« Le Rouge et le Noir/Chapitre VI » : différence entre les versions

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Adolphe ouvrit le livre, lut un mot, et Julien récita toute la page, avec la même facilité que s'il eût parlé français. M. de Rênal regardait sa femme d'un air de triomphe. Les enfants voyant l'étonnement de leurs parents, ouvraient de grands yeux. Un domestique vint à la porte du salon, Julien continua de parler latin. Le domestique resta d'abord immobile, et ensuite disparut. Bientôt la femme de chambre de Madame, et la cuisinière, arrivèrent près de la porte ; alors Adolphe avait déjà ouvert le livre en huit endroits, et Julien récitait toujours avec la même facilité.<br>
« Ah mon Dieu ! le joli petit prêtre », dit tout haut la cuisinière, bonne fille fort dévote.<br>
L'amour propre de M. de Rênal était inquiet ; loin de songer à examiner le précepteur, il était tout occupé à chercher dans sa mémoire quelques mots latins ; enfin, il put dire un vers d'Horace. Julien ne savait de latin que sa bible. Il répondit en fronçant le sourcil : « Le saint ministère auquel je me destine m'a défendu de lorelire un poète aussi profane. »<br>
M. de Rênal cita un assez grand nombre de prétendus vers d'Horace. Il expliqua à ses enfants ce qu'était qu'Horace ; mais les enfants frappés d'admiration, ne faisaient guère attention à ce qu'il disait. Ils regardaient Julien.<br>
Les domestiques étant toujours à la porte, Julien crut devoir prolonger l'épreuve : « Il faut, dit-il au plus jeune des enfants, que M. Stanislas-Xavier m'indique aussi un passage du livre saint. »<br>
Le petit Stanislas, tout fier, lut tant bien que mal le premier mot d'un alinéa, et Julien dit toute la page. Pour que rien ne manquât au triomphe de M. de Rênal, comme Julien récitait, entrèrent M. Valenod, le possesseur des beaux chevaux normands, et M. Charcot de Maugiron, sous-préfet de l'arrondissement. Cette scène valut à Julien le titre de monsieur ; les domestiques eux-mêmes n'osèrent pas le lui refuser.<br>