pourquoi donc, s'il vous plaît, à son tour la musique
D'originalité, nul n'en eut jamais tant.
::N'en aurait-elle pas senti le contre-coup?
Quel poème, ''Freyschütz''! On l'avouera, pourtant,
::Un dogme, quel qu'il soit, répugne à notre goût;
Ce n'est pas toujours clair comme de l'eau de roche.
::Quand le diable fut vieux, il devint éclectique.
 
- Ainsi, rien de parfait sous ce beau ciel de l'art;
::Je connais à Florence un maître sans pareil,
Triste abus de toucher à l'essence des choses,
::Dont, si vous permettez, je vous dirai l'histoire;
Et de porter trop loin le feu de son regard !
::L'univers, avant peu, parlera de sa gloire,
Le chant de Bellini, l'orchestre de Mozart!
::Car de l'esprit du siècle il sait prendre conseil;
Plus d'un peintre a rêvé de ces métamorphoses :
::Tous les styles vivans sont dans son écritoire :
Que les cactus aussi n'ont-ils l'odeur des roses?
::Il mettrait en duo la lune et le soleil !
 
Dessin de Raphaël, et couleur de Titien !
::Tantôt c'est Beethoven et tantôt Cimarose,
La question, mon cher, vous voyez, n'est pas neuve :
::Et, si la cavatine un instant se repose,
Symphonie allemande et chant italien?
::L'orchestre en mal d'enfant travaille un contre-point.
Prenez à chaque source, épuisez chaque fleuve,
::D'imagination, on dit qu'il n'en a point,
De quarante élémens composez votre bien,
::Mais c'est prodigieux comme en lui toute chose
Et nous verrons ensuite à juger de l'épreuve.
::S'adapte, s'enchevêtre, et se lie et se joint.
 
L'issue est glorieuse, et certes vaut son prix :
::J'assistai l'an dernier à la plus belle fête
Satisfaire à la fois chaque dilettantisme !
::Qu'on eût jamais encor vue à ''la Pergola'';
Recueillir les bravos des différens partis,
::Pour la première fois on donnait ce soir-là
Prêcher pour tous les saints ! eh ! mais, à mon avis,
::Une partition de l'illustre poète
C'est le comble de l'art et du charlatanisme :
::(Ses amis le nommaient ainsi dans leur gazette);
Vous appelez cela, j'imagine, éclectisme?
::Florence et son grand-duc étaient à l'opéra.
 
- En effet, c'est le mot, l'éclectisme est partout,
::Le sujet, emprunté de l'histoire biblique
Dans la philosophie et dans la politique;
::( ''La reine de Saba chez le roi Salomon''),
Pourquoi donc, s'il vous plaît, à son tour la musique
::Avait du grandiose et l'ampleur magnifique
N'en aurait-elle pas senti le contre-coup?
::Qu'on est en droit d'attendre avec un pareil nom;
Un dogme, quel qu'il soit, répugne à notre goût;
::Tous vantaient les décors, et, quant à la musique,
Quand le diable fut vieux, il devint éclectique.
::Le maestro s'était surpassé, disait-on.
 
Je connais à Florence un maître sans pareil,
::Certes, on disait vrai; pour ma part, je défie
Dont, si vous permettez, je vous dirai l'histoire;
::Qu'on ait jamais produit rien de si colossal.
L'univers, avant peu, parlera de sa gloire,
::J'aperçois Babylone en cette mélodie;
Car de l'esprit du siècle il sait prendre conseil;
::Et ne voyez-vous point dans l'andante final
Tous les styles vivans sont dans son écritoire :
::Que de métaphysique et de philosophie?
Il mettrait en duo la lune et le soleil !
::Mais c'est fait, tout cela, pour confondre Pascal!
 
Tantôt c'est Beethoven et tantôt Cimarose,
::Un air de Salomon, ''maestoso'', sublime,
Et, si la cavatine un instant se repose,
::Dans le style pompeux de Bach et de Handel,
L'orchestre en mal d'enfant travaille un contre-point.
::Obtint de l'assemblée un succès unanime;
D'imagination, on dit qu'il n'en a point,
::Puis, l'auteur à Mozart ayant fait un appel,
Mais c'est prodigieux comme en lui toute chose
::Les harpes de Sion frémirent sur l'abîme,
S'adapte, s'enchevêtre, et se lie et se joint.
::Et ce fut un concert à vous ravir au ciel.
 
J'assistai l'an dernier à la plus belle fête
::Beethoven se montra durant un intermède,
Qu'on eût jamais encor vue à ''la Pergola'';
::Chantant le clair de lune et la sérénité
Pour la première fois on donnait ce soir-là
::D'une nuit d'Orient voluptueuse et tiède;
Une partition de l'illustre poète
::Mais quand le sorcier-roi de son sceptre enchanté
(Ses amis le nommaient ainsi dans leur gazette);
::Conjura la nature, appelant à son aide
Florence et son grand-duc étaient à l'opéra.
::Ses légions d'Esprits dans un ''air agité'';
 
Le sujet, emprunté de l'histoire biblique
::De qui ce fut le tour, faut-il qu'on vous le dise?
( ''La reine de Saba chez le roi Salomon''),
::Vous l'aviez deviné; - le chantre d'Oberon
Avait du grandiose et l'ampleur magnifique
::S'empara du théâtre, et soudain, ô surprise!
Qu'on est en droit d'attendre avec un pareil nom;
::On vit le roi des rois causer avec la brise
Tous vantaient les décors, et, quant à la musique,
::Qui, messagère active aux ailes de héron,
Le maestro s'était surpassé, disait-on.
::Transmettait aux lutins la voix de Salomon. -
 
Certes, on disait vrai; pour ma part, je défie
::De cette symphonie étrange, orientale,
Qu'on ait jamais produit rien de si colossal.
::Effet prodigieux! j'assistais de ma stalle
J'aperçois Babylone en cette mélodie;
::Aux évocations du sublime devin :
Et ne voyez-vous point dans l'andante final
::Les siècles à mes yeux disparaissaient soudain,
Que de métaphysique et de philosophie?
::Et je voyais surgir cette ombre colossale,
Mais c'est fait, tout cela, pour confondre Pascal!
::D'un signe de son doigt enchaînant le destin !
 
::JardinsUn air de Salomon, labyrinthe féerique!''maestoso'', sublime,
Dans le style pompeux de Bach et de Handel,
::J'entendais vos concerts, vos murmures, vos bruits;
Obtint de l'assemblée un succès unanime;
::La salamandre en feu rampait au bord des puits,
Puis, l'auteur à Mozart ayant fait un appel,
::Et, sous les bois profonds dont l'opale des nuits
Les harpes de Sion frémirent sur l'abîme,
::De son fleuve laiteux baignait la cime antique,
Et ce fut un concert à vous ravir au ciel.
::Les oiseaux éveillés changeaient l'air en musique.
 
Beethoven se montra durant un intermède,
::Sous les cèdres touffus, les palmiers odorans,
::SousChantant lesle pinsclair suantde l'ambrelune et la térébenthine,sérénité
D'une nuit d'Orient voluptueuse et tiède;
::Rôdaient, en secouant leur clochette argentine,
Mais quand le sorcier-roi de son sceptre enchanté
::Des couleuvres d'azur, hiéroglyphes vivans,
Conjura la nature, appelant à son aide
::Mises là pour montrer aux regards clairvoyans
Ses légions d'Esprits dans un ''air agité'';
::Les secrets imprimés sur leur peau serpentine. -
 
De qui ce fut le tour, faut-il qu'on vous le dise?
::C'est là, loin du divan et loin de son vizir,
Vous l'aviez deviné; - le chantre d'Oberon
::Qu'à l'heure où le harem s'endort dans le silence,
S'empara du théâtre, et soudain, ô surprise!
::Le sultan exaucé dans son moindre désir,
On vit le roi des rois causer avec la brise
::Rassasié d'amour, de gloire et de science,
Qui, messagère active aux ailes de héron,
::Se retire la nuit pour donner audience
Transmettait aux lutins la voix de Salomon. -
::Aux démons familiers qu'il lui plaît d'asservir.
 
