« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Tour » : différence entre les versions

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pour les défendre, il suffisait d'un poste peu nombreux. Un ouvrage de
cette étendue pouvait longtemps défier les attaques avec un capitaine et
vingt hommes<span id="note22"></span>[[#footnote22|<sup>22</sup>]]. Si l'attaque était très-rapprochée, les meurtrières infé-*inférieures devenaient inutiles, et alors les vingt hommes répandus sur les
galeries des hourds couvraient les assaillants d'une pluie de projec-
tiles. Nous avons dit ailleurs (voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]]) que les
assiégeants dirigeaient plutôt leurs attaques méthodiques contre les
courtines que contre les tours, parce que la courtine possédait moins
de moyens défensifs que les tours, et qu'il était plus difficile à l'assiégé
de les retrancher. Mais, il va sans dire que, pour emporter une courtine, il fallait d'abord détruire ou masquer les flanquements que donnaient les tours voisines.
 
Tant que les tours enfilaient la courtine, on ne pouvait guère avancer
les <i>chats</i> et les <i>beffrois</i> contre cette courtine. Ainsi, quoiqu'il ne fût pas
conforme à la tactique d'envoyer une colonne d'assaut contre une tour--et
les beffrois n'étaient qu'un moyen de jeter une colonne d'assaut
sur la courtine,--il fallait toujours que l'assaillant rendît nulles les
défenses des tours sur les flancs, avant de rien entreprendre contre la courtine.
 
Mais admettant que les hourds des tours eussent été détruits ou
brûlés, et que les défenses de celles-ci eussent été réduites aux meurtrières des étages inférieurs, que les beffrois fussent approchés de la
courtine; le chemin de ronde de la courtine étant toujours élevé au-dessus
du sol intérieur, les assaillants qui se précipitaient du beffroi sur
ces chemins de ronde étaient pris en flanc par les défenseurs qui sortaient des tours voisines comme de réduits, au moment de l'assaut.
C'est en prévision de cette éventualité que les tours, bien qu'elles interceptent la communication d'un chemin de ronde à l'autre, possèdent
des portes donnant directement sur ces chemins de ronde et permettant
 
[Illustration: Fig. 18.]
 
aux postes des tours de se jeter sur les flancs de la colonne
d'assaut.
 
Voici (fig. 18) une des tours de l'enceinte extérieure de Carcassonne, bâtie par saint Louis, qui remplit exactement ce programme.
C'est la tour sur le front nord, dite de la Porte-Rouge. Cette tour possède deux étages au-dessous du crénelage. Comme le terrain s'élève
sensiblement de <i>a</i> en <i>b</i>, les deux chemins de ronde des courtines ne sont
pas au même niveau; le chemin de ronde <i>b</i> est à 3 mètres au-dessus
du chemin de ronde <i>a</i>. En A, est tracé le plan de la tour au-dessous
du terre-plein; en B, au niveau du chemin de ronde <i>d</i>; en C, au niveau
du crénelage de la tour qui arase le crénelage de la courtine <i>e</i>. On voit en
<i>d</i> la porte qui, s'ouvrant sur le chemin de ronde, communique à un degré
qui descend à l'étage inférieur A, et en <i>c</i> la porte qui, s'ouvrant sur le
chemin de ronde plus élevé, communique à un second degré qui descend
à l'étage B. On arrive du dehors au crénelage de la tour par le degré <i>g</i>.
De plus, les deux étages A et B sont en communication entre eux par
un escalier intérieur <i>hh'</i>, pris dans l'épaisseur du mur de la tour. Ainsi
les hommes postés dans les deux étages A et B sont seuls en communication
directe avec les deux chemins de ronde. Si l'assiégeant est parvenu
à détruire les hourds et le crénelage supérieur, et si croyant avoir
rendu l'ouvrage indéfendable, il tente l'assaut de l'une des courtines, il
est reçu de flanc par les postes établis dans les étages inférieurs,lesquels,
étant facilement blindés, n'ont pu être bouleversés par les projectiles
des pierrières ou rendus inhabitables par l'incendie du comble et des
hourds. Une coupe longitudinale faite sur les deux chemins de ronde de
<i>c</i> en <i>d</i> permet de saisir cette disposition (fig. 19). On voit en <i>e'</i> la porte
de l'escalier e, et en <i>d'</i> la porte de l'escalier <i>d</i> (du plan). Cette dernière
porte est défendue par une échauguette <i>f</i>, à laquelle on arrive par un
degré de six marches. En <i>h'</i>, commence l'escalier qui met en communication
les deux étages A et B. Une couche de terre posée en <i>k</i> empêche
le feu, qui pourrait être mis aux hourds et au comble <i>l</i> par les assiégés,
de communiquer aux deux planchers qui couvrent ces deux étages A et B.
 
[Illustration: Fig. 19.]
 
La figure 20 donne la coupe de cette tour suivant l'axe perpendiculaire au front. En <i>d''</i>, est la porte donnant sur l'escalier <i>d</i>. Les hourds
sont posés en <i>m</i>.En <i>p</i>, est tracé le prpfil de l'escarpement avec le prolongement des lignes de tir des deux rangs de meurtrières des étages
A et B.
 
[Illustration: Fig. 20.]
 
Il n'est pas besoin de dire que les hourds battent le pied <i>o</i> de la tour.
 
Une vue perspective (fig. 21), prise du chemin militaire entre ces
deux enceintes (point X du plan), fera saisir les dispositions intérieures
de cette défense. Les approvisionnements des hourds et chemins de
ronde de la tour se font par le créneau <i>c</i> (du plan C), au moyen d'un
palan et d'une poulie, ainsi'que le fait voir le tracé perspectif.
 
Ici la tour ne commande que l'un des chemins de ronde (voy. la
coupe, fig. 19). Lors de sa construction sous saint Louis, elle commandait les deux chemins de ronde; mais sous Philippe le Hardi, lorsqu'on
termina les défenses de ia cité de Carcassonne, on augmenta le relief
de quelques-unes des courtines, qui ne paraissaient pas avoir un commandement assez élevé. C'est à cette époque que le crénelage G fut
remonté au-dessus de l'ancien crénelage H, sans qu'on ait pris la peine
 
[Illustration: Fig. 21.]
 
de démolir celui-ci; de sorte qu'extérieurement ce premier crénelage
H reste englobé dans la maçonnerie surélevée. En effet, le terrain extérieur s'élève comme le chemin militaire de <i>a</i> en <i>b</i> (voy. le plan), et les
ingénieurs, ayant cru devoir adopter un commandement uniforme des
courtines sur l'extérieur, aussi bien pour l'enceinte extérieure que pour
l'enceinte intérieure, on régularisa vers 1285 tous les reliefs. Il faut
dire aussi qu'à cette époque, on ne donnait plus guère aux tours un
commandement important qu'aux angles des forteresses ou sur quelques parties où il était nécessaire de découvrir les dehors.
 
Pour les grands fronts, les tours flanquantes n'ont pas de commandement sur les courtines, et cette disposition est observée pour le grand
front sud de l'enceinte intérieure de Carcassonne, rebâti sous Philippe
le Hardi.
 
La cité de Carcassonne est une mine inépuisable de renseignements
sur l'art de la fortification du XII<sup>e</sup> au XIV<sup>e</sup> siècle. Là ce ne sont pas
des fragments épars et très-altérés par le temps et la main des hommes,
que l'on trouve, mais un ensemble coordonné avec méthode, presque
intact, construit en matériaux robustes par les plus habiles ingénieurs
des XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles, comme étant un point militaire d'une très-grande
importance. Lorsque Carcassonne fut comprise dans le domaine
royal, sous saint Louis, cette place devenait, sur un point éloigné et
mal relié aux possessions de la couronne, une tête de pont garantissant une notable partie du Languedoc contre l'Aragon.
 
Toutes les dispositions défensives que l'on trouve encore en France
datant de cette époque, n'ont point l'unité de conception et la valeur
des fortifications de Carcassonne. On comprendra dès lors pourquoi
nous choisissons de préférence nos exemples dans cette place de
guerre, qui, heureusement aujourd'hui, grâce aux efforts du gouvernement, à l'intérêt que la population de Carcassonne apporte à cette forteresse, unique en Europe, est préservée de la ruine qui si longtemps
l'a menacée.
 
La disposition de la dernière tour de l'enceinte extérieure que nous
venons de donner est telle, que cet ouvrage ne pouvait se défendre
contre l'enceinte intérieure; car, non-seulement cette tour est dominée
de beaucoup, mais elle est, à l'intérieur, nulle comme défense.
 
