« Bretons de Lettres » : différence entre les versions

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« de it », « de uce », « de ute » et « de nc » deviennent « doit », « douce », « doute » et « donc »
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proteste : « ''Belle, belle, o bone vir, sed nunc non
est vere, » et il redécrit à sa manière : « Le
circuit est médiocre et comme d'une demi-heure ou fort petite heure de chemin...
heure ou fort petite heure de chemin...
 
« La plus menue populace sont les artisans
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passage que les hommes et peu s'en faut
qu'ils ne logent ensemble. Et comme les logis
sont partie de pierre ardoisine et principale-principalement de bois, les rats et les souris y sont en
ment de bois, les rats et les souris y sont en
plus grand nombre que j'aie jamais vu en
aucun autre lieu.
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sur le bord extérieur des fossés de l'enceinte
murale, lesquels sont aujourd'hui représentés
par les boulevards établis de la place de Bre-Bretagne à l'avenue de la Gare. »
tagne à l'avenue de la Gare. »
 
:Juste Dieu ! que ce cours est sale !
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figurer la situation de cette infortunée ville,
rappelez-vous ou Rome ou Troie ou les villes
criminelles : ce n'est qu'un monceau de cen-cendres et un tas fumant de débris, » comparaison qui ne peut sembler excessive, étant donné
dres et un tas fumant de débris, » comparai-
son qui ne peut sembler excessive, étant de nné
que l'excellent Père affirmait qu'une « pluie
de feu visible » était tombée sur la ville, sans
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ville :
 
« On le mit au collège de Rennes. De ce sé-séjour, il conserva un fort mauvais souvenir.
jour, il conserva un fort mauvais souvenir.
Eennes était alors comme aujourd'hui une
grande ville solennelle, sombre et morne, au
seuil de l'austère Bretagne. »
 
Bernardin de Saint-Pierre a eu la même im-impression à peu près :
pression à peu près :
 
« Rennes m'a paru triste. Les faubourgs sont
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M. Taine non plus ira pas dépeint Rennes
comme « une ville enchanteresse. » Ses ''Car-Carmis de Voyage'' sont amusants à consulter :
mis de Voyage'' sont amusants à consulter :
 
« Belles grandes rues monumentales au cen-centre, pavés et trottoirs en granit, mais rien pour
tre, pavés et trottoirs en granit, mais rien pour
le goût. La ville a été brûlée au XVIII{{e}} siècle.
La Cathédrale, à colonnes superposées en con-consoles, ira rien d'intéressant au dehors et, au
soles, ira rien d'intéressant au dehors et, au
dedans, elle est blanche<ref>M. Taine écrivait ceci en 1863; on a surabondamment
maquillé la Cathédrale depuis.</ref> et plate »
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odeurs. »
 
Le type des habitants n'est pas plus avan-avantagé que leurs maisons : « quelque chose de
tagé que leurs maisons : « quelque chose de
grêle, de souffreteux, de pâlot. » Cependant,
ne peut s'empêcher de remarquer M. Taine,
cela produit parfois chez certaines jeunes filles
des « expressions admirables de virginité parparfaite, de sensibilité exquise, de délicalesse charmante, de suavité étrange. » Saluez, Mesdemoiselles, mais dépêchez-vous, car, s'il fallait
en croire M. Taine, ce ne seraient qu'apparences au grand jour et, la nuit, il faudrait en
faite, de sensibilité exquise, de délicalesse char-
rabattre avec la réalité. Enfin « saleté, puanteur, pauvreté, tapage, mendiants, » la ''Juiverie de Francfort'', et tous les « imbéciles de l'endroit » recevant les fonctionnaires à genoux
mante, de suavité étrange. » Saluez, Mesde-
moiselles, mais dépêchez-vous, car, s'il fallait
en croire M. Taine, ce ne seraient qu'appa-
rences au grand jour et, la nuit, il faudrait en
rabattre avec la réalité. Enfin « saleté, puan-
teur, pauvreté, tapage, mendiants, » la ''Juive-
rie de Francfort'', et tous les « imbéciles de l'en-
droit » recevant les fonctionnaires à genoux
pour obtenir « des routes et des écoles...»
Quant aux m?urs, elles sont primitives : on
boit, on mange, on est « rouge, gonflé, on
fume, on danse, on est ivre-mort ! Pour échap-échapper à tout ce vilain monde, M. Taine se réfugie au Musée, où il admire quelques toiles de
per à tout ce vilain monde, M. Taine se réfu-
gie au Musée, où il admire quelques toiles de
maîtres et lit quelques légendes, celle de sainte
Tryphine entre autres, mais comme il lit mal,
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puisqu'il appelle M. de la Villemarqué, ''Hersent''
au lieu de Hersart, et qu'il lait de Saint Tré-Trémeur Saint Travers, je suis persuadé qu'il a
meur Saint Travers, je suis persuadé qu'il a
mal vu aussi et qu'il a vu Rennes de travers.
Un ami d'Amiens, pour consoler le Rennais que
je suis, m'affirme que M, Taine a dû mal voir,
en effet. Ses notes sur Amiens, élogieuses pourpourtant, sont, paraît-il, tout à fait fausses.
tant, sont, paraît-il, tout à fait fausses.
 
