« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Tour » : différence entre les versions

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mur de telle manière que lorsque l'ennemi s'approche (de la courtine), il soit pris en flanc par deux tours, l'une à droite, l'autre à
gauche... Les murs des forteresses doivent être plantés, non sur
plan carré ou présentant des angles saillants, mais suivant un périmètre circulaire (ou se rapprochant de cette figure), afin que l'ennemi puisse être vu de plusieurs points, car les saillants sont difficilement
défendables, et plus favorables aux assiégeants qu'aux assiégés...
L'intervalle entre les tours doit être calculé en raison de la portée
d'un trait, afin que l'assiégeant soit repoussé par les machines de jet
manœuvrant sur les deux flancs.
 
Il faut, au droit des tours, que les courtines soient interrompues par
une coupure ayant une largeur égale au diamètre de ces tours. De la
sorte les chemins de ronde, étant interrompus, sont seulement complétés
intérieurement par des passerelles de charpente qui, n'étant
pas fixées avec des attaches de fer, peuvent être jetées bas si l'ennemi
s'est emparé d'une portion de courtine, et rendre ainsi l'occupation
des autres courtines et des tours impossible.
 
Les tours doivent être élevées sur plan circulaire ou polygonal, car,
étant carrées, les béliers les détruisent plus facilement en ruinant
leurs angles. Circulaires, chaque pierre formant coin et reportant la
percussion au centre, ces tours résistent mieux à l'effort des machines.
Mais rien n'est tel que de terrasser les remparts et les tours pour leur
donner une grande puissance de résistance...»
 
Ces préceptes, sauf les modifications amenées par la portée des
engins modernes, sont les mêmes que ceux admis de nos jours. Voir
l'ennemi de plusieurs points, éviter, par conséquent, les saillants qui
sont difficiles à flanquer; mettre toujours l'assiégeant entre des feux
convergents; faire qu'un ouvrage pris n'entraîne pas immédiatement
l'abandon des autres; relier au besoin ou séparer les ouvrages, tels
sont les immuables principes de la fortification. Ils furent établis, à
notre connaissance, par les Grecs et les Romains, pratiqués pendant le
moyen âge avec une supériorité marquée, singulièrement développés
dans les temps modernes par suite de l'emploi des bouches à feu. En
effet, de la tour ronde à court flanquement, et ayant toujours des
points morts, au bastion moderne avec ses flancs et ses faces, il y a une
longue suite d'essais, de tentatives et de transitions<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]].
 
La tour romaine sur plan circulaire ou carré (car, quoi qu'ait enseigné
Vitruve, les Grecs et les Romains ont élevé beaucoup de tours flanquantes carrées), était ouverte ou fermée à la gorge, c'est-à-dire du côté intérieur de la forteresse. Si elle était ouverte, le chemin de ronde
des courtines voisines s'interrompait, comme l'indique Vitruve, au droit de cette ouverture. Si elle était fermée, les rondes circulant sur la courtine devaient se faire ouvrir deux portes pour entrer et sortir de la
tour, afin de reprendre l'autre courtine. Dans ce cas, la tour formait
obstacle à la circulation continue de plain-pied sur le sommet des remparts; Les premières de ces tours sont, à proprement parler, des tours <i>retranchées</i>, tandis que les secondes sont des postes ou petits forts espacés, commandant les remparts.
 
Ce qui prouverait que le système des tours retranchées a été de préférence pratiqué par les Romains, c'est que nous voyons pendant le moyen âge l'emploi de ce système persister dans les villes qui ont
le mieux conservé les traditions romaines; tandis que dans le Nord, où l'influence normande se fait sentir de bonne heure dans l'art de la fortification, les tours sont toujours fermées, à moins toutefois qu'elles ne
flanquent une enceinte extérieure commandée par une enceinte intérieure.
 