Tous les ouvrages de cette enceinte extérieure sont dans la même
situation, bien que variés dans leurs dispositions, en raison de la nature
du sol des dehors et des besoins auxquels ils doivent satisfaire. Il n'est
qu'un point où l'enceinte extérieure est reliée à la défense intérieure
au moyen d'une tour bâtie à cheval sur le chemin militaire qui sépare
les deux fronts. C'est un ouvrage sur plan rectangulaire, posé en vedette,
flanquant à la fois les courtines extérieures, les lices (chemin militaire)
et les courtines intérieures; permettant de découvrir, sans sortir de la
défense intérieure, la montée à la porte de l'Aude, tout le front jusqu'au saillant occidental de la place défendu par deux grosses tours <i>du
coin</i>, et la partie la plus rapprochée du faubourg de la Barbacane. Cette
tour, dite de <i>l'Évêque</i>, parce qu'elle donnait sur le palais épiscopal, est
un admirable ouvrage, bâti de belles pierres de grès dur avec bossages,
et dépendant des travaux termInés sous Philippe le Hardi<span id="note23"></span>[[#footnote23|<sup>23</sup>]].
 
En voici (fig. 22) les plans à différents étages. En A, au niveau des
lices ou du chemin militaire entre les deux enceintes,--le crénelage de
l'enceinte extérieure étant en <i>a</i> et la courtine de l'enceinte intérieure
en <i>b</i>.--Le premier étage est tracé en B. Du terre-plein de la cité, on
arrive à cet étage par l'escalier <i>d</i>, qui monte aux deux étages supérieurs. Le plan C donne l'étage du crénelage avec son hourd de face <i>e</i>.
 
On communique du chemin de ronde <i>g</i> au chemin de ronde <i>h</i>, en passant
par la porte <i>i</i>, montant quelques degrés qui arrivent au niveau de
la salle <i>k</i> et en redescendant par l'escalier à vis. Deux mâchicoulis en
<i>m</i> et <i>n</i> (voy. le plan B) commandent les deux arcs à cheval sur le chemin
militaire.
 
[Illustration: Fig. 23.]
 
La figure 23 donne la coupe de cet ouvrage, faite sur la ligne <i>op</i>.
Le niveau des lices est en A, le niveau du sol intérieur de la cité en B.
Outre les deux mâchicoulis percés dans les archivoltes des passages P,
on établissait, en temps de guerre, des hourds au deuxième étage, au-*
 
[Illustration: Fig. 23.]
 
dessus de ces arcs, ainsi que l'indiquent le tracé D et le profil <i>d</i>; hourds
auxquels les baies C donnaient accès. Un hourd établi en E, sur la face
de la tour, commandait son pied et flanquait ses angles. Le profil F
donne la coupe sur la courtine intérieure, les lices et la courtine extérieure. Tous les étages sont mis en communication par les œils percés
au milieu des voûtes d'arête. Ces œils permettent aussi d'approvisionner
les étages supérieurs des munitions nécessaires au service des
hourds.
 
La figure 24 présente la vue perspective de cette tour en dehors de
l'enceinte extérieure, avec les hourds posés partout. On voit que les
meurtrières des crénelages ont leur champ de tir dégagé au-dessous des
hourds, ce qui permet à deux lignes d'arbalétriers ou d'archers de
défendre les ouvrages, puisque les hourds possèdent des meurtrières
au-dessus des mâchicoulis. Les tourelles d'angle, octogones, donnent
un tir divergeant et sont flanquées par les meurtrières des flancs des
hourds. Cette tour a l'avantage d'enfiler le chemin militaire entre les
deux enceintes, de le couper totalement au besoin, et de posséder des
flanquements sur l'escarpe de l'enceinte extérieure. Parfaitement conservée,
bâtie avec des matériaux inaltérables, elle a pu être utilisée au
moyen de travaux peu importants.
 
Tous les ouvrages entrepris à Carcassonne, sous Philippe le Hardi,
ont un caractère de puissance remarquable, et indiquent de profondes
connaissances dans l'art de la fortification, eu égard aux moyens d'attaque de l'époque. Les flanquements étant courts, il est impossible de
les mieux combiner. Les garnisons étaient composées alors de gens
de toutes sortes, hommes liges et mercenaires, il fallait se tenir en
défiance contre les trahisons possibles. Ces tours étaient des réduits
indépendants, interceptant le parcours sur les chemins de ronde, même
sur les lices, comme on le voit par l'exemple précédent. Commandées
chacune par un capitaine, la reddition de l'une d'elles n'entraînait pas
la chute des autres. Les gens de la ville ne pouvaient monter sur les
chemins de ronde, qui avaient Sur le terre-plein un relief considérable
et n'étaient mis en communication avec le sol intérieur que par des
escaliers très-rares passant généralement par des postes. Toute tentative
de trahison devenait difficile, chanceuse, parce qu'il fallait, ou qu'elle
pût mettre beaucoup de monde dans la confidence des moyens à employer, ou qu'elle restât isolée, et par suite promptement réprimée.
 
Quelquefois le chemin de ronde de la courtine tourne autour de
l'ouvrage flanquant et contenant un poste; mais alors la tour a tous les
caractères d'un réduit, d'un petit donjon possédant ses moyens de
défense, de retour offensif et de retraite, indépendants. Plusieurs des
tours de l'enceinte intérieure de la cité de Carcassonne sont conçues
suivant ce système. L'une d'elles, dite tour Saint-Martin, est bien conservée et nous explique clairement cette disposition.
 
Bâtie sur le front sud, près de la poterne de Saint-Nazaire, la tour
Saint-Martin s'élève de 25 mètres au-dessus du chemin militaire des
 
[Illustration: Fig. 24.]
 
ces et de 15<sup>e</sup>,50 au-dessus du sol de la cité. Elle possède deux étages
 
[Illustration: Fig. 25.]
 
inférieurs voûtés et deux étages supérieurs sous le comble, avec plancher intermédiaire au niveau des hourds. La figure 25 donne en A les
plans superposés des deux étages inférieurs, et en B les plans superposés des deux étages supérieurs. En examinant ces plans avec quelque
attention, on observera que le cylindre de maçonnerie est plus épais
vers l'extérieur que vers l'intérieur de la cité; en d'autres termes, que
le cercle traçant le vide n'est pas concentrique au cercle traçant la péripériphérie
de la tour; que cette périphérie qui fait face à l'extérieur, est
renforcée par un éperon C ou bec saillant. Cet éperon et cette plus
forte épaisseur donnée à la maçonnerie ont pour résultat d'annuler
les effets du <i>bosson</i> ou bélier, et de placer l'assaillant sous le tir direct
des flanquements voisins (voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], <sc>Porte</sc>). De la
ville, on entre dans la tour par la porte P, et la rampe droite qui
monte au premier étage. De ce premier étage, par l'escalier à vis, on
descend à l'étage inférieur et l'on monte aux étages supérieurs.
 
L'étage crénelé, et pouvant être muni de hourds, est mis en communication
avec le chemin de ronde des courtines par les deux portes
K et L. Ce chemin de ronde pourtourne l'étage supérieur de la tour du
côté de la ville en G. Une coupe faite sur <i>ab</i> (fig. 26) permet de saisir
facilement ces dispositions. L'étage H renferme une cheminée et est
éclairé par une fenêtre F donnant sur la cité. Les hourds étaient posés
en I, conformément à l'usage. Les meurtrières des deux salles inférieures
sont chevauchées, ainsi que l'indique le plan<span id="note24"></span>[[#footnote24|<sup>24</sup>]].
 
Cet ouvrage, comme le précédent, appartient aux constructions de
Philippe le Hardi, et qui datent, par conséquent, des dernières années
du XIII<sup>e</sup>
siècle.
 
Quelquefois, à cette époque, pour étendre les flanquements des tours,
on leur donne en plan la forme d'un arc brisé<span id="note25"></span>[[#footnote25|<sup>25</sup>]]. C'est sur ce plan que
sont bâties quelques-unes des tours du château de Loches.
 
Les grands engins d'attaque étaient alors perfectionnés: on leur opposait des murs bâtis en pleine pierre de taille, des merlons épais, des hourds formés de gros bois; on disposait plusieurs étages voûtés afin de mettre les postes à l'abri des projectiles lancés en bombe. Parfois on revenait à la tour carrée comme présentant des flancs plus étendus et des faces que l'on protégeait par des hourdages très-saillants
et bientôt par des mâchicoulis de pierre.
 