Il avait vu Rennes de travers encore, ce per-personnage des ''Propos Rustiques'' de Noël du Fail
sonnage des ''Propos Rustiques'' de Noël du Fail
qui dit :
 
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bienheureux, du moins— mais j'espère bien
que sa satire contre Rennes l'empêchera de
monter plus haut dans la hiérarchie céleste —
un bienheureux, le P. Grignion de Montfort, a
fulminé contre Rennes un cantique sévère. De
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Lé Père Grignion de Alonttort fut toujours
prolixe. Citons deux couplets seulement de sa
pieuse chanson, plus pieuse que poétique, se-selon son habitude. « Si Montfort l'eût voulu,
lon son habitude. « Si Montfort l'eût voulu,
dit un de ses biographes, l'abbé Quérard, il
eût peut-être été l'un des plus grands poètes
de son siècle, » Mais, par modestie, sans doute,
comme saint Mathurin qui aurait pu être le
Bon Dieu et ne voulut pas, le Vénérable Mont-Montfort a préféré demeurer un mauvais poète. En
voici la preuve :
fort a préféré demeurer un mauvais poète. En
yoici la preuve :
 
:Tout est en réjouissance,
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À rapprocher de cette satire des ménages
Rennais, cette tradition sur leur mauvaise en-entente, consignée par Noël du Fail :
tente, consignée par Noël du Fail :
 
 
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« À l'abbaie de Saint Melaine près Rennes,
y a plus de 600 ans, sont un costé de lard en-encore tout frais et non corrompu, et néanmoins
core tout frais et non corrompu, et néanmoins
voué et ordonné aux premiers qui, par an et
jour ensemble mariez, ont vescu sans débat,
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froid et sévère de l'ancienne cité parlementaire.
Si les maisons furent rebâties dans un style
uniforme avec un granit gris ou même noirâ-noirâtre qui assombrit la ville, les places du Palais,
tre qui assombrit la ville, les places du Palais,
de l'Hôtel de Ville et les rues avoisinantes sont
dignes d'une grande cité. Mais tout autour...
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cité... »
 
« Le Palais de Justice, affirme Conty, a quel-quelque chose de grandiose. »
que chose de grandiose. »
 
Enfin, conclut Mme de Sévigné, à propos de
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C'est le dernier coup, en effet !
 
Aussi, c'est avec un peu de surprise et beau-beaucoup de joie, que j'ai lu au début d'un livre
coup de joie, que j'ai lu au début d'un livre
récent de M. A. Pigeon, ''Un Ami du Peuple'', ces
aimables lignes que je transcris très volontiers,
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pas surpris de rencontrer, dans une des rues
qui avoisinent le Palais, un contemporain du
comte de Rieux et du maréchal de Montes-Montesquiou... De vieux hôtels, semblables à ceux
quiou... De vieux hôtels, semblables à ceux
qu'on voit encore à Paris dans la rue du Bac
et dans les rues qui l'entourent, forment au-autour du Palais de Justice comme une ceinture
tour du Palais de Justice comme une ceinture
qui le protège. On sent là l'âme d'une époque
où les architectes savaient faire grand... De
graudes portes de pierre, des cours pavées...
Quelquefois une statue rappelant le style de
Coysevox ou de Coustou, un bas-relief enca-encadré dans une façade... Le Palais de Justice, si
dré dans une façade... Le Palais de Justice, si
vaste, si majestueux, avec sa grande salle des
Pas-Perdus... avec ses longs couloirs, avec ses
statues grises et sa porte sculptée est lui-même
comme la fleur d'une époque processive et ba-batailleuse... Les peintures de Jouvenet, de Coypel, d' Érard, de Ferdinand témoignent des
tailleuse... Les peintures de Jouvenet, de Coy-
pel, d' Érard, de Ferdinand témoignent des
 
 
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goûts artistiques des anciens commandants de
la province et rappellent un peu les splen-splendeurs du Louvre et de Versailles.
deurs du Louvre et de Versailles.
 