Nous divisèrons donc cet article en: Tours flanquantes, <i>ouvertes ou
fermées à la gorge</i>; Tours réduite, <i>tenant lieu de donjons ou dépendant
de donjons</i>; Tours de guet, Tours isolées, <i>postes, tours de signaux, de passages, de ponts, de phares.</i>
 
==== Tours flanquantes ====
Les tours flanquantes établies suivant la tradition
romaine, qui se perpétua en Occident jusqu'à l'époque des grandes
invasions normandes, sont (à moins qu'elles ne dépendent de portes)
généralement pleines jusqu'à une certaine hauteur au-dessus du fossé
ou du sol extérieur, afin de résister à l'effort des engins d'attaque ou à
la sape; leur flanquement ne commence donc qu'au niveau des chemins de ronde des courtines, et consiste en des ouvertures assez larges
masquées par des mantelets mobiles de bois. Ce premier flanquement
est surmonté de l'étage supérieur crénelé, formant couronnement et
second flanquement. Cet étage supérieur est couvert par un comble, de
manière à mettre le crénelage à l'abri, ou découvert, le comble étant
alors établi en contre-bas du chemin de ronde ou au ras de ce chemin
de ronde.
 
Voici (fig. 1) un type de ces tours de la fin de l'empire romain<span id="note6"></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]],
ouvertes à la gorge, mais interrompant les chemins de ronde des
courtines.
 
Des plats-bords posés sur les poutres engagées A permettaient de
passer d'un chemin de ronde sur l'autre, et d'entrer de plain-pied au
premier étage de la tour. Ce premier étage est mis en communication
avec le second et avec le crénelage au moyen d'échelles de bois. Une
échelle mobile, que l'on relève au moyen d'un treuil, met le plancher
du premier étage en communication avec le sol du chemin militaire
intérieur. Cette portion d'échelle relevée et les plats-bords enlevés, le
poste gardant la tour ne peut redouter une surprise; il est complétement isolé. Cependant il voit ce qui se passe dans la ville et peut être
surveillé. La tour, occupée par l'ennemi, ne peut battre le chemin
militaire, puisque les étages de cette tour sont ouverts sur ce chemin.
Les approvisionnements de projectiles se font, comme l'indique notre
figure, par ces ouvertures sur le chemin militaire.
 
La tour se défend, extérieurement, par des ouvertures pratiquées
 
[Illustration: Fig. 1.]
 
dans les deux étages et par le crénelage supérieur. Les larges créneaux
en façon d'arcades sont masqués par des mantelets mobiles de bois
roulant sur un axe.
 
La cité de Carcassonne possède encore des tours datant de la domination des Visigoths, construites suivant cette donnée, si ce n'est que
le chemin de ronde passe à travers la tour, et que celle-ci est percée de
portes au niveau de ce chemin de ronde. À Carcassonne, les tours visigothes avaient leurs crénelages couverts, des mantelets pour les créneaux supérieurs comme pour les créneaux des étages, et des hourds
de bois pour permettre de battre le pied de la défense.
 
Voici (fig. 2) le plan d'une de ces tours<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]], au niveau du chemin de
ronde. Au-dessous de ce niveau, l'ouvrage est de maçonnerie pleine.
 
[Illustration: Fig. 2]
 
La figure 3 montre la face latérale de cette tour, avec la coupe du
chemin de ronde de la courtine. En A est tracée en place une ferme
des hourds<span id="note8"></span>[[#footnote8|<sup>8</sup>]]; en B, le détail perspectif d'un des corbeaux des créneaux supérieurs, destinés à recevoir les tourillons des mantelets, et en
C les pierres saillantes posées sous les arcades-créneaux pour supporter de même les axes à tourillons qui permettent de relever ou
d'abaisser les volets fermant ces arcades. Au-dessus du plancher, posé
en D, est ouvert, sur la ville, un arc qui laisse voir ce qui se passe à
l'étage supérieur et qui facilite les approvisionnements de projectiles.
 
Cet arc surmonte le mur de fermeture C (voyez le plan), et porte sur
les deux pieds-droits H, I.
 
[Illustration: Fig. 3.]
 
La question des approvisionnements rapides de projectiles destinés à
défendre ces tours ne paraît pas avoir été examinée avec assez d'attention. On remarquera que ces tours, d'une époque ancienne, c'est-à-dire
qui datent de la fin de l'empire romain aux derniers Carlovingiens,
sont généralement d'un faible diamètre, et ne pouvaient, par conséquent, contenir un approvisionnement très-considérable de projectiles,
soit armes de trait, soit pierres propres à être jetées sur les assaillants
qui voulaient s'approcher du pied des ouvrages pour les saper.
 
