« Du gouvernement représentatif en France/05 » : différence entre les versions

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L’intelligence ne fut jamais plus hardie et jamais plus authentiquement impuissante. Elle ne peut s’asseoir en paix au sein des ruines qu’elle a faites, et ses vacillantes lumières semblent rendre ses défaillances plus éclatantes et ses ténèbres même plus visibles. A ces tourmens de l’ame privée de la foi, son aliment nécessaire, ajoutez, pour notre société française, les excitations de toute nature sorties de ces bouleversemens, les plus prodigieux qu’ait vus le monde ; mesurez tout ce que doit engendrer de scepticisme la vue de si éclatantes catastrophes, celle de si rapides fortunes, les unes maintenues et consolidées par l’oubli de tous les engagemens, les autres s’abîmant en un jour, et ne laissant pour morale après elles que la nécessité de jouir vite et de profiter des chances heureuses ; comprenez les vicissitudes d’une société où chacun est contraint de se faire sa place, sous peine de n’en pas trouver, et soyez surpris de cette agitation universelle qui ôte à l’honneur ses susceptibilités, à l’ambition sa patience, au talent sa maturité, au foyer domestique la sainteté de son repos !
 
Vous ê
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tesVous êtes défendus, monsieur, contre cette activité dévorante par une puissante organisation politique et des mœurs en harmonie avec elle ; vous avez à lui jeter en pâture le commerce du monde, un gigantesque empire aux Indes et une colonisation organisée jusqu’aux extrémités de la terre ; ressources que nous n’avons pas, et dont nous userions, d’ailleurs, moins bien que vous. Nation d’agriculteurs et de soldats, la France vit dans ses frontières sans exposer sa fortune aux quatre vents du ciel, et rien ne la détourne de ces crises intérieures qui chez elle n’ont d’issue que la voie terrible des révolutions.
 
Si un élément d’universelle tempérance ne s’introduit dans nos mœurs pour les modérer, je ne saurais comprendre que la société pût résister long-temps à la pression exercée sur elle par les efforts continus de toutes les individualités. Or, ce principe, quel peut-il être, sinon la religion, qui seule règle les mouvemens du cœur de l’homme, et domine les inspirations de sa volonté ?
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Le catholicisme a traversé les phases les plus diverses, tantôt exerçant la puissance suprême que lui déféraient les peuples unanimes alors dans leurs croyances, tantôt ne réclamant que sa place au soleil. Il a supporté les périls des persécutions sanglantes et ceux non moins redoutables des triomphes corrupteurs ; et ce qu’il y a d’universel dans son essence lui permet de tout accepter, hors un régime où sa discipline ne relèverait pas de la seule autorité qu’elle reconnaisse dans l’ordre de la conscience, autorité interprétative du dogme aussi bien que gardienne de la hiérarchie, et qui n’est pas moins dans son droit lorsqu’elle règle, selon la différence des temps, les relations du sacerdoce avec les puissances, que lorsqu’elle définit la doctrine selon des bases invariables. Toute transaction à cet égard serait, à ses yeux, l’abdication même de la pensée qu’elle exprime. A la politique, le siècle et ses révolutions ; à la religion, l’ame humaine, en tout ce qui touche au mystère de ses destinées éternelles ; c’est ce partage qu’il faut savoir accepter pour être pleinement en droit d’interdire au clergé toute excursion en dehors de son domaine, toute immixtion dans les questions de souveraineté extérieure. Pour l’avoir méconnu, Joseph II et Guillaume de Nassau ont vu le même trône se dérober sous eux ; un prince respecté de l’Europe compromet une réputation de prudence long-temps méritée, et un souverain qui promène sa superbe pensée de Varsovie à Constantinople, se prépare des obstacles dont le moment viendra de mesurer toute la gravité.
 
Que le gouvernement de 1830 s’attache à se concilier le clergé catholique, moins par un système de faveurs et de déférence que par le respect constant de son indépendance spirituelle ; qu’il sache comprendre surtout quelle haute importance une telle attitude habilement prise lui donnerait, en certains cas, dans ses relations diplomatiques, et qu’en un temps où le droit des consciences est si imprudemment, menacé, il se montre à l’Europe comme le repréreprésentant
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sentant de la liberté religieuse en même temps que de la liberté politique.
 
C’est en étant à la fois loyal et ferme dans ses rapports avec un corps auquel le droit commun sied aujourd’hui mieux que la puissance, qu’il poussera des racines dans le cœur des peuples. En osant être juste, ne fût-ce que dans l’intérêt de sa politique et de son influence au dehors, il pourra sans doute, contrarier certains hommes, moins odieux pour n’avoir pas de croyances que pour vouloir attenter à celles des autres, et peut-être aura-t-il à lutter jusque dans les rangs de ses amis contre des repoussemens dissimulés sous des souvenirs de légalité parlementaire ; mais, s’il sait comprendre sa mission, il résistera à des traditions hypocrites et bâtardes, et, se posant devant l’Europe comme l’observateur scrupuleux de tous les principes proclamés par lui, il laissera se développer dans toute sa hauteur une pensée assez féconde, pour que les peuples de la terre viennent encore se reposer à son ombre.