« Les églises de Rennes, Notre-Dame, Saint-Sauveur et la Cathédrale ont aussi d'anciennes
boiseries, des vitraux, des fragments de tombeaux qui font songer au passé. »
Sauveur et la Cathédrale ont aussi d'anciennes
boiseries, des vitraux, des fragments de tom-
beaux qui font songer au passé. »
 
D'ailleurs, les « agréments de Rennes » ont
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rectifiée inspire jamais un poète.
 
''La Promenade du Canal, à Rennes'', a été chan-chantée encore par le même poète et en un sonnet
aussi, car c'est toujours en sonnets que s'exprime son ''quidquid tentabam''.
tée encore par le même poète et en un sonnet
aussi, car c'est toujours en sonnets que s'ex-
prime son ''quidquid tentabam''.
 
:Charmante promenade aux sentiers frais et lisses,
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:Elle, ma s?ur et moi, nous descendions les Lices.
 
Et, la rime y aidant un peu, — chez Boulay-Paty elle aide beaucoup, à moins qu'elle ne
Paty elle aide beaucoup, à moins qu'elle ne
nuise aux idées, — vous ne serez pas surpris
 
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que la promenade fit leurs ''délices''. Ne fait-elle
pas nos délices, aussi, puisqu'on nous la con-conservée encore ? Car, hélas ! les « promenades »
ne sont pas éternelles et les Rennais d'aujourd'hui peuvent, comme ceux de jadis, pleurer
servée encore ? Car, hélas ! les « promenades »
ne sont pas éternelles et les Rennais d'aujour-
d'hui peuvent, comme ceux de jadis, pleurer
sur le Mail, délicieuse promenade<ref>''Nature'', Sonnet LXXX. </ref> », détruit
de nos jours pour la seconde fois.
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:Le beau qui meurt, poète, à tes pleurs doit s'attendre.
 
Et les pleurs de Boulay-Paty n'ont pas man-manqué au crime des premiers Vandales... Pauvre
qué au crime des premiers Vandales... Pauvre
Mail !
 
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:Sous le marteau disparaître en entier<ref>''Philosophie'', Sonnet LV.</ref>.
 
Vraiment nos pères furent de grands cou-coupables, et si notre ville est si cruellement dé-
pables, et si notre ville est si cruellement dé-
 
 
64 BRETONS DE LETTRES
 
nigrée, c'est qu'ils ont détruit l'œuvre pittopittoresque des aïeux. Et nous-mêmes, s'il y avait
encore des poètes parmi nous, ne devrions-nous pas venger par un sonnet la calme beauté
resque des aïeux. Et nous-mêmes, s'il y avait
encore des poètes parmi nous, ne devrions-
nous pas venger par un sonnet la calme beauté
de nos rues et de nos places que les tramways
à trolley ont détruite à jamais. Boulay-Paty
pleurait ''la Place aux Arbres'' ; ne pourrions-nous
avoir un regret pour 'la Place de la Mairie'', et
refaire, sur la destruction de la Motte, le son-sonnet du poète sur ''la Place aux Arbres<ref>''Nature'', Sonnet XXXVI</ref> :
net du poète sur ''la Place aux Arbres<ref>''Nature'', Sonnet XXXVI</ref> :
 
:Comme à son sein la fille des champs met
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ture, aux rues propres, spacieuses, régulières,
bordées de trottoirs larges et de massives bâ-bâlisses uniformes, de couleur sombre, d'aspect,
hélas ! tout à fait moderne. La Vilaine y mèrite son nom, dans ses quais larges mais inanimés, silencieux et tristes<ref>''En Bretagne, de Saint-Malo à Brest'', May et Motteroz.
lisses uniformes, de couleur sombre, d'aspect,
hélas ! tout à fait moderne. La Vilaine y mè-
rite son nom, dans ses quais larges mais ina-
nimés, silencieux et tristes<ref>''En Bretagne, de Saint-Malo à Brest'', May et Motteroz.
Paris.</ref>. »
 