De cette symphonie étrange, orientale,
::Romantique à l'excès, fantasque, aérienne,
Effet prodigieux! j'assistais de ma stalle
::La musique à mon sens rendait on ne peut mieux
Aux évocations du sublime devin :
::Tous les enchantemens d'une pareille scène,
Les siècles à mes yeux disparaissaient soudain,
::Et certain tremolo sourd et mystérieux,
Et je voyais surgir cette ombre colossale,
::Imitant l'eau qui tombe au creux d'une fontaine,
D'un signe de son doigt enchaînant le destin !
::Produisait un effet des plus délicieux.
 
Jardins de Salomon, labyrinthe féerique!
::Mais, pour la passion, la rêverie et l'ame,
J'entendais vos concerts, vos murmures, vos bruits;
::Tout ce que j'ai cité n'était rien, sur ma foi,
La salamandre en feu rampait au bord des puits,
::Près d'un vaste duo que, vers la fin du drame,
Et, sous les bois profonds dont l'opale des nuits
::La reine de Saba chantait avec le roi;
De son fleuve laiteux baignait la cime antique,
::Morceau tel qu'on n'en a jamais écrit, je croi,
Les oiseaux éveillés changeaient l'air en musique.
::Et dont ici je veux esquisser le programme.
 
Sous les cèdres touffus, les palmiers odorans,
::Dans un adagio pittoresque, avec choeur
Sous les pins suant l'ambre et la térébenthine,
::D'étoiles et d'oiseaux, de plus en ''ut mineur'',
Rôdaient, en secouant leur clochette argentine,
::Et qui de Spinoza démontrait le système,
Des couleuvres d'azur, hiéroglyphes vivans,
::Salomon, sceptre en main, au front son diadème,
Mises là pour montrer aux regards clairvoyans
::A sa royale hôtesse, en un discours suprême,
Les secrets imprimés sur leur peau serpentine. -
::Exposait le néant de l'humaine grandeur.
 
C'est là, loin du divan et loin de son vizir,
::Après un début ample et tout cosmogonique,
Qu'à l'heure où le harem s'endort dans le silence,
::Dont le ton rappelait cet air monumental
::DuLe pontifesultan d'Isisexaucé dans ''lason Flûtemoindre magique''désir,
Rassasié d'amour, de gloire et de science,
::Un chant de violoncelle avec cor ''principal''
Se retire la nuit pour donner audience
::Du solo de la reine amenait la réplique
Aux démons familiers qu'il lui plaît d'asservir.
::Avec un mysticisme assez oriental.
 
Romantique à l'excès, fantasque, aérienne,
::- « Le clairon des remparts frappe l'écho sonore,
La musique à mon sens rendait on ne peut mieux
::« Les coursiers du désert commencent à hennir;
Tous les enchantemens d'une pareille scène,
::« En vain, ô majesté, je veux rester encore,
Et certain tremolo sourd et mystérieux,
::« Nul pouvoir plus long-temps ne doit me retenir.
Imitant l'eau qui tombe au creux d'une fontaine,
::« Et je m'éloigne; adieu, toi dont le souvenir
Produisait un effet des plus délicieux.
::« Immortel va me suivre au pays de l'aurore! »
 
Mais, pour la passion, la rêverie et l'ame,
::- « Fantôme éblouissant, pourquoi m'être apparu
Tout ce que j'ai cité n'était rien, sur ma foi,
::« Si tu devais t'enfuir dès le matin venu?
Près d'un vaste duo que, vers la fin du drame,
::« Pourquoi t'être levée, étoile de lumière,
La reine de Saba chantait avec le roi;
::« Si tu devais ainsi, dans ma nuit solitaire,
Morceau tel qu'on n'en a jamais écrit, je croi,
::« Après tant de bonheur et d'espoir entrevu,
Et dont ici je veux esquisser le programme.
::« Me laisser morne et triste à ma douleur première?
 
Dans un adagio pittoresque, avec choeur
::« De grace, un jour encor. - Les destins ont parlé,
D'étoiles et d'oiseaux, de plus en ''ut mineur'',
::« Et nous, humbles mortels, nous devons nous soumettre;
Et qui de Spinoza démontrait le système,
::- « Loi terrible ! Adieu donc, ô ma reine.- Adieu, maître! » -
Salomon, sceptre en main, au front son diadème,
::Agitato brûlant, cinq bémols à la clé......
A sa royale hôtesse, en un discours suprême,
::Puis, à peine le calme achevait de renaître,
Exposait le néant de l'humaine grandeur.
::Que les cuivres sonnaient l'appel du défilé.
 
Après un début ample et tout cosmogonique,
::Salomon, tout entier en proie à sa tristesse,
Dont le ton rappelait cet air monumental
::Et son front douloureux vers la terre penché,
Du pontife d'Isis dans ''la Flûte magique'',
::Menait à ses coursiers l'adorable princesse
Un chant de violoncelle avec cor ''principal''
::Dont l'oeil noir rayonnait, sous ses voiles caché,
Du solo de la reine amenait la réplique
::D'une larme limpide et plus enchanteresse
Avec un mysticisme assez oriental.
::Que le diamant rare à son col attaché.
 
- « Le clairon des remparts frappe l'écho sonore,
::Elle fuit au désert, la pudique sultane,
« Les coursiers du désert commencent à hennir;
::Elle fuit, la prêtresse aux lèvres de corail;
« En vain, ô majesté, je veux rester encore,
::Autour du palanquin, où la tristesse plane,
« Nul pouvoir plus long-temps ne doit me retenir.
::L'esclave nubien agite l'éventail.
« Et je m'éloigne; adieu, toi dont le souvenir
::Passez et défilez, splendide caravane,
« Immortel va me suivre au pays de l'aurore! »
::Dromadaires chargés des trésors du sérail!
 
- « Fantôme éblouissant, pourquoi m'être apparu
::Pour les dilettanti du style pittoresque
« Si tu devais t'enfuir dès le matin venu?
::L'énumération, certes, aurait beau jeu,
« Pourquoi t'être levée, étoile de lumière,
::Et j'entrevois d'ici l'incomparable fresque :
« Si tu devais ainsi, dans ma nuit solitaire,
::Peindre la caravane et le désert de feu,
« Après tant de bonheur et d'espoir entrevu,
::Les housses, les caftans, tout ce rouge et ce bleu,
« Me laisser morne et triste à ma douleur première?
::Qu’elle tentation! J'y succomberais presque.
 
« De grace, un jour encor. - Les destins ont parlé,
::J'aime mieux cependant parler de l'opéra,
« Et nous, humbles mortels, nous devons nous soumettre;
::De la marche s'entend, pompeuse et triomphale
- « Loi terrible ! Adieu donc, ô ma reine.- Adieu, maître! » -
::Que l'orchestre entonnait à grand train de cymbale.
Agitato brûlant, cinq bémols à la clé......
::Vous n'imaginez point ce qu'on découvrait là;
Puis, à peine le calme achevait de renaître,
::C'était une merveille, un vrai panorama,
Que les cuivres sonnaient l'appel du défilé.
::Que cette symphonie à jamais sans égale;
 
Salomon, tout entier en proie à sa tristesse,
::Mais un panorama fantastique à mes yeux,
Et son front douloureux vers la terre penché,
::Où passaient devant nous, légions imprévues,
Menait à ses coursiers l'adorable princesse
::Au lieu de princes noirs et de pachas hideux
Dont l'oeil noir rayonnait, sous ses voiles caché,
::Et d'esclaves chassant les almés demi-nues,
D'une larme limpide et plus enchanteresse
::Cimarosa, Mozart, Gluck, Weber, tous les dieux
Que le diamant rare à son col attaché.
::Dont l'orchestre évoquait les figures connues.
 