Les tours d'Aigues-Mortes, bâties par Philippe le Hardi, sont sur
plan quadrangulaire; même plan adopté pour la plus grande partie des
tours de l'enceinte d'Avignon. Il faut dire que tout un front de ces
remparts fut ordonné sous le pape Innocent VI, par Jean Fernandez
Heredia, commandeur de Malte, et que les dispositions adoptées alors
furent suivies successivement, c'est-à-dire de 1350 à 1364<span id="note26"></span>[[#footnote26|<sup>26</sup>]]. La plupart
de ces tours sont très-saillantes sur la courtine, dont le chemin de ronde
passe derrière elles ou qui se trouve interrompu par les flancs. De plus,
ces tours sont généralement ouvertes à la gorge.
 
La figure 27 présente le plan d'une de ces tours d'Avignon, à rez-de-chaussée.
 
[Illustration: Fig. 26.]
 
Un escalier E, fermé par une porte, permet de monter au
premier étage (fig. 28), qui communique par deux issues avec les chemins de ronde des courtines Voisines G, H. Un second escalier en encorbellement
monte jusqu'à l'étage crénelé supérieur (fig. 29), percé de
mâchicoulis. Cette tour ne se défend, comme on peut le voir, que par
son sommet. La vue perspective (fig. 30), prise du côté de la ville,
 
[Illustration: Fig. 27.]
 
[Illustration: Fig. 28.]
 
[Illustration: Fig. 29.]
 
explique complétement le système de défense, et indique les moyens
d'accès aux deux étages. Ouverte à la gorge, elle ne peut être considérée
comme un réduit indépendant, au besoin; cependant les chemins
de ronde des courtines sont interrompus à la façon des tours romaines
dont parle Vitruve. Sa surface étendue permettait de réunir à son
sommet un assez grand nombre de défenseurs. Si l'assaillant parvenait
à saper sa face en K (fig. 27), il était encore possible de défendre la
brèche, soit en remparant la gorge de L en M, soit en accablant les ennemis de projectiles lancés à travers le grand mâchicoulis ouvert au
milieu du plancher du premier étage. Un comble, que nous avons
supposé enlevé, afin de mieux faire voir le système de défense, était
posé sur le vide supérieur et abritait le plancher du premier étage et le
sol du rez-de-chaussée.
 
Déjà, au milieu du XIV<sup>e</sup>
siècle, on commençait à faire usage de
bouches à feu. Ces premiers engins, toutefois, n'ayant qu'un faible.
calibre et une portée médiocre, ne pouvaient produire un effet sérieux
sur des màçonneries quelque peu épaisses.
 
[Illustration: Fig. 30.]
 
Les anciens grands engins de siége, pierrières, mangonneaux, trébuchets, envoyant des projectiles de pierre pesant 100 ou 150 kilogrammes,
et quelquefois plus, suivant un tir parabolique, étaient plus
redoutables que les premières pièces d'artillerie. Les projectiles lancés
par ces grands engins ne pouvaient produire d'effet qu'autant qu'ils
passaient par-dessus les défenses et qu'ils retombaient, soit sur les
combles des tours, soit dans les places. Du Guesclin, bien qu'il ne fît
pas trop usage de ces machines de guerre et qu'il préférât brusquer les
attaques, les employa parfois, et lorsqu'il les mit en batterie devant
une forteresse, ce fut toujours pour démoraliser les garnisons par la
quantité de projectiles dont il couvrait les rues et les maisons<span id="note27"></span>[[#footnote27|<sup>27</sup>]].
 
Si les défenses étaient très-hautes, les projectiles ne faisaient que
frapper directement leurs parements et ne pouvaient les entamer<span id="note28"></span>[[#footnote28|<sup>28</sup>]]. Le
trouvère Cuvelier, dans la <i>Vie de Bertrand du Guesclin</i>, raconte comment,
au siége du château de Valognes, à chaque pierre que lançaient
les engins des assiégeants, un homme de garde venait frotter les moellons,
par dérision, avec une serviette blanche. Il a le soin de nous dire
aussi, dans le même passage, comment la garnison avait fait blinder
les tours avec du fumier, pour éviter l'effet des projectiles lancés à
la volée:
 
</div>
<center>
«De fiens y ot.on mis mainte grande chartée.»<br>
</center>
<div class=prose>
 
La grande puissance donnée alors aux engins obligeait les architectes
militaires à surhausser les tours et les courtines. Mais s'il s'agissait d'une place couvrant une grande superficie, on ne pouvait donner
à ces courtines un relief très-considérable sans de grandes dépenses;
aussi sous Charles V prit-on de nouvelles dispositions. Jusqu'alors on
n'avait songé qu'exceptionnellement à terminer les tours par des plates-formes
propres à recevoir des engins. Ces machines étaient mises en
position sur des plates-formes de bois charpentées intérieurement le
long des courtines, ou même sur le sol, derrière celles-ci, lorsqu'elles
n'avaient qu'un faible relief, ou encore le long des lices, quand les
places possédaient une double enceinte, afin d'éloigner l'assaillant. Mais
quand la première enceinte était prise, il ne s'agissait plus que de
pourvoir à la défense très-rapprochée, et alors les machines de jet devenaient
inutiles, les hourds ou les mâchicoulis suffisaient.
 
Sous Charles V, disons-nous, on modifia l'ancien dispositif défensif.
On possédait déjà de petites pièces d'artillerie, qui permettaient d'allonger les fronts, d'éloigner les flanquements par conséquent. On avait
reconnu que les fronts courts avaient l'inconvénient, si les deux flancs
voisins avaient été détruits, de défiler l'assaillant et de ne lui présenter
qu'un obstacle peu étendu, contre lequel il pouvait accumuler ses
moyens d'attaque. Aussi était-ce toujours contre ces courtines étroites,
entre deux tours, que les dernières opérations d'un siége se concentraient,
dès qu'au préalable on était parvenu à ruiner les défenses supérieures des tours par le feu, si elles se composaient de hourds, ou par
de gros projectiles, si les galeries des mâchicoulis étaient revêtues d'un manteau de maçonnerie. Vers 1360, les courtines furent donc allongées;
les tours furent plus espacées, prirent une plus grande surface,
eurent parfois des flancs droits,--c'est-à-dire que ces tours furent bâties
sur plan rectangulaire,--et furent couronnées par des plates-formes.
Le château de Vincennes est une forteresse type conforme à un nouveau dispositif. Le plan bien connu de cette place<span id="note29"></span>[[#footnote29|<sup>29</sup>]] présente un grand
parallélogramme flanqué de quatre tours rectangulaires aux angles,
d'une tour (porte) également rectangulaire au milieu de chacun des
petits côtés, de trois tours carrées sur l'un des grands côtés, et par le
donjon avec son enceinte sur l'autre.
 
Les courtines entre les tours ont environ 100 mètres de long, ce qui
dépasse la limite des anciennes escarpes flanquées.
 
Les tours d'angle sont plantées de telle façon, que leurs flancs sont
plus longs sur les petits côtés du parallélogramme que sur les grands,
afin de mieux protéger les portes.
 
Voici en A (fig. 31) le plan d'une de ces tours d'angle, à rez-de-chaussée,
c'est-à-dire au niveau du sol de la place. De gros contre-forts
reposant sur un talus montent jusqu'à la corniche supérieure, qui n'est
qu'une suite de larges mâchicoulis. Les trois étages étaient voûtés,
et sur la dernière voûte reposait une plate-forme dallée, très-propre
à recevoir, ou de grands engins, ou des bouches à feu. Un crénelage
protégeait les arbalétriers. En B, est tracé le plan de cette plate-forme.
 
[Illustration: Fig. 31.]
 
La figure 32 donne l'élévation de cette tour sur son grand côté, avec
la courtine voisine. On reconnait ici que vers la seconde moitié du
XIV<sup>e</sup> siècle, on revenait aux commandements considérables des tours
sur les courtines, avec l'intention évidente de faire servir ce commandement
au placement d'engins à longue portée. La voûte supérieure, couverte
 
[Illustration: Fig. 32.]
 
d'un épais blindage de <i>cran</i><span id="note30"></span>[[#footnote30|<sup>30</sup>]]
sous le dallage, résistait à tous les
projectiles lancés à la volée, en supposant que ces projectiles aient pu
s'élever assez haut pour retomber sur la plate-forme.
 
La tour ne se défend absolument que du sommet, soit par les engins
de position, soit, contre l'attaque rapprochée, par les crénelages et
mâchicoulis<span id="note31"></span>[[#footnote31|<sup>31</sup>]].
 
Il est curieux de suivre pas à pas, depuis l'antiquité, ce mouvement
d'oscillation constant, qui, dans les travaux de défense, tantôt fait donner
aux tours ou flanquements un commandement sur les courtines, tantôt
réduit ce commandement et arase le sommet des tours au niveau des
courtines. De nos jours encore ces mêmes oscillations se font sentir dans
l'art de la fortification, et Vauban lui-même, vers la fin de sa carrière,
après avoir préconisé les flanquements de niveau avec les courtines,
était revenu aux commandements élevés sur les bastions.
 