Un autre<ref>''Zig-Zags en Brelagne'', P. Lethielleux, Paris.</ref> n'est pas séduit davantage par
les « casernes neuves, » par les beaux « quar-quartiers, » par la « lugubre monotonie des angles
tiers, » par la « lugubre monotonie des angles
droits, » par les « embellissements » du goût
moderne qui, avec l'incendie, ont défiguré « la
vieille capitale. »
 
On connaît l'opinion de Mérimée<ref>''Notes de Voyage''.</ref> sur RenRennes : « La manière, le mauvais goût du dix-
huitième siècle déparent presque tous les édifices publics qui, d'ailleurs, construits en granit, offrent une teinte grise, uniforme, à laquelle mes yeux ont de la peine à s'habituer.
nes : « La manière, le mauvais goût du dix-
Il faut cependant reconnaître dans quelques-uns un caractère de grandeur. »
huitième siècle déparent presque tous les édi-
fices publics qui, d'ailleurs, construits en gra-
nit, offrent une teinte grise, uniforme, à la-
quelle mes yeux ont de la peine à s'habituer.
Il faut cependant reconnaître dans quelques-
uns un caractère de grandeur. »
 
Mais l'éloge ne dure guère et Mérimée con-conclut ainsi :
clut ainsi :
 
« On a généralement peu de goût à Rennes,
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Peut-être Mérimée se trouvait-il à Rennes au
moment où l'évêque venait de faire enterrer
un certain nombre de vieux saints de bois, « fa-façonnés de façon tellement grossière qu'ils en
çonnés de façon tellement grossière qu'ils en
étaient grotesques ! » Et je comprendrais alors
sa critique, mais il l'eut atténuée pourtant, si
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vieux saints dans son église et qui les aimait,
donna l'ordre à son bedeau de les cacher dans
le clocher pour les soustraire à la vue de l'évê-évêque proscripteur.
que proscripteur.
 
— Vous n'avez donc pas de vieux saints ici ?
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— Il ne faut pas mentir à Monseigneur ;
nous avions des vieux saints, mais quand ils
ont su qu'on enterrait leurs camarades à Ren-Rennes, ils sont partis pour assister à la cérémonie.
nes, ils sont partis pour assister à la céré-
monie.
 
L'évêque ne put s'empêcher de rire :
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Encore une autre opinion et qui n'est pas
négligeable, d'autant qu'elle est contempo-contemporaine du séjour de Leconte de Lisle. Par une
coïncidence curieuse, au moment où, débarqué à Nantes, il traversait Rennes pour se
raine du séjour de Leconte de Lisle. Par une
coïncidence curieuse, au moment où, débar-
qué à Nantes, il traversait Rennes pour se
rendre à Dinan, Stendhal visitait la « capitale
de la Bretagne. » Voici quelles étaient ses im-impressions de voyageur<ref>''Mémoires d'un Touriste'', II, 43 et seq.</ref> (Juillet 1837) :
pressions de voyageur<ref>''Mémoires d'un Touriste'', II, 43 et seq.</ref> (Juillet 1837) :
 
« Comme je savais que Rennes avait été en-entièrement détruite par l'incendie de 1720, je
tièrement détruite par l'incendie de 1720, je
m'attendais à n'y rien trouver d'intéressant
sous le rapport de l'architecture. J'ai été agréa-agréablement surpris. Les citoyens de Rennes viennent de se bâtir une salle de spectacle, et, ce
qui est bien plus étonnant, une sorte de promenade à couvert, première nécessité dans
blement surpris. Les citoyens de Rennes vien-
toute ville qui prétend à un peu de conversation.
nent de se bâtir une salle de spectacle, et, ce
qui est bien plus étonnant, une sorte de pro-
menade à couvert, première nécessité dans
toute ville qui prétend à un peu de conver-
sation.
 