Elle fuit au désert, la pudique sultane,
::Je les vis défiler guidant les escadrons,
Elle fuit, la prêtresse aux lèvres de corail;
::Qui sur un éléphant, qui sur un dromadaire :
Autour du palanquin, où la tristesse plane,
::Celui-là, devant qui s'inclinent tous les fronts,
L'esclave nubien agite l'éventail.
::N'est point, comme on le dit, quelque sultan vulgaire,
Passez et défilez, splendide caravane,
::Mais le grand maestro, l'Amphion janissaire,
Dromadaires chargés des trésors du sérail!
::Rossini! Sonnez tous, fanfares et clairons.
 
Pour les dilettanti du style pittoresque
::Et cet autre sublime, au regard de pontife,
L'énumération, certes, aurait beau jeu,
::Qui, dans son palanquin par six nègres porté,
Et j'entrevois d'ici l'incomparable fresque :
::S'avance sur un air plein de solennité
Peindre la caravane et le désert de feu,
::Qu'a marqué le lion de sa puissante griffe,
Les housses, les caftans, tout ce rouge et ce bleu,
::Dites, est-ce un émir? un devin? un calife?
Qu’elle tentation! J'y succomberais presque.
::Un mage par l'Esprit en ses nuits visité?
 
J'aime mieux cependant parler de l'opéra,
::Un roi mage, oui, plutôt, que l'étoile dirige,
De la marche s'entend, pompeuse et triomphale
::Le mage Beethoven, immortel pèlerin,
Que l'orchestre entonnait à grand train de cymbale.
::Roi-pasteur que l'étoile au ciel guide sans fin,
Vous n'imaginez point ce qu'on découvrait là;
::Et qui, par les rochers où plane le vertige,
C'était une merveille, un vrai panorama,
::Va poursuivant toujours le mystique prodige,
Que cette symphonie à jamais sans égale;
::Sûr qu'un divin messie est au bout du chemin!
 
Mais un panorama fantastique à mes yeux,
::A chaque mouvement comme à chaque formule
Où passaient devant nous, légions imprévues,
::Que l'orchestre prenait, allègre ou solennel,
Au lieu de princes noirs et de pachas hideux
::Le fantôme évoqué glissait au crépuscule
Et d'esclaves chassant les almés demi-nues,
::Pour s'effacer bientôt dans le groupe réel.
Cimarosa, Mozart, Gluck, Weber, tous les dieux
::Tel qu'un blond cardinal du temps de Raphaël,
Dont l'orchestre évoquait les figures connues.
::Je vis ainsi passer Bellini sur sa mule,
 
Je les vis défiler guidant les escadrons,
::Puis tous les grands vizirs, les sultans et les rois :
Qui sur un éléphant, qui sur un dromadaire :
::Meyerbeer, Spohr, Auber, Spontini, Mercadante,
Celui-là, devant qui s'inclinent tous les fronts,
::Celui-ci modérant une cavale ardente,
N'est point, comme on le dit, quelque sultan vulgaire,
::Celui-là fredonnant sous un chapeau chinois
Mais le grand maestro, l'Amphion janissaire,
::Dont tous les clochetons babillaient à la fois;
Rossini! Sonnez tous, fanfares et clairons.
::Cet autre sur un boeuf à la masse imposante.
 
Et cet autre sublime, au regard de pontife,
::Je vis plus d'un lourdaud et plus d'un charlatan,
Qui, dans son palanquin par six nègres porté,
::Comme bien vous pensez, en cette caravane;
S'avance sur un air plein de solennité
::Un surtout me ravit : à son air de sultan,
Qu'a marqué le lion de sa puissante griffe,
::Pour Beethoven lui-même on l'eût pris, Dieu me damne!
Dites, est-ce un émir? un devin? un calife?
::Mais sous le harnais d'or perçait l'oreille d'âne,
Un mage par l'Esprit en ses nuits visité?
::Et l'habit d'Arlequin sous le riche caftan......
 
Un roi mage, oui, plutôt, que l'étoile dirige,
::L'auditoire enchanté porta ce beau finale
Le mage Beethoven, immortel pèlerin,
::Aux astres, comme on dit en style d'opéra;
Roi-pasteur que l'étoile au ciel guide sans fin,
::On admira surtout la marche triomphale,
Et qui, par les rochers où plane le vertige,
::D'un motif héroïque et plein de bravura;
Va poursuivant toujours le mystique prodige,
::Et, du haut jusqu'en bas, ce ne fut dans la salle,
Sûr qu'un divin messie est au bout du chemin!
::Au tomber du rideau, qu'un immense hurra.
 
A chaque mouvement comme à chaque formule
::Bizarre fanatisme impossible à décrire!
Que l'orchestre prenait, allègre ou solennel,
::Couronnes et bouquets, madrigaux, vers d'album,
Le fantôme évoqué glissait au crépuscule
::Se mirent à pleuvoir sur le proscénium.
Pour s'effacer bientôt dans le groupe réel.
::C'est un poison des cieux que distille la lyre !
Tel qu'un blond cardinal du temps de Raphaël,
::Hommes, femmes, enfans, s'agitaient en délire;
Je vis ainsi passer Bellini sur sa mule,
::On eût dit à les voir des buveurs d'opium.
 
Puis tous les grands vizirs, les sultans et les rois :
::Aux acclamations d'un public idolâtre,
Meyerbeer, Spohr, Auber, Spontini, Mercadante,
::Neuf fois le maestro parut sur le théâtre,
Celui-ci modérant une cavale ardente,
::Ramenant d'une main la reine de Saba,
Celui-là fredonnant sous un chapeau chinois
::De l'autre Salomon tout décoiffé déjà;
Dont tous les clochetons babillaient à la fois;
::Puis, lorsque tant de mains furent lasses de battre,
Cet autre sur un boeuf à la masse imposante.
::La rampe s'éteignit et le rideau tomba.
 
Je vis plus d'un lourdaud et plus d'un charlatan,
::Beaucoup de bruit, puis rien ! des fleurs ! des fleurs encore !
::PuisComme unbien quartvous d'heurepensez, aprèsen cette salle sonorecaravane;
Un surtout me ravit : à son air de sultan,
::Demeure froide et vide, et tout s'est effacé.
Pour Beethoven lui-même on l'eût pris, Dieu me damne!
::Oh! notre gloire humaine, étrange météore
Mais sous le harnais d'or perçait l'oreille d'âne,
::Dont la trace s'éteint sitôt qu'il a passé !
Et l'habit d'Arlequin sous le riche caftan......
::Qui sait? Le mieux peut-être est d'imiter Rancé.
 
L'auditoire enchanté porta ce beau finale
::Quant à moi, j'ai toujours estimé que deux choses
Aux astres, comme on dit en style d'opéra;
::Se ressemblaient au monde épouvantablement :
On admira surtout la marche triomphale,
::Je parle d'un succès et d'un enterrement.
D'un motif héroïque et plein de bravura;
::Partout même public en train d'apothéoses
Et, du haut jusqu'en bas, ce ne fut dans la salle,
::Et passant au hasard, sans trop chercher les causes,
Au tomber du rideau, qu'un immense hurra.
::De l'acclamation à l'attendrissement.
 
Bizarre fanatisme impossible à décrire!
::Puis, quand tout est fini, quand la farce est jouée,
Couronnes et bouquets, madrigaux, vers d'album,
::Quand à crier bravo la voix s'est enrouée,
Se mirent à pleuvoir sur le proscénium.
::Le silence et la nuit rentrent dans leur palais.
C'est un poison des cieux que distille la lyre !
::Ces pompes, ces clameurs, vaine et folle nuée,
Hommes, femmes, enfans, s'agitaient en délire;
::Chef-d'oeuvre et trépassé, munis de leurs brevets,
On eût dit à les voir des buveurs d'opium.
::Vers l'immortalité s'en vont seuls désormais !
 