C'est qu'en effet, quelle que soit la portée des projectiles, ce n'est là
qu'une question relative, puisque les conditions de tir sont égales pour
l'assiégé comme pour l'assaillant. Si l'on supprime les commandements
élevés, on découvre l'assaillant de moins loin, et on lui permet de commencer
de plus près ses travaux d'approche; si l'on augmente ces
commandements, on donne une prise plus facile à l'artillerie de l'assiégeant.
Aussi voyons-nous, pendant le moyen âge, et principalement
depuis l'adoption des bouches à feu, les systèmes se succéder et flotter
entre ces deux principes<span id="note32"></span>[[#footnote32|<sup>32</sup>]]. D'ailleurs une difficulté surgissait autrefois
comme elle surgit aujourd'hui.
 
Le tracé d'une place en projection horizontale peut être rationnel, et
ne plus l'être en raison des reliefs.
 
Avec les commandements élevés, on peut découvrir au loin la campagne,
mais on enfile les fossés et les escarpes par un tir plongeant qui
ne produit pas l'effet efficace du tir rasant. Il faut donc réunir les deux
conditions.
 
Nous verrons tout à l'heure comment les derniers architectes militaires
du moyen âge essayèrent de résoudre ce double problème. Le
château de Vincennes n'en est pas moins, pour le temps où il fut élevé,
une tentative dont peut-être on n'a pas apprécié toute l'importance,
L'architecte constructeur des défenses a prétendu soustraire les tours
à l'effet du tir parabolique, en leur donnant un relief considérable, et il
a prétendu utiliser ce commandement, inusité alors, pour le tir des
nouveaux engins à feu, et des grands engins perfectionnés, tels que les
mangonneaux et trébuchets<span id="note33"></span>[[#footnote33|<sup>33</sup>]].
 
Sous le règne de Charles V, on ne trouve nulle part, en France, en
Allemagne, en Italie, en Angleterre ou en Espagne, un second exemple
de la disposition adoptée pour la construction du château de Vincennes.
C'est une tentative isolée qui ne fut pas suivie; en voici la raison: Alors
(de 1365 à 1370)<span id="note34"></span>[[#footnote34|<sup>34</sup>]] on commençait à peine à employer des bouches à
feu d'un assez faible calibre, ou des bombardes de fer courtes, frettées,
propres à lancer des boulets de pierre à la volée, ainsi que pouvaient le
faire les engins à contre-poids. On ne croyait pas que la nouvelle artillerie
à feu remplacerait un siècle plus tard ces machines encombrantes,
mais dont le tir était très-précis et l'effet terrible jusqu'à une portée de
150 à 200 mètres. L'artillerie à feu usitée vers la fin du XIV<sup>e</sup> siècle dans
les places consistait en des tubes de fer qui envoyaient des balles de
deux ou trois livres au plus, ou même des cailloux arrondis. Ces engins
remplaçaient avec avantage les grandes arbalètes, et pouvaient être
mis en batterie derrière les merlons des tours. Il y avait donc intérêt
à augmenter le relief de ces tours, car le tir de plein fouet étant faible,
plus on l'élevait, plus il pouvait causer de dommages aux assiégeants,
D'ailleurs, ainsi que nous l'avons dit tout à l'heure, il était important de
soustraire le sommet de ces tours aux projectiles lancés à la volée par
les anciens engins. Les courtines devaient, relativement, n'avoir qu'un
relief moindre, afin de poster les arbalétriers, qui envoyaient leurs
carreaux de but en blanc à 60 mètres environ. Les machines et
bouches à feu des plates-formes des tours couvraient la campagne de
gros projectiles dans un rayon de 200 mètres, et tenant ainsi les assiégeants
à distance, les courtines se trouvaient protégées jusqu'au moment
où, par des travaux d'approche, les assaillants arrivaient à la
crête du fossé. Dans ce dernier cas, les arbalétriers des courtines en
défendaient l'approche, et ceux des tours prenaient en flanc les colonnes
d'assaut par un tir plongeant. Mais bien que les progrès de l'artillerie à
feu fussent lents, cependant, à la fin du XIV<sup>e</sup> siècle, les armées assiégeantes
commençaient à mettre des bombardes en batterie. Celles-ci,
couvertes par des épaulements et des gabionnades, n'avaient pas à
redouter beaucoup les rares engins disposés au sommet des tours, concentraient
leur feu sur les courtines relativement basses, écrêtaient
leurs parapets, détruisaient leurs mâchicoulis, rendaient la défense
impossible, et l'assiégeant pouvait alors procéder par la sape pour faire
brèche. Les commandements élevés des tours devenaient inutiles dès que
l'ennemi s'attachait au pied de l'escarpe. Vers 1400, on changea donc de
système, on éleva les courtines au niveau des tours; la défense bâtie fut
réservée pour l'attaque rapprochée, et en dehors de cette défense on
éleva des ouvrages avancés sur lesquels on mit les bouches à feu en
batterie. Celles-ci furent donc réservées pour garnir ces ouvrages bas,
étendus, battant la campagne, et la forteresse ne fut plus qu'une sorte
de réduit uniquement destiné à la défense rapprochée.
 
Nous voyons, en effet, que les châteaux bâtis à cette époque établissent
les défenses des courtines presque au niveau de celles des tours,
ne laissant à cellès-ci qu'un commandement un peu plus élevé, pour la
surveillance des dehors, et que beaucoup de vieilles courtines des
XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles sont relevées jusqu'au niveau des chemins de ronde
des tours<span id="note35"></span>[[#footnote35|<sup>35</sup>]]. On renonçait complétement alors à mettre des pièces en
batterie sur ces tours; les plates-formes disparurent pour un temps, et
l'artillerie à feu ne fut employée par la défense que pour balayer les
approches,
 
Le château de Pierrefonds, bâti entièrement par Louis d'Orléans,
nous fournit à cet égard des renseignements précieux. Non-seulement
les travaux de déblaiement et de restauration entrepris dans cette forteresse<span id="note36"></span>[[#footnote36|<sup>36</sup>]]
ont permis de reconnaitre exactement les dispositions des
tours et courtines, c'est-à-dire de la défense rapprochée, mais ils ont
mis en lumière une suite d'ouvrages avancés, de peu de relief, qui formaient
une zone de défense faite pour recevoir de l'artillerie à feu. Ces
ouvrages expliquent comment les troupes envoyées à deux reprises par
Henri IV, avec de l'artillerie pour prendre ce château, ne purent s'en
emparer, et comment il fallut, sous la minorité de Louis XIII, entreprendre
un siége en règle pour le réduire.
 
Ces observations feront comprendre pourquoi les tours de Vincennes,
qui datent du règne de Charles V, possèdent des plates-formes propres à
placer de l'artillerie, et pourquoi elles ont sur les courtines un commandement
considérable, tandis que les tours du château de Pierrefonds,
bâties trente ans plus tard environ, ne présentent aucune disposition
propre à recevoir des bouches à feu, et n'ont sur les courtines
qu'un commandement insignifiant. Nous voyons qu'à partir de 1400,
les architectes militaires suivent pas à pas les progrès de l'artillerie à
feu, tantôt donnant à ces engins un commandement sur la campagne,
tantôt les plaçant à la base des tours et les réservant pour battre la
crête des fossés; tantôt les rendant indépendants des anciennes défenses
conservées, et les employant à retarder les travaux d'approche au
moyen d'ouvrages avancés, de boulevards, de cavaliers, etc.<span id="note37"></span>[[#footnote37|<sup>37</sup>]].
 
La figure 33 donne le plan du rez-de-chaussée de l'une des tours du
château de Pierrefonds<span id="note38"></span>[[#footnote38|<sup>38</sup>]], au niveau du sol de la cour et au-dessus des
deux étages souterrains par rapport à ce sol. En A, sont des bâtiments
d'habitation adossés aux courtines B. Conformément à la disposition
habituelle, il faut entrer dans la tour occupée par un poste pour arriver
à l'escalier qui monte à tous les étages. La porte du poste est en <i>a</i>.
Trois fenêtres éclairent cette salle, auprès de laquelle se trouvent, en <i>b</i>,
des latrines. En <i>c</i>, est une cheminée.
 
[Illustration: Fig. 33.]
 