« On a commencé depuis nombre d'années
une cathédrale, où les colonnes sont, ce me
semble, en aussi grand nombre qu'à Sainte-Marie Majeure, ou à Saint-Paul-hors des murs
Marie Majeure, ou à Saint-Paul-hors des murs
(Rome). Mais, grand Dieu ! quel contraste !
Rien de plus sot que cellecette assemblée de Co-Colonnes convoquée par le génie architectural
lonnes convoquée par le génie architectural
du siècle de Louis XV.
 
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avec beaucoup de richesse. Ces vastes salles
disent bien : nous appartenons à..., ont bien
l'air d'appartenir à un palais: il y a certaine-certainement abus de de rures, les formes des ornements sont tourmentées.
ment abus de de rures, les formes des orne-
ments sont tourmentées.
 
« La grande rue qui passe devant la place
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« À Sainte-Mclaine, l'ancienne cathédrale,
on voit des colonnes engagées, probablement
du XIIe siècle : leurs chapiteaux ont été masmasqués avec du plâtre, pour ménager, dit-on, la
qués avec du plâtre, pour ménager, dit-on, la
pudeur des fidèles.
 
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du XV{{e}} siècle, présente à l'extérieur quelques
ornements gothiques. Parmi les caricatures
sculptées à l'intérieur, on remarque un mar-marmouset tournant le de s, pour ne pas dire plus,
mouset tournant le de s, pour ne pas dire plus,
au grand autel. Quel chemin les convenances
n'ont-elles pas fait depuis ce temps-là !
 
« Une porte de la ville est en ogive, et l'une
des pierres que l'on a employées pour la cons-construire présente une inscription romaine.
truire présente une inscription romaine.
 
« Il faut avouer que ta couleur ''gris-noirâtre''
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LECONTE DE LISLE ÉTUDIANT 69
 
des petits morceaux de granit carrés avec lesquels les- maisons de Rennes sont bâties, n'est
quels les maisons de Rennes sont bâties, n'est
pas d'un bel effet.
 
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qui là est une bien petite rivière ; il me semble
qu'il est tombé depuis. J'ai été fort content
des promenades du Tabor et du Mail. Les pan-pantalons rouges des conscrits, auxquels on enseignait le maniement des armes, faisaient un
talons rouges des conscrits, auxquels on ensei-
gnait le maniement des armes, faisaient un
très bon effet au coucher du soleil ; c'était un
tableau du ''Canatello''.
 
« Je me suis hâté de courir au Musée, avant
que le jour me quittât ; les tableaux sont plaplacés dans une grande salle, au rez-de-chaussée ;
cés dans une grande salle, au rez-de-chaussée ;
une grosse église voisine la prive tout à tait
du soleil ; aussi elle est fort humide et les tatableaux y dépérissent-ils rapidement. J'y ai vu
bleaux y dépérissent-ils rapidement. J'y ai vu
un Guerchin presque tout à fait dévoré par
l'humidité. Dans deux ou trois petites salles,
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ont des yeux singuliers et bien dignes d'être
aimés ; mais, par l'effet de l'humidité, une
joue de Mme de Maintenon venait de se déta-détacher de la toile.
cher de la toile.
 
« Il faut que l'on ait en ce pays-ci bien peu
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70 BRETONS DE LETTRES
 
de goût pour les arts : un Musée aussi pauvre-pauvrement tenu fait honte à une ville aussi riche. »
ment tenu fait honte à une ville aussi riche. »
 
Un peu plus loin, Stendhal, en quittant
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au point de vue gastronomique et l'a louée :
c'est quelque chose. Par malheur, Leconte de
Lisle, au dire de son père, n'avait pas le moin-moindre sensualisme sous ce rapport.
dre sensualisme sous ce rapport.
 
« Rennes, dit le vovageur d'outre-Manche,
est bien bâti. Il a deux belles places, particu-particulièrement celle de Louis XV, où est sa statue.
lièrement celle de Louis XV, où est sa statue.
Le jardin des Bénédictins, appelé le Thabor,
mérite d'être vu.
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table d'hôte à ''La Grande Maison'' est fort bonne.
On y de nne deux services avec abondance de
plats et un ample dessert. Au souper, un ser-service avec un gros gigot de mouton et un autre
bon dessert. Chaque repas avec le vin ordinaire coûte quarante sols et pour vingt sols
vice avec un gros gigot de mouton et un autre
bon dessert. Chaque repas avec le vin ordi-
naire coûte quarante sols et pour vingt sols
de plus on a de bon vin : de sorte qu'avec de
 