Aux acclamations d'un public idolâtre,
::Or, tout en agitant quelque immense problème,
Neuf fois le maestro parut sur le théâtre,
::Je m'en revenais seul par les quais de l'Arno,
Ramenant d'une main la reine de Saba,
::Quand j'aperçus de loin un petit homme blême
De l'autre Salomon tout décoiffé déjà;
::Qui machinalement regardait couler l'eau.
Puis, lorsque tant de mains furent lasses de battre,
::Je m'approchai : c'était l'illustre maestro,
La rampe s'éteignit et le rideau tomba.
::L'auteur de ''Salomon'', Franz Coppola lui-même.
 
Beaucoup de bruit, puis rien ! des fleurs ! des fleurs encore !
::Par la porte secrète il s'était esquivé,
Puis un quart d'heure après cette salle sonore
::Et, n'étant orateur ni profond politique
Demeure froide et vide, et tout s'est effacé.
::(Comme nous avons vu maint pianiste achevé
Oh! notre gloire humaine, étrange météore
::Nous en donner depuis l'exemple magnifique),
Dont la trace s'éteint sitôt qu'il a passé !
::Il avait prudemment décliné la réplique
Qui sait? Le mieux peut-être est d'imiter Rancé.
::Du discours solennel à ces cas réservé.
 
Quant à moi, j'ai toujours estimé que deux choses
::- « Pardon, lui dis-je alors, si je vous importune;
Se ressemblaient au monde épouvantablement :
::Mais je sors du théâtre, et puisque je vous tien,
Je parle d'un succès et d'un enterrement.
::Puisqu'un heureux hasard et ma bonne fortune
Partout même public en train d'apothéoses
::Me font vous rencontrer, je vous dirai combien
Et passant au hasard, sans trop chercher les causes,
::J'admire votre ouvrage, ô grand musicien!
De l'acclamation à l'attendrissement.
::Dussé-je vous tenir une heure au clair de lune
 
Puis, quand tout est fini, quand la farce est jouée,
::« Non, jamais on ne vit pareil enchantement,
Quand à crier bravo la voix s'est enrouée,
::Et vous avez d'un coup tourné toutes les têtes.
Le silence et la nuit rentrent dans leur palais.
::Que sont Bach et Mozart près de ce que vous êtes! »
Ces pompes, ces clameurs, vaine et folle nuée,
::Le petit maestro sourit modestement,
Chef-d'oeuvre et trépassé, munis de leurs brevets,
::Et, sans trop me paraître ému du compliment,
Vers l'immortalité s'en vont seuls désormais !
::Du bout de son mouchoir essuya ses lunettes.
 
Or, tout en agitant quelque immense problème,
::« Oh ! mon Dieu, vous voyez un homme bien chétif,
Je m'en revenais seul par les quais de l'Arno,
::Reprit-il; mon génie, en somme, est peu de chose,
Quand j'aperçus de loin un petit homme blême
::Et, si vous en pouviez connaître ici la dose,
Qui machinalement regardait couler l'eau.
::Vous parleriez de moi moins au superlatif.
Je m'approchai : c'était l'illustre maestro,
::Je prends à l'un l'orchestre, à l'autre le motif,
L'auteur de ''Salomon'', Franz Coppola lui-même.
::Et, pour mieux composer, d'abord je décompose.
 
Par la porte secrète il s'était esquivé,
::« Par un art merveilleux que je tiens d'un sorcier,
Et, n'étant orateur ni profond politique
::Brave homme qui sans moi serait mort sur la paille,
(Comme nous avons vu maint pianiste achevé
::J'extrais en un moment tout l'esprit d'un cahier,
Nous en donner depuis l'exemple magnifique),
::Tout le suc d'un chef-d'oeuvre, et, lorsque je travaille,
Il avait prudemment décliné la réplique
::Du flacon de cristal où je tiens ma trouvaille,
Du discours solennel à ces cas réservé.
::Je répands une goutte ou deux dans l'encrier.
 
- « Pardon, lui dis-je alors, si je vous importune;
::« Poète, dites-vous? musicien, artiste?
Mais je sors du théâtre, et puisque je vous tien,
::Oh! que non pas, monsieur! moi, je suis alchimiste!
Puisqu'un heureux hasard et ma bonne fortune
::Quatre grains de cela, trois drachmes de ceci :
Me font vous rencontrer, je vous dirai combien
::Je combine, j'assemble, et je parviens ainsi
J'admire votre ouvrage, ô grand musicien!
::A ces effets puissans auxquels rien ne résiste;
Dussé-je vous tenir une heure au clair de lune
::Quant à créer, vraiment, je n'en ai nul souci.
 
« Non, jamais on ne vit pareil enchantement,
::« D'ailleurs, c'est caresser une étrange chimère,
Et vous avez d'un coup tourné toutes les têtes.
::Que prétendre créer, au temps où nous vivons;
::BeethovenQue sont Bach et Mozart, commeprès de ce que levous vieilêtes! Homère,»
Le petit maestro sourit modestement,
::Pour la postérité disaient : Nous travaillons.
Et, sans trop me paraître ému du compliment,
::Pour la postérité? Je suis fils de ma mère :
Du bout de son mouchoir essuya ses lunettes.
::Ils ont eu du génie, et nous en profitons!
 
« Oh ! mon Dieu, vous voyez un homme bien chétif,
::« Bien fou qui se consume en de stériles veilles,
Reprit-il; mon génie, en somme, est peu de chose,
::Qui se rompt la cervelle à chercher le vrai beau;
Et, si vous en pouviez connaître ici la dose,
::La nature épuisée est à bout de merveilles,
Vous parleriez de moi moins au superlatif.
::Elle a donné le son, il nous reste l'écho;
Je prends à l'un l'orchestre, à l'autre le motif,
::Faisons des bracelets et des pendans d'oreilles :
Et, pour mieux composer, d'abord je décompose.
::Dieu seul a le secret de l'or et du nouveau!
 
::« QuoiPar !un d'uneart idéemerveilleux icique je metiens ferais ld'apôtreun sorcier,
Brave homme qui sans moi serait mort sur la paille,
::Et j'irais en son nom chercher mon Golgotha !
J'extrais en un moment tout l'esprit d'un cahier,
::Ces efforts ne sont plus d'un temps comme le nôtre,
Tout le suc d'un chef-d'oeuvre, et, lorsque je travaille,
::La Muse d'aujourd'hui s'appelle Industria !
Du flacon de cristal où je tiens ma trouvaille,
::Mozart dans une fiole, et Rossini dans l'autre,
Je répands une goutte ou deux dans l'encrier.
::Que pensez-vous, monsieur, de ce système-là?
 
« Poète, dites-vous? musicien, artiste?
::- « Mais je pense, mon cher, que vous êtes un maître,
Oh! que non pas, monsieur! moi, je suis alchimiste!
::Et que ce siècle-ci vous doit un monument.
Quatre grains de cela, trois drachmes de ceci :
::Par la mort-dieu, qu'au fond vous semblez le connaître !
Je combine, j'assemble, et je parviens ainsi
::Comme musicien, je vous trouvais bien grand,
A ces effets puissans auxquels rien ne résiste;
::Illustre Coppola, tout à l'heure, et peut-être
Quant à créer, vraiment, je n'en ai nul souci.
::Le philosophe en vous est-il plus surprenant.
 
« D'ailleurs, c'est caresser une étrange chimère,
::« Et dire, ô maladroit, que pour un lunatique
Que prétendre créer, au temps où nous vivons;
::Je vous prenais d'abord, quand vous m'avez parlé
Beethoven et Mozart, comme le vieil Homère,
::De sorcier, d'alchimie et d'eau cabalistique,
Pour la postérité disaient : Nous travaillons.
::De Mozart dans votre encre à Bellini mêlé;
Pour la postérité? Je suis fils de ma mère :
::Mais ce n'était, je vois, que simple rhétorique,
Ils ont eu du génie, et nous en profitons!
::Et de l'allégorie à présent j'ai la clé!
 