En supposant qu'une tour, comme celle que nous présentons ici
(fig. 2 et 3), soit attaquée à son pied; que, protégés par des <i>chats</i>, les
mineurs s'attachent à la maçonnerie, les défenseurs ne peuvent repousser cette attaque qu'en jetant sur les galeries, sur les <i>chats</i>, force
pierres ou matières enflammées, afin de les détruire. Si l'attaque se
prolongeait, on peut estimer la quantité considérable de projectiles
qu'il fallait avoir sous la main. Il était donc nécessaire de renouveler
à chaque heure cette provision, comme aujourd'hui il faut, dans une
place assiégée, renouveler sans cesse les munitions des bouches à feu
placées sur les ouvrages qui contribuent à la défense d'un point
attaqué.
 
Ces tours ouvertes à la gorge se prêtaient à ces approvisionnements
incessants, car plus leur diamètre était petit, plus il fallait remplacer
souvent les projectiles employés à la défense. D'ailleurs l'attaque n'étant
sérieuse qu'autant qu'elle était très-rapprochée, c'était le point attaqué
qui se défendait sans attendre secours des ouvrages voisins. Tous les
efforts de l'attaque, et, par suite, de la défense, étant ainsi limités à un
champ très-étroit, les moyens de résistance s'accumulaient sur ce
point attaqué et devaient être renouvelés avec activité et facilité. Nous
verrons comment cette partie du programme de la défense des tours
se modifie peu à peu suivant les perfectionnements apportés dans le
mode d'attaque.
 
[Illustration: Fig. 4.]
 
Il est encore une observation dont il faut tenir compte. Dans les
ouvrages de la fin de l'empire romain, comme pendant les périodes
grecque et romaine, les tours ont sur les courtines un commandement considérable (fig. 4)<span id="note9"></span>[[#footnote9|<sup>9</sup>]]: cette disposition est assez régulièrement
observée jusque vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, mais alors les courtines
s'élèvent; le commandement des tours sur ces courtines diminue
d'autant. À cette époque, il arrive même parfois que ces tours ne remplissent que la fonction de flanquement, et n'ont plus de commandement Sur les courtines. C'est encore le système de l'attaque qui
provoque ces changements. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce
sujet.
 
En examinant les tours d'angle du château de Carcassonne, dont
la construction remonte aux premières années du XII<sup>e</sup> siècle, on peut se
rendre un compte exact des moyens d'approvisionnement des défenses
supérieures de ces tours, car ces ouvrages sont parfaitement conservés,
les anciennes charpentes ayant seules été supprimées.
 
[Illustration: Fig. 5.]
 
La figure 5 présente le plan de la tour de l'angle nord-est, dite <i>tour
du Major</i>, au niveau du sol de la cour du château. La salle ronde voûtée
en calotte hémisphérique se défend par cinq meurtrières qui battent
le fond du fossé. La figure 6 donne le plan du premier étage, qui se
trouve au niveau du chemin de ronde des courtines. Les meurtrières
qui, de la salle, s'ouvrent sur les dehors au nombre de quatre, ne sont
pas percées au-dessus de celles du rez-de-chaussée, afin de laisser le
moins de points morts possible. La voûte également en calotte qui
couvre cette seconde salle est percée d'un trou A, ou porte-voix, qui
communique avec les étages supérieurs. Le deuxième étage n'est pas
voûté, mais couvert par un plancher placé en contre-bas du chemin
de ronde de la tour. Cette troisième salle n'était destinée qu'au logement du poste de la tour, elle ne se défend pas. Au-dessus s'élève le
 
[Illustration: Fig. 6.]
 
[Illustration: Fig. 7.]
 