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bon vin, ce n'est que 6 livres 10 sols par jour. »
 
Enfin pour terminer cette revue des opi-opinions sur Rennes, longue certainement et pourtant incomplète, on lit dans ''Les Actionnaires'' de
nions sur Rennes, longue certainement et pour-
tant incomplète, on lit dans ''Les Actionnaires'' de
Scribe et Bayard (1829) :
 
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''Piffart''. — Notre pays ! « À tous les cœurs
bien nés... » La plus vilaine ville que je con-connaisse !.. Et nos chers compatriotes, têtus, querelleurs, mauvaises langues !.. C'est égal, le
naisse !.. Et nos chers compatriotes, têtus, que-
relleurs, mauvaises langues !.. C'est égal, le
souvenir de la patrie !... Je vois que tu as fait
comme moi, tu n'as pas pu y rester...»
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Somme toute, les reproches les plus graves
qu'on pût faire à la ville, vers 1840, étaient
ceux-ci, qu'Alphonse Marteville résume sensé-sensément : « Les eaux potables manquent et les
étrangers admirent toujours en riant ce magnifique escalier-fontaine de la Motte<ref>On vient de le transporter pour faire une entrée monumentale au Thabor par la rue de Paris et l'eau y coule maintenant quelque peu et quelquefois dans les cascades.</ref>, qui
ment : « Les eaux potables manquent et les
attend l'eau pour ses cascades. Rennes, en perdant son Parlement, a conservé ses habitudes
étrangers admirent toujours en riant ce ma-
gnifique escalier-fontaine de la Motte<ref>On vient de le transporter pour faire une entrée monu-
mentale au Thabor par la rue de Paris et l'eau y coule main-
tenant quelque peu et quelquefois dans les cascades.</ref>, qui
attend l'eau pour ses cascades. Rennes, en per-
dant son Parlement, a conservé ses habitudes
d'un autre siècle; elle ne peut croire qu'elle
soit le moins du monde destinée au commerce
et se proclame tour à tour, se drapant dans
son apathie, ville d'études, de droit, de garni-garnison. Rennes a beaucoup de propriétaires qui
son. Rennes a beaucoup de propriétaires qui
 
 
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vivent sans travailler, non dans l'aisance, mais
dans la gêne, à l'abri de quelques petits reve-revenus fonciers ou d'intérêts de capitaux... »
nus fonciers ou d'intérêts de capitaux... »
 
Les chemins de ter, l'adduction des eaux,
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leur naissance.
 
Le mieux est de prendre l'opinion d'un con-contemporain, d'un homme sage qui écrivait en
1838, l'année même où Leconte de Lisle se faisait inscrire sur les registres de la Faculté de
temporain, d'un homme sage qui écrivait en
1838, l'année même où Leconte de Lisle se fai-
sait inscrire sur les registres de la Faculté de
Droit. Ce contemporain, cet homme sage, c'est
l'abbé Manet, et son ''Essai sur la Ville de Rennes''
Ligne 2 379 ⟶ 2 278 :
 
serein à trois lieues de là. » Je vous fais grâce
de toutes les facilités de la vie qu'on y ren-rencontre : beurre très estimé, excellent cidre, fort
contre : beurre très estimé, excellent cidre, fort
bons légumes, fruits délicieux et des lièvres
et des lapins et des perdrix et du b?uf qui,
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Manet note encore que « de deux ou trois
points, Rennes se présente assez pittoresque-pittoresquement » et qu'au Thabor, « la vue est magnifique. » Il fait l'énumération des promenades
publiques, ''mais''... et c'est ici que le ''mais'' familier triomphe et pendant près de cinq pages, pleines d'insinuations, qui, sous leur forme
ment » et qu'au Thabor, « la vue est magni-
volontairement vague, ressemblent terrible-
fique. » Il fait l'énumération des promenades
publiques, ''mais''... et c'est ici que le ''mais'' fa-
milier triomphe et pendant près de cinq pa-
ges, pleines d'insinuations, qui, sous leur forme
volontairement vague, ressemblent terrible-
 
 
Ligne 2 411 ⟶ 2 305 :
74 BRETONS DE LETTRES
 
ment à des personnalités. Et c'est sur les hahabitants que tous ces ''mais'' s'abattent. Que voit-on dans ces belles promenades et dans ces
bitants que tous ces ''mais'' s'abattent. Que voit-
on dans ces belles promenades et dans ces
belles places ? Regardez passer tous ces gens,
et Manet les nomme au passage :
 