« Bien fou qui se consume en de stériles veilles,
::- « Rhétorique, monsieur! je parle sans figure;
Qui se rompt la cervelle à chercher le vrai beau;
::Avouez-le tout net, vous ne me croyez pas.
La nature épuisée est à bout de merveilles,
::N'importe! vous serez convaincu, je le jure;
Elle a donné le son, il nous reste l'écho;
::Venez jusque chez moi, je demeure à deux pas.
Faisons des bracelets et des pendans d'oreilles :
::D'ailleurs, la nuit est belle à courir l'aventure. »
Dieu seul a le secret de l'or et du nouveau!
::Et, parlant de la sorte, il me prit par le bras.
 
« Quoi ! d'une idée ici je me ferais l'apôtre,
::Nous cheminâmes donc par l'ombre et le silence
Et j'irais en son nom chercher mon Golgotha !
::Cinq minutes au plus, et bientôt au détour
Ces efforts ne sont plus d'un temps comme le nôtre,
::Des jardins de l'hôtel du résident de France,
La Muse d'aujourd'hui s'appelle Industria !
::Dont les tilleuls en fleur embaumaient le faubourg,
::MonMozart hommedans fitune un signefiole, et s'arrêtaRossini toutdans courtl'autre,
Que pensez-vous, monsieur, de ce système-là?
::Devant une maison de modeste apparence.
 
- « Mais je pense, mon cher, que vous êtes un maître,
::Au palais enchanté nous touchions, grace au ciel;
Et que ce siècle-ci vous doit un monument.
::Il sonna, nul ne vint d'abord à son appel,
Par la mort-dieu, qu'au fond vous semblez le connaître !
::Et lui, de résonner alors de main de maître.
Comme musicien, je vous trouvais bien grand,
::Déjà son large front devenait solennel,
Illustre Coppola, tout à l'heure, et peut-être
::Quand nous vimes enfin s'éclairer la fenêtre,
Le philosophe en vous est-il plus surprenant.
::Et sur les blancs rideaux une ombre disparaître.
 
« Et dire, ô maladroit, que pour un lunatique
::On ouvrit, et soudain, non, jamais oeil plus bleu,
Je vous prenais d'abord, quand vous m'avez parlé
::Jamais lèvre plus pâle et plus décolorée,
De sorcier, d'alchimie et d'eau cabalistique,
::Ne frappa mes regards! Sur le pas de l'entrée,
De Mozart dans votre encre à Bellini mêlé;
::Une enfant nous reçut, une vierge éthérée;
Mais ce n'était, je vois, que simple rhétorique,
::Seize ans! une ame prête à s'envoler vers Dieu!
Et de l'allégorie à présent j'ai la clé!
::La bougie en ses mains semblait un lys de feu.
 
- « Rhétorique, monsieur! je parle sans figure;
::- « Tudieu! dit Coppola, c'est bien se faire attendre,
Avouez-le tout net, vous ne me croyez pas.
::Et nous avons l'oreille un peu dure ce soir.
N'importe! vous serez convaincu, je le jure;
::- « Pardon, maître, pardon; n'allez pas m'en vouloir :
Venez jusque chez moi, je demeure à deux pas.
::Je chantais dans ma chambre, et n'ai pu vous entendre. »
D'ailleurs, la nuit est belle à courir l'aventure. »
::Et sa peau délicate, aisée à s'émouvoir,
Et, parlant de la sorte, il me prit par le bras.
::S'éclaira d'un reflet du rose le plus tendre.
 
Nous cheminâmes donc par l'ombre et le silence
::Puis le musicien d'un ton plus radouci :
Cinq minutes au plus, et bientôt au détour
::- « C'est ma nièce, monsieur, oui-dà : miss Sensitive!
Des jardins de l'hôtel du résident de France,
::(A cause de ses nerfs je l'ai nommée ainsi.)
Dont les tilleuls en fleur embaumaient le faubourg,
::Elle est presque toujours souffrante et maladive;
Mon homme fit un signe, et s'arrêta tout court
::Mais quelle intelligence! et quelle voix aussi!
Devant une maison de modeste apparence.
::Près de mon oiseau bleu, Sontag n'est qu'une grive.
 
Au palais enchanté nous touchions, grace au ciel;
::« Ah! si l'enfant voulait débuter, quel succès!
Il sonna, nul ne vint d'abord à son appel,
::Avant un an, monsieur, vous la verriez princesse;
Et lui, de résonner alors de main de maître.
::Mais nous sommes farouche et timide à l'excès;
Déjà son large front devenait solennel,
::Pour le plus petit mot, nous tombons en faiblesse.
Quand nous vimes enfin s'éclairer la fenêtre,
::Je tremble que ce soir elle n'ait un accès.
Et sur les blancs rideaux une ombre disparaître.
::Tenez, la voyez-vous qui s'éloigne et nous laisse? »
 
On ouvrit, et soudain, non, jamais oeil plus bleu,
::Telle en effet qu'une ombre, et sans que de ses pas
Jamais lèvre plus pâle et plus décolorée,
::On entendit le bruit, la douce jeune fille
Ne frappa mes regards! Sur le pas de l'entrée,
::Se dérobait à nous. - « Ne regrettez-vous pas
Une enfant nous reçut, une vierge éthérée;
::De voir si lestement retourner vers sa grille
Seize ans! une ame prête à s'envoler vers Dieu!
::La nonnette aux abois? » - « Pauvre petite, hélas !
La bougie en ses mains semblait un lys de feu.
::Reprit le maestro, comme son regard brille !
 
- « Tudieu! dit Coppola, c'est bien se faire attendre,
::« C'est de l'accès qui vient le signe régulier.
Et nous avons l'oreille un peu dure ce soir.
::- Que parlez-vous d'accès? – Sur son front magnétique
- « Pardon, maître, pardon; n'allez pas m'en vouloir :
::Ne lisez-vous donc pas le secret tout entier?
Je chantais dans ma chambre, et n'ai pu vous entendre. »
::Elle va s'endormir d'un sommeil fantastique,
Et sa peau délicate, aisée à s'émouvoir,
::Puis courir au jardin, puis s'asseoir au clavier,
S'éclaira d'un reflet du rose le plus tendre.
::Et chanter jusqu'au jour une folle musique;
 
Puis le musicien d'un ton plus radouci :
::« Des airs qu'elle improvise, étranges, inouis,
- « C'est ma nièce, monsieur, oui-dà : miss Sensitive!
::Qu'on essaierait en vain de transcrire à la plume,
(A cause de ses nerfs je l'ai nommée ainsi.)
::Des hymnes pour les fleurs et pour l'astre des nuits.
Elle est presque toujours souffrante et maladive;
::Après avoir erré les pieds nus dans la brume,
Mais quelle intelligence! et quelle voix aussi!
::Hier elle s'éveilla sur la marge d'un puits;
Près de mon oiseau bleu, Sontag n'est qu'une grive.
::Comprenez-vous enfin le mal qui la consume?
 
« Ah! si l'enfant voulait débuter, quel succès!
::« Oh! c'est un mal cruel, déplorable à jamais,
::PourAvant moiun surtoutan, monsieur! Non, vous nela pouvezverriez croireprincesse;
Mais nous sommes farouche et timide à l'excès;
::A combien d'embarras m'exposent ses accès?
Pour le plus petit mot, nous tombons en faiblesse.
::Des tours qu'elle me joue on ferait une histoire.
Je tremble que ce soir elle n'ait un accès.
::Je l'aime cependant; si je vous racontais....
Tenez, la voyez-vous qui s'éloigne et nous laisse? »
::Mais visitons d'abord notre laboratoire. »
 
Telle en effet qu'une ombre, et sans que de ses pas
::Au seuil du tabernacle, en effet, nous touchions;
On entendit le bruit, la douce jeune fille
::Nous entrâmes : ici grande fut ma surprise,
Se dérobait à nous. - « Ne regrettez-vous pas
::Quand je vis s'étager du sol jusqu'aux plafonds,
De voir si lestement retourner vers sa grille
::Au lieu de manuscrits et de partitions,
La nonnette aux abois? » - « Pauvre petite, hélas !
::Des fioles dont une eau de couleur jaune ou grise,
Reprit le maestro, comme son regard brille !
::Rose ou bleue, éclairait le cristal de Venise.
 