crénelage avec son chemin de ronde et ses hourds (fig. 7). Pour faciliter la pose de la charpente du comble, l'intérieur du crénelage est à
pans. Ce comble était ainsi pyramidal, avec des coyaux qui formaient la
transition entre la pyramide et le cône. De B en C, les fermes des
hourds sont supposées placées. Ces hourds étaient évidemment très-saillants, car les deux trous superposés réservés dans la construction pour
recevoir les fermes, indiquent un système de liens avec corbelets<span id="note10"></span>[[#footnote10|<sup>10</sup>]]
soulageant
la bascule des pièces horizontales destinées à porter le plancher.
La coupe, faite sur la ligne <i>ab</i>, du plan du rez-de-chaussée (fig. 8),
montre la disposition des deux salles inférieures percées de meurtrières,
de la salle D, chambrée des hommes de garde, et de l'étage supérieur, poste du capitaine et défense principale. La corne E (voy. fig. 7),
s'élevant d'aplomb sur la cour du château, permettait de hisser les munitions
au sommet des défenses, sans qu'il fût nécessaire de les monter
à dos d'homme par l'escalier. Au moyen d'un treuil posé en G et
d'une poulie passant en E à travers le bout de l'entrait de la ferme
principale du comble, on élevait facilement des poids assez considérables.
Notre coupe (fig. 8) indique ce mécanisme si simple. Le bourriquet hissé au niveau du plancher du hourd, on fermait la trappe, on lâchait sur le treuil, et les munitions étaient disposées le long des hourds ou dans la salle supérieure; car on remarquera que cette salle est mise en communication avec le chemin de ronde des hourds au moyen des créneaux.
 
Cette salle bien garnie de pierres et les hourds de sagettes et de carreaux,
il était possible de couvrir les assaillants de projectiles pendant
plusieurs heures. Les mâchicoulis de hourds, aussi saillants, étaient habituellement
doubles, c'est-à-dire qu'ils permettaient de laisser tomber
des pierres en I et en L. Les matériaux tombant en I ricochaient sur le
talus K, et prenaient les assaillants en écharpe (voyez <sc>Mâchicoulis</sc>).
 
La figure 9 explique d'une façon claire, pensons-nous, le mode de
montage des munitions. Le servant attend que le bourriquet soit hissé
au niveau du plancher, pour fermer la trappe et répartir les projectiles
où besoin est. En A, est tracée la section horizontale des potelets doubles
des hourds au droit des angles, laissant entre eux la rainure dans
laquelle s'engagent les masques du chemin de ronde. Le plancher de la salle supérieure, étant à 1 mètre 28 centimètres en contre-bas de l'appui
des créneaux, permettait d'approvisionner une quantité considérable de
projectiles que les servants, postés dans cette salle, passaient, au fur et
à mesure du besoin, aux défenseurs des hourds, de manière à ne pas
encombrer leur chemin de ronde. Pendant une attaque même, on
pouvait hisser, à l'aide du treuil, de la chaux vive, de la poix bouillante,
de la cendre qui aveuglait les assaillants<span id="note11"></span>[[#footnote11|<sup>11</sup>]] (voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Siége|Siége]]). On observera
 
[Illustration: Fig. 8.]
 
que cette tour d'angle, comme toutes celles des défenses de la cité de
Carcassonne, interrompt la circulation sur les chemins de ronde des
courtines, et force ainsi les patrouilles de se faire reconnaître à chaque
 
[Illustration: Fig. 9.]
 
tour. D'ailleurs, c'était dans les tours que logeaient les postes de
défense, et chacun de ces postes avait à défendre une portion de courtine. La tactique des assaillants consistait à s'emparer d'une courtine
en dépit des flanquements, et de se répandre ainsi dans la place.
 
Alors les postes des tours s'enfermaient, et il fallait les assiéger séparément,
ce qui rendait possible un retour offensif de la garnison et
mettait les assiégeants dans une position assez périlleuse. Cependant
on voulut, dès le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, rendre les parties de la défense
plus solidaires, et l'on augmenta le relief des courtines en renonçant ainsi
aux commandements considérables des tours. Dans le dernier exemple
que nous présentons, le niveau des chemins de ronde des courtines est
en N; le commandement de la tour est donc très-prononcé.
 
Déjà ces commandements sont moins considérables au château de
Coucy, bâti vers 1220<span id="note12"></span>[[#footnote12|<sup>12</sup>]]. Les quatre tours d'angle de ce château sont
très-remarquables, au double point de vue de la structure et de la
défense. Elles sont pleines dans toute la hauteur du talus. Cinq étages
s'élèvent au-dessus de ce talus; deux sont voûtés, deux sont fermés par
des planchers, le cinquième est couvert par le comble conique<span id="note13"></span>[[#footnote13|<sup>13</sup>]].
 