« Ce pauvre naufragé du déluge révolution-révolutionnaire, marchant le front humilié ; et cet héritier de Robespierre aux mains encore rouges
naire, marchant le front humilié ; et cet héri-
tier de Robespierre aux mains encore rouges
de sang, trottant fièrement, la tête haute, prêt
à cracher au visage des victimes dont il re-regrette de ne pouvoir plus consommer le meurtre : ce professeur émérite dans le noble art
de boire, fléchissant sous l'influence du rameau de gui : et ce cortège bruyant de polissons, saluant d'un haro général ce vieux silène ;
grette de ne pouvoir plus consommer le meur-
tre : ce professeur émérite dans le noble art
de boire, fléchissant sous l'influence du ra-
meau de gui : et ce cortège bruyant de polis-
sons, saluant d'un haro général ce vieux silène ;
ce maigre rentier végétant sans honneurs dans
ses foyers de mestiques ; et ce gros industriel
fou d'un bon dîner ; ce pétitionnaire impor-important renvoyé par les distributeurs des grâces
tant renvoyé par les distributeurs des grâces
au médecin des fous ; et cet être sans nom
dont les grands cercles ne valent pas mieux
que les épicycles ; ces beaux messieurs et ces
belles dames ensevelis sous la dentelle, le ve-velours et le drap d'or ; et ces misérables hères
lours et le drap d'or ; et ces misérables hères
à demi cachés sous leurs guenilles ; ce jeune
insensé, livré à toutes les illusions de l'amour,
qui croit voir dans l'objet aimé un objet di-divin : et cette rustique Galathée qui écoute les
vin : et cette rustique Galathée qui écoute les
 