« C'est de l'accès qui vient le signe régulier.
::D'un côté le piano fracassé, vermoulu;
- Que parlez-vous d'accès? – Sur son front magnétique
::De l'autre un alambic de forme singulière,
Ne lisez-vous donc pas le secret tout entier?
::Puis des partitions, des manuscrits à terre,
Elle va s'endormir d'un sommeil fantastique,
::Le tout horriblement mélangé, confondu;
Puis courir au jardin, puis s'asseoir au clavier,
::De pièces, de morceaux, mirifique inventaire!
Et chanter jusqu'au jour une folle musique;
::Des oeuvres de la veille étrange résidu!
 
« Des airs qu'elle improvise, étranges, inouis,
::Sur ces divers fragmens d'écriture effacée,
Qu'on essaierait en vain de transcrire à la plume,
::A peine pouvait-on des primitifs auteurs,
Des hymnes pour les fleurs et pour l'astre des nuits.
::A force de travail, lire encor la pensée,
Après avoir erré les pieds nus dans la brume,
::Et je me rappelai, chez les distillateurs,
Hier elle s'éveilla sur la marge d'un puits;
::Ces informes amas de feuilles et de fleurs
Comprenez-vous enfin le mal qui la consume?
::Dont la divine essence en un vase est passée.
 
« Oh! c'est un mal cruel, déplorable à jamais,
::- « Donc ceci, mon cher maître, est votre cabinet?
Pour moi surtout, monsieur! Non, vous ne pouvez croire
::M'écriai-je. - Oui, sans doute. - Eh! mais, sans vous déplaire,
A combien d'embarras m'exposent ses accès?
::On se croirait plutôt chez un apothicaire.
Des tours qu'elle me joue on ferait une histoire.
::- Apothicaire ! Eh ! eh ! pour vous parler tout net,
Je l'aime cependant; si je vous racontais....
::Nous le sommes un peu; qui plus ou moins ne l'est?
Mais visitons d'abord notre laboratoire. »
::Je vous ai dit d'ailleurs ma formule ordinaire.
 
Au seuil du tabernacle, en effet, nous touchions;
::« Trois drachmes de Weber, cent de Donizetti !
Nous entrâmes : ici grande fut ma surprise,
::Je combine, j'extrais et je volatilise.
Quand je vis s'étager du sol jusqu'aux plafonds,
::Pensez-vous que l'on puisse être mieux assorti?
Au lieu de manuscrits et de partitions,
::S'il me manque un seul nom, j'entends qu'on me le dise. »
Des fioles dont une eau de couleur jaune ou grise,
::Et tandis qu'il parlait, je lus cette devise
Rose ou bleue, éclairait le cristal de Venise.
::Sur le plus gros flacon : ''Spiritus Mozarti''.
 
D'un côté le piano fracassé, vermoulu;
::- « Prenez sur l'étagère à votre fantaisie,
De l'autre un alambic de forme singulière,
::Me dit le maestro; de notre pharmacie
Puis des partitions, des manuscrits à terre,
::Débouchez, sans scrupule, une fiole au hasard,
Le tout horriblement mélangé, confondu;
::Quelqu'un de ces flacons merveilleux où mon art
De pièces, de morceaux, mirifique inventaire!
::Goutte à goutte concentre, ainsi qu'un divin nard,
Des oeuvres de la veille étrange résidu!
::L'esprit de la musique et de la poésie. »
 
Sur ces divers fragmens d'écriture effacée,
::Je pris sur la tablette un petit flacon vert
A peine pouvait-on des primitifs auteurs,
::Dont l'éclat d'émeraude attirait ma paupière;
A force de travail, lire encor la pensée,
::Et, voyez le prodige! à peine l'eus-je ouvert,
Et je me rappelai, chez les distillateurs,
::Qu'un sauvage parfum se répandit dans l'air,
::JeCes neinformes sais quelle odeuramas de chênefeuilles et de bruyère,fleurs
Dont la divine essence en un vase est passée.
::Quelle étrange senteur vivace et forestière!
 
- « Donc ceci, mon cher maître, est votre cabinet?
::Effet surnaturel! je crus voir dans les bois
M'écriai-je. - Oui, sans doute. - Eh! mais, sans vous déplaire,
::La lune se lever, et flotter la bruine
On se croirait plutôt chez un apothicaire.
::De la source qui tombe au creux de la ravine;
- Apothicaire ! Eh ! eh ! pour vous parler tout net,
::- « Écoutez, écoutez ! m'écriai-je; trois fois
Nous le sommes un peu; qui plus ou moins ne l'est?
::A retenti le cor, et la chasse est voisine;
Je vous ai dit d'ailleurs ma formule ordinaire.
::La meute fantastique emplit l'air de sa voix.
 
« Trois drachmes de Weber, cent de Donizetti !
::« Les hiboux effrayés hurlent dans leur simarre,
Je combine, j'extrais et je volatilise.
::Et sous le noir taillis où s'engouffre le vent
Pensez-vous que l'on puisse être mieux assorti?
::S'élève d'un réchaud une flamme bizarre;
S'il me manque un seul nom, j'entends qu'on me le dise. »
::La cascade en rumeur s'enfle et devient torrent.
Et tandis qu'il parlait, je lus cette devise
::Hurra! j'ai vu la biche, au son de la fanfare,
Sur le plus gros flacon : ''Spiritus Mozarti''.
::Traverser le chemin, une balle à son flanc.
 
- « Prenez sur l'étagère à votre fantaisie,
::- « Tout beau! s'écria Franz; arrêtez, camarade;
Me dit le maestro; de notre pharmacie
::Vous avez respiré le flacon de Weber,
Débouchez, sans scrupule, une fiole au hasard,
::Et je vois qu'il est temps, comme dans la ballade,
Quelqu'un de ces flacons merveilleux où mon art
::Que le maître-sorcier lève sa main dans l'air!
Goutte à goutte concentre, ainsi qu'un divin nard,
::Voyez, il n'est ici ni torrent ni cascade,
L'esprit de la musique et de la poésie. »
::Et jamais à Florence on n'eut un ciel plus clair !
 
Je pris sur la tablette un petit flacon vert
::« Ah! diable, la liqueur est tout évaporée;
Dont l'éclat d'émeraude attirait ma paupière;
::Ne pouviez-vous donc pas remettre le bouchon?
Et, voyez le prodige! à peine l'eus-je ouvert,
::Il va m'en coûter cher pour votre illusion.
Qu'un sauvage parfum se répandit dans l'air,
::N'importe. Seulement assez pour la soirée.
Je ne sais quelle odeur de chêne et de bruyère,
::Je craindrais de vous voir la cervelle enivrée,
Quelle étrange senteur vivace et forestière!
::Si vous recommenciez sur un autre flacon.
 
Effet surnaturel! je crus voir dans les bois
::« Certes, vous en usez d'ailleurs fort à votre aise;
La lune se lever, et flotter la bruine
::Je vous dis : Respirez, et vous absorbez tout.
De la source qui tombe au creux de la ravine;
::Si je vous laissais seul ici, qu'à Dieu ne plaise!
- « Écoutez, écoutez ! m'écriai-je; trois fois
::De mes trésors bientôt on vous verrait à bout.
A retenti le cor, et la chasse est voisine;
::Mozart, Cimarosa, Beethoven, Pergolèse,
La meute fantastique emplit l'air de sa voix.
::Ce serait à mourir asphyxié du coup !
 