La coupe sur <i>fe</i> (fig. 34) explique les divers services de cet ouvrage.
Le niveau du chemin de ronde couvert des courtines est en N, et le
crénelage supérieur de ces courtines, à la base des combles des bâtiments,
est au niveau G du chemin de ronde des tours; donc ces tours
n'ont sur les courtines que le commandement GK.
 
Les quatre étages supérieurs, compris le rez-de-chaussée, sont fermés
par des planchers, mais les deux étages au-dessous du sol de la
cour, qui est en L, sont voutés. On remarquéra même que la voûte V
est couverte par une épaisse couche de blocage qui met celle-ci a l'abri
des incendies ou chutes des parties supérieures.
 
L'escalier à vis s'arrête au niveau du sol A de la seconde cave, car la
première cave B est un cachot dans lequel on ne descend que par l'œil
percé au milieu de la voûte ellipsoïde construite par assises horizontales posées en encorbellement. On ne peut douter que cette cave n'ait
été destinée à servir de cachot, de <i>chartre</i>, puisqu'elle possède une niche
avec siége d'aisances C et petite fosse.
 
Le sol des lices, ou du chemin militaire extérieur, est, le long de cette
tour, au niveau P.
 
Le cachot B ne reçoit ni air ni lumière de l'extérieur. On observera
que la maçonnerie du cylindre, au niveau P, a 5<sup>m</sup>,20 d'épaisseur
 
[Illustration: Fig. 34.]
 
(16 pieds), et que derrière les parements, intérieur et extérieur, en pierres
d'appareil, cette maçonnerie est composée d'un blocage bien lité de
gros moellons de caillasse d'une extrême dureté<span id="note39"></span>[[#footnote39|<sup>39</sup>]]. Il n'était donc pas
aisé de saper un ouvrage ainsi construit, défendu par la ceinture des
mâchicoulis du chemin de ronde G. Cet ouvrage date de 1400. Nulle
trace de plates-formes supérieures pour mettre de la grosse artillerie en
batterie. Les bombardes, les passe-volants, veuglaires, basilics, coulevrines,
étaient placés sur les ouvrages extérieurs, c'est-à-dire sur la
crête du plateau qui sert d'assiette au château, de manière à battre les
vallons environnants. Les chemins de ronde supérieurs n'étaient occupés, au moment de la construction du château de Pierrefonds, que par des arbalétriers ou des archers contre l'attaque rapprochée.
 
Cependant, du jour que les assiégeants possédaient des pièces d'artillerie
d'un assez gros calibre pour pouvoir battre les ouvrages extérieurs
et éteindre leur feu, il fallait que la défense dernière, le château,
pût opposer du canon aux assaillants. Les architectes s'ingénièrent donc,
dès l'époque de la guerre contre les Anglais, à trouver le moyen de
placer des bouches à feu sur les tours<span id="note40"></span>[[#footnote40|<sup>40</sup>]]. Pour obtenir ce résultat, on
donna il celles-ci moins de relief, on augmenta l'épaisseur de leurs
parois cylindriques, on les voûta pour porter une plate-forme; ou bien,
conservant l'ancien systeme de la defense supérieure du XIV<sup>e</sup> siecle,
destinée aux arbalétriers, on perça des embrasures pour du canon à la
base de ces tours, si elles étaient bâties sur un lieu escarpé, afin de battre
les approches<span id="note41"></span>[[#footnote41|<sup>41</sup>]].
Il faut dire qu'alors les bouches à feu, qui envoyaient des projectiles
de plein fouet, n'avaient qu'un faible calibre; ces engins projetaient des
balles de plomb, mais plus souvent des pyrites de fer ou de petites
sphères de grès dur. Ces derniers projectiles ne pouvaient avoir une
longue portée. Quant aux grosses bouches à feu réservées pour les dehors
ou les plates-formes des tours, elles n'envoyaient guère, pendant le
cours du XV<sup>e</sup> siècle, que des boulets de pierre à la volée, c'est-à-dire
suivant une parabole. Les artilleurs d'Orléans, au moment du siége, en
1428, possédaient cependant des canons envoyant des balles de plein
fouet à 600 mètres<span id="note42"></span>[[#footnote42|<sup>42</sup>]]; ces canons furent tous placés sur les anciennes
tours ou sur des boulevards <span id="note43"></span>[[#footnote43|<sup>43</sup>]]; quant aux courtines, elles étaient garnies
de mâchicoulis et de hourdis de maçonnerie ou de bois. Pendant long
temps, en effet, l'artillerie à feu est mise en batterie sur les tours pour
commander les approches, ou à la base Des tours pour enfiler les fossés,
protéger les courtines, qui ne se défendent que contre l'attaque rapprochée
à l'aide des anciennes armes. Ainsi le rôle des tours, à la fin du
moyen âge, au lieu de diminuer, prend plus d'importance. Moins rapprochées
les unes des autres, puisqu'elles sont munies d'engins à longue
portée, elles se projettent davantage en dehors des courtines afin de les
mieux flanquer; elles s'en détachent même parfois presque entièrement,
surtout aux saillants; elles étendent considérablement leur diamètre,
elles renforcent leurs parois et sont casematées. Souvent même la batterie
supérieure, au lieu d'être découverte, est blindée au moyen d'une
carapace de maçonnerie et de terre. Nous ne pourrions dire si cette
innovation des batteries supérieures blindées est due à la France, à
l'Allemagne ou à l'Italie. Francesco di Giorgio Martini, architecte de
Sienne, qui vivait au milieu du XV<sup>e</sup> siècle, donne plusieurs exemples de
ces tours avec batteries supérieures blindées dans son <i>Traité de l'architecture
militaire</i><span id="note44"></span>[[#footnote44|<sup>44</sup>]]
. Nous avons trouvé, en France, des traces de ces couvertures dans des ouvrages en forme de tours protégeant des saillants<span id="note45"></span>[[#footnote45|<sup>45</sup>]], ce qui n'interdisait pas l'emploi des anciens mâchicoulis et crénelages.
 
Voici (fig. 35) un exemple de ces sortes de tours. En A est tracé le
plan de l'ouvrage au niveau du sol de la place. La salle D est percée
d'embrasures pour trois pièces de canon; un escalier, ouvert au centre
de cette salle, permet de descendre dans le <i>moineau</i> C', dont le plan est
détaillé en C<span id="note46"></span>[[#footnote46|<sup>46</sup>]]. La salle D, voûtée, est ouverte du côté de la place, tant
pour aider à la défense que pour laisser échapper la fumée. La tour
est munie d'un parapet crénelé avec mâchicoulis en forme de pyramides
renversées pour faciliter le tir de haut en bas et mieux protéger le
talus. Sur la plate-forme est établie une batterie casematée avec quatre
embrasures, ainsi que l'indique le plan B. Ces embrasures commandent
les dehors par-dessus la crête des merlons. Une traverse en maçonnerie E garantit les hommes postés derrière le parapet des coups d'enfilade et de revers. La voûte de la batterie et celle du moineau sont
couvertes de <i>cran</i> et de terre battue et gazonnée. Le système défensif
de cette tour est facile à comprendre. La batterie basse, avec les deux
 
[Illustration: Fig. 35.]
 
pièces <i>a</i>, enfile les courtines, bat le fossé; et flanque les tours voisines;
avec sa pièce <i>b</i> elle défend la contrescarpe du fossé en face du point
mort. La batterie haute protége les dehors; le moineau empêche le
passage du fossé; les crénelages et machicoulis protégent la base de
l'ouvrage contre l'attaque rapprochée et la sape.
 