 
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coquette qui n'a pas songé un seul instant à
embellir de saintes espérances son existence
terrestre ; ce politique turbulent, livré à d'in-interminables discussions, pour trouver quelque
terminables discussions, pour trouver quelque
intermède propre à rapprocher des éléments
inassociables de leur nature ; et ce cacochyme
maladif allongé sur la pelouse, tout occupé de
se remémorer le tissu de ses anciennes puéripuérilités ou d'ajouter de nouveaux rêves à ses es-
pérances invétérées : cette bonne vieille, revenue des joies vulgaires, causant tout bas
lités ou d'ajouter de nouveaux rêves à ses es-
pérances invétérées : cette bonne vieille, re-
venue des joies vulgaires, causant tout bas
dans un coin avec Dieu ; et cette petite déité
d'argile fort satisfaite de sa draperie, de ses
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l'étui de cuir où sont renfermés sa pipe et
son briquet ; et ce priseur au ton doucereux
et emmiellé, vous offrant galamment une pin-pincée de la poudre que contient sa tabatière ;
cet adolescent sans expérience qui pense prématurémenl à asseoir sa vie en prenant femme ;
cée de la poudre que contient sa tabatière ;
cet adolescent sans expérience qui pense pré-
maturémenl à asseoir sa vie en prenant femme ;
et cet ennuyeux barbon lassé de la sienne, qui
ne sait comment s'ingénier pour s'en débar-débarrasser au plus vite ; ce polyphème à moustaches de sapeur, qui, après avoir été en quelque sorte un des dromadaires de l'armée
d'Égypte, est revenu faire mettre des compresses sur ses contusions, par ceux qui l'appelaient jadis tout court Gabriel ; et ce compagnon du Devoir, qui, las d'être une machine
rasser au plus vite ; ce polyphème à mousta-
ches de sapeur, qui, après avoir été en quel-
que sorte un des dromadaires de l'armée
d'Égypte, est revenu faire mettre des compres-
ses sur ses contusions, par ceux qui l'appe-
laient jadis tout court Gabriel ; et ce compa-
gnon du Devoir, qui, las d'être une machine
à fabriquer des clous où des têtes d'épingle,
vient de s'engager, dans l'espoir de devenir un
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qui a des raisons pour se montrer très content
de tout ce qui existe dans notre ordre social ;
et ce modeste boutiquier qui continue de vi-vivoter dans la France comme à son insu ; ce
voter dans la France comme à son insu ; ce
libertin fini qui, n'ayant bientôt plus qu'une
bouche sans lèvres, ne cesse de blasphémer
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frayeurs excessives l'Être infiniment bon,
comme un marmot qui se cache à la vue d'un
objet inconnu : ces grosses tôles d'un fort re-relief qui ne singent pas mal Pasquin et Marforio et ces espèces de cylindres qui ont bien
lief qui ne singent pas mal Pasquin et Mar-
forio et ces espèces de cylindres qui ont bien
de la peine à tenir leurs bretelles affermies sur
leurs épaules ; ces bonnes, rassemblées sur le
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le granit et sur le marbre ; cette esquisse
d'homme dont les péripéties de l'existence sont
le matin et le soir et qui, sentant son infério-infériorité en tout genre, se tient à l'écart comme un
suspect de la fièvre jaune ; et ce malencontreux chanteur faisant dans une longue complainte le récit de ses nombreuses infortunes ;
rité en tout genre, se tient à l'écart comme un
suspect de la fièvre jaune ; et ce malencon-
treux chanteur faisant dans une longue com-
plainte le récit de ses nombreuses infortunes ;
Ce pauvre diable de gentillâtre fier encore de
sa misère native, se vantant à qui voulait l'en-entendre de l'honneur qu'il a eu autrefois de se
tendre de l'honneur qu'il a eu autrefois de se
griser à la table du Président des États. Et
cette vénérable antique comtesse de N*** qui,
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pains au lait ou de babioles, soutenant à qui
mieux mieux les duels de la concurrence dans
leurs appels aux consommateurs ; et ce désœu-désœuvré à la journée travaillant, heureusement en
vain, à ce qu'on puisse dire de ses compatriotes : les joueurs de Rennes<ref>« Mon fils est revenu de Rennes, écrivait Mme de Sévigné ;
vré à la journée travaillant, heureusement en
vain, à ce qu'on puisse dire de ses compatrio-
tes : les joueurs de Rennes<ref>« Mon fils est revenu de Rennes, écrivait Mme de Sévigné ;
il y a dépensé 400 francs en trois jours. »</ref>, comme on disait
jadis les buveurs d'Auxerre, les fainéants de
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particuliers. Chez eux l'honneur ne s'escompte
pas, et s'il est ailleurs des palais où l'argent
est tout, il est là des chaumières où il est re-regardé comme rien. Ils ne se sont pas chargés
de fournir l'Europe d'arlequins et leur coutume n'est nullement de laisser d'un œil sec
gardé comme rien. Ils ne se sont pas chargés
de fournir l'Europe d'arlequins et leur cou-
tume n'est nullement de laisser d'un œil sec
le misérable languir à leur porte pour aller au
théâtre pleurer les malheurs de la famille
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Les Rennais ne sont pas loin, à ce compte,
d'avoir maintenant toutes les qualités, et c'é-
 
 
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abbé, qui dit encore qu'« on se ressent peu, à
Rennes, de l'entêtement indomptable reproché
aux habitants de la partie basse de la pro-province. » La ''partie basse'' est un peu dur ! Si
l'on ajoute que « les belles-lettres y sont cultivées, que les jeunes gens ont du goût pour
vince. » La ''partie basse'' est un peu dur ! Si
le commerce et l'état militaire, qu'ils s'y faisaient moines lorsque c'en était la mode, »
l'on ajoute que « les belles-lettres y sont cul-
Rennes était, vers 1838, comme il est aujourd'hui, un petit paradis terrestre, surtout lorsque l'Adam avait nom Leconte de Liste.
tivées, que les jeunes gens ont du goût pour
le commerce et l'état militaire, qu'ils s'y fai-
saient moines lorsque c'en était la mode, »
Rennes était, vers 1838, comme il est aujour-
d'hui, un petit paradis terrestre, surtout lors-
que l'Adam avait nom Leconte de Liste.
 
Voilà dans quelle ville, peu différente à cette
époque de ce qu'elle avait été aux dix-sep-
 
 
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LECONTE DE LISLE ÉTUDIANT I2S 125
 
En terminant, il demande à M. Henri Heine de
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à leurs tendances particulières, » on pourrait,
peut-être déjà pressentir sous cette formule,
— si peu nette soiTsoit-elle, — la première expres-
sion d'une personnalité qui se cherche et le
rêve d'une réaction contre les devanciers.