« Les hiboux effrayés hurlent dans leur simarre,
::« Il faut, à ce propos, que de miss Sensitive
Et sous le noir taillis où s'engouffre le vent
::Je vous conte, mon cher, un acte fabuleux :
S'élève d'un réchaud une flamme bizarre;
::Figurez-vous qu'un soir, la nonnette aux yeux bleus,
La cascade en rumeur s'enfle et devient torrent.
::Comme j'étais absent, dans cette chambre arrive,
Hurra! j'ai vu la biche, au son de la fanfare,
::Vide en son arrosoir mes philtres merveilleux,
Traverser le chemin, une balle à son flanc.
::Et court en inonder les fleurs qu'elle cultive.
 
- « Tout beau! s'écria Franz; arrêtez, camarade;
::« O douleur! voyez-vous Mozart et Beethoven,
Vous avez respiré le flacon de Weber,
::Ce collyre enchanté, cette ame souveraine,
Et je vois qu'il est temps, comme dans la ballade,
::Que mon art des chefs-d'oeuvre extrait à si grand'peine
Que le maître-sorcier lève sa main dans l'air!
::Pour l'employer ensuite à quelque but divin,
Voyez, il n'est ici ni torrent ni cascade,
::Servir, ni plus ni moins que l'eau de la fontaine,
Et jamais à Florence on n'eut un ciel plus clair !
::Pour rafraîchir le pied des lys de mon jardin? »
 
« Ah! diable, la liqueur est tout évaporée;
::- « Voilà bien, en effet, qui n'est pas ordinaire,
Ne pouviez-vous donc pas remettre le bouchon?
::Repris-je en souriant; j'aime l'invention.
Il va m'en coûter cher pour votre illusion.
::Mais qui sait, après tout, si la visionnaire
N'importe. Seulement assez pour la soirée.
::N'expérimentait point en cette occasion?
Je craindrais de vous voir la cervelle enivrée,
::Sans doute, à votre exemple elle aura voulu faire,
Si vous recommenciez sur un autre flacon.
::Et trouver à son tour quelque combinaison.
 
« Certes, vous en usez d'ailleurs fort à votre aise;
::« Plus d'un secret échappe à nos regards myopes
Je vous dis : Respirez, et vous absorbez tout.
::Que l'oeil du somnambule aussitôt va saisir.
Si je vous laissais seul ici, qu'à Dieu ne plaise!
::Si les fleurs qu'elle arrose avec votre élixir
De mes trésors bientôt on vous verrait à bout.
::Miraculeusement éclataient en syncopes,
Mozart, Cimarosa, Beethoven, Pergolèse,
::Dites, si, grace à vous, le monde allait ouïr
Ce serait à mourir asphyxié du coup !
::Chanter les dahlias et les héliotropes!
 
« Il faut, à ce propos, que de miss Sensitive
::« Oh! le charmant concert! L'entendez-vous d'ici?
Je vous conte, mon cher, un acte fabuleux :
::Le lys enamouré, frais ténor, beau Léandre,
Figurez-vous qu'un soir, la nonnette aux yeux bleus,
::Phrase languissamment son: ''Pria che spunti''.
Comme j'étais absent, dans cette chambre arrive,
::La rose lui répond par un chant doux et tendre,
Vide en son arrosoir mes philtres merveilleux,
::Et le vieux tournesol, jaune comme Cassandre,
Et court en inonder les fleurs qu'elle cultive.
::Chevrote dans son coin un motif de Grétry.
 
« O douleur! voyez-vous Mozart et Beethoven,
::« Eh! mais, écoutez donc cette musique étrange;
Ce collyre enchanté, cette ame souveraine,
::Qui chante ainsi? les fleurs, dites, ou bien un ange?
Que mon art des chefs-d'oeuvre extrait à si grand'peine
::Non, jamais on n'ouït telle vibration !
Pour l'employer ensuite à quelque but divin,
::Est-ce une harpe d'or du temple de Sion
Servir, ni plus ni moins que l'eau de la fontaine,
::Qui soutient cette voix? Et maintenant, qu'entends-je?
Pour rafraîchir le pied des lys de mon jardin? »
::Le chant s'éteint et meurt, ô désolation !
 
::- « VousVoilà nebien, devinezen pas?effet, Cettequi voixn'est pas métalliqueordinaire,
Repris-je en souriant; j'aime l'invention.
::Ce timbre incomparable et si mélodieux,
::C'est ma nièceMais qui chantesait, etaprès quanttout, àsi la musique,visionnaire
N'expérimentait point en cette occasion?
::A ce maestoso puissant et glorieux,
Sans doute, à votre exemple elle aura voulu faire,
::Le tout s'est exhalé d'un orgue sympathique
Et trouver à son tour quelque combinaison.
::Dont ses doigts délicats ont fait mouvoir les jeux.
 
« Plus d'un secret échappe à nos regards myopes
::« Sans doute elle essayait au clavier, j'imagine,
Que l'oeil du somnambule aussitôt va saisir.
::Quelque nouveau prélude à me chanter demain,
Si les fleurs qu'elle arrose avec votre élixir
::Et le sommeil aura paralysé sa main. » -
Miraculeusement éclataient en syncopes,
::A ces mots, d'un ressort il poussa la machine,
Dites, si, grace à vous, le monde allait ouïr
::Une lucarne au mur s'entr'ouvrit, et soudain
Chanter les dahlias et les héliotropes!
::Notre regard plongea dans la pièce voisine.
 
« Oh! le charmant concert! L'entendez-vous d'ici?
::Figure-toi, lecteur, ô suave tableau !
Le lys enamouré, frais ténor, beau Léandre,
::Une étroite cellule en forme d'oratoire,
Phrase languissamment son: ''Pria che spunti''.
::Que la lune en tombant, de ses reflets de moire,
La rose lui répond par un chant doux et tendre,
::Éclairait, et pareille au marbre d'un tombeau,
Et le vieux tournesol, jaune comme Cassandre,
::La main pendante encor sur les touches d'ivoire,
Chevrote dans son coin un motif de Grétry.
::L'ange mélancolique à voix de soprano.
 
« Eh! mais, écoutez donc cette musique étrange;
::Belle ame d'harmonie et d'extase échauffée!
Qui chante ainsi? les fleurs, dites, ou bien un ange?
::Le sommeil l'avait prise en son ravissement,
Non, jamais on n'ouït telle vibration !
::Et son pied, plus mignon que le pied d'une fée,
Est-ce une harpe d'or du temple de Sion
::Sur la pédale encor pesant légèrement,
Qui soutient cette voix? Et maintenant, qu'entends-je?
::Il s'exhalait de l'orgue une vague bouffée,
Le chant s'éteint et meurt, ô désolation !
::Un bruit plein de mystère et de recueillement!
 
- « Vous ne devinez pas? Cette voix métallique,
::Le cahier de musique avait glissé par terre
Ce timbre incomparable et si mélodieux,
::Et gisait à côté d'un grand fauteuil sculpté
C'est ma nièce qui chante, et quant à la musique,
::Où dormait étendue, et la tête en arrière,
A ce maestoso puissant et glorieux,
::La belle jeune fille au regard velouté,
Le tout s'est exhalé d'un orgue sympathique
::Dont les yeux assoupis s'ouvraient à la lumière
Dont ses doigts délicats ont fait mouvoir les jeux.
::Comme ces pâles fleurs des tièdes nuits d'été.
 
« Sans doute elle essayait au clavier, j'imagine,
::Et pour accroître encor l'effet de cette scène,
Quelque nouveau prélude à me chanter demain,
::Un crucifix d'ivoire, ouvrage merveilleux,
Et le sommeil aura paralysé sa main. » -
::Dont la lune argentait la sombre croix d'ébène,
A ces mots, d'un ressort il poussa la machine,
::Penchait le long du mur son front silencieux,
Une lucarne au mur s'entr'ouvrit, et soudain
::Vers qui montait toujours, de l'orgue éteint à peine,
Notre regard plongea dans la pièce voisine.
::Comme un dernier soupir d'encens mélodieux.
 