L'incertitude qui apparaît dans les ouvrages défensifs de la seconde
moitié du XV<sup>e</sup> siècle est ici évidente. On n'ose pas abandonner entièrement la forme et la destination de l'ancienne tour. Les tours étaient les
parties fortes des places du moyen âge avant l'emploi des bouches à feu.
On ne cherchait point, pendant un siége, à entamer une forteresse par
ses tours, mais par ses courtines. Les architectes militaires du XV<sup>e</sup> siècle
n'avaient d'autre préoccupation que d'approprier les tours aux nouveaux
engins, de les rendre plus épaisses pour résister aux coups de l'assaillant
et à l'ébranlement causé par l'artillerie qu'elles devaient contenir, de les
garantir contre les feux courbes et de leur donner un flanquement plus
efficace. On voulait leur conserver un commandement sur les dehors
et même sur les courtines, et l'on craignait, en les élevant, de les exposer
trop aux coups de l'ennemi. On sentait que ces crénelages et ces
mâchicoulis étaient, contre les boulets, une faible défense, facilement
bouleversée bien avant le moment où l'on en avait le plus besoin, et
cependant on ne pensait pas pouvoir les supprimer, tant on avait pris
l'habitude de considérer cette défense rapprochée comme une garantie
sérieuse. Toutefois ce furent ces mâchicoulis et crénelages qui disparurent
les premiers dans les défenses fortement combinées vers la fin
du XV<sup>e</sup> siècle. Le crénelage supérieur, destiné à empêcher l'approche,
descendit au niveau du fossé, devint une fausse braie couvrant la base
des tours. Le tir à ricochet n'était pas encore employé. Les batteries de
l'assiégeant ne pouvaient détruire ce qu'elles ne voyaient pas; or la
fausse braie primitive, étant couverte par la contrescarpe du fossé, restait intacte jusqu'au moment où l'assaillant s'apprêtait à franchir ce fossé
pour s'attaquer aux escarpes et aux tours. Elle devenait ainsi un obstacle
opposé à l'attaque rapprochée, et qui restait debout encore quand toutes
les défenses supérieures étaient écrêtées. Mais déjà, vers le milieu du
XV<sup>e</sup> siècle, les armées assiégeantes trainaient avec elles des pièces de
bronze sur affûts, qui envoyaient des boulets de fonte<span id="note47"></span>[[#footnote47|<sup>47</sup>]]. Ces projectiles,
lancés de plein fouet contre les tours, couvraient les fausses braies
d'éclats de pierre et comblaient l'intervalle qui séparait ces fausses
braies de la défense, si l'on ruinait celle-ci. Les tours à court flanquement
et de faible diamètre devenaient plus gênantes qu'utiles; on songea
à les supprimer tout à fait, du moins à les appuyer par de nouveaux
ouvrages disposés pour recevoir de l'artillerie, indépendamment des
boulevards de terre que l'on élevait en avant des points faibles. Ces
nouveaux ouvrages tenaient au corps de la place. Bâtis à distance d'une
demi-portée de canon, ils affectaient la forme de grosses tours cylindriques,
recevaient des pièces à longue portée à leur sommet pour
battre les dehors et enfiler les fronts et les fossés, à leur pied pour la
défense rapprochée et pour envoyer des projectiles rasants sur les boulevards de terre qui couvraient les saillants ou les portes<span id="note48"></span>[[#footnote48|<sup>48</sup>]]. Alors, à la fin
du XV<sup>e</sup> siècle, le château féodal ne pouvait avoir assez d'étendue pour se
défendre efficacement contre l'artillerie à feu. Le canon acheva la ruine de
la féodalité. Il fallait, pour pouvoir résister à l'artillerie à feu, des fronts
étendus; les villes seules comportaient ce genre de défenses. Étendant
les fronts, il fallait les flanquer. On ne pourvut d'abord à cette nécessité,
indiquée par la nature des choses, qu'au moyen de boulevards de terre
établis en dehors des saillants et des portes, lesquels boulevards croisaient
leurs feux; puis comme il faut, en toute fortification, que ce qui
défend soit défendu, on ne trouva rien de mieux que d'établir le long
des vieilles enceintes, en arrière des boulevards, de grosses tours ayant
assez de relief pour commander ces boulevards et les dehors par-dessus
leurs parapets. Les systèmes trouvés par les ingénieurs militaires depuis
le XVI<sup>e</sup> siècle jusqu'à nos jours sont donc en germe dans ces premières
tentatives faites à la fin du XV<sup>e</sup> siècle en Italie, en France et en Allemagne.
Les Allemands, conservateurs par excellence, possèdent encore
des exemples intacts de ces ouvrages, transition entre l'ancien système
de la fortification du moyen âge et le système moderne. Nurnberg
est, à ce point de vue, la ville la plus intéressante à étudier.
Le plan général de Nuremberg affecte la forme d'un trapèze arrondi
aux angles, possédant un point culminant près de l'un des angles, occupé
par un ancien château. Une double enceinte des XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles avec
tours carrées flanquantes et large fossé extérieur plein d'eau, avec contrescarpe, entourait entièrement la cité, traversée par une rivière dans
sa largeur. À chaque angle, Albert Dürer éleva une grosse tour, et une
 
[Illustration: Fig. 36.]
 
cinquième auprès du château, sur le point culminant de la ville. Des
portes sont percées dans le voisinage des quatre tours, lesquelles sont
protégées par des ouvrages avancés. Du haut de chacune des cinq tours,
on découvre les quatre autres. Celles de l'enceinte protégent les saillants, flanquent deux fronts, commandent les portes, enfilent les lices entre
les deux enceintes, et découvrent la campagne par-dessus les boulevards
des portes. Ces tours ont environ 20 mètres de diamètre à 5 mètres
du sol, sont bâties en <i>fruit</i> par assises de grès dur, avec bossages en
bas et près du sommet. Au rez-de-chaussée elles possèdent une chambre
voûtée,
mais tracée de manière à laisser à la maçonnerie une épaisseur
considérable du côté extérieur (voyez le plan, fig.36<span id="note49"></span>[[#footnote49|<sup>49</sup>]]). L'intérieur de la
ville est en A; en B sont les lices, entre la porte de l'enceinte extérieure
et celle C de l'enceinte intérieure; la poterne D permet de descendre
dans le fossé. En <i>a</i> est pratiqué un large mâchicoulis qui défend l'entrée
dans la salle basse, et en <i>b</i> un œil carré, ouvert dans la voûte, met le
premier étage, également voûté, en communication avec ce rez-de-chaussée.
On ne monte à la plate-forme supérieure que par un escalier
pris dans l'épaisseur du mur et partant du niveau du chemin de ronde
des courtines. En <i>d</i> sont deux chambres avec embrasures pour des
pièces d'artillerie. La figure 37 donne la vue perspective de cette tour<span id="note50"></span>[[#footnote50|<sup>50</sup>]].
Les remparts datent du XV<sup>e</sup> siècle; Albert Dürer n'a bâti, dans cet ouvrage,
que la tour et la porte qui s'y réunit. La salle du premier étage
était destinée à loger le poste, car elle ne possède aucune embrasure.
 
[Illustration: Fig. 37.]
 
Sa voûte épaisse porte la plate-forme circulaire supérieure entourée
d'un masque de gros bois de charpente, avec créneaux à volets<span id="note51"></span>[[#footnote51|<sup>51</sup>]] pour du
canon. Un blindage, également de charpente, reçoit la toiture conique
qui autrefois était surmontée d'une guette<span id="note52"></span>[[#footnote52|<sup>52</sup>]]. En A nous avons tracé le profil de cette plate-forme supérieure.
 
Ces commandements élevés furent rarement adoptés en France à dater
de la fin du XV<sup>e</sup> siècle. Les ingénieurs français cherchaient plutôt à élargir
les fronts, à étendre le champ de tir, qu'à obtenir des commandements
considérables. Ils préféraient les batteries à barbette à ces batteries blindées
où le service était gêné et où l'on était étouffé par la fumée, comme
dans l'entrepont d'un vaisseau de guerre. D'ailleurs, en supposant ces
tours battues par de l'artillerie, même à grande distance, les feux convergents
de l'ennemi devaient promptement détruire ces masques de
bois qui, pareils à des bordages de gros vaisseaux, n'avaient pas l'avantage
de la mobilité que donne la mer et servaient de points de mire.
Si longue que fût la portée des pièces mises en batterie sur la plate-forme,
ces pièces ne pouvaient opposer qu'un tir divergent à l'artillerie
de l'assiégeant et recevaient dix projectiles pour un qu'elles envoyaient<span id="note53"></span>[[#footnote53|<sup>53</sup>]].
 
Quelques tentatives en ce genre furent cependant faites de ce côté-ci
du Rhin, mais les tours françaises du commencement du XVI<sup>e</sup> siècle ont
un plus grand diamètre, moins de hauteur et étaient couronnées par
des batteries à barbette avec gabionnades, ou par des caponnières,
comme celle présentée dans l'exemple précédent. Le plus souvent on fit
de ces tours de véritables porte-flancs, c'est-à-dire qu'on leur donna, en
plan horizontal, la forme d'un fer à cheval, et leurs batteries supérieures
ne dépassèrent guère le niveau de la crête des courtines (fig. 38).
 