Les plans (fig. 10) présentent en A la tour d'angle nord-ouest, au
niveau du sol du premier étage du château; en C, au niveau du sol du
second étage; en D, au niveau du crénelage supérieur.
 
L'étage inférieur, voûté, au niveau du sol de la cour, ne possède
aucune meurtrière; c'est une cave à provisions dont la voûte est
percée d'un œil. L'escalier ne monte que du niveau de la cour au sol du
quatrième étage, et l'on n'arrivait à l'étage crénelé que par un escalier
de bois (échelle de meunier)<span id="note14"></span>[[#footnote14|<sup>14</sup>]]. En <i>g</i>, sont des cheminées; en <i>l</i>, des
latrines<span id="note15"></span>[[#footnote15|<sup>15</sup>]]. Une ouverture laissée au centre des planchers permettait
de hisser les munitions du rez-de-chaussée au sommet de la tour sur
les chemins de ronde. Les meurtrières sont alternées, afin de laisser
le moins possible de points morts.
 
Les tours du château de Coucy présentent une particularité
intéressante,
c'est la transition entre le hourdage de bois et le mâchicoulis de
pierre<span id="note16"></span>[[#footnote16|<sup>16</sup>]]. Des corbeaux de pierre remplacent les trous par lesquels on
passait (comme nous l'avons vu dans l'exemple précédent) les pièces
de bois en bascule qui recevaient les chemins de ronde établis en temps
de guerre. Ces corbeaux à demeure recevaient alors les hourds<span id="note17"></span>[[#footnote17|<sup>17</sup>]].
 
La figure 11 donne la coupe (sur la ligne <i>ad</i> du plan A) de ce bel
 
[Illustration: Fig. 10.]
 
ouvrage. Outre les jours des meurtrières, les salles des troisième et quatrième
étages possedent une fenêtre chacune, qui les éclaire. Les
 
[Illustration: Fig. 11.]
 
munitions étaient montées à l'aide d'un treuil placé dans la salle du
quatrième étage, ainsi que le fait voir notre figure, et étaient déposées
sur le plancher supérieur mis en communication avec les hourds au
moyen des créneaux couverts. Les hourds tracés en G expliquent le
système des défenses de bois posées en temps de guerre sur les corbeaux
à demeure de pierre, C. Le niveau du chemin de ronde des courtines se
trouvant en R, on voit que le commandement de la tour sur ce chemin
de ronde était moins considérable déjà que dans l'exemple précédent<span id="note18"></span>[[#footnote18|<sup>18</sup>]].
En E, commence l'escalier de bois qui, passant à travers un des arcs de
l'hexagone, montait du quatrième étage au niveau du plancher supé
rieur, très-solidement construit pour recevoir la charge d'une provision
de projectiles.
 
Cette construction est merveilleusement exécutée en assises de 40 à
50 centimètres, et n'a subi aucune altération, malgré le chevauchement
des piles. Le talus extérieur descend à 8 mètres en contre-bas
du niveau K, sol de la cour. Une élévation extérieure prise en B (voy. le
plan), fig. 12, complète notre description. Les hourds sont supposés
placés sur une moitié des corbeaux.
 
Ces défenses du château de Coucy sont construites au sommet d'un
escarpement; leur effet ne devait s'exercer, par conséquent, que suivant
un rayon peu étendu, lorsque l'assaillant cherchait à se loger au pied
même des murs.
Les meurtrières, percées à chaque étage, sont plutôt faites pour se
rendre compte des mouvements de l'ennemi que pour tirer. Il s'agissait
ici d'opposer aux attaques un obstacle formidable par son élévation et
par la défense du couronnement. Sur trois côtés, en effet, le château de
Coucy ne laisse entre ses murs et la crête du coteau qu'une largeur de
quelques mètres, un chemin de ronde extérieur qui lui-même pouvait
être défendu. Un très-large fossé et le gros donjon protégent le quatrième
côté<span id="note19"></span>[[#footnote19|<sup>19</sup>]]. Il n'était besoin que d'une défense rapprochée et presque
verticale. Mais la situation des lieux obligeait souvent, alors comme
aujourd'hui, de suppléer à l'obstacle naturel d'un escarpement par
un champ de tir aussi étendu que possible, horizontalement, afin
de gêner les approches. Cette condition est remplie habituellement
au moyen d'ouvrages bas, d'enceintes extérieures flanquées, dominées
par le commandement des ouvrages intérieurs. L'enceinte si complète
de Carcassonne nous fournit, à cet égard, des dispositions d'un grand
intérêt. On sait que la cité de Carcassonne est protégée par une double
enceinte: celle extérieure n'ayant qu'un commandement peu considérable; celle intérieure, au contraire, dominant et cette enceinte extérieure et la campagne<span id="note20"></span>[[#footnote20|<sup>20</sup>]]. Or, l'enceinte extérieure, bâtie vers le milieu
 