Figure-toi, lecteur, ô suave tableau !
::Non, jamais à mes yeux plus étrange spectacle
Une étroite cellule en forme d'oratoire,
::Ne s'offrit ; - je croyais d'un coin du paradis
Que la lune en tombant, de ses reflets de moire,
::Entrevoir le tableau; fantaisie ou miracle,
Éclairait, et pareille au marbre d'un tombeau,
::Songe, que sais-je, moi? mes sens étaient ravis,
La main pendante encor sur les touches d'ivoire,
::Et les brises du ciel, qui du frais tabernacle
L'ange mélancolique à voix de soprano.
::S'exhalaient, de bien-être inondaient mes esprits...
 
Belle ame d'harmonie et d'extase échauffée!
::Huit mois s'étaient passés depuis cette aventure,
Le sommeil l'avait prise en son ravissement,
::Lorsqu'aux ''Italiens'', traversant un couloir,
Et son pied, plus mignon que le pied d'une fée,
::Je m'entends tout à coup appeler l'autre soir :
Sur la pédale encor pesant légèrement,
::Je m'arrête, et de Franz j'aperçois la figure.
Il s'exhalait de l'orgue une vague bouffée,
::- « Vous ici, mon cher maître? enchanté de vous voir!
Un bruit plein de mystère et de recueillement!
::Et c'est pour notre hiver un excellent augure.
 
Le cahier de musique avait glissé par terre
::« A quand le ''Salomon'' ? car je ne pense pas
Et gisait à côté d'un grand fauteuil sculpté
::Que vous nous visitiez en oisif dilettante;
Où dormait étendue, et la tête en arrière,
::Les lauriers parisiens vous ont tenté là-bas,
La belle jeune fille au regard velouté,
::Fort bien! Si le succès répond à mon attente,
Dont les yeux assoupis s'ouvraient à la lumière
::Nous allons écraser de manière éclatante
Comme ces pâles fleurs des tièdes nuits d'été.
::Ce Giuseppe Verdi dont on fait trop de cas.
 
Et pour accroître encor l'effet de cette scène,
::« Quant aux autres, vraiment, vous n'aurez pas grand'peine;
Un crucifix d'ivoire, ouvrage merveilleux,
::Rossini nous déplaît, Mozart n'a plus d'écho,
Dont la lune argentait la sombre croix d'ébène,
::Et Bellini déjà nous paraît rococo!
Penchait le long du mur son front silencieux,
::La Grisi, savez-vous? sera bien dans la reine;
Vers qui montait toujours, de l'orgue éteint à peine,
::Et comment Ronconi dira la grande scène,
Comme un dernier soupir d'encens mélodieux.
::Vous vous l'imaginez en voyant ''Nabucco''.
 
Non, jamais à mes yeux plus étrange spectacle
::- « Vous avez en effet une troupe divine,
Ne s'offrit ; - je croyais d'un coin du paradis
::Et, si monsieur Vatel donne mon opéra,
Entrevoir le tableau; fantaisie ou miracle,
::Je prétends renforcer de quelque cavatine
Songe, que sais-je, moi? mes sens étaient ravis,
::Le rôle du vizir, qu'à Mario je destine...
Et les brises du ciel, qui du frais tabernacle
::Mais rien ne presse encore, et nous verrons cela. » -
S'exhalaient, de bien-être inondaient mes esprits...
::Et notre homme, à ces mots, tristement soupira.
 
Huit mois s'étaient passés depuis cette aventure,
::- « Qu'avez-vous donc ce soir, et quel ennui vous gagne?
Lorsqu'aux ''Italiens'', traversant un couloir,
::Je vous trouve, en effet, pensif et mécontent.
Je m'entends tout à coup appeler l'autre soir :
::- Oui, le mal du pays peut-être... La Romagne,
Je m'arrête, et de Franz j'aperçois la figure.
::Monsieur de Metternich... Quelle triste campagne!
- « Vous ici, mon cher maître? enchanté de vous voir!
::Maître, à tes violons reviens tambour battant;
Et c'est pour notre hiver un excellent augure.
::L'Italie est un cygne, elle meurt en chantant... » -
 
« A quand le ''Salomon'' ? car je ne pense pas
::Tout ceci me semblait d'une entente ambiguë,
Que vous nous visitiez en oisif dilettante;
::Et j'allais supplier mon brave Italien
Les lauriers parisiens vous ont tenté là-bas,
::De parler un peu moins en Phébus pythien,
Fort bien! Si le succès répond à mon attente,
::Lorsqu'un coup de sonnette arrêta l'entrevue...
Nous allons écraser de manière éclatante
::- « Au revoir donc. Ah çà! vous ne me dites rien
Ce Giuseppe Verdi dont on fait trop de cas.
::De votre nièce? Eh bien! qu'est-elle devenue?
 
::- « MissQuant Sensitive?aux Oh!autres, oh!vraiment, vous nen'aurez mepas croirez pasgrand'peine;
Rossini nous déplaît, Mozart n'a plus d'écho,
::Un mariage d'or! princesse! ambassadrice!
Et Bellini déjà nous paraît rococo!
::L'ange cataleptique a maintenant des bras
La Grisi, savez-vous? sera bien dans la reine;
::Comme une Clytemnestre et fait quatre repas.
Et comment Ronconi dira la grande scène,
::Puis, nous représentons la cour de Vienne en Suisse;
Vous vous l'imaginez en voyant ''Nabucco''.
::Il faut, vous l'avouerez, que l'air nous réussisse!
 
- « Vous avez en effet une troupe divine,
::« Sa santé, chose étrange! a tué son talent;
Et, si monsieur Vatel donne mon opéra,
::Plus un brin de gosier! plus une mélodie!
Je prétends renforcer de quelque cavatine
::Et le prince, monsieur, l'épousa pour son chant!
Le rôle du vizir, qu'à Mario je destine...
::J'ai toujours, quant à moi, pensé que le génie,
Mais rien ne presse encore, et nous verrons cela. » -
::De même que la perle, est une maladie :
Et notre homme, à ces mots, tristement soupira.
::On en meurt quelquefois, on en guérit souvent! » -
 
- « Qu'avez-vous donc ce soir, et quel ennui vous gagne?
::L'acte était commencé; déjà, par la portière,
Je vous trouve, en effet, pensif et mécontent.
::On entendait les choeurs et Brambilla chanter;
- Oui, le mal du pays peut-être... La Romagne,
::Je rentrai dans la loge. Avant de le quitter,
Monsieur de Metternich... Quelle triste campagne!
::Je lui promis pourtant mon amitié sincère,
Maître, à tes violons reviens tambour battant;
::Et, si vous permettez, un de ces soirs, j'espère,
L'Italie est un cygne, elle meurt en chantant... » -
::Madame, avoir l'honneur de vous le présenter.
 
Tout ceci me semblait d'une entente ambiguë,
Et j'allais supplier mon brave Italien
De parler un peu moins en Phébus pythien,
Lorsqu'un coup de sonnette arrêta l'entrevue...
- « Au revoir donc. Ah çà! vous ne me dites rien
De votre nièce? Eh bien! qu'est-elle devenue?
 
- « Miss Sensitive? Oh! oh! vous ne me croirez pas;
Un mariage d'or! princesse! ambassadrice!
L'ange cataleptique a maintenant des bras
Comme une Clytemnestre et fait quatre repas.
Puis, nous représentons la cour de Vienne en Suisse;
Il faut, vous l'avouerez, que l'air nous réussisse!
 
« Sa santé, chose étrange! a tué son talent;
Plus un brin de gosier! plus une mélodie!
Et le prince, monsieur, l'épousa pour son chant!
J'ai toujours, quant à moi, pensé que le génie,
De même que la perle, est une maladie :
On en meurt quelquefois, on en guérit souvent! » -
 
L'acte était commencé; déjà, par la portière,
On entendait les choeurs et Brambilla chanter;
Je rentrai dans la loge. Avant de le quitter,
Je lui promis pourtant mon amitié sincère,
Et, si vous permettez, un de ces soirs, j'espère,
Madame, avoir l'honneur de vous le présenter.
</poem>
 
 
HANS WERNER.
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