Il y a toujours un avantage cependant, pour l'assiégé, à obtenir des
commandements élevés, ou tout au moins des guettes qui permettent
de découvrir au loin les travaux d'approche de l'assiégeant, à établir sur
les bastions retranchés des réduits à cheval sur le fossé du retranchement,
de manière à rendre l'occupation du bastion difficile. C'est ce
besoin qui explique pourquoi on maintint si tard les vieilles tours
des places du moyen âge en arrière des bastions ou des demi-lunes;
pourquoi Vauban, dans sa troisième manière, tenta de revenir à ces tours dominant les bastions, et pourquoi aussi Montalembert fit de ces tours
dominantes en capitales un des principes de son système défensif. De nos
jours et depuis les progrès merveilleux de l'artillerie, la question est de
nouveau posée, d'autant que ces tours peuvent servir de traverses pour
garantir les défenseurs des coups de revers et défier les effets du tir en
ricochet. La difficulté est de recouvrir ces tours d'une cuirasse capable
de résister aux projectiles modernes, car, si épaisse que soit leur maçonnerie,
celle-ci serait bientôt bouleversée par les gros boulets creux
de notre artillerie, et un de ces projectiles pénétrant dans une casemate
y causerait de tels désordres, que la défense deviendrait impossible. Ce
n'est donc pas seulement la cuirasse qu'il s'agit de trouver, mais aussi,
pour les embrasures, un masque qui arrête complétemeni le projectile
de l'ennemi, tout en permettant de pointer les pièces.
 
Il existe encore un exemple à peu près intact du système défensif de
transition où l'emploi des tours (non point d'anciennes tours conservées,
mais des tours construites pour recevoir de l'artillerie à feu) entre dans
le plan général d'une place forte suivant une donnée méthodique: c'est
la place de Salces, commencée en 1497 et terminée vers 1503 environ,
sous la direction d'un ingénieur nommé Ramirez.
 
[Illustration: Fig. 38.]
 
Voisine de Perpignan, la place de Salces est située entre l'étang de
Leucate et les montagnes; elle commande ainsi le passage du Roussillon
en Catalogne. Bâtie avec un grand soin, elle consiste en un parallélogramme
flanqué aux angles de quatre tours. Deux demi-lunes couvrent
deux des fronts. Un donjon occupe le troisième, et une demi-lune forme
saillant sur un des angles. Les ouvrages sont casematés; les tours et
demi-lunes couronnées par des plates-formes pour recevoir de l'artillerie.
De petites bouches à feu étaient en outre mises en batterie dans les
étages inférieurs des tours pour enfiler les fossés. Les ouvrages que nous
désignons comme des demi-lunes sont de véritables tours isolées porte-flancs,
ouvertes à la gorge et réunies aux casemates des courtines par
des caponnières, ou galeries couvertes, percées d'embrasures pour de la
mousqueterie<span id="note54"></span>[[#footnote54|<sup>54</sup>]]. Un fossé de 15 mètres de largeur environ sur 7 mètres de
profondeur circonscrit tout le château. Ce fossé, qui peut être inondé
jusqu'au niveau de la cour du château et même au-dessus, est mis en
communication avec le château par des poternes étroites. En outre,
d'autres issues ouvertes dans la contrescarpe donnaient vraisemblablement
sur les dehors, car dans la légende jointe au plan du château
de Salces donné par le chevalier de Beaulieu<span id="note55"></span>[[#footnote55|<sup>55</sup>]], on lit: «Il y a plus
de logement soubs terre, dans ce château, qu'il n'y en a dehors; car
il est casematé et contre-miné partout, et l'on passe par dessoubs les
fossés pour aller dans les dehors...» On ne passait certainement pas
<i>sous la cunette</i> des fossés qui étaient inondés, mais on passait au fond du
fossé, dans des galeries casematées qui communiquaient à un chemin
couvert pratiqué derrière la contrescarpe; chemin couvert dont on
retrouve certaines galeries creusées sur le fossé et de là sur les dehors,
protégés par des ouvrages de terre avancés.
 
Mais ce qui donne à l'étude des tours du château de Salces un intérêt
marqué, c'est la manière dont elles sont disposées pour abriter les
défenseurs. En effet, la place de Salces, barrant la route entre l'étang de
Leucate et les derniers contre-forts des Corbières, est dominée par ces
hauteurs. Les tours, les courtines, les demi-lunes sont soumises à des
vues de revers et d'enfilade.
 
C'est en exhaussant les parapets des tours du côté dangereux et en
établissant à la gorge des tours opposées des parados,que l'ingénieur
a couvert les plates-formes. L'exhaussement des parapets du côté de la
montagne met les embrasures à couvert, tandis que celles du côté opposé
sont à ciel ouvert.
 
La figure 39 présente à vol d'oiseau la perspective d'une de ces
tours. On voit en A le parapet exhaussé défilant les canonniers et les
pièces placés sur la plate-forme, ainsi que le ferait un cavalier ou une
traverse. Les courtines, construites seulement pour de la mousqueterie,
ne sont pas munies d'embrasures, mais possèdent une banquette B et
relèvent leurs parapets en face des terrains élevés qui ont des vues sur
le château. Des échauguettes C occupent les angles rentrants des tours
avec les courtines, et peuvent recevoir des arquebusiers dont le tir
flanque les escarpes. De plus, de petites pièces placées dans des étages
 
 
 
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</div>
<div class=prose>
{| width=100% border="0"
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Huit arbalétriers dans les deux étages intérieurs servaient facilement les seize meurtrières, ci
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 8 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Un servant à chaque étage
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 2 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Huit arbalétriers dans les hourds
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 8 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Deux servants pour les mâchicoulis
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 2 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Un capitaine de tour; ci
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 1 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Total
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 21 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | L'enceinte extérieure de Carcassonne possède quatorze tours; en les supposant gardées chacune en moyenne par vingt hommes, cela fait
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 280 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Vingt hommes dans chacune des trois barbacanes
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 60 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Cent hommes pour servir les courtines sur les points d'attaque
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 100 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | L'enceinte intérieure comprend vingt-quatre tours, à vingt hommes par poste, en moyenne
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 480 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Pour la porte Narbonnaise
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 50 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Pour garder les courtines
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 100 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Pour la garnison du château
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 200 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Total
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 1270 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Ajoutons à ce nombre d'hommes les capitaines, un par poste ou par tour, suivant l'usage
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 50 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Nous obtenons un total de
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 1320 hommes
|}
<div class=prose>
 
Ce nombre était plus que suffisant, puisque les deux enceintes n'avaient pas à se
Huit arbalétriers dans les deux étages intérieurs servaient facilement les seize
défendre simultanément, et que les hommes de garde, dans l'enceinte inlérieure, pouvaient envoyer des détachements pour défendre l'enceinte extérieure, ou que celle-ci
meurtrières, ci ................... 8 hommes.
étant tombée au pouvoir de l'ennemi, ses défensenrs se réfugiaient derrière l'enceinte
Un servant à chaque étage......... 2 -
inférieure. D'ailleurs l'assiégeant n'attaquait pas tous les points à la fois. Le périmètre
Huit arbalétriers dans les hourds.. 8 -
de l'enceinte extérieure est de 1400 mètres en dedans des fossés, donc c'est environ un
Deux servants pour les mâchicoulis.. 2 -
homme par mètre de développement qu'il fallait compter pour composer la garnison
Un capitaine de tour; ci ........... 1 -
d'une ville fortifiée comme l'était la cité de Carcassonne.
 
<span id="footnote23">[[#note23|23]] : Voyez le plan général de la cité de Carcassonne, [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 11, B,
Total .............................21 hommes.
et les archives des <i>Monuments historiques.</i>
 
<span id="footnote24">[[#note24|24]] : Les meurtrières du rez-de-chaussée sont <i>hachées</i>, ainsi que la porte qui, de cet étage, donne dans l'escalier à vis.
L'enceinte extérieure de Carcassonne possède quatorze tours;
en les supposant gardées chacune en moyenne par vingt
hommes, cela fait ....................................... 280 hommes.
Vingt hommes dans chacune des trois barbacanes .......... 60 -
Cent hommes pour servir les courtines sur les points d'attaque 100 -
<i>À reporter</i>......................................440 hommes.
 
<span id="footnote25">[[#note25|25]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig.24 <i>bis</i>.
 
<span id="footnote26">[[#note26|26]] : La plupart des ouvrages militaires des ordres du Temple et de Malte présentent des
tours carrées. (Voyez <i>Essai sur la dominat. franç. en Syrie durant le moyen âge</i>, par
E. G. Rey, 1866.)
 
<span id="footnote27">[[#note27|27]] : «Et... (du Guesclin) prit son chemin et son retour, et tous les seigneurs de France
en sa compagnie, pour venir de rechef devant la cité d'Usson, en Auvergne, et l'assiégèrent;
et firent là le duc de Berry, le duc de Bourbon et le connétable, amener et
charrier grands engins de Riom et de Clermont, et dresser devant ladite forteresse, et
avec tout ce appareiller grands atournemens d'assaut.» (Froissart, <i>Chron</i>., <sc>cccxxix</sc>.)
 