[Illustration: Fig. 12.]
 
du XIII<sup>e</sup> siècle par ordre de saint Louis, est flanquée de tours, la plupart
fermées à la gorge et espacées les unes des autres de 50 à 60 mètres.
 
Ces tours, qui n'ont qu'un faible commandement sur les courtines, et
parfois même qui s'unissent avec elles, sont disposées pour la défense
éloignée. Bien munies de meurtrières, elles se projettent en dehors des
murs et recevaient des hourdages saillants.
 
[Illustration: Fig. 13.]
 
L'une de ces tours<span id="note21"></span>[[#footnote21|<sup>21</sup>]], entièrement conservée, présente une disposition
conforme en tous points au programme que nous venons d'indiquer.
La figure 13 donne le plan de cette tour au niveau du sol des
lices, c'est-à-dire de la route militaire pratiquée entre les deux enceintes. La figure 14 donne le plan du premier étage. Le chemin de
ronde de la courtine est en A, et la tour n'interrompt pas la circulation.
 
La porte B met le chemin de ronde en communication avec le rez-de-chaussée
par l'escalier D, avec le premier étage de plain-pied, et
avec les défenses supérieures par l'escalier C. Les meurtrières, nombreuses, sont chevauchées pour éviter les points morts. La figure 15
présente le plan de ces défenses supérieures, les hourds étant supposés
placés en E. Le crénelage est largement ouvert en G pour permettre les
approvisionnements et pour que l'ouvrage ne puisse se défendre contre
l'enceinte intérieure, qui, du reste, possède un commandement très
considérable. En temps de paix, l'espace circulaire H était seul couvert
par un comble à demeure. Les combles des hourds posés en temps de
guerre couvraient le chemin de ronde K et les galeries de bois L; un
large auvent protégeait l'ouverture G. La coupe faite sur la ligne <i>ab</i> de
ce plan est présentée dans la figure 16. En M, est tracé le profil d'en-*
 
[Illustration: Fig. 14.]
 
[Illustration: Fig. 15.]
 
semble de cet ouvrage, avec le fossé, la crête de la contrescarpe et le
sol extérieur formant le glacis. On voit comme les meurtrières sont disposées
pour couvrir de projectiles rasants ce glacis, et de projectiles
plongeants la crête et le pied de la contrescarpe. Quant à la défense
rapprochée, il y est pourvu par les mâchicoulis des hourds, ainsi qu'on
le voit en P. La figure 17 donne le tracé géométral de cette tour du côté
intérieur, les hourds n'étant posés que du côté R.
 
[Illustration: Fig. 16.]
 
Si l'assaillant parvenait à s'emparer de cet ouvrage, il se trouvait à
20 mètres du pied de l'enceinte intérieure, dont les tours plus rapprochées,
mais moins saillantes sur les courtines, présentent un front
avec courts flanquements très-multipliés. Du haut de cette enceinte
intérieure, dont le relief est de 15 mètres au-dessus du chemin de
ronde S, il n'était pas difficile de mettre le feu aux couvertures des
tours de l'enceinte extérieure au moyen de projectiles incendiaires, et
d'en rendre ainsi l'occupation impossible, d'autant que ces tours ne se
défendent pas sur le chemin militaire des lices.
 
[Illustration: Fig. 17.]
 