<span id="footnote28">[[#note28|28]] :
</div>
<center>
Encontre Bertran a la deffense levée:<br>
N'i avoit sale amont qui ne fust bien semée;<br>
De fiens y ot.on mis mainte grande chartée,<br>
Par coi pierres d'engien, qui laiens soit getée,<br>
Ne mefface léons une pomme pelée.<br>
Car Bertran ot mandé par toute la contrée<br>
Pluseurs engiens, qu'il fist venir en celle anée,<br>
De Saint-Lo en y vint, cette ville alozée;<br>
Bertran les fist lever sans point de l'arrestée.<br>
Pardevant le chastel (de Valognes), dont je fuis devisée<br>
Ont dréciez. VI. engiens getans de randonnée,<br>
Mais en son de la tour, qui fu haulte levée,<br>
Il avoit une garde toute jour ajournée,<br>
Qui sonnoit. I. becin, quant la pierre est levée;<br>
Et quant la pierre estoit au chastel assenée,<br>
D'une blanche touaille (serviette), qui li fut présentée,<br>
Aloit frolant les murs, faisait grande risée;<br>
De ce avoit Bertran forment la chière irée.»<br>
</center>
<div class=prose>
 
(<i>La Vie vaillant Bertran du Guesclin</i>, par Cuvelier, trouvère
du XIV<sup>e</sup> siècle, v. 5076 et suiv.)
 
<span id="footnote29">[[#note29|29]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 41.
 
<span id="footnote30">[[#note30|30]] : Le <i>cran</i> est la poussière que produit la taille de la pierre, et que l'on recueille sur
les chantiers. On s'en servait beaucoup, pendant le moyen âge, pour charger des voûtes
que l'on voulait mettre à l'abri des projectiles ou des incendies.
 
<span id="footnote31">[[#note31|31]] : Ces tours ont été dérasées au niveau des courtines en 1814. (Voyez les grandes
gravures d'Israël Sylvestre, <i>Les plus excellens bastimens de France</i> de du Cerceau, etc.)
 
<span id="footnote32">[[#note32|32]] : De notre temps nous avons vu la fortification allemande revenir aux commandements
élevés, aux tours bastionnées.
 
<span id="footnote33">[[#note33|33]] : Vovez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Engin|Engin]].
 
<span id="footnote34">[[#note34|34]] : Le château de Vincennes, dont il existe des restes considérables que nous voyons
aujourd'hui, fut commencé par le roi Jean, sur de nouveaux plans; mais si l'on considère
le style de l'architecture, il ne paraît pas que les prédécesseurs de Charles V aient
élevé l'ouvrage au-dessus du sol de la place; si même Charles V n'a pas entièrement
repris l'œuvre.
 
<span id="footnote35">[[#note35|35]] : Ce fait est bien visible dans les ouvrages entrepris par Louis d'Orléans, au château
de Coucy, de Montépilloy près de Senlis.
 
<span id="footnote36">[[#note36|36]] : Ces travaux ont été commencés en 1858 par ordre de l'Empereur, et en grande
partie au moyen des crédits ouverts sur la cassette de Sa Majesté.
 
<span id="footnote37">[[#note37|37]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Boulevard|Boulevard]].
 
<span id="footnote38">[[#note38|38]] : Tour Hector.
 
<span id="footnote39">[[#note39|39]] : Il a fallu vingt-sept jours à un ouvrier habile pour pratiquer un trou d'un mètre carré environ dans l'un de ces murs, au-dessus du talus, c'est-à-dire au point où la maçonnerie
n'a que 4 mètres d'épaisseur.
 
<span id="footnote40">[[#note40|40]] : Au siége d'Orléans, plusieurs des anciennnes tours de l'enceinte furent terrassées pour recevoir des pièces d'artillerie.
<span id="footnote41">[[#note41|41]] : Voyez à l'article [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Château|Château]], la description des défenses du château de Bonaguil (fig. 28
et 29).
 
<span id="footnote42">[[#note42|42]] : Voyez <[[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Siége|Siége]], page 426.
 
<span id="footnote43">[[#note43|43]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Boulevard|Boulevard]].
 
<span id="footnote44">[[#note44|44]] : <i>Trattato di architettura civile e militare</i> di F.G. Martini, publié pour la première
fois par les soins du chevalier César Saluzzo. Turin, 1861. Voyez l'atlas, pl. V, XXII,
XXIII et suiv.
 
<span id="footnote45">[[#note45|45]] : À Langres, à Dijon, ancien château, XV<sup>e</sup> siècle; à Marseille, fin du XV<sup>e</sup> siècle (front
démoli du Nord); peut-être au château de Ham, avant la reconstruction de la plate-forme
de la grosse tour, bâtie par le comte de Saint-Pol, et dont les murs ont 10 mètres
d'épaisseur.
 
<span id="footnote46">[[#note46|46]] : On donnait le nom de <i>moineau</i> à un petit ouvrage saillant bas, placé au fond du
fossé, le défendant et pouvant contenir des arquebusiers ou même des arbalétriers. On
croyait ainsi protéger le point mort des tours circulaires. (Voyez à l'article <sc>Boulevard</sc> le
grand ouvrage de Schaffhausen, les défenses circulaires qui remplissaient exactement
dans le fossé d'office de moineaux.)
 
<span id="footnote47">[[#note47|47]] : On donne généralement, à l'invention du boulet de fonte de fer, une date trop
récente. Déjà, vers 1430, l'artillerie française et allemande s'en servait. Les inventaires
d'artillerie de Charles VII en font mention. Des vignettes de manuscrits de 1430 à 1440
figurent des projectiles de fer. Au musée d'artillerie il existe un canon de 1423, de
bronze, provenant de Rhodes, fondu en Allemagne, qui ne pouvait servir qu'à envoyer
des boulets de fonte. À la défense d'Orléans, en 1428, les artilleurs orléanais avaient des
boulets de fonte.
 
<span id="footnote48">[[#note48|48]] : Plus tard Castriotto (1584) adopte de nouveau les tours rondes au milieu des
bastions, en capitales, et au milieu des courtines. Vauban lui-même, dans sa dernière
manière (1698), établit des tours bastionnées formant traverses en capitales, entre les
bastions retranchés d'une façon permanente et le corps de la place, sortes de réduits
qui devaient inévitablement retarder la reddition de la place, puisque la chute du
bastion non-seulement n'entraînait pas celle des défenses voisines, mais exigeait des travaux
considérables pour prendre la tour bastionnée formant saillant porte-flancs. Montalembert
(1776) plaça également en capitales, à la gorge des bastions, des caponnières
élevées en maçonnerie, à plusieurs étages, qui ne sont autre chose que des tours casematées
ayant un commandement considérable sur les dehors. À la base, la caponnière
de Montalembert est entourée d'une série de <i>moineaux</i> qui donnent en plan une suite
d'angles saillants en étoile, se flanquant réciproquement, pour poster des fusiliers. Les
Allemands de nos jours en sont revenus aux tours possédant un commandement sur les
ouvrages. Mais en présence des effets destructifs de la nouvelle artillerie, ce système ne
peut être d'une graude valeur, à moins qu'on ne puisse revêtir ces tours casematées d'une
cuirasse assez forte pour résister aux projectiles. Ces tentatives répétées sans cesse depuis
le moyen âge prouvent seulement que les commandements sur les dehors sont toujours
considérés comme nécessaires, et que la fortification du moyen âge (eu égard aux moyens
d'attaque) avait sur la nôtre un avantage.
 
<span id="footnote49">[[#note49|49]] : Cette tour est celle qui commande la porte Laufer.
 
<span id="footnote50">[[#note50|50]] : Les cinq tours sont bâties sur le même modèle.
 
<span id="footnote51">[[#note51|51]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Créneau|Créneau]], fig. 19.
 
<span id="footnote52">[[#note52|52]] : Sauf ces guettes, les tours de Nuremberg sont intactes. Les
guettes sont indiquées dans d'anciennes gravures (voyez Mérian, <i>Cosmogr. univers.</i>).
 
<span id="footnote53">[[#note53|53]] : De notre temps, la fumeuse tour Malakof, qui était un ouvrage à commandement
élevé, fut détruite dès les premiers moments du siége, et la résistance de ce point dépendit
des ouvrages de terre qui furent élevés autour de la première défense.
 
<span id="footnote54">[[#note54|54]] : Voyez la <i>Monographie du château de Salces</i> par M. le capitaine Ratheau (Paris,
1860, Tanera). Cette étude, très-bien faite, de cette ancienne place en donne l'idée la plus
complète.
 
<span id="footnote55">[[#note55|55]] : <i>Plans et profils des principales villes et lieux considérables de la principauté de
Catalogne</i>. Paris, 168...