Avec les armes de jet et les moyens d'attaque de l'époque, on ne
pouvait adopter une meilleure combinaison défensive. Ces tours pleines
dans la hauteur du talus qui enveloppe la roche naturelle ne pouvaient
être ruinées par la sape. Bien percées de meurtrières, elles envoyaient
des projectiles divergeants de plein fouet à 60 mètres de leur circonférence. Pour les aborder, il fallait donc entreprendre une suite d'ouvrages qui demandaient du temps et beaucoup de monde; tandis que
pour les défendre, il suffisait d'un poste peu nombreux. Un ouvrage de
cette étendue pouvait longtemps défier les attaques avec un capitaine et
vingt hommes<span id="note22"></span>[[#footnote22|<sup>22</sup>]]. Si l'attaque était très-rapprochée, les meurtrières infé-*
 
 
Ligne 112 ⟶ 490 :
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : Lib. I, cap. v.
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : Voyez <i>La fortification déduite de son histoire</i>, par le général Tripier. Paris, 1866.
 
<span id="footnote6">[[#note6|6]] : Tours visigothes de Carcassonne; tours d'Autun, de Cologne, de Dax; tours de Rome
du temps de Bélisaire.
 
<span id="footnote7">[[#note7|7]] : La tour dite du <i>Four Saint-Nazaire.</i>
 
<span id="footnote8">[[#note8|8]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Hourd|Hourd]].
 
<span id="footnote9">[[#note9|9]] : Mosaïque gallo-romaine, musée de Carpentras.
 
<span id="footnote10">[[#note10|10]] : Voyez <sc>Hourd</sc>, fig. 1.
 
<span id="footnote11">[[#note11|11]] : Quant au plomb fondu, à l'huile bouillante, ce sont là des moyens de défense un
peu trop dispendieux pour qu'on les puisse prendre au sérieux. D'ailleurs le plomb
fondu, tombant de cette hauteur, serait arrivé en bas en gouttes froides, ce qui n'était
pas très-redoutable. Ce n'était que par exception qu'on avait recours à ces moyens de
défense. De simples cailloux du poids de 8 à 10 kilogrammes, tombant d'une hauteur
de 20 mètres, étaient les projectiles les plus dangereux pour des hommes armés et pavaisés.
 
<span id="footnote12">[[#note12|12]] : Il n'est question, bien entendu, que des constructions du commencement du
XIII^e siècle, dues à Enguerrand. Les courtines du château de Coucy furent encore exhaussées
vers 1400 par Louis d'Orléans.
 
<span id="footnote13">[[#note13|13]] : Voyez, pour le système de structure de ces tours, à l'article <sc>Construction</sc>, la
figure 144.
 
<span id="footnote14">[[#note14|14]] : Ces escaliers ont été surélevés, sous Louis d'Orléans, jusqu'au niveau des combles.
 
<span id="footnote15">[[#note15|15]] : Voyez <sc>Latrines</sc>, fig. 1.
 
<span id="footnote16">[[#note16|16]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Donjon|Donjon]], [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Hourd|Hourd]], [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 Mâchicoulis|Mâchicoulis]].
 
<span id="footnote17">[[#note17|17]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Hourd|Hourd]], [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Porte |Porte ]] (la porte de Laon
à Coucy-le-Château).
 
<span id="footnote18">[[#note18|18]] : La partie supérieure du crénelage, détruite aujourd'hui, est restaurée à l'aide des gravures de du Cerceau et de Châtillon.
 
<span id="footnote19">[[#note19|19]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Château|Château]].
 
<span id="footnote20">[[#note20|20]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 11, et [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Siége|Siége]], fig. 2.
 
<span id="footnote21">[[#note21|21]] : Tour dite de <i>la Peyre</i>, à la gauche de la barbacane de la porte Narbonnaise.
 
<span id="footnote22">[[#note22|22]] :
</div>
 
Huit arbalétriers dans les deux étages intérieurs servaient facilement les seize
meurtrières, ci ................... 8 hommes.
Un servant à chaque étage......... 2 -
Huit arbalétriers dans les hourds.. 8 -
Deux servants pour les mâchicoulis.. 2 -
Un capitaine de tour; ci ........... 1 -
 
Total .............................21 hommes.
 
L'enceinte extérieure de Carcassonne possède quatorze tours;
en les supposant gardées chacune en moyenne par vingt
hommes, cela fait ....................................... 280 hommes.
Vingt hommes dans chacune des trois barbacanes .......... 60 -
Cent hommes pour servir les courtines sur les points d'attaque 100 -
<i>À reporter</i>......................................440 hommes.